FORUM CRITIQUE DU KALACHAKRA
“Kalachakra” (sanskrit) signifie “roue du temps” et est aussi le nom du dieu du temps tibétain le plus puissant. Le tantra du Kalachakra est considéré comme étant le plus récent des textes révélés (10e siècle) et est considéré par les lamas comme étant l’apogée de tous les systèmes bouddhistes.
Depuis plus de 25 ans, des centaines de milliers de personnes ont reçu une consécration à travers le tantra du Kalachakra par le 14e Dalaï-lama. Parmi elles, on compte de nombreux Indiens ne savant ni lire ni écrire. Mais également en occident, les participants et participantes “instruit(e)s” savent à peine quel est l’enjeu réel de ce rite car en marge des éléments connus par le public il contient une partie gardée sévèrement secrète. Seules, les sept premières étapes de l’initiation sont publiées ouvertement par le 14e Dalaï-lama ; les huit étapes supérieures restent top-secrètes.
Aucun prospectus, aucune brochure ou annonce, pas plus que les nombreuses déclarations du 14e Dalaï-lama lui-même ne parlent des rituels secrets pratiqués au cours de ces huit dernières étapes. Pour le public, le tantra du Kalachakra apparaît comme une contribution à la paix mondiale digne et exaltante pour l’esprit ("Kalachakra for World Peace") et stimulant la compassion envers tout être vivant, le dialogue inter-religieux, la tolérance entre les peuples et les races, une prise de conscience écologique, l’égalité des sexes, la paix des cœurs, l’épanouissement de l’âme et le bonheur suprême pour le troisième millénaire. L’ensemble est couronné par une devise venant de la bouche du 14e Dalaï-lama: "Because we all share this small planet earth, we have to learn to live in harmony and peace with each other and with nature." (Etant donné que nous partageons tous ensemble cette petite planète, nous devons apprendre à vivre en harmonie et en paix ensemble et avec la nature). Cette haute initiation tantrique au très spécifique lamaïsme tibétain est la consécration “d’une rencontre pour la paix mondiale déterminante pour les cultures et les religions”.
Cependant, le tantra du Kalachakra et le mythe du Shambhala sont-ils vraiment pacifiques ? Encouragent-ils vraiment une cohabitation harmonieuse entre les êtres humains ? Contribuent-ils réellement à la liberté et à la justice, à l’égalité des sexes, à la tolérance religieuse, à l’entente entre les peuples ? Sont-ils un apport global politico-humaniste, démocratique et non-violent à la paix dans le monde ?
Depuis quelques années, le bouddhisme tibétain, l’histoire du lamaïsme, les conditions de vie parmi les Tibétains en exil et le 14e Dalaï-lama lui-même se retrouvent sous le feu des critiques qui ne viennent pourtant pas cette fois-ci du côté chinois. En effet, des historiens américains remettent en question les louanges portées à l’histoire tibétaine (Melvin C. Goldstein, A. Tom Grundfeld). Des tibétologues critiques accusent la tibétologie officielle de manipulations ciblées (Donald S. Lopez Jr.). Des chercheurs spécialisés dans l’étude du bouddhisme tibétain examinent l’influence de l’idéologie s’étant développée fortement à travers le « mythe du Tibet » grâce à l’aide des lamas (Peter Bishop). Des politiciennes réputées ont dû se rendre à l’évidence après avoir vu de leurs propres yeux qu’il n’existait pas de “génocide” provoqué par les Chinois contrairement à ce qu’affirment encore et toujours les Tibétains en exil (Antje Vollmar, Mary Robinson). D’anciennes bouddhistes dénoncent, en toute connaissance de cause, l’oppression et l’abus systématiques et raffinés subis par les femmes dans le bouddhisme tibétain après l’avoir vécu elles-mêmes ce qui leur permet de posséder une connaissance profonde de la question (June Campbell). Des psychologues et des psychanalystes examinent le côté agressif et morbide de la culture lamaïste (Robert A. Paul, Fokke Sierksma, Colin Goldner). Depuis 1997, des personnes appartenant à la suite personnelle du Dalaï-lama ont apporté des preuves accablantes de l’intolérance, de la superstition et de l’autocratie régnant au sein du bouddhisme tibétain (affaire Shugden). L’univers des rites lamaïstes a également rencontré une critique sévère. Les intentions humanistes, pacifiques, tolérantes et œcuméniques du tantra du Kalachakra et du mythe du Shambhala sont remises en question par une vaste étude (Victor et Victoria Trimondi). Des émissions télévisées allemandes, suisses et autrichiennes ont également émis de fortes critiques à l’envers du 14e Dalaï-lama et de son système basé sur la magie (Panorama, 10 nach 10, Treffpunkt Kultur). Lors de la visite du « prince de l’église » tibétaine à Munich (mai 2000), la décision des « pro- Dalaï-lama » d’inviter le « roi-dieu » tibétain à une manifestation de grande envergure provoqua même une division au sein du SPD (parti socialiste allemand) et partagea l’ensemble de la presse. Les reproches suivants lui furent entre autres adressés : modèle de pouvoir non démocratique et autocratique ; oppression de toute opposition politique ; répression des minorités religieuses ; décisions politiques par décrets personnels sans dialogue ni discussion ; falsification consciente de l’histoire du Tibet ; relations non critiquables à ses yeux avec d’anciens SS et avec des néo-nazis ; diffamation des critiques ; rites antiféministes. Un aperçu détaillé des critiques se trouvant dans la presse peut être consulté sous medien.html.
Voici quelques-uns des points abordés par les critiques du tantra du Kalachakra et du mythe du Shambhala et pouvant être discutés sur le site du forum critique du Kalachakra :
- Les non-initiés n’ont pas le droit d’être informés sur les rites secrets du tantra du Kalachakra sous peine de châtiments corporels et moraux dignes du Moyen-Âge. Celui qui divulgue ces secrets occultes verra “sa tête et son cœur éclater” et grillera dans les enfers les plus profonds. Cette manière de procéder est justifiée par le fait que dans les huit dernières étapes de l’initiation apparaissent des éléments qui sont contraires aux valeurs humanistes (Michael Henss –Kalachakra – ein tibetisches Einweihungsritual (un rite initiatique tibétain)– Zürich 1985, 46).
- Le tantra du Kalachakra est tout sauf pacifiste car il prophétise et encourage de façon idéologique une guerre de religion sanglante entre bouddhistes et non-bouddhistes pour la domination du monde (mythe du Shambhala).
- Le texte nomme explicitement les leaders des trois religions monothéistes (le judaïsme, le christianisme et l’islam) comme étant les adversaires du bouddhisme:“Adam, Hénoch, Abraham, Moïse, Jésus, celui en habit blanc (Mani), Mohamed et Mathani (le Mahdi)”. Le tantra du Kalachakra les décrit comme “la famille des serpents démoniaques” (Shri-Kalachakra I. 154).
- Ainsi le tantra du Kalachakra se positionne contre toutes les religions ayant des racines sémites et a été, pour cette raison, utilisé par des cercles antisémites radicaux de droite pour leur propagande raciste.
- Le Tantra du Kalachakra jure une guerre totale entre le monde islamique et le monde non-islamique lors de laquelle les disciples de Mohamed seront présentés comme les ennemis principaux des bouddhistes. Dans le texte original, la Mecque est décrite comme la résidence de « l’idole puissant et impitoyable des barbares », « l’incarnation du démon » (Shri Kalachakra I. 154). Ainsi d’après l’adversaire principal du prochain roi du Shambhala, Rudra Chakrin “tourneur courroucé de la roue”, nous apprenons qu’ils sont également nommés mleccha ce qui signifie “barbares” mais également “habitants de la Mecque”. Un autre commentaire du Kalachakra appelle Rudra Chakrin le “meurtrier des Mlecchas”.
- Sur de longues pages, le tantra du Kalachakra décrit avec énormément de détails les puissantes armes meurtrières dont dispose l’armée du Shambhala bouddhiste contre “les ennemis de la doctrine” (Shri Kalachakra I. 128-142). Les lamas, commentateurs de ces équipements militaires imaginaires, s’adonnent à de spectaculaires comparaisons avec des armements du 20e et 21e siècle.
- La conduite de la guerre dans les batailles du Shambhala ne s’aligne manifestement pas sur les droits des peuples mais compte d’après le texte original pour être “impitoyable” et “horrible”. “Les combattants – bouddhistes –extrêmement brutaux terrasseront et élimineront les hordes barbares” (Shri Kalachakra I. 163-165).
- Tous les participants à une initiation au rite du Kalachakra ont le « droit » douteux de se réincarner en “soldat du Shambhala” afin de combattre dans la bataille finale annoncée en tant que fantassin ou officier. Les postes de commandement ont déjà été assignés aux réincarnations de lamas de haut rang (E. Bernbaum – Le Chemin vers Shambhala – A la recherche du Merveilleux Royaume dans l’Himalaya – Hambourg 1982, 252, 35).
- D’après une vision du lama tibétain Kamtrul Rinpoche, le Dalaï-lama lui-même réincarné conduira, en chef courroucé (Rudra Chakrin), les armées bouddhistes dans la bataille du Shambhala afin de prendre le pouvoir sur “tout le Mal de l’univers”. Les propagandistes du tantra du Kalachakra défendent un culte primitif du martyr ressemblant au culte des combattants de la Djihad musulmane : L’entrée au paradis du Shambhala est garantie à celui se faisant tuer lors de la guerre du Shambhala (E. Berbaum – Le Chemin vers Shambhala – A la recherche du Merveilleux Royaume dans l’Himalaya – Hambourg 1982, 253).
- Le tantra du Kalachakra encourage à tous les niveaux une façon de penser et d’agir stimulée par la présentation d’ennemis et la propagation de la guerre entre le « Bien » et le « Mal », entre les « croyants » et les « non-croyants » contrairement à l’enseignement initial du Bouddha originel (Theravada) et des exigences éthiques du bouddhisme mahayana.
- Le tantra du Kalachakra comprend une politique bouddhocratrique. Cette politique est encore plus «théocratique» du point de vue des droits publics que celle suivit par les fondamentalistes musulmans car le ‘Chakravartin’ (roi du monde) est considéré comme « l’incarnation » ou « l’émanation » directe du Bouddha suprême (Adi-Bouddha) et est présenté comme un dieu-homme en voyage sur la terre alors que le calife n’est que le « représentant » de dieu (Allah) sur terre et n’a même pas droit au titre de prophète.
- A la tête de l’état autoritaire et « bouddhocratrique » du Kalachakra siège sur le “trône du lion”un “roi-prêtre” aux pouvoirs religieux, politiques, juridiques et militaires absolus (Chakravartin). La “séparation des pouvoirs civils” est dans cet état une notion totalement inconnue. Celui qui connaît les droits institutionnels liés à la position du Dalaï-lama du Tibet traditionnel (jusqu’en 1959) sait que cette fonction de “roi-dieu” est celle d’un Chakravartin en miniature. Les réformes, bien que discutables, pour la démocratie mises en place par le 14e Dalaï-lama parmi les Tibétains en exil sont réduites à néant par les conséquences politiques et ‘bouddhocratiques’ découlant du tantra du Kalachakra.
- La prétention à une domination mondiale „bouddhocratrique“est une exigence explicite du tantra du Kalachakra. Là aussi, nous avons une correspondance fondamentale avec les prétentions de domination mondiale de l’Islam. Si les deux systèmes devaient s’affronter dans un conflit final en tant qu’ennemis mortels, ce serait le résultat logique de leurs absolutismes autant théocratiques que „bouddhocratriques“.
- Les visions « bouddhocratiques » modernes concernant l’ensemble de la planète et étant acceptées par le 14e Dalaï-lama reposent sur le tantra du Kalachakra. Voir à ce sujet le livre de Robert A. Thurmans « La Révolution par l’Intérieur – Les Doctrines du Bouddhisme ou le Bonheur Parfait » paru en 1999 dans lequel l’auteur développe la théorie de l’univers bouddha (buddhaversum). En 1979, Thurman, considéré par le Time-Magazine comme étant le “porte-parole du Dalaï-lama” aux USA, voyait dans un rêve le “prince de l’église” tibétaine en tant que “dieu du temps” trônant au sommet de l’hôtel Astoria Waldorf à New York pendant qu’“une légion de notables – de maire, de sénateurs, de chefs d’entreprises et de rois, de cheiks et de sultans, de célébrité et de stars”tourbillonnaient autour de lui entraînés par 722 divinités dansantes – du tantra du Kalachakra– comme un essaim d’abeilles dans un énorme rayon de miel.”
- Dans les sphères secrètes des étapes supérieures de l’initiation, le tantra du Kalachakra exige une soumission inconditionnelle et illimitée à la volonté du gourou (dans ce cas, au Dalaï-lama comme maître suprême du Kalachakra). Le “moi conscient” et la personnalité de l’initié sont effacés progressivement afin de transformer celui-ci en un vase humain rempli en partie par des divinités guerrières et agressives tantriques et autres êtres de nature bouddhiste. Dans le tantra du Kalachakra, on ne trouve donc ni « l’ennoblissement », ni la « sublimation » ou « l’intégration » de l’individu mais plutôt sa « destruction » au profit d’un modèle religieux codifié.
- Dans les huit dernières étapes secrètes de l’initiation au tantra du Kalachakra,l’initié doit être transporté au-delà de la conscience du bien et du mal à l’aide d’un entraînement mental et physique extrême. C’est pourquoi le texte original encourage des actes criminels et violents comme : tuer, mentir, voler, détruire des mariages, abuser de l’alcool, avoir des relations sexuelles avec des jeunes filles de classes inférieures. Comme dans tous les autres tantras, cela peut être interprété aussi bien symboliquement que littéralement. Même le 14e Dalaï-lama légitime le meurtre perpétré par un adepte du Kalachakra dans des circonstances précises contre “une personne qui porte préjudice à la doctrine bouddhiste” et qui se prépare à commettre des actes monstrueux et sinistres. Il demande, cependant, que ce meurtre se fasse avec “compassion” (Dalaï-lama – The Kalachakra Tantra – Rite of initiation – London, 1985, pp. 348ss.). Cette déclaration rompt avec l’interdiction absolue exprimée dans le bouddhisme originel.
- Dans les plus hautes initiations magiques, on emploie des “substances” dites “malpropres”. Le tantra du Kalachakra recommande la dégustation de viandes de diverses sortes d’animaux tabous. Même la chair humaine (maha-mamsa) est employée comme substance pour le rite. D’après les commentaires traditionnels du Kalachakra venant du grand maître tantrique et roi du Shambhala, Pundarika, cette viande humaine provient habituellement de personnes « étant mortes au combat à cause de leur mauvais karma ou ayant été tuées suite à des fautes personnelles » et il ajoute que la prise de ces substances sous forme de pilules est recommandée. La chair d’innocents tombés en martyr, tués par crainte lors d’un culte des ancêtres, tués par envie (par l’appât du gain) ou pour un salaire est entachée d’un “indescriptible péché” et ne peut être utilisée pour le rite. “Mais si une partie tombe non intentionnellement dans l’aumônier, ce n’est pas un péché indescriptible” – et peut, par conséquent, être utilisée (In : John Ronald Newman – The outer wheel of time: Vajrayana buddhist cosmology in the Kalacakra Tantra – Madison 1987, 266 s.).
- Le tantra du Kalachakra possède de nombreuses facettes à caractère morbide. Enormément d’objets utilisés lors des cérémonies rituelles proviennent de personnes décédées (comme des récipients fabriqués à partir de crânes humains, des trompettes en tibias, des chaînes en os). Déjà un coup d’œil sur la grande Thangka Kalachakra (tapisserie) qui sera suspendue durant toute la cérémonie au-dessus du trône du Dalaï-lama peut convaincre du caractère furieux de ce rite. Le dieu du temps “Kalachakra” et son épouse, la déesse du temps “Vishvamata”, s’unissent debout dans l’acte sexuel et tiennent dans leurs 32 mains un total de 24 objets de nature agressive, morbide et guerrière (épée, hachoir, tambour et récipients fabriqués à partir de crânes humains, une sorte de sceptre dont la pointe est garnie de trois têtes de mort, etc.).
- Lors des étapes supérieures et secrètes de l’initiation au tantra du Kalachakra,des rites sexuels magiques ont lieu dont le but est de transformer la “sexualité” en puissance temporelle et spirituelle. Les femmes, réelles ou imaginaires (les deux sont possibles) représentent des formes d’énergies précises dans lesquelles l’âge joue un rôle prépondérant. Le rite commence avec des fillettes âgées de dix ans. Jusqu’à leur vingtième année, les partenaires sexuelles représentent des vertus positives. Au-delà, elles comptent comme porteuses d’énergies de colère, de haine, etc. et comme femmes-démons. Dans les étapes initiatiques 8 à 11 du tantra du Kalachakra, l’expérimentation se fait avec une “seule” femme. Pour les étapes 12 à 15 appelées le Ganachakra, dix femmes participent au rite aux côtés du maître. L’élève a le devoir d’offrir les femmes comme “présent” à son lama. Les “laïcs” se faisant initier doivent amener leurs parentes féminines (mère, sœur(s), épouse, fille(s), tante(s) etc.). “Si l’élève n’offre pas ses compagnes au maître dans le but de les protéger, le maître n’est pas autorisé à pratiquer le rite”(cf. Mûlatantra Kalachakra). En revanche, les moines ayant reçus la consécration ainsi que les novices peuvent utiliser des femmes de diverses castes qui ne sont pas leurs parentes. Dans le rite secret lui-même, les participants font des expériences avec les semences masculines et féminines (sperme et menstruation). Dans le tantra du Kalachakra, les femmes ne sont pour l’initié masculin que des donneuses d’énergies et leur rôle cesse à la fin du rite (cf. Nâropâ – Iniziazione Kâlacakra – Roma 1994).
- Le tantra du Kalachakra a un caractère particulièrement agressif et destructif dans l’ère actuelle qui, d’après l’enseignement du lamaïsme, se précipite vers son naufrage apocalyptique (Kali-Yuga). Il contient des rites spéciaux destinés à accélérer la destruction du monde à l’aide d’actes symboliques et de certaines méditations. “Qu’est-ce que le Kalachakrayana (le ‘chemin du Kalachakra’) ? » demanda l’Indien Shashi Bhusan Dasgupta, l’un des meilleurs spécialistes tantriques ; Il répondit aussitôt à sa question par cette phrase en disant long : “Le mot Kala signifie ‘temps’, ‘mort’ et ‘destruction’. Kala-chakra signifie roue de la destruction.”
Voici seulement quelques-uns des problèmes soulevés par les critiques contre les tantras du kalachakra – et contre le mythe du Shambhala. Ils devraient suffire pour remettre en question le caractère humaniste, tolérant, serein, libre et œcuménique étant encore mis en relation avec ce rite. Un fait certain est que le mythe du Shambhala pour autant devenu significatif au niveau historique et idéologique a conduit à des comportements extrêmement agressifs, à des visions mégalomanes, à des théories de conspiration et à des actes de terrorisme. Mais surtout, ces textes exercent une fascination particulière sur les groupes néonazies qui n’ont pas manqué de les exploiter.
- Au début des années 20 pendant les guerres entre Russes blancs, bolchevistes et Mongoles, le mythe du Shambhala fut lié à l’image du réveil Dschinghis-Kahn. Dans ce conflit, les Mongoles se sont identifiés aux “guerriers du Shambhala”. Leurs actions militaires furent extrêmement sanglantes.
- Julius Evola, le fasciste et philosophe italien de l’extrême droite, vis dans leroyaume mythique du Shambhala le centre ésotérique d’une caste guerrière sacrée et crût y trouver le palais du roi du monde ayant la croix gammée comme marque d’autorité. Il tenait ce genre de discours devant le « SS-Ahnenerbe ».
- Dans la littérature occulte des “mystères nazis”, certains “maîtres” duShambhala sont présentés comme des acteurs travaillant dans l’ombre à la création “magique” du régime NS (national socialisme) (Trevor Ravenscroft, Louis Pauwels et Jacques Bergier).
- Pour l’idéologie SS clandestine de l’après-guerre et dans le “mysticisme SS” des années 90, le royaume mythique du Shambhala sert de refuge à une “religion nazie” agressive et morbide (Wilhelm Landig, Jan van Helsing).
- Le mythe du Shambhala constitue la pièce maîtresse de « l’hitlérisme ésotérique ». Il s’agit là d’une doctrine occulte, mondialement répandue, du diplomate chilien Miguel Serrano et de l’Indienne Savitri Devi (“prêtresse d’Hitler”).
- Le lama tibétain Chögyum Trungpa (1940-1987) fonda en Occident grâce à son concept du combattant du Shambhala les bases d'un "bouddhisme guerrier" potentiel tel qu'il est connu dans de grandes zones de l'Asie de l'Est. Au lieu de vivre dans des monastères, les Shambhala Warriors de Trungpa vivent dans des camps militaires, ils ajoutent à leurs méditations des parades militaires, le bol du mendiant a été remplacé par une arme et la robe de moine par un uniforme militaire. Le maître lui-même ne se déplace plus dans le style bouddhiste, avec une robe monastique jaune et rouge, un bâton de promenade et des sandales, mais chevauche sur un cheval blanc (en accord avec la prophétie apocalyptique du Tantra de Kalachakra) avec un bonnet pointu, une tunique et de hautes bottes. Le blason de Shambhala peut être vu sur la selle du cheval avec une photo du Trungpa martial.
- Le mythe du Shambhala constitua la base idéologique et terroriste du gourou japonais de la fin des temps Shoko Asahara. Ses visions apocalyptiques s’inspirèrent des enseignements du tantra du Kalachakra. Il envisagea d’accélérer les événements de l’avènement de la guerre du Shambhala et justifia de ce fait son attentat au gaz sarin dans le métro de Tokyo. Asahara fut le premier chef de secte a dirigé ses meurtres contre des personnes étrangères à son organisation et ouvra ainsi la voie au terrorisme religieux international qui est devenu aujourd’hui le thème numéro un de toute la communauté mondiale.
Même si ces actes fascistes et terroristes sont issus d’interprétations erronées du mythe du Shambhala, cela devrait être du devoir du 14e Dalaï-lama et de ses adeptes de rendre public le rite du Kalachakra dans tous ces détails, de corriger les déformations, les projections, les abus du rite et de se distancer ouvertement des contenus posant problème ou même de les supprimer des textes traditionnels. Au lieu de cela, on a pu observer dans le passé plusieurs rencontres amicales entre le “prince de l’église” tibétaine et d’anciens SS (Heinrich Harrer, Bruno Beger), avec le fondateur de “l’hitlérisme ésotérique”, Miguel Serrano, ainsi qu’avec le terroriste Shoko Asahara que le Dalaï-lama a d’ailleurs, même après l’attentat de Tokyo, qualifié « d’ami, quoique imparfait ». Ce n’est que plus tard qu’il prendra ses distances par rapport à lui.
Le Dalaï-lama dirigeant le rituel du Kalachakra
En effet, au travers du charisme du Dalaï-lama, de ses démarches, de ses discours et de ses écrits, apparemment politico-humanistes, s’opère une gigantesque importation de la culture orientale en occident, le tout accepté sans réflexion approfondie. Dans cette idéologie, on peut voir des courants ayant servi de base à des fondamentalistes de divers camps et pouvant encore servir comme tel dans le futur. Le leader bouddhiste interpelle l’homme dans son profond besoin d’harmonie et de paix. Cependant la propre histoire du lamaïsme, le contenu des tantras et la nature des rituels ainsi que les conditions parmi les Tibétains en exil sont tout sauf paisibles et harmonieux. Dans le tantra du Kalachakra, certains passages appellent ouvertement à “la guerre de religion” et ont un caractère intolérant et agressif. Le bouddhisme tibétain est un système religieux archaïque reposant sur la magie et que les occidentaux n’ont pas encore commencé à sonder, ni à expliquer. C’est aussi la raison pour laquelle les mouvements d’extrême droite le trouvent tellement attrayant. Des siècles durant, le système lamaïste a conduit à une injustice sociale que tout citoyen attaché à la liberté est en devoir de rejeter. L’égalité des sexes, la volonté de démocratie et la rencontre œcuménique sont des notions étrangères au bouddhisme tantrique, même si, en apparence, le 14e Dalaï-lama propage les idées contraires.
Comme réaction aux événements du 11 septembre 2001, le journal ‘Der Spiegel’ a dénoncé dans un article intitulé “Le fanatisme religieux : le retour au Moyen-Âge » le contenu agressif et le courant fondamentaliste des trois religions monothéistes. Comme si souvent lors de critiques culturelles, la religion bouddhiste est restée épargnée, à tort étant donné que tous les thèmes critiqués dans l’article (la lutte contre les incroyants et les dissidents, les guerres de religion, le délire des armes, la vision de puissance théocratique, les prévisions apocalyptiques, l’antiféminisme, etc.) se retrouvent dans le tantra du Kalachakra avec une force beaucoup plus puissante.
Le Forum Critique du Kalachakra (FCK) réclame un grand débat culturel sur le tantra du Kalachakra et sur le mythe du Shambhala. Le FCK rassemble des informations, distribue des documents, réalise des traductions.
© Victor & Victoria Trimond
Sur le karma et la réincarnation
http://www.geocities.com/Athens/Forum/2359/
Réponse :
Merci de votre question, claire et précise.
Merci également de vos remarques et appréciations.
Vous avez tout à fait raison de vous interroger, car cette notion est effectivement pleine de nuances, me semble-t-il.
Toutd'abord, je voudrai rappeler que la notion de karma est d'abord unenotion, une conception, c'est-à-dire un modèle dans lequel un groupeculturel a reconnu une certaine valeur comme répondant pertinemment àcertaines interrogations sans entrer en conflit avec les autreséléments du système philosophique de référence (en l'occurrence lebouddhisme, ou la philosophie indienne primitive, telle qu'elle s'estdéveloppée, il y a 25 à 27 siècles de cela).
Ily a fort à penser que les connaissances philosophiques de l'époqueétaient suffisamment étendues pour croire que d'autres conceptions ontpu se présenter aux indiens de l'époque, notamment par les vagues demigrations venant de la Mésopotamie (et qui apportèrent, par exemple,la pensée de Zoroastre depuis l'Iran). Toutefois, nonobstant cesinfluences, mais que l'on pourrait également appeler "informations ",les indiens ont développé et conforté cette notion de karma.
Ensuite,il y a avec cette notion de karma deux notions qui ne découlent pasforcément l'une de l'autre et qui sont toujours indissociablementliées, consciemment ou inconsciemment. Le karma, c'est d'abord l'idéeque les actes d'aujourd'hui ont des conséquences qui peuvent s'exercerdans le futur indéfiniment, ou durablement. A rebours, le karma permetd'extrapoler que les actes d'aujourd'hui peuvent être les effetsd'actes antérieurs.
Sila première affirmation (le karma, ce sont que les actes d'aujourd'huiont des conséquences qui peuvent s'exercer dans le futur ), ne pose pasde grands problèmes, pour peu que l'on soit un peu sensible, un peuattentif aux choses, les actes d'aujourd'hui ont des conséquences quipeuvent être largement prévisibles dans le futur. Avec le sens del'anticipation, le souci du devenir, il est possible d'orienter cesactions pour obtenir des effets les meilleurs possibles. Vous me direz,est-ce spécifiquement bouddhique cela ? Est-ce que ce n'est pas ce quetoutes les personnes un peu astucieuses parviennent parfaitement àfaire ? Oui, c'est pour cela qu'il me semble que le bouddhisme, n'estpas une technique pour s'assurer personnellement une meilleure viepossible dans son devenir. Il y a quelque chose de plus. Il y a mêmesans doute quelque chose de moins, puisque s'assurer de bonnesconséquences paraît en définitive assez vain, si ce n'est là que le butde ses propres actions, même si cela est déjà une bonne démarche à labase.
Quelest donc ce tout petit plus ? Eh bien, c'est l'idée que s'assurer deseffets propices ne serait d'une utilité toute relative s'il devaitdemeurer de la "souffrance " (dukkha). C'est là que le bouddhisme poseune différence radicale.
Ladeuxième affirmation (le karma permet d'extrapoler que les actesd'aujourd'hui peuvent être les effets d'actes antérieurs), est moinsévidente. En effet, il n'est pas toujours facile de reconnaître dansles événements que nous vivons une conséquence d'actes antérieurementeffectués. De plus, il faut se garder de schémas qui ont tendances àqualifier cette mécanique et qui ont toujours une grande force à lafois culturelle et psychologique. Ces tendances interprétatives, qu'onpeut appeler "le retour de bâton ", consiste en approches de cettenotion uniquement sous l'angle d'une faute qui engendre une sanction.Ces tendances n'appartiennent pas au bouddhisme. Il n'est pas questionde qualifier le karma en tant que phénomène et même à la limite, iln'est pas question de qualifier les actes en eux-mêmes commeintrinsèquement bons ou mauvais, pour reprendre une dichotomie sirépandue. Vous voyez qu'alors les automatismes, qui eux sont karmiques,se mettent en branle tout seul et conduisent à agir ou réagir enfonction d'un schéma pré-établi ou, en tout cas, toujours récurent(pression, dépression, frustration-compensation, etc …).
Qu'est-ce qui est karmique demandez-vous ?
Ehbien à chaque fois qu'on s'abandonne à ses émotions, à ses passions, àson pathos bien intime, à ses inclinations, et cela peut avoir le plussouvent une époustouflante volupté sensuelle, et il n'y rien là de bienou mal, mais seulement les actes et leurs conséquences dans lesquels onne décide plus rien. Je dirai, qu'il n'y pas nécessairement dukkha aubout. Je dirai que cela n'est pas nécessairement "sanctionné " pardukkha en conséquence finale (même si dukkha dans son acceptionlittérale est récurrente), mais que si dukkha s'impose, et que sidukkha s'installe comme une forme difficilement supportable, que sicette tendance conduit à une fuite éperdue en avant, que si cetteaspiration engendre des effets objectivement négatifs pour soi-même oupour les autres (et là, c'est le karma dans ses conséquencesnégatives…), alors dans toutes ces situations où le karma, bien plusque dans les situations agréables, a démontré sa puissance et sa forced'entraînement, le bouddhisme propose une analyse et une réponse àcette situation.
Vousl'avez compris, le karma, n'est pas aliéné à une logique exclusivementnégative. C'est seulement par ses effets inopportuns que la mécaniquekarmique démontre d'une manière plus "visible" ses effets. Cettemécanique n'est ni bonne ni mauvaise, ni profitable ni dommageable,elle est simplement à l'œuvre partout, tout le temps. Dans cettedynamique, ce n'est pas le sujet qui se réalise, c'est le karma qui seréalise.
Deces éléments karmiques, notre quotidien en est plein. Une émotionsurvient et se signale à nous, elle nous happe d'une manière qui noussurprend presque nous même. On se dit " tiens, mais pourquoi tellesituation s'est-elle cristallisée, alors que je me croyais hors de cela? " Voilà un mécanisme karmique, on est conduit à une certaine émotionsans avoir le sentiment de l'avoir choisie. Cette analyse intervenantau même moment où cette émotion s'impose. On peut en ressentir uncertain agacement : " mais pourquoi ? ". Par rapport à ce phénomène, lebouddhisme essaye de répondre avec ses techniques et notamment celle du" nota " (de l'anglais " noting " qui veut dire ici, pendre en note,observer, noter dans la marge avec un coup de crayon, pourrait-ondire). Par le nota, on note " tiens, telle idée est survenue " (pointfinal). Par ce nota, il n'y pas de " je n'en veux pas ", pas de " ohoui, j'en veux ", pas de " c'est désagréable ", pas de " c'est agréable". Par le nota, on observe qu'une émotion, même étrangère à nosaspirations, peut s'imposer, peut s'installer, mais par le nota onobserve aussi qu'elle décline, qu'elle se dissipe, qu'elle s'oubliecomplètement après quelques temps. Vous voyez là l'une des méthodespour se mettre à l'abri des mécanismes karmiques. Vous voyez aussiqu'il ne s'agit pas les changer, mais simplement de ne plus se laisserentraîner par eux.
Aupassage, cette technique du nota, cette prise de conscience de lavacuité de toute chose, du caractère impermanent de toute chose, ducaractère évidemment transitoire de toute chose, est une excellentedémonstration du caractère fondamentalement non dogmatique de ladémarche bouddhique, qui n'est comparable à nulle autre.
Vous voyez aussi que le bouddhisme ne va pas forcément accorder une importance primordiale au " pourquoi ".
Toutefois,si on souhaite aller de côté là, on sait bien combien lesconditionnements culturels, familiaux, sociaux, professionnels …véhiculent des contraintes qui sont susceptibles d'orienter nos actesselon des schémas qui ne sont pas toujours ceux que nous désirons. Lapsychanalyse a montré (après les indiens et les bouddhistes d'ailleurs…), combien des événements vécus durant l'enfance, soit pendant unepériode où le sujet n'a pas la possibilité de choisir et de maîtriserses émotions, pouvaient inscrire durablement certains comportements endehors du contrôle du sujet.
Vous me demandez ensuite, jusqu'à quel point modifier notre karma ?
Vousvoyez que ce qui est déterminant vis-à-vis de cette logique karmique,c'est le degré de connaissance qu'on en a, c'est le niveau decompréhension que l'on peut intégrer pour rester maître du jeu.
Jusqu'à quel point modifier ce karma ?
Sion se réfère aux écrits et aux commentaires bouddhiques, on peutrépondre qu'on peut complètement supplanter et éliminer ce karma, pourpeu qu'on l'ait pleinement identifié et qu'on ait renoncé à toutattachement. Comme je l'ai déjà écrit, c'est l'affaire d'une vie, c'estle choix d'une vie, me semble-t-il.
Jevous dirai aussi qu'il ne s'agit pas pour le bouddhisme de modifier(pour reprendre votre expression) simplement, mais de s'en libérer.
Jepense d'ailleurs qu'on ne pourrait pas poser ce type de question dansle bouddhisme. Le bouddhisme, c'est le choix d'une libération totale etcomplète de tout karma, et certains courants du bouddhisme ont ajouté"dans cette vie même".
Iln'y a pas de bouddhistes qui vous inviteront à une modificationpartielle, à une demi-libération, à une soustraction sélective. Oui, onpeut faire aussi tout cela, mais c'est à chaque fois pour retomber dansla mécanique des enchaînements, des actes et de leurs effets selon lemodèle karmique.
Dans votre question b) vous revenez sur cette idée de réincarnation.
C'estla deuxième conception qui est liée à cette notion de karma et au delàde l'arrière plan culturel elle peut parfaitement s'expliquer. Eneffet, le bouddhisme considère que la dynamique du karma est telle quecet attachement au moi qui ressent, qui se projette dans un autre, dansune descendance, dans une activité spécifique etc … est tellementpuissant qu'elle poursuivra sa course au delà de la mort physique.Plutôt que de réincarnation, qui n'est pas un terme très approprié, onparlera de continuation, tant les forces mise en œuvre sont puissantesaux fins de la réalisation karmique.
Jene suis pas un grand spécialiste "es" karma, mais je pense que l'onpeut répondre par l'affirmative à votre question. Mais, j'attire votreattention sur le fait que tout cela pose des problèmes pratiques detoute nature que je ne m'aventurerai pas à résoudre. Mes connaissancesétant extrêmement limitées en ce domaine et ne cherchant pas à lesdévelopper, je m'arrêterais donc là, si vous le voulez bien. Toutefoison trouve dans la littérature d'Alexandra David-Néel différentes chosessur ce sujet qui sont assez amusantes et parfois touchantes. Sur lathématique de la réincarnation vous trouverez par exemple dans sonouvrage " Immortalité et réincarnation " des éclaircissements nombreuxsur la notion de karma telle qu'elle lui a été exposée par les bonzestibétains du tout début du siècle. Lisez notamment la note au bas de lapage 55 de l'édition Pocket (ISBN 2-266-05636-0).
Ilme semble aussi important de faire attention à cette notion deréincarnation. Comme je l'ai déjà exposé, le karma est proposé dans unesociété où il y a un arrière plan culturel fortement marqué par laréincarnation. Pour avoir partagé du temps avec des amis indiens, jepuis vous dire que cette croyance est tellement forte qu'elle atteintdes extrêmes absolument effarants, notamment avec un fatalisme quisemble ne pas connaître de limites, pas même celles de la mort. Il mesemble ici que cette soumission, cet abandon, cette croyance aveugle neme paraît absolument pas bouddhique.
Enfin,vous aurez compris qu'il est possible d'avoir une approche de la notionde karma, sans se soucier de la question de la réincarnation. Toute lamécanique karmique avant de s'appliquer à des incarnations antérieuresou de se projeter dans d'éventuelles incarnations ultérieures,s'applique avant tout à l'incarnation présente (si l'on souhaiteréutiliser ce terme d'incarnation). Le bouddhisme ne cherche pas àréparer la vie passée ou à peaufiner la vie future, mais à réaliserpleinement la vie actuelle. Le bouddhisme propose une méthode poursupprimer "dukkha " qui se manifeste, à la limite qu'elle qu'en soit lacause, dans la vie présente.
Pourrépondre à présent à votre question d), je ne crois pas que les nationsaient des karma collectifs. Je me doute bien qu'il doive exister desthéories sur ce sujet. La question vis-à-vis du karma, c'est toujoursde savoir comment le sujet se positionne par rapport à cette logique.
Ceque vous entendez par karma, ne serait-ce pas plutôt ce qu'on appelletout simplement l'histoire. L'enchaînement de phénomènes qui marquentun territoire précis et un peuple pour des raisons démographiques,économiques, politiques et géo-politiques etc …
Enoutre, vous le savez, il y a plusieurs façons de voir l'histoire et sesmécanismes. Il y a à ce sujet une dimension purement mythique et doncfranchement mensongère qui devrait nous inciter à nous éloigner de cetype d'idéologie et de manipulation. Quand on analyse les faitshistoriques on s'aperçoit que les décisions sont prises par un toutpetit nombre de personnes, sur des motivations généralement fort peuhistoriques. Voyez par exemple, la récente guerre du golfe qui étaitprévue depuis au moins 5 ans et complètement modélisée une annéeauparavant dans ses moindres détails.
Làencore mon manque de connaissance et d'intérêt pour cette distributiond'éventuelles réincarnations ici ou là, ne me permet pas de vousrépondre.
Je crois que tout cela n'intéresse pas le bouddhisme.
J'espère avoir répondu à votre question
J'espère avoir répondu à votre question
La Mort selon les bouddhistes
Que se passe-t-il au moment de la mort ? Mais sait-on au juste ce qu’est la mort et quand elle apparaît vraiment ?
Par Tich Thien Châu
Le point de vue du vénérable Tich Thien Châu, moine vietnamien
Lesphénomènes psychophysiques qui nous constituent naissent et meurentperpétuellement, à chaque instant pendant toute la durée de cette vie.En d’autres termes, la dissolution et la disparition sans cesse répétéede chaque combinaison psycho -physique momentanée.
Apropos de l’instantanéité de l’existence, Buddhagosa a écrit, dans leVisuddhimagga, VIII : "Au sens absolu, nous n’avons qu’un temps de vietrès court. La vie ne dure que le temps d’un unique instant deconscience. Tout comme la roue d’un chariot, qu’il roule ou soitimmobile, ne s’arrête jamais que sur un point de la jante. Ainsi, lavie d’un être ne dure qu’un unique instant de conscience. Dès que cessecet instant, I’être cesse aussi". La biologie nous informe aussi qu’enun an 98% des cellules de notre corps changent. Ainsi, la mort en tantque rupture des facultés vitales d’une forme d’existence n’est quel’interruption temporaire d’une forme, d’une apparence ; elle n’est pasl’annihilation complète d’un individu ; elle est, bien plutôt, lamanifestation du passage immédiat à une autre existence. Seules lesformes des organismes cessent de fonctionner, mais l’énergie, la soifd’existence inclue dans la force karmique, continue de se manifesterdans une autre forme de vie. En conséquence, la loi de cause à effetopère sans interrompre les processus de vie.
L’individuest toujours responsable de ses actions et héritera de leurs résultats.En examinant la mort (la conception de la mort dans le Bouddhisme) àl’aide de ces points de doctrine, nous considérons de toutes façons lamort comme un phénomène aussi normal que la naissance. Sur ce sujet,voyons les explications du Bouddhisme concernant ce qui se passe aumoment de la mort.
Généralementles gens sur le point de mourir étant physiquement faibles, ne peuventcontrôler ou diriger leurs pensées. Aussi, des impressions provoquéespar des événements importants de leur vie présente ou de leursexistences passées, apparaissent activement dans leur esprit qui setrouve incapable de les rejeter.
Ceci constitue les trois sortes de pensées au moment de l’approche de la mort :
1. Le souvenir d’actions importantes, bonnes ou mauvaises, accomplies précédemment (karma)
2. Le symbole de ces actions (Kammanimitta), par exemple, le fusil avec lequel on a tué quelqu’un.
3.L’image de l’endroit où l’on doit renaître (gatini mitta), par exemplele lieu de souffrance extrême (naraka) pour les meurtriers, ou le lieubienheureux (devaloka) pour les généreux.
Cestrois objets de pensée que l’on ne peut choisir consciemmentapparaissent clairement dans l’esprit au moment de la mort. Ces penséesà l’approche de la mort constituent des actions près de la mort(maranasanna kamma) influençant et déterminant le caractère del’existence à venir de la même façon que la dernière pensée précédantle sommeil peut devenir la première pensée au réveil.
Demême, les actions les plus importantes d’une vie (garuka kamma), ainsique les actions habituelles, bonnes ou mauvaises deviennent les penséesactives et prédominantes dans les dernières minutes. Si quelqu’une deces actions est absente au moment de la mort, l’action cachée (katattakamma) constitue la force qui produit la naissance. Il y a ainsi quatrecatégories d’actions (Kamma) qui conditionnent l’apparition des penséesqui précèdent le mort. Après que ce processus de pensée soit apparudans la conscience directrice (tadalambana) dont la fonction estd’enregistrer les impressions réelles, la pensée de la mort (cuticitta)advient. C’est la fin de cette existence.
Duraisonnement aux preuves "Que se passe-t-il après la mort ? " A cepropos, le Bouddha a exposé la "doctrine de la renaissance". Cettedoctrine a son origine dans l’illumination du Bouddha et non dansaucune des croyances pré-bouddhistes avec lesquelles elle a souventété, à tort, confondue. D’après cette doctrine de la renaissance, lamort est une porte qui s’ouvre sur une autre forme de naissance. Lesdeux existences sont réunies par la conscience de renaissance(patisandhi-vinnana) qui est conditionnée par la pensée précédant lamort (maranasanna javanacitta) et qui réapparaît au moment de laconception, c’est à dire avec la formation d’une nouvelle vie dans lamère. Cette conscience est identifiée comme "l’être à naître"(gandhabha). Immédiatement après, elle disparaît dans le courantsubconscient de la nouvelle vie (bhevangasota) qu’elle conditionne sansinterruption. C’est ainsi la conscience de renaissance qui détermine lecaractère latent d’un individu. Il faut remarquer que le Bouddhisme nedénie nullement l’hérédité parentale, mais insiste sur le fait quel’hérédité essentielle est la force karmique incluse dans le troisièmefacteur, qu’on appelle couramment "l’être à naître" (gandhabha), de laconscience de renaissance. De la mort à la renaissance, le courant deconscience est transmis sans l’intervention d’aucun intermédiaire(antarabhava). De même, la conscience de renaissance ne transmigrejamais d’une existence passée à une existence ultérieure. Il peut êtreutile de comparer cela à des phénomènes tels que l’écho, la lumièred’une lampe, l’impression d’un sceau ou l’image dans un miroir. Lesdeux existences consécutives ne sont ni identiques ni différentes(Milindapanha p. 40).
Commela conscience de renaissance est conditionnée par la force karmique, onpeut renaître après la mort dans l’une ou l’autre des cinq possibilitéssuivantes :
1. le lieu de souffrance extrême
2. le règne animal
3. les esprits
4. l’humanité
5. les mondes célestes.
2. le règne animal
3. les esprits
4. l’humanité
5. les mondes célestes.
Ilest bon de dire à ce propos que la doctrine de la renaissance qui estune théorie de la continuité de l’être après la mort, est différente dela doctrine de la réincarnation ou de la transmigration Hindoue ; carc’est en effet une doctrine séparée et tenant le milieu entre les deuxextrêmes :


270 avenue Pessicart Bt C
06100 Nice France
Tél & Fax : (33) 04 93 84 42 08
http://www.bouddhisme.fr.fm/
Source: http://www.geocities.com/Athens/Forum/2359/
La discipline des bonzes
Texte complet de la question
Bonjour,Je souhaiterais savoir si les moines/nonnes bouddhistes prononcent desvœux lors de leur ordination, comme c'est le cas en occident. Si oui,quels sont ces vœux ? Et quelles peuvent être les sanctions si lemoine/la nonne ne respecte pas ses vœux ?
Réponse :
Strictement, la réponse à votre question est non.
Jesuis toujours assez surpris de ces comparaisons et de ces parallélismesque l'on dresse entre courants. Le bouddhisme existe avec sesspécificités propres et avec ses mécanismes propres. Les éventuellesinfluences que l'on peut trouver sont celles de l'hindouisme ancien, duvédisme et des pratiques philosophiques et sociales dans l'Inde d'il ya 2600 ans. Ces pratiques, ces règles, nombreuses et multiples se sontégalement nourrie de traditions locales, à chaque fois que lebouddhisme s'est implanté dans une région nouvelle (c'est le cas auNépal et au Tibet par exemple, où les coutumes locales se sont fonduesavec les enseignements d'un bouddhisme déjà très teinté du tantrismequi prévalait alors au Nord de l'Inde).
Pouraborder pleinement cette question, il ne faut pas oublier que tout unensemble de cadres s'offre à l'apprentissage du bouddhisme. Au-delà dela communauté des bonzes, il existe encore des régions où l'onrencontre de petites communautés centrées autour d'un maître quidispense son enseignement. Dans le bouddhisme tibétain, on peut choisirla voie solitaire et rester dans un abri isolé sans devoir rendre aucuncompte à qui que ce soit. Certains disciples choisissent d'accompagnerun de ces gurus et suivent leur enseignement. A leur tour, ilss'inscrivent dans une relation exclusive entre un maître et son élève.Pour la grande majorité des bonzes, c'est la communauté, le Sangha, quirègle la vie du disciple.
Lesbonzes doivent naturellement respecter les règles du Sangha, elles sontnombreuses et assez strictes. Il ne faut pas voir dans ces règles unesuccession de restrictions et d'interdits, mais simplement des règlesappliquées à chacun, car dans le cadre du Sangha, il y a constitutiond'une communauté et donc la nécessité d'organiser cette communautéselon des règles.
Lanotion de vœux ne peut pas être retenue car il n'y pas en Asie cettevolonté de faire reposer sur la personne en elle-même tout le poids deson engagement et dans le cas d'infraction, tout le poids de laculpabilité. Nous ne sommes absolument pas dans la même logique.
Dansle bouddhisme, dans la philosophie indienne, dans la pensée orientale,il n'y a pas de notion de faute, ni sa contrepartie, le caractèrepunitif de toute une série de mesures ou d'interdits qui viennentfrapper les adeptes du courant que vous citez. Il n'y a pas en Asie ceculte du masochisme qui veut que cette punition soit exercée parl'adepte lui-même, au nom de cette logique de culpabilité tant cultivée.
Nous sommes aux antipodes des pratiques des autres courants et en particulier de celui que vous citez.
Siles règles de conduite que doivent respecter les bonzes lorsqu'ilsentrent dans la Sangha, vous intéressent, sachez que ces règles ditesPatimokha sont au nombre de 227. Il y a un nombre de règles qui varied'ailleurs pour les bonzes hommes (bikkhu) et pour les bonzesfemmes(bikkhuni) pour qui elles sont 311.
Ces 227 règles sont rassemblées, décrites et commentées dans le Vinaya.
Ilfaut voir que dans une communauté, la vie quotidienne est rythmée parle réveil, la collecte des dons de nourriture, la récitation decertains textes, l'enseignement, le repas. En dehors de ces rites, lesbonzes peuvent aussi choisir de s'isoler pour pratiquer les méditationnotamment. Les règles doivent être comprises comme des facteurspréservant et favorisant la réalisation de la philosophie bouddhiste.
Au-delàde cette visée, il y a toutes les règles de conduite et notamment deconduite en société et les règles propres à la culture bouddhiste (lesrobes, les bols, les aiguilles …).
Enfin,en tant que membres de la communauté, les bonzes ont aussi un certainnombre d'obligations et d'instructions auxquelles ils doivent seconformer. Ceci concerne par exemple les 7 dernières règles.
Les 4 premières règles dites 4 Parajika
Il n'y a que quatre transgressions évidentes qui entraînent une exclusion du Sangha. Il s'agit des quatre parajika :
1. avoir des relations sexuelles,
2. voler un objet de valeur, arnaquer ou omettre intentionnellement de payer une taxe,
3. tuer,
4. prétendre avoir réalisé les niveaux les plus élevés du jhana sans en avoir atteint aucun.
Au-delà de ces quatre premières règles, toutes les actions suivantes sont proscrites :
Les 13 Sanghadisesa
5. se masturber
6. avoir des contacts physiques avec une femme
7. draguer une femme
8. séduire une femme
9. jouer les entremetteurs
10. construire un abri selon les règles de la communauté
11. construire une habitation selon les règles de la communauté
12. accuser à tort un bikkhu face à la question du respect du célibat dans le but de le faire renoncer
13.accentuer par des stratagèmes le sentiment d'abattement d'un bikkhuface à la question du célibat dans le but de le faire renoncer
14. susciter la confusion, la discorde ou le schisme à l'intérieur de la communauté
15. exonérer un bikkhu des règles du Sangha au motif que ses interventions sont faites en nom et place d'autres bikkhu
16. se croire au-dessus des conseils et des admonestations
17.enfreindre publiquement et notoirement les règles du Sangha pour desbikkhu à l'extérieur des grands centres bouddhistes, dans des villagesou des hameaux
Les 2 Aniyata
18. adopter des pauses équivoques en présence d'une femme
19. tenir de propos équivoques en présence d'une femme
Les 30 Nissaggiya Pacittiya
Le chapitre des robes
20. utiliser plus de 10 jours une robe supplémentaire
21. se départir ne serait-ce qu'une seule nuit loin de ses trois robes
22.si, ayant accepté le don d'une robe en surplus, la conserver plus d'unmois, même le bikkhu pense qu'il pourra en avoir l'usage plus tard
23. aucune robe ne doit être lavée, pliée, préparée par une bikkhuni n'ayant avec lui aucune filiation familiale
24. aucun bonze ne doit accepter de don de robe en provenance d'une bikkhuni n'ayant avec lui aucune filiation familiale
25. solliciter de don de robe auprès des laïcs en dehors des périodes et appropriées
26. accepter de robes excédant en quantité le nombre requis (3 robes)
27. solliciter spécifiquement des laïcs l'achat de robes
28.organiser la collecte de fonds ou la réception de fonds en vued'acheter des robes, seuls les dons de robes appropriées à la saisonsont acceptés
29. solliciter explicitement de bénéficier de robe auprès du gestionnaire du fonds prévu pour les donations de robes
Le chapitre de la soie
30. accepter de couverture ou petit tapis composés de tout ou partie de soie
31. accepter de couverture ou de petit tapis composé exclusivement de laine noire
32.dans la composition d'une couverture ou d'un petit tapis, deux partiesdoivent être faites de laine blanche, une partie doit être de lainenoire et une quatrième partie de laine marron
33. une fois confectionnée la couverture ou le petit tapis ne doit pas être conservées moins de six années
34. tout tapis neuf doit être assorti de deux morceaux de tapis anciens
35.tout don de laine peut être accepté, mais celui qui l'a reçu doit latransporter par lui-même sur une distance inférieure à 48 kilomètres
36.aucun bonze ne doit accepter que la laine soit lavée, cardée, filée ettissée par une bikkhuni n'ayant avec lui aucune filiation familiale
37. posséder d'or ou d'argent ou en avoir faire dépôt
38. conserver les fruits de commerces ou d'échanges monétaires
39. faire de commerce
40. conserver un bol supplémentaire plus de dix jours
41. solliciter un nouveau bol à aumône si celui utilisé à moins de cinq accrocs
42.utiliser les tonics suivants, beurre frais, huile, miel, sucre-mélasse,en dehors de cas de maladie. Ayant reçu ces produits, les conserver parde vers soi plus de sept jours
43. s'étant procuré un vêtement de protection contre la pluie le porter en inter saison
44. réclamer la restitution d'un vêtement donné à un autre bikkhu
45. porter de vêtements tissés et assemblés par une aiguille
46. solliciter ou rémunérer la confection de vêtements tissés et assemblés par une aiguille
47.en cas de don effectué jusqu'à dix jour avant la fin du troisième moisdu Kattika, les robes offertes dans l'urgence peuvent être acceptées etdoivent être gardées tout au long de la saison, mais pas au delà
48.se trouvant dans une demeure douteuse, un bikkhu qui y réside après quele quatrième mois du Kattika soit passé doit conserver ses trois robesdans un village s'il le désire, mais il ne doit pas demeurer plus desix nuits à l'écart de la robe
49. détourner à son profit de biens destinés à la communauté
Les 92 Pacittiya
Première partie - le chapitre du mensonge
50. mentir délibérément
51. proférer d'insulte(s)
52. médire
53. réciter le Dhamma ligne à ligne avec une personne non bikkhu
54. s'allonger dans la même pièce avec une personne non bikkhu plus de deux ou trois nuits consécutives
55. s'allonger dans une pièce en présence d'une femme
56. réciter plus de cinq ou six dictons du Dhamma à une femme sans la présence d'une personne disposant du savoir
57. se vanter d'avoir atteint tel ou tel état supérieur à une personne non bikkhu
58. rapporter un différent opposant un bikkhu avec un ou des laïcs
59. creuser le sol ou le faire creuser pour son compte
Deuxième partie - le chapitre des plantes vivantes
60. endommager de plantes ou d'espèces végétales
61. éluder les sujets dans une conversation ou s'abstenir d'y apporter sa contribution
62. formuler de complainte à l'encontre de tel ou tel membre actif de la communauté
63. installer au dehors le mobilier de la communauté sans le remettre en place après l'usage
64. ayant passé une nuit dans un lieu appartenant à la communauté, partir sans ranger ni prendre congé
65. investir un espace déjà occupé par un autre en espérant le faire partir
66. évincer un autre bikkhu d'un espace sous l'emprise de la mauvaise humeur
67. se vautrer dans un lit ou un banc en laissant pendre ses jambes dans un abri de la communauté
68. construire d'abri sans respecter les règles de construction applicables aux abris pour bikkhus
69. renverser sur le sol ou sur l'herbe de l'eau contenant des espèces vivantes
Troisième partie - le chapitre des exhortations
70. exhorter d'autres bikkhu quand on n'y est pas autorisé
71. exhorter d'autres bikkhu, même quand on y est autorisé, après le coucher du soleil
72. exhorter de bikkhuni
73. laisser entendre que le bikkhu qui exhorte les bikkhuni le fait dans un but personnel
74. offrir de robe à une bikkhuni n'ayant aucune filiation familiale sauf s'il s'agit d'un échange
75. coudre ou assembler une robe avec une aguille pour le compte d'une bikkhuni
76. s'arranger pour effectuer un déplacement en compagnie d'une bikkhuni
77. s'arranger pour effectuer un voyage fluvial sur le même bateau qu'une bikkhuni, sauf à traverser une rivière
78. consommer la nourriture provenant du bol à aumône d'une bikkhuni
79. s'asseoir seul et en privé en compagnie d'une bikkhuni
Quatrième partie – le chapitre de la nourriture
80. à moins d'être malade, le bikkhu doit prendre son repas collectivement à la salle des repas
81. manger en groupe
82. manger en dehors des heures prévues
83.au cas ou étant accueilli dans une famille et s'étant vu offrir desgâteaux, le bikkhu peut en accepter jusqu'à deux ou trois bols àaumône, en revanche, de retour, il doit les partager avec les autresbikkhu
84.ayant mangé et refusé de recevoir de nouveau de la nourriture de lapart de son hôte, manger une nourriture qu'on aurait apportée avec soi
85.proposer de nourriture qu'on aurait apportée avec soir à un bikkhu quiayant mangé, a refusé de recevoir de nouveau de la nourriture de lapart de son hôte
86. grignoter en dehors des heures prévues pour le repas
87. consommer de victuailles que l'on a stockées
88.rechercher à consommer des nourritures raffinées telles que beurrefrais, huile, miel, sucre-mélasse, poisson, viande, lait et lait caillé
89. porter à la bouche de nourriture qui n'ait pas été offerte, à l'exception de l'eau et du dentifrice
Cinquième partie - le chapitre de l'ascète nu
90. donner de nourriture à un ascète nu, qu'il soit homme ou femme
91. abandonner un bikkhu après avoir partagé avec lui, la tournée matinale des aumônes
92. s'imposer au sein d'une famille avec son propre repas
93. s'asseoir seul et en privé dans un fauteuil en compagnie d'une femme
94. s'asseoir seul et en privé en compagnie d'une femme
95. solliciter à une famille de repas en dehors des occasions appropriées
96.ayant accepter de bénéficier d'une invitation à recevoir des donspendant une période fixée à quatre mois, solliciter de dons après cettepériode, à moins qu'on y ait été de nouveau invité
97. aller pour voir une armée en manœuvre ou en exercice
98.si pour une bonne raison, un bikkhu devait se trouver là où une arméemanœuvre, il ne doit pas passer plus de deux ou trois nuit en leurcompagnie
99. sur rendre sur un camp d'entraînement militaire, un champ de manœuvre ou un champ de bataille,
Sixième partie - le chapitre de l'ascète nu
100. donner absorber d'alcool ou de boissons fermentées
101. chatouiller
102. jouer dans l'eau
103. manquer de respect
104. faire peur ou effrayer un autre bikkhu
105. chercher sans raison à se réchauffer ou à allumer une source de chauffage sans une raison valable
106. prendre de bain moins de une fois tous les quinze jours
107. si un bikkhu doit recevoir une robe neuve, il doit appliquer une décoloration verte, marron ou noire
108.utiliser une robe rangée dans une armoire collective sans en avoiravisé les autres bikkhu ou bikkhuni partageant ce rangement
109.cacher ou faire cacher, même par plaisanterie, le bol, la robe, lesaccessoires, la boîte à aiguille appartenant à un autre bikkhu
Septième partie - le chapitre des animaux
110. tuer un animal
111. utiliser de l'eau dans laquelle vivent des animaux
112. dissimuler ou couvrir le comportement d'un autre bikkhu
113. introniser dans le statut de bikkhu un individu qui serait âgé d e moins de vingt ans
114. s'organiser de manière à voyager en compagnie d'une femme
115. se déplacer en compagnie de voleurs
116. se déplacer en compagnie d'une femme
117. rejeter un des enseignements du bouddha
118. rester en compagnie de bikkhus qui rejettent l'un des enseignements du bouddha
119. renvoyer d'interprétations erronées des enseignements du bouddha
Huitième partie - le chapitre de l'accord avec les règles
120.remettre en cause une règle d'entraînement, ou subordonner sonapplication à l'avis d'un autre bikkhu plus expérimenté ou avancé dansla connaissance des règles. Les règles doivent être comprises, fairel'objet de questions et de débats et de réflexion.
121.négliger la récitation des règles du Patimokkha en les considérantcomme des règles mineures et de moindre importance au motif qu'ellesconduiraient à l'anxiété, la lassitude et la confusion
122.négliger la récitation des règles du Patimokkha au motif que larécitation ayant lieu tous les quinze jours, la compréhension étantacquise, l'attention devrait être moindre ou nulle
123. donner un coup sous l'emprise de la colère ou du mécontentement à un autre bikkhu
124. lever la main sous l'emprise de la colère ou du mécontentement sur un autre bikkhu
125. accuser à tort un autre bikkhu
126. tracasser un autre bikkhu ou susciter son inquiétude
127. chercher à surprendre, en se cachant, les confrontations, disputes, querelles ou arguments échangés entre bikkhus
128. se dédire d'un engagement pris par procuration (dans la mesure où celle-ci est conforme aux règles)
129. quitter sans autorisation des autres membres une assemblée délibérant dans le cadre de la communauté
130. revenir sur une robe offerte à un autre bikkhu
131. détourner à son profit des gains réservés au bénéfice de la communauté
Huitième partie - le chapitre du trésor
132. pénétrer sans y être invité dans les appartements privés d'un monarque régnant dont ni le roi, ni la reine ne soient sortis
133.ramasser d'objet de valeur, ni même à l'intérieur des lieux où résidentle bikkhu en pensant que celui à qui il appartient ira le rechercher
134. pénétrer à l'intérieur d'un village à un moment inapproprié
135. posséder de boite à aiguille faite en ivoire, en os ou en corne
136. conserver de lit ou de banquette de couchage dont les pieds sont d'une hauteur supérieure à la largeur de huit doigts
137. dormir sur un lit ou une couchette de couchage rembourrée
138.confectionner de tapis pour s'asseoir sur le sol plus large que lesdimensions standard. Le standard ici est une carrure de Sugata enlongueur et la valeur deux carrures en largueur
139.confectionner de couverture dont la taille soit supérieure auxdimensions standard. Le standard ici est deux carrures de Sugata enlargeur et quatre en longueur
140. confectionner de vêtement de protection contre la pluie ou vêtement de bains plus large que les dimensions standard
141. porter de robes plus larges que les dimensions standard. Ici les dimensions standard sont celles de la carrure de Sugata
Les 4 Patidesaniya
142. consommer de nourriture donnée dans un lieu désert par une bikkhuni n'ayant aucune filiation familiale
143. accepter de manger à l'invitation d'une famille alors que le service est dirigé par une bikkhuni,
144.imposer sa présence dans une réunion de familles réunies pour unentraînement et y consommer la nourriture, quand on n'y pas invité
145. demeure dans des maisons douteuses et y consommer de nourriture qui n'a pas été préalablement offerte
Les 75 Sekhiya
Première partie – les 26 règles de bonne conduite
146. porter la robe supérieure en l'enroulant convenablement sur le corps
147. porter la robe inférieure en l'enroulant convenablement sur le corps
148. s'habiller convenablement lorsque l'on marche dans des lieux inhabités
149. s'asseoir convenablement lorsque l'on marche dans des lieux inhabités
150. se comporter avec retenue dans des lieux inhabités
151. s'asseoir avec retenue dans des lieux inhabités
152. marcher les yeux baissés dans des lieux inhabités
153. s'asseoir les yeux baissés dans des lieux inhabités
154. se rendre avec un vêtement déchiré dans un lieu inhabité
155. s'asseoir avec un vêtement déchiré dans un lieu inhabité
156. aller en riant grassement dans un lieu inhabité
157. s'asseoir en riant grassement dans un lieu inhabité
158. aller en parlant tout bas dans des lieux inhabités
159. s'asseoir en parlant tout bas dans des lieux inhabités
160. aller en balançant son corps dans des lieux inhabités
161. s'asseoir en balançant son corps dans des lieux inhabités
162. aller en balançant ses bras dans des lieux inhabités
163. s'asseoir en balançant ses bras dans des lieux inhabités
164. aller en balançant sa tête dans des lieux inhabités
165. s'asseoir en balançant sa tête dans des lieux inhabités
166. aller les mains sur les hanches dans des lieux inhabités
167. s'asseoir les mains sur les hanches dans des lieux inhabités
168. aller la tête couverte dans des lieux inhabités
169. s'asseoir la tête couverte dans des lieux inhabités
170. marcher sur la pointe des pieds ou sur les talons dans des lieux inhabités
171. s'asseoir les genoux relevés dans des lieux inhabités
Deuxième partie – les 30 règles sur la nourriture
172. recevoir les dons de nourriture avec reconnaissance
173. recevoir les dons de nourriture avec l'attention concentrée sur le bol
174. recevoir les dons de nourriture comportant des haricots au curry en proportion raisonnable
175. recevoir les dons de nourriture sans que les dons ne dépassent le bord du bol
176. consommer les dons de nourriture avec reconnaissance
177. consommer les dons de nourriture avec l'attention concentrée sur le bol
178. consommer les dons de nourriture méthodiquement
179. consommer les dons de nourriture comportant des haricots au curry en proportion raisonnable
180. manger correctement en ne prenant pas par bouchées à partir des plats
181. consommer plus que de besoin des haricots au curry ou d'autres nourritures en les cachant par du riz
182. requérir du riz ou des haricots au curry à moins d'être malade
183. s'occuper de se que consomment les autres, surtout pas en ayant l'idée de rechercher un défaut
184. se servir plus que de besoin
185. ouvrir la bouche quand elle est déjà pleine
186. mettre sa main dans sa bouche quand on mange
187. manger à pleine bouchée
188. parler alors que la bouche est pleine
189. projeter la nourriture
190. grignoter
191. se gaver de nourriture en se bourrant la bouche
192. manger par les mains
193. manger en éparpillant les riz
194. manger en tirant la langue
195. manger en suçant bruyamment avec ses lèvres
196. manger en faisant du bruit avec sa bouche
197. manger en se léchant les mains
198. manger en léchant le bol
199. manger en se léchant les lèvres
200. saisir un récipient contenant de l'eau avec des mains salies par la nourriture
201. jeter de l'eau de rinçage contenant des grains de riz dans des lieux déserts
Troisième partie – les 16 règles sur l'enseignement du Dhamma
202. enseigner le Dhamma à une personne qui tient dans ses mains un parapluie et qui n'est pas malade
203. enseigner le Dhamma à une personne qui tient dans ses mains et qui n'est pas malade
204. enseigner le Dhamma à une personne qui tient un couteau dans ses mains et qui n'est pas malade
205. enseigner le Dhamma à une personne qui tient une arme dans ses mains et qui n'est pas malade
206. enseigner le Dhamma à une personne qui porte des chaussures qui ne sont pas en cuir et qui n'est pas malade
207. enseigner le Dhamma à une personne qui porte des chaussures en cuir et qui n'est pas malade
208. enseigner le Dhamma à une personne dans un véhicule et qui n 'est pas malade
209. enseigner le Dhamma à une personne allongée et qui n'est pas malade
210. enseigner le Dhamma à une personne assise qui a les genoux relevés et qui n'est pas malade
211. enseigner le Dhamma à une personne qui porte et qui n'est pas malade
212. enseigner le Dhamma à une personne qui à la tête couverte ou recouverte par une écharpe ou une robe et qui n'est pas malade
213. assis sur le sol, enseigner le Dhamma à une personne qui est assise sur un siège et qui n'est pas malade
214. assis sur un siège bas, enseigner le Dhamma à une personne assise sur un siège haut et qui n'est pas malade
215. débout, enseigner le Dhamma à une personne assise et qui n'est pas malade
216. marchant en arrière, enseigner le Dhamma à une personne qui marche en avant et qui n'est pas malade
217. marchant côte à côte dans un passage, enseigner le Dhamma à une personne marchant dans le passage et qui n'est pas malade
Quatrième partie – les 3 règles diverses
218. déféquer ou uriner en étant debout, à moins d'être malade
219. déféquer, uriner ou cracher sur des êtres vivants, à moins d'être malade
220. déféquer, uriner ou cracher dans l'eau, à moins d'être malade
Les 7 Adhikarana-Samatha
221. « en la présence de », participer aux réunions qui requiert la présence de chaque bikkhu
222.« rendre un verdict de sagesse », donner un verdict de sagesse quand lebikkhu assure qu'il n'a pas commis le problème qui lui est reproché
223.« rendre un verdict de », donner un verdict d'innocence quand l'actecommis par le bikkhu l'a été alors que celui-ci n'était pas en pleinepossession de ses moyens
224.« agir en accord avec ce qui a été arrêté », reconnaissance par lebikkhu qui a commis un acte proscrit, comme étant ni plus ni moins unproblème proscrit par l'une des règles
225.« agir en accord avec la majorité », remettre l'arbitrage d'une disputeà un vote de la communauté, quand le bikkhu n'a pas été en mesure de larésoudre par lui-même et qu'aucune solution n'a été trouvée dans lestextes
226.« agir en conséquence d'un acte transgressif reconnu », lareconnaissance par le bikkhu du caractère transgressif de son acteintervenant après avoir été interrogé et la mise en œuvre de laconséquence encourue
227.« recouvrir avec de l'herbe », quand deux parties impliquées dans unproblème reconnaissent qu'elles ont l'une et l'autre commis autantd'actes transgressifs, sans qu'aune solution n'apporte d'apaisement nid'un coté ni de l'autre. Si les deux parties l'acceptent, l'ensembledes membres de la communauté se rassemblent pour écouter les deuxparties.
J'espère avoir répondu à votre question.
Source: http://www.geocities.com/Athens/Forum/2359/
La négation de l'ego ne peut-elle pas conduire au désespoir des individus ?
Texte complet de la question
Necroyez vous pas que cette façon de considérer l'ego, en niant quasimentle moi, la personnalité, est dangereuse et peut être facteur dedéstabilisation et de désespoir pour les individus, donc à terme pourles sociétés ?
J'aimerais avoir votre avis là-dessus.
S'ily a impermanence, notre devoir (au sens d'action de compassion)n'est-il pas de mettre un peu de stabilité dans tout cela ?
Réponse :
Votrequestion est bien pertinente et les occidentaux ne peuvent pas ne passe la poser, eux pour qui l'ego est le fondement du sujet, de saliberté et de son libre arbitre. Ce n'est pas l'ego en tant quecomposante de la personnalité qui est en cause, c'est la place centraledonnée à l'ego dans la perception que le sujet a de lui-même qui est encause. Le moi, la personnalité du sujet sont autant de composantes dusujet et sont aussi indispensables que nécessaires. Cette placecentrale, omniprésente, dominante, loin d'être alors une source deliberté, peut-être une source de souffrance (dukkha).Bien sûr l'ego est un élément important au plan émotionnel, aussi bienqu'intellectuel, mais le bouddhisme pense que l'attachement à l'ego estune erreur. Il n'est pas question de déstructurer le sujet, de ledéstabiliser, de l'affaiblir, au contraire.
Vousvoyez, le bouddhisme n'est pas un manichéisme, qui dirait dans unesorte d'opposition : "c'est le moi qui est responsable, donc il fautnier le moi, éradiquer le moi, supprimer le moi ". Si certains courantsde pensée tiennent peu ou prou ce discours, ce n'est absolument pas lediscours du bouddhisme. Le moi, est admirable, il est précieux, il estutile et nécessaire, il construit le sujet dans sa spécificité, il luiapporte son identité et le consolide. Il n'est évidemment pas questionni de le nier, ni de le réduire, ni de l'effacer. Mais, le moi, n'estqu'un reflet, qu'une dimension mentale qui remplit une fonction bienprécise. Mais, le moi, n'a pas la toute puissance qu'on lui prête, lemoi n'a pas la durabilité qu'on lui attribue, le moi n'a pasl'omniprésence que l'on croit. Non, le moi est aussi illusoire,impermanent, conditionné. Le moi est nécessaire, utile, estimable, maisil a aussi les qualités de l'éphémère et du transitoire. Ce n'est pasune faiblesse de le reconnaître, c'est, pensent les Asiatiques, uneforce que de le savoir et de l'interpréter de cette manière.
Lebouddhisme ne nie pas le moi, le bouddhisme ne nie pas l'ego, lebouddhisme ne nie pas le corps. Si vous niez ces éléments (comme lefont certains autres courants de pensée qui considèrent que le corpsest porteur de choses mauvaises), alors vous arrivez inévitablement auxextrémités que vous évoquez. Le bouddhisme, et c'est sans doute làl'une de ses nombreuses originalités, ne nie pas les réalités. Pour lebouddhisme, le corps existe, les pulsions existent, l'ego existe, lemoi existe. Et pour le bouddhisme ces constituants ne sont ni bons, nimauvais. Le bouddhisme tend simplement à la connaissance parfaite desmécanismes qui nous gouvernent, pour que justement leurs emprisessoient moins fortes et que notre compréhension de ces phénomènes nouspermette de nous en libérer et d'échapper à la souffrance (lebouddhisme préfère le terme dukkha) qui résulte habituellement de nos émotions, de nos réactions, de nos inclinations …
Ils'agit ainsi de considérer l'ego et le moi pour ce qu'ils sont. C'estla découverte de la nature particulière du moi (qui est à la foisstructurant et limité) qui est facteur de tranquillité et de stabilité.C'est la découverte du caractère illusoire et trompeur des qualitéssupposées du moi qui sont facteurs de force personnelle. Au contraire,la négation de ces réalités ou bien la croyance en des qualités que lemoi, l'ego, le sujet, le corps n'ont pas, sont facteurs de souffrance (dukkha).C'est l'inobtention de ce qui est désiré qui est facteur de désespoir,c'est le fait de se trouver avec des personnes avec lesquelles on n'aaucune affinité qui est facteur de désespoir, c'est le fait d'êtreéloigné de personnes avec qui ont à des affinités profondes qui estfacteur de désespoir, c'est le fait de vieillir, de sentir son corpss'affaiblir, de lire sur ses traits la marque dure des années qui estfacteur de désespoir … (revoyez donc l'exposé de la première des quatre nobles vérités).
Lasociété de consommation actuelle développe à son maximum lasatisfaction immédiate des besoins et des désirs individuels. Elle vabien au delà, elle va jusqu'à les provoquer, les susciter, lesencourager par un renouvellement perpétuel des produits, des marques,des objets, toutes choses qui stimulent l'individualisme dans ce qu'ila de plus primaire, c'est à dire l'appropriation personnelle. Cettedimension d'appropriation n'est pas forcément structurante et engendreune véritable aliénation au besoin d'acheter, de posséder, d'avoir (jene parle même pas du gaspillage général que tout cela engendre et quiposent d'autres questions en termes écologiques, notamment). Il n'estqu'à voir le manque de politesse et de civilité quand on se promènedans un supermarché ou dans les grands magasins aux heures de pointes,je ne parle pas de ces images choquantes où les gens se battent pours'arracher une Play Station dernier cri. Trouvez-vous tout celaexemplaire en terme de société ? Trouvez-vous que la notion de sociétéa ici encore un sens ? Il n'est qu'à voir la précipitation de pansentiers de cette société dont vous parlez qui se ruent pour faire destocks de denrées au moment de la guerre du Golfe ou des événements duKosovo. Ne trouvez-vous pas que le "chacun pour soi" déjà latent, prendalors des proportions démesurées et renvoie une image de la sociétébien hideuse. N'êtes vous pas surpris que dès que des incidents seproduisent (privation d'électricité suite à la tempête de décembre1999, par exemple) les gens se montrent totalement incapables des'éclairer à la bougie, de se chauffer au bois, de se priver detélévision plus d'une journée … et se mettent à pousser deslamentations pires que celles des mères du golfe du Bengale après lesmoussons, ou celles des paysans birmans en but à la sécheresse ? Necroyez-vous pas que cette satisfaction tout azimut de l'ego conduit nossociétés vers des dangers aussi grands que ceux que vous évoquez dansvotre question ?
Iln'y a pas de devoirs dans le bouddhisme. En particulier, il n'y a pasde devoirs que certains seraient censés endosser pour les autres. Leseul devoir, il est vis-à-vis de vous-même et il consiste à accroîtrevotre connaissance des mécanismes naturels à l'œuvre dans le sujet. Laquestion de la compassion que vous esquissez est plus complexe etdevrait être exposée plus en détail. En fait, personne ne demande àpersonne de la compassion, le bouddhisme n'investit personne d'unequelconque mission de compassion envers qui que ce soit.
L'impermanenceest une donnée fondamentale du bouddhisme qui est issue del'observation stricte du vivant. Dans le monde vivant, non seulementtout est conditionné (composé d'éléments, c'est la loi des cinq agrégats),mais aussi, et par le fait même, tout est impermanent. Dans le vivant,il y a naissance, croissance, décroissance, fin et disparition. C'estune loi générale, elle n'est ni bonne, ni mauvaise, ni favorable, nidéfavorable, elle est et c'est tout.
J'espère avoir répondu à votre question.
La réincarnation
Lama Thubten Yeshé répond aux questions concernant la réincarnation
SUR LA REINCARNATION (questions-réponses)
Lama Thubten Yeshé
Q: J’aime votre manière d’insister sur l’importance de la compréhensionpar rapport à la croyance, mais je trouve qu’il est difficile des’avoir comment une personne élevée en Occident ou qui a eu uneéducation scientifique peut comprendre le concept de la réincarnation :le fait qu ’il y a eu des vies passées et qu’il y aura des vie futures.Comment pouvez-vous prouver qu’elles existent ?
LamaThubten Yeshe : Si vous êtes capables de réaliser la continuité devotre esprit, à partir du moment où vous étiez un minuscule embryondans la matrice de votre mère jusqu’au moment présent, alors vouspourrez com-prendre. La continuité de votre énergie mentale est un peusimilaire au courant électrique provenant d’un générateur et passantpar des fils électriques jusqu’à ce qu’il éclaire une lampe. Depuis lemoment de sa conception, alors que votre corps évolue, l’énergiementale y circule constamment -changeante, changeante, changeante- etsi vous arrivez à en prendre conscience, vous pourrez plus facilementcomprendre la continuité antérieure de votre esprit. Comme je le dissans cesse, ce n’est jamais simplement une question de croyance. Biensûr, initialement il est difficile d’accepter l’idée de laréincarna-tion car de nos jours c’est un concept tellement nouveau pourla plupart des gens, particulièrement ceux élevés en Occident. L’on nevous enseigne pas la continuité de la conscience à l’école ; vousn’étudiez pas la nature de l’esprit (qui vous êtes, ce que vous êtes)au collège. Donc bien sûr, tout cela est nouveau pour vous. Mais sivous pensez qu’il est important de savoir qui vous êtes et ce que vousêtes et que vous observez attentivement votre esprit par la méditation,vous en arriverez facilement à comprendre la différence entre votrecorps et votre esprit. Vous reconnaîtrez la continuité de votreconscience et, à partir de là, vous serez capables de prendreconscience de vos vies antérieures. Il n’est pas nécessaire d’accepterle concept de la réincarnation uniquement sur la base de la foi.
Question : Puisque le bouddhisme croit en la réincarnation, pouvez-vous me dire combien de temps il se passe entre les vies ?
LamaThubten Yeshe : Cela peut aller de quelques instants à sept semaines.Au moment où la conscience se sépare du corps, le corps subtil de l’état inter-médiaire est déjà là, à l’ attendre. Par la force du désirpour un autre corps physique, l’ être de l’ état intermédiaire chercheune forme appropriée et lorsqu’il en trouve une, il prend renaissance.
Question: Comment le bouddhisme explique-t-il l’explosion de la population ? Sivous croyez à la réincarnation, comment se fait-il que la population s’accroisse sans cesse ?
LamaThubten Yeshe : C ’ est simple. Tout comme la science moderne, lebouddhisme parle de l’ existence de milliards et de milliards degalaxies. La conscience d’une personne née sur la terre a pu venird’une galaxie très lointaine, attirée par la force du karma quiconnecte l’ énergie mentale de cette personne à cette planète. D’unautre côté, la conscience d’une personne mourante sur cette terre, peutau moment de la mort être karmiquement dirigée vers la renaissance dansune autre galaxie, éloignée d’ici. Si davantage d’esprits sont attirésvers la terre, la population s’accroît ; s’il y en a moins, elledécline. Cela ne veut pas dire que des esprits entièrement nouveauxviennent à l’ existence. En accord avec la nature cyclique de l’existence mondaine, chaque esprit prenant renaissance ici, sur laterre, provient de sa vie précédente ; peut-être dans une autregalaxie, peut-être sur la terre elle-même, mais pas de nulle part.
Cetexte est extrait du premier chapitre de “Devenir son PropreThérapeute”, un ouvrage publié par les Editions VAJRA YOYINI, Châteaud’En-Clauzade81500 MARZENS
Le bouddhisme possède-t-il un livre sacré ?
source:http://www.geocities.com/Athens/Forum/2359/
Texte complet de la question
Est-ce que vous pouvez me dire si le bouddhisme possède un livre sacré ?
Réponse :
Non, il n'y a pas de livre sacré de cette nature.
Pendantdes années, voire pendant plusieurs générations après la disparition dubouddha historique et y compris durant son temps, l'unique mode detransmission était la parole.
Ensuite, la parole historique du bouddha a été transcrite pour pouvoir être diffusée et enseignée.
EnInde, l'expression verbale a toujours été agrémentée d'expressionspoétiques ou lyriques, indissociables du contenu du discours. C'estcette musicalité particulière que l'on retrouve dans les discours.Cette expression connaît son équivalent dans la littérature avec legatha que l'on peut transcrire par "vers". Des vers compilés pourillustrer et soutenir la méditation sont appelés doha ou "couplet".
Onraconte, que lors du premier rassemblement des disciples du bouddhahistorique, qui se serait tenu dans la grotte des sept feuilles, Anandaet Upali, interrogés sur le contenu des discours du bouddha, étaientcapables de réciter par cœur les propos tenus par Siddhattha Gotama.Les versions présentées étaient ensuite confortées par la déclamationcollective des cinq cent bonzes disciples directs du bouddhahistorique. C'est probablement ainsi que les premiers sutta (sutra ensanskrit) furent élaborés et retranscrits.
Encorede nos jours, nous ne connaissons de certains grands maîtres que latrace orale de leurs grands discours ou de leurs commentaires sur lessutta les plus importants du bouddhisme. C'est le cas notamment dans latradition Thaï et Birmane, où les maîtres ne rédigent pas des écritsmais prononcent des discours qui sont ensuite retranscrits par desadeptes proches.
Vous trouverez l'exposé de toutes ces transcriptions sur la page "Les textes canoniques en pâli" (http://www.geocities.com/Athens/Forum/2359/textbdt.html)
Vous trouverez la liste des sutta proposés sur ce site à la page "Choix de sutta" (http://www.geocities.com/Athens/Forum/2359/indsut.html)
J'espère avoir répondu à votre question.
Source; http://www.buddhaline.net/annuairedubouddhisme/tibet_verite.html
Les quatre ignobles vérités
du bouddhisme tibétain
Un article de Tenzin Wangyal,
ancien élève du Tibetan Children Village, Tenzin vit actuellement aux Etats-Unis.
Il fait parti de l'équipe de direction de l'association Students for a Free Tibet.
(02/01/2006).
ancien élève du Tibetan Children Village, Tenzin vit actuellement aux Etats-Unis.
Il fait parti de l'équipe de direction de l'association Students for a Free Tibet.
(02/01/2006).
Sile Bouddha avait vécu à notre époque, il aurait simplement écrit unguide de poche intitulé «Comment mettre fin à la souffrance». Ill'aurait écrit en langue vernaculaire et l'aurait fait traduire dansdiverses langues.
Jepense que le Bouddha Sakyamouni s'intéressait principalement à lasouffrance. Se basant sur son observation de la condition humaine, il atransmis l'essence de sa sagesse avec les quatre nobles vérités, quel'on peut résumer ainsi : cette vie est souffrance; le désir est lacause de la souffrance; la cause de la souffrance peut être déracinée;ceci peut être accompli en suivant l'octuple sentier.
C'estvrai que nos ancêtres ont su préserver les enseignements du Bouddha.Selon la plupart des Tibétains, et même d'après le Dalaï Lama, c'est«la seule chose dont nous puissions être fiers». Cependant il estimportant de connaître les agents de conservation employés pourpréserver le bouddhisme tibétain, ce qui lui donne sa saveurparticulière.
Selonles études faites à ce sujet, le bouddhisme tibétain est unecombinaison de trois traditions religieuses distinctes : le dharmadivin (lha chos) ou bouddhisme; le dharma bön (bon chos) ou traditionreligieuse indigène du Tibet caractérisée par des rituels chamanisteset animistes menés par des prêtres; et le dharma des êtres humains (michos) ou religion populaire.
Unjour, un homme fit ses adieux à sa femme. Il s'embarquait pour un longvoyage et ne savait quand il reviendrait. Quelques mois plus tard, safemme donna naissance à un garçon. Cinq ans passèrent, l'homme revintet sa femme lui présenta le petit garçon comme étant son fils. Malgréleurs visages sincères, l'homme hésitait à la croire, l'enfant luiressemblait certes, mais ses manières étaient très différentes dessiennes. Tant de choses avaient changé en son absence ...
Dela même manière, imaginez que le Bouddha revienne aujourd'hui. Queva-t-il penser de la piété avec laquelle nous tournons des moulins àprières, faisons des circumambulations, des prosternations, récitonsdes textes, chantons des mantras ou accomplissons des rituels ?Sera-t-il impressionné ou sourira-t-il dans son désaccord plein decompassion ? Sera-t-il comme l'homme de l'histoire, ne reconnaissantpas le bouddhisme tibétain comme représentatif de ses enseignements ?
Lareligion est définie comme «ensemble de croyances, de valeurs et depratiques basées sur l'enseignement d'un maître spirituel» (TheAmerican Heritage Dictionnary). Cependant, lorsqu'on se penche sur lebouddhisme tibétain, il est bon de ne pas seulement considérerl'enseignement du Bouddha, mais aussi les croyances et pratiquesactuelles de ses affiliés et pratiquants.
Jevais mettre brièvement en lumière quatre problèmes qui minent lebouddhisme tibétain tel que nous le pratiquons aujourd'hui. M'appuyantsur le Bouddha, je vais tenter modestement d'identifier la nature desproblèmes, leurs causes, leurs buts réalisables et le chemin.
Superstition
Jene suggère pas que la superstition soit spécifique aux Tibétains, maisl'abondance de telles croyances, la majorité écrasante de Tibétains quiadhèrent à certaines de ces superstitions et l'influence importante,voir le contrôle, que cela exerce sur leurs vies donne sens au proverbe«la superstition est enfant de l'ignorance et mère de la misère».
Pardéfinition, les superstitions sont des croyances, des pratiques ou desrites qui perdurent irrationellement par ignorance des lois de lanature ou par foi dans la magie ou la chance.
D'aprèsles superstitieux de notre communauté, siffler la nuit est un appel auxfantômes et autres esprits malins; il faut légèrement cracher sur lesvêtements d'occasion avant de les mettre; on peut faire disparaitre uneverrue en faisant semblant de l'enlever avec un balai le quinzième jourdu mois lunaire; le bruit du tonnerre est toujours un rugissement dedragon; partir en voyage un samedi est de mauvaise augure; et ainsi desuite.
Sans oublier lemonde de l'interprétation des rêves. Au lieu de mettre cessuperstitions en doute, comme l'aurait certainement fait le Bouddha, unpratiquant du bouddhisme tibétain (même si c'est un maître endialectique empirique) ne va pas seulement reconnaître la validité deces croyances irrationnelles ou de cette religion populaire, mais vaégalement, dans de nombreux cas, justifier ces croyances en s'appuyantsur le bouddhisme et conseiller la meilleure marche à suivre.
Croireaux superstitions résulte de l'ignorance et de la peur de l'inconnu. Ilest intéressant d'observer qu'en nombre de circonstances beaucoup deTibétains obéissent aux dictats des superstitions tant qu'ils sontconscients de ce qui les effraient - or quelles lugubres conséquencesvont bien pouvoir s'abattre sur eux quand ils ne s'en soucieront plus ?
Ilest clair que l'antidote à une superstition n'est pas une autresuperstition, comme nos créatifs ancêtres le proposaient (par exemple,si vous aviez été obligé de partir en voyage un jour de mauvais augure,comme un samedi, ils auraient conseillé de faire semblant de partir lejour d'avant, en prenant vos bagages et en partant avec quelqu'un,avant de revenir à la maison et de refaire la même chose le joursuivant cette fois-ci pour de vrai; ce qui était censé tromper lasuperstition elle-même).
Celane fera que créer un cercle vicieux (similaire à proférer un mensongepour couvrir un autre mensonge) et entrainer plus avant la personnedans l'abîme sans fond de la superstition.
Jecrois que le remède, c'est l'éducation - par exemple, les Tibétainsinstruits (jeunes élèves des écoles inclus) devraient parler patiemmentà leurs parents et grand-parents des explications alternatives etscientifiques aux phénomènes que leurs aînés attribuent à des pouvoirssurnaturels. Les organisations tibétaines locales devraient organiserdes sessions d'information ou d'éducation où seraient engagées desdiscussions sur le non-sens des superstitions - c'est seulement decette manière que nous pourrons nous extirper de cet esprit séculaireétriqué.
2) Rituels
Lebouddhisme tel qu'il a été enseigné par le Bouddha était une révolte oudisons plus modérément, visait à se démarquer du ritualismebrahmanique. Le ritualisme qui est devenu la caractéristique dubouddhisme tibétain est un leg de l'ancienne religion du Tibet, le Bön,qui a précédé l'introduction du bouddhisme.
La plupart des Tibétains ne se rendent pas compte que des éléments dereligion bön se sont mêlés à nos coutumes et modes de pensée. Lesquatre étapes de l'oracle, l'astrologie, le rituel et l'action sontsuivis à chaque évènement important.
Divers rituels comme accrocher des drapeaux à prières, les rituels derachat (glud), les funérailles célestes, les rituels de "rappel del'esprit", la divination (mo), et les rituels utilisant des morceaux decorps humain, comme des crânes ou des fémurs, ne sont clairement pasbouddhistes mais sont des survivances de pratiques bön. De tels rituelschamaniques pré-bouddhistes ont perduré parce qu'ils visent desbénéfices mondains et pragmatiques et non la libération finale aubénéfice de tous les êtres comme ceux du bouddhisme.
Lorsque le bouddhisme a été introduit au Tibet, les bouddhistes(tantriques) guidés par Padmasambhava ont adopté certaines croyances etrituels bön comme la dépendance aux oracles, à l'astrologie et lepanthéisme (il a été donné une interprétation bouddhiste à de nombreuxmythes bön). Les déités bön ont été déclarées mineures par rapport auxdéités bouddhistes. Au lieu d'être laissées de côté, les croyances etpratiques bön ont été absorbées par le bouddhisme. Au fil des ans,l'inertie cuturelle, l'auto-satisfaction et l'aveuglement par rapportaux enseignements originels du Bouddha ont maintenu un status quo.
Jerecommanderai aux Tibétains qui restent attachés à ces rituels de n'yavoir recours qu'en seconde possibilité. Par exemple, ne pas croire queles maladies sont le fait de la colère des nagas (lu) ou d'autresesprits, mais tirer parti des diagnostics et des traitements de lamédecine moderne, et si ceux-ci ne sont pas efficaces, alors seulementfaire appel aux rituels. De nos jours, les Tibétains qui ont reçu uneéducation sont sceptiques quand à la logique et à l'efficacité desrituels (le scepticisme est considéré par les dévots comme logta ouattitude erronée) et ne sont effrayé ou honteux de l'admettre.
Certainsjeunes Tibétains se demandent s'ils peuvent se définir commebouddhistes tibétains ou plutôt comme agnostiques. Je sens que lenavire du bouddhisme tibétain est alourdi par les rituels (et lessuperstitions) et que nous avons besoin de le délester de cettecargaison indésirable. Je pense qu'il est important que nous étudionsl'essence du bouddhisme, ce que le Bouddha historique a réellementenseigné, afin d'avoir une approche plus profonde du bouddhisme et decomprendre pourquoi ne ne devons pas permettre aux rituels de laremplacer.
3) Le troisième refuge
Lacommunauté monastique ou sangha constitue le troisième refuge, après leBouddha et le dharma. Dans le canon bouddhiste, le Tripitaka, lesmembres de la sangha sont définis comme "méritant les dons,l'hospitalité, les offrandes et les salutations respectueuses, et étantdes champs de mérites insurpassables dans le monde", ce qui en essencesignifie que tel des modèles lorsqu'il s'agit de pratiquer le dharma,les moines se doivent d'incarner les vertus bouddhistes.
Jereconnaîs qu'il y a nombre de bons moines vivant selon leurs voeuxmonastiques. Cependant, il est difficile de fermer les yeux sur lecomportement de certains qui laisse penser qu'ils n'ont jamaissérieusement renoncé à la vie laïque lorsqu'ils ont été ordonnésnovices.
Sa Sainteté aavancé que nos monastères n'avaient pas été capables de préserver latradition bouddhiste aussi efficacement que les grands érudits indiensde l'université de Nalanda, et a indiqué de manière répétée auxcommunautés monastiques de ne pas se focaliser sur la construction d'unmonastère plus grand, ou l'augmentation du nombre de moines et denonnes, mais de s'engager plus entièrement dans l'étude et la pratiquedu dharma.
Il y aaussi ces moines qui rendent leurs voeux en devenant adulte. Ils sontinjustement exposés à une stigmatisation sociale, et étiqueté commedralogs. Je trouve qu'ils ne devraient pas être qualifiés par ce termepéjoratif, mais plutôt appellés drasurs (ancien moine). Après tout, cen'est pas complètement leur faute. Bien que la situation ne soit plusexactement la même que dans le Tibet d'avant 1950 où presque chaquefamille envoyait un enfant au monastère, il y a encore beaucoup defamilles qui «donnent leur progéniture au dharma» pour des raisonspragmatiquement financière, parce qu'ils croient faire un cadeau à leurenfant ou parce qu'ils pensent qu'avoir un membre de la famille dans unmonastère contrebalancera le karma négatif que le reste de la familleaccumule.
La source duproblème semble venir du fait que la majorité des moines et nonnes sontadmis au monastère sur impulsion de leurs parents et non pas sur leurvolonté.
Je suis certainque le Bouddha n'aurait accepté que ceux qui ont un certain degré deconviction et sont capables de renoncer à la vie laïque pour rejoindrela sangha ou la communauté monastique. Nous ne devrions pas nous enremettre aux membres de la communauté monastique pour agir enbouddhistes et invoquer la grâce salvatrice du Bouddha et des déités,mais nous rappeler ce que le Bouddha a dit avant de mourir - "Je ne peux enseigner que le chemin, vous devrez le parcourir par vous-même".Rappelez-vous également les mots du Bouddha à Kisogotami, dont lepremier-né était mort et qui venait le voir dans l'espoir d'un miracle.Il est clair que nous devrons récolter nous-même ce que nous avonssemé, et nous seuls pouvons défaire ce que nous avons fait (quand c'estpossible), personne ne peut intervenir sur notre comportement. Nousdevrions être des lampes pour nous-même, comme le Bouddha l'a indiqué.
4) Les célébrités
Nombrede nos tulkus (lamas réincarnés) sont capables de faire ce queSiddhartha Gautama (le bouddha historique) était incapable de faire -ils concilient très facilement leurs vies de luxe et de privilèges avecla pauvreté et la souffrance visibles hors des murs de leurs palaces.
En fait, beaucoup préfèrent s'isoler eux-mêmes en restant dans leurscocons confortables. Une fois reconnu, un jeune tulku hérite d'unlabrang, ou domaine, consistant en propriétés, serviteurs et trésor. Ilpeut gaspiller ces ressources ou bien utiliser son aura religieusecharismatique pour générer une grandeur personnelle et amasser toujoursplus de pouvoir mondain.
Beaucoupde Tibétains perçoivent les tulkus comme des marchands de bouddhismetibétain entreprenants, tels ceux qui savent vous convaincre que lediamant que vous tenez dans la main est un morceau de verre, que vouspouvez le jeter, et qui, une fois que vous avez tourné le dos, leramassent, le nettoient et le mettent dans leur poche.
Quoiqu'ilen soit, la richesse matérielle d'un tulku n'est rien comparée aupouvoir qu'il détient par la vertu de l'amour et de la fidélité de sesadeptes. Pensez à cela, les tulkus sont nos célébrités - nous lesarrosons d'argent, de dons, d'amour et d'adoration inconditionnels,oui, INCONDITIONNELS.
Jeveux dire par là, que si jamais un tulku rejetait l'identité liée à sonincarnation, il resterait un tulku aux yeux du Tibétain lambda - soncomportement farfelu ne ferait qu'inspirer à ses partisans toutessortes de rationalisations mystiques visant à défendre leur adorationsans réserve, la plus commune étant «lamai zepa yindro !» (expressionpopulaire utilisée quand un lama a un comportement bizarre ou choquant,sous-entendant que le lama doit avoir une raison d'agir qui est au-delàde notre compréhension).
Enbref, les tulkus ont toujours le bénéfice du doute. Les tulkusindisciplinés sont comme des garnements pourris-gâtés qui savent qu'ilspeuvent compter sur l'amour inconditionnel de leurs parents éperdusd'adoration et vont l'exploiter. SaSainteté s'est exprimée de façon appropriée concernant la proliférationdes tulkus, conseillant aux Tibétains «d'examiner la personne demanière approfondie avant de l'accepter comme guru, et même ensuite desuivre cet enseignant à la lumière de la raison».
Commenous l'a demandé Sa Sainteté, notre foi aveugle dans les tulkus devraitêtre remplacée par l'utilisation du discernement. De cette manièrepourrait passer le message selon lequel nous, Tibétains, ne cautionnonspas le comportement décadent ou incorrect des tulkus, que leur rôle estd'être des représentants des vertus bouddhistes et d'agir en accordavec elles.
Parailleurs, le processus de sélection d'un tulku présentant desopportunités de gain personnel et étant cause de conflits, scandales etintrigues politiques (ce que les Chinois ont très bien compris),peut-être devrions-nous arrêter de chercher activement desréincarnations (à moins que le lama décédé n'ait été capable de laisserdes signes sans ambiguité sur le lieu de sa renaissance).
Aprèstout, si l'affaire est juste, elles surmonteront tous les obstaclespour tracer leur chemin et par leurs mérites indéniables, s'élèverontjusqu'à leur position originelle ou peut-être plus haut - comme nousdisons en tibétain - L'or, même s'il est enfoui sous la terre rayonnerade mille feux dans le ciel. Encore mieux, pourquoi ne pas avoir uneméritocratie dans les monastères ? Elle serait similaire à la sélectiondu poste de Ganden Tripa à propos de laquelle il est dit " Si l'enfantd'une mère a la connaissance/sagesse, alors il n'existe pas depropriétaire pour le trône de Ganden", ce qui signifie que n'importequel moine ordinaire, intelligent et faisant des efforts, pourraitdevenir le prochain Ganden Tripa.
Encore une fois, je reconnais comme nombre d'entre vous, qu'il y abeaucoup de tulkus et de lamas qui sont conscients que leur positionimplique des responsabilités envers leur sangha et la population engénéral, et qui mènent leur vie en accord avec les vertus qu'on attendd'eux, les renvoyant ainsi à leurs communautés. Ces tulkus, par leurréputation sans taches, leur accord avec le vinaya et leurs actionsphilantropiques renforcent la sympathie de leurs adeptes et attirentles bouddhistes tibétains les plus perspicaces.
Jepense qu'à cause de notre mentalité, nous Tibétains (en exil) vivonttoujours sous un certain degré de théocratie (une forme de gouvernementdans laquelle religion et politique sont entremêlés) ou de loiscléricales, même après que Sa Sainteté nous ai donné la démocratie.
Bien que nous nous émancipions mentalement, quand se présente un choix,nous prenons toujours le tulku ou le rinpoché (plutôt que n'importequel candidat laïc de valeur égale ou mieux qualifié) pour nous guider,ce qui est susceptible d'entretenir la naturefactionnelle/sectaire/provinciale de la religion et de la politiquetibétaines.
Lasolution ne consiste pas simplement à établir que la religion et lapolitique doivent être séparées (sur le papier, c'est déjà fait) - maisil faut que nous, Tibétains, nous affranchissions de nos carcansmentaux séculaires, de notre foi aveugle et de nos préjugés et que nousprenions des décisions basées sur l'objectivité et la raison, comme leBouddha lui-même aurait aimé que nous le fassions.
En guise de conclusion
Laissez-moivous quitter sur ces mots de Sa Sainteté (extrait d'un discours donné àSan Francisco en novembre 2005) : «Pour devenir des bouddhistes du21ème siècle, les individus ne devraient pas seulement accomplir lesactes physiques et verbaux de leur religion, comme chanter des mantraset se prosterner, mais aussi réfléchir activement à ce que signifieêtre bouddhiste dans le monde d'aujourd'hui. L'effort pour transformerson esprit est plus important, mais plus difficile.»
Les six mondes.
Les sixsegments qui forment le troisième cercle de la Roue de la Vie peuventêtre vus comme six mondes, six véritables royaumes d’existence : lesroyaumes des dieux, des titans, des esprits affamés, des êtres enenfer, des animaux et des humains. Les êtres vivants renaissent dans unroyaume particulier en résultat de leur karma, et vivent dans ceroyaume jusqu’à ce que leur karma soit épuisé. C’est très vrai, mais cen’est que la moitié de la vérité. Les six segments du troisième cerclereprésentent aussi six états d’esprit dont nous pouvons fairel’expérience ici et maintenant, durant notre présente existencehumaine. Parfois, nous faisons si fort l’expérience de ces étatsd’esprit que pour un moment nous semblons vraiment vivre dans un autremonde : au ciel, ou en enfer, ou parmi les esprits affamés, etc. End’autres termes, nous en faisons presque l’expérience en tant qu’étatd’être plutôt qu’en tant qu’état d’esprit. Regardons donc chacun de cesmondes sous cette lumière : en tant qu’états d’être ou d’esprit, plutôtqu’en tant que royaumes d’existence.
Tout d’abord, le monde desdieux. Le monde des dieux représente un état d’esprit heureux,plaisant, un état de relaxation, de contentement, de repos. C’est unétat dans lequel tout se passe très bien, un état dans lequel il n’y ani obstacle, ni difficulté, ni problème. C’est aussi un étatd’expérience esthétique. C’est même l’état de méditation, dans le senslimité du terme (la méditation en tant qu’expérience d’états deconscience élevés, mais ne donnant pas d’accès direct auTranscendantal).
Deuxièmement, le monde des asuras, ou titans.C’est un état d’esprit agressif, compétitif. Il y a là beaucoupd’énergie, peut-être trop d’énergie, entièrement tournée versl’extérieur. Il y a de l’agitation, de la suspicion, de la jalousie.Dans la Roue de la Vie, les asuras sont représentés en lutte contre lesdieux pour la possession de l’arbre-qui-exauce-les-souhaits. Cet étatd’esprit est donc celui qui court sans fin après la richessematérielle, qui court, si l’on peut dire, après un niveau de vietoujours plus élevé, après un salaire toujours plus élevé, et ainsi desuite. C’est un état d’égoïsme sûr de soi : on veut toujours êtremeilleur que les autres, ou d’une façon ou d’une autre être supérieuraux autres. C’est un état dans lequel on veut même contrôler lesautres, exercer un pouvoir sur les autres, les dominer.
Troisièmement,le monde des pretas, ou esprits affamés. C’est l’état de désirnévrotique. Le désir est névrotique lorsqu’il attend d’un objet, soitplus que ce que par sa nature l’objet peut apporter, soit, même,quelque chose de très différent de ce que l’objet peut apporter.Prenons l’exemple du désir névrotique de nourriture. Les gens, parfois,avalent de grandes quantités de nourriture, généralement sucrée. Trèssouvent, ce n’est pas réellement de la nourriture qu’ils veulent. Ilsveulent quelque chose d’autre. La nourriture, dans ce cas, est unsubstitut pour quelque chose d’autre. Les psychologues nous disent queles gens qui consomment sans nécessité de grandes quantités denourriture pour des raisons psychologiques ont en réalité besoind’affection. Le désir névrotique est très souvent présent dans lesrelations personnelles, et en particulier dans les relationspersonnelles les plus intimes. Dans quelques cas, il y est tellementprésent que la relation ressemble à celle d’un esprit affamé essayantd’en dévorer un autre.
Quatrièmement, le monde des êtrestourmentés, des êtres en enfer. C’est l’état de souffrance mentaleaiguë, de frustration nerveuse, de dépression nerveuse. De façon ultimec’est même l’état de folie. Cet état d’esprit naît de diversesmanières. Il peut, par exemple, être causé par une frustration longueet continue d’impulsions humaines naturelles, ou par un deuil soudainet inattendu, ou par des conflits mentaux inconscients. Quelle qu’ensoit la cause particulière, il aboutit à un état de souffrance mentaleintense. C’est l’état représenté par les êtres en enfer.
Cinquièmement,le monde des animaux. C’est l’état de complaisance dans des plaisirspurement sensuels. Dans cet état on n’est intéressé que par lanourriture, le sexe et le simple confort matériel. Quand nos propresdésirs pour ces choses sont satisfaits, on est assez gentil, assezdocile même, mais quand ils sont frustrés on devient dangereux, commeun animal sauvage.
Sixièmement, le monde des hommes. C’estl’état de conscience spécifiquement humain. Cet état de consciencen’est ni extatique ni tourmenté, ni férocement compétitif ni bêtementsensuel, ni non plus plein de désir névrotique. Dans cet état noussommes conscient de nous-mêmes et des autres. Dans cet état noussatisfaisons de façon raisonnable les besoins objectifs humains, touten sachant qu’ils ont leurs limitations. Dans cet état nous nous vouonsau développement spirituel. C’est l’état véritablement humain, maisc’est un état dont la plupart des « êtres humains » ne fontl’expérience que de façon intermittente, si tant est qu’ils la fassentjamais.
Sinous voulions résumer ceci d’une manière plutôt épigrammatique, nouspourrions dire que le monde des dieux est égal au monde del’appréciation esthétique élevée (qu’elle soit atteinte par les arts oupar la méditation), que le monde des titans est égal au monde de lapolitique, des affaires et du syndicalisme, que le monde des êtresaffamés est égal au monde de la romance ou des relations personnellessymbiotiques, que le monde des êtres tourmentés est égal au monde de lamaladie mentale, et que le monde des hommes est égal au monde des êtreshumains véritables, menant une vie véritablement humaine.Présentation du livre "Histoire du Bouddhisme tibétain, la compassion des puissants"
http://bouddhanar-1.blogspot.com/
Friday, January 04, 2008
Elisabeth Martens a écrit un livre remarquable, " L’histoire du Bouddhisme tibétain, la compassion des puissants ", qu’elle fait connaître au salon de L’autre livre :
Le livre que je voudrais vous présenter aujourd’hui est le résultat d’un travail de réflexion, de recherches, de documentation, mais aussi de voyages, de rencontres et de discussions qui s’est étalé sur une dizaine d’années. Il se divise en trois chapitres qui se juxtaposent avec assez de justesse aux trois axes de réflexions qui ont dirigé sa rédaction. Un premier axe de réflexion est un questionnement philosophique quant à ce qu’est une religion et quant à ce qui la différencie d’une philosophie… où vous retrouvez d’emblée une des questions " classiques " que pose le Bouddhisme à l’Occident : est-il une religion ou une philosophie ? Cette question m’a amené à proposer une distinction claire entre pensée indienne de laquelle est né le Bouddhisme, et pensée chinoise. Dans ce premier chapitre, vous trouverez également un questionnement par rapport à la nécessité, ou non, de préserver les religions, en général : pourquoi une religion ? à quoi sert la foi religieuse ? répond-elle à une aspiration profonde de l’être humain ? l’être humain ne peut-il s’épanouir pleinement en-dehors de toute foi religieuse ? A ces questions que je considère comme fondamentale dans la vie de chaque personne, je ne propose que quelques pistes de réflexion personnelles, mais que j’ai pris plaisir à partager, et en espérant qu’elles puissent alimenter la réflexion de chacun. Cette part " essais " de mon livre est la plus présente dans le premier chapitre, mais se retrouve tout au long des pages, en particulier vers la fin et dans la conclusion. Toutefois, le premier chapitre ne s’en tient pas qu’à des questionnements : il analyse aussi l’évolution du Bouddhisme à partir de sa terre d’origine et de son enseignement d’origine (le dharma), et montre que le Bouddhisme, comme toute autre forme de pensée ou de croyance, n’a pu faire abstraction des contingences sociales et politiques dans lesquelles il a évolué. Il s’en est d’ailleurs trouvé profondément modifié, jusqu’à donner naissance au Bouddhisme tibétain que certains milieux avertis considèrent comme l’école bouddhiste la plus éloignée du dharma, alors que d’autres milieux, tout aussi avertis, considèrent comme l’école bouddhiste la plus aboutie (un homme averti en vaut deux !).
Un second axe de mon travail est une étude systématique de l’histoire du Tibet, vue sous l’angle du Bouddhisme tibétain. Cette étude historique constitue le cœur du livre et le chapitre le plus volumineux. J’y reviendrai dans un instant, mais je voudrais d’abord vous expliquer la raison pur laquelle il m’a semblé important de consacrer autant de temps à l’étude historique du Bouddhisme tibétain. Pour cela, j’aborde le troisième axe de réflexion qui a dirigé mon travail : il s’agit d’un analyse critique de l’importation du Bouddhisme tibétain en Occident et de la vaste médiatisation dont il jouit chez nous, depuis une cinquantaine d’années. Pourquoi une telle médiatisation ? n’a-t-elle pas un arrière-goût politique ou stratégique ? C’est en réalité ce troisième axe de réflexion qui m’a amené, finalement, à rédiger ce livre. En effet, j’ai habité en Chine de 1988 à 1992, pour me spécialiser en médecine traditionnelle chinoise. J’étais donc sur place lors des événements de la Place Tian AnMen en ‘89, la même année qui a vu chuter le mur de Berlin, et la même année qui a vu le Dalaï Lama se faire honorer du prix Nobel de la Paix. Cette année 1989 mériterait à elle seule une étude approfondie : ces différents événements qui, apparemment, n’ont pas beaucoup de liens entre eux, peuvent être considérés comme un moment de bascule vers une " ère de grandes catastrophes " dont se pourlèchent actuellement nos médias. Si, d’une part, cette ère catastrophiste aiguise nos appétits rebelles et fait naître des mouvements de résistance de plus en plus nombreux, bien que encore trop timides et trop peu organisés, d’autre part, elle éveille et attise aussi nos angoisses face à un futur de jour en jour plus nébuleux et incertain. C’est sur cette angoissante nébuleuse du futur que s’appuie une constellation quasi infinie d’associations spiritueuses qui nous rappellent de manière insistante que notre être spirituel est en chute libre, que nous divaguons dans un grand no man’s land spirituel.
Ce vide spirituel, nous devrions le combler par des méthodes qui vont des " constellations familiales " à la " naturopathie ", du " biodanza " au " reiki ", de " l’éveil de la connaissance de soi " à " l’approche de la méditation ", de la " méditation de la lumière " au " tarot et arts divinatoires ", de la " thérapie par les sons " à la " kinésiologie ", de " l’atelier des couleurs " au " tantrisme ", et j’en passe… il suffit d’ouvrir n’importe quel " agenda + " que vous trouvez dans toutes les bonnes épiceries bios ! Les intitulés de ces cours, conférences, stages, ateliers, etc., que l’on sent fort proches du New Age ou faisant carrément partie du New Age, ne nous étonnent plus, nous avons eu le temps de nous y habituer ! En effet, la sphère du New Age n’est pas si nouvelle que ça puisqu’elle est apparue il y a plus de cent ans. C’était à la fin du 19ème siècle, avec Helena Blavatsky. Cette dame, issue d’une famille de la noblesse russe et proche du Tsar fut, dès son jeune âge, mise en contact avec des maîtres du Bouddhisme tibétain. Suite à une vie spirituelle fort chargée, elle nous laissa comme héritage une œuvre monumentale : " La Doctrine Secrète ". Ce livre remet au goût du jour la quête de l’origine commune de l’humanité, le culte de la race pure, la nostalgie des époques révolues " du bon vieux temps quand tout allait beaucoup mieux ! ". C’est sur cette œuvre que se sont basés les successeurs de Madame Blavatsky pour lancer, dès le début du 20ème siècle, le vaste mouvement du New Age, mouvement de l’homme nouveau, de l’ère nouvelle, mouvement qui prône un gouvernement mondial unique, guidé par une pensée unique ! Aujourd’hui, le Bouddhisme tibétain resurgit au cœur de cette mouvance qui, malgré son odeur de sainteté, est combien trompeuse : la penserait-on en train de flirter avec la " globalisation " alors que tous les aimables tenants du New Age sont les premiers à décrier et à dénoncer celle-ci ? Depuis que le Dalaï Lama a reçu le prix Nobel de la Paix, documentaires, longs métrages, livres, revues, CD, etc. se multiplient exponentiellement et sont portés aux nues par les nombreux satellites du New Age.
C’est dans cette exaltation nouvelle pour le Bouddhisme tibétain, que se tint une exposition grandiose au Cinquantenaire en 1994. Cette expo était en opposition radicale avec tout ce que j’avais vu, entendu et vécu moi-même en Chine pendant plus de trois ans. Inutile de préciser qu’elle était plus une attaque en règle contre la Chine, et plus particulièrement contre le communisme chinois, qu’une ouverture permettant de comprendre le Tibet et ses relations avec la Chine au cours de l’histoire. C’est suite à cette expo, de laquelle je suis sortie passablement écœurée, que je me suis mise à rassembler documents et informations destinés à me faire une opinion quant au " conflit sino-tibétain ". Mon éducation familiale et post-familiale a fait qu’à cette époque j’étais, hélas ou non, entièrement a-politisée. Je n’avais donc aucune raison de me joindre à ce concert BC-BG contre la Chine, pas plus que je n’avais de raison de me lier à l’opinion des intellectuels chinois qui différait à 180° de ce qui se disait en Occident. Qui et que croire face à de telles contradictions ? Pourtant, il s’agissait bien d’une histoire, de l’histoire d’un peuple réel et d’un territoire réel. Il devait donc exister suffisamment de faits historiques sur lesquels m’appuyer pour me forger une opinion. Dès lors, je me suis attelée à récolter ces données, avec la participation attentionnée et patiente de mon conjoint, pendant une dizaine d’années. Le fait que je ne sois pas bouddhiste, et que je n’adhère à aucune autre foi religieuse – bien que je ne me sentes nullement en " vide spirituel ", au contraire, j’estime que mon être spirituel se porte fort bien ! – m’a sans doute facilité la tâche pour garder un esprit critique face au Bouddhisme et pour replacer le Bouddhisme dans les différents contextes qui l’ont vu évoluer. Ce sont les faits historiques, l’étude systématique de l’histoire du Tibet jusqu’au 21ème siècle, qui m’ont amené à m’insurger ouvertement contre la manière dont les médias présentent le " conflit sino-tibétain ". D’après eux, on devrait choisir entre la Chine ou le Tibet : on est soit pour le Tibet contre la Chine, soit pour la Chine contre le Tibet, il n’y a pas d’alternatives possibles. Inutile de préciser que la deuxième proposition ne fait pas bon effet lorsqu’elle est affichée en public. Depuis 1959 (c’est-à-dire depuis que le Dalaï Lama n’est plus au Tibet), les médias ont systématiquement noirci la Chine et mystifié le Tibet et le Dalaï Lama, de sorte que, actuellement, après 50 ans de matraquage médiatique, la très grande majorité (pour ne pas dire la quasi totalité) des intellectuels occidentaux choisissent pour le Tibet, donc contre la Chine.
Pour arriver à ce résultat mirobolant, les médias se sont servis de l’histoire pathétique du Dalaï Lama, une histoire émouvante et remuant nos archétypes les plus profonds : l’histoire d’un roi-dieu, un roi-père, destitué de son trône par des traîtres pervers, chassé de son territoire par des démons rouges à queue fourchue, et " exilé par la force des armes ", précisent les médias. Alors qu’on sait fort bien maintenant que cet exil a été choisi par le Dalaï Lama, en accord avec l’aristocratie tibétaine, les laïcs et le clergé réunis. On sait fort bien que sa fuite a été organisée, préparée et financée par les Etats-Unis. Plusieurs ouvrages ont été écrit à ce sujet, non pas des ouvrages chinois, mais des ouvrages rédigés aux Etats-Unis, au Canada, en Angleterre, entre autre par les ex-agents de la CIA qui ont commandité la fuite du Dalaï, des grands lamas et de l’aristocratie tibétaine, ces mêmes agents présents au Sikkim pour organiser la résistance tibétaine. Ces livres rendent public les mensonges médiatiques à propos du Tibet, dont le plus tenace est le " 1,2 millions de morts tibétains à cause de l’occupation chinoise ", chiffre qui a été démenti parce que, statistiquement et démographiquement, il ne tient pas la route. Ces livres rendent aussi public le soutien des Etats-Unis au Dalaï Lama et au Tibet, dès avant ’59 : une dépêche du ministère des affaires étrangères des Etats-Unis note en 1956 que " le Tibet doit devenir le bastion de notre lutte contre le communisme en Asie ". Cette petite note exprime clairement que le Tibet et son représentant le plus célèbre ont été choisis pour servir de pions dans la guerre froide menée par les Etats-Unis, principalement contre le communisme en Chine. Une telle vision étasunienne, pragmatique et futuriste à la fois, explique la présence de le CIA au Sikkim dès le milieu des années ’50. Elle explique aussi le soutien financier dont ont joui les communautés tibétaines dès leur exil (1,7 million $/an pendant les années ’60) et le Dalaï Lama à la même époque (186.000 $/an), sans parler du soutien logistique octroyé aux mouvements pour l’indépendance du Tibet. On pourrait penser qu’avec le temps, ces financements se sont étiolés, mais il n’en est rien, ils se poursuivent de plus belle quoique sous l’auspice d’association aux noms plus ronflant que la " CIA ". C’est ainsi que les communautés tibétaines perçoivent aujourd’hui 2 millions $/an du " National Endowment for Democraty " (organisation étasunienne au-delà de tous soupçons !), à quoi il faut ajouter les nombreuses facilités dont jouissent les tibétains en exil, ainsi que les financements de la part de grands trusts internationaux.
Ces ouvrages qui racontent l’autre versant de l’histoire récente du Tibet ne sont évidemment pas ceux que l’on trouve sur les rayons du GB et du Carrefour à côté du sourire angélique et tellement craquant de notre Sainteté. Une fois n’est pas coutume, voilà qu’il pose à nouveau sur la couverture de sa dernière parution : " L’univers en un seul atome ". Car le Dalaï Lama ne se contente plus de rassembler les seuls paumés spirituels de l’Occident, les post-68-tards qui ne voulaient plus " bêtement " croire en Dieu et qui trouvaient dans le Bouddhisme une alternative exotique et à leur goût… Non ! Voilà que le Dalaï se fait aussi inviter aux colloques scientifiques se tenant aux Etats-Unis, qu’il s’installe dans les fauteuils des parlementaires européens, qu’il sympathise avec le pape, les grands rabbins, les imams, sans négliger les chamanes mexicains… et voilà que le Bouddhisme tibétain s’immisce même dans nos écoles primaires : quoi de plus calmants pour nos jeunes têtes blondes que de colorier un mandala en fin de journée ? En effet, quoi de plus calmant pour ces petites têtes lorsqu’elles sont pleines de calculs et de fautes d’orthographe … ? Cette lente pénétration du Bouddhisme tibétain dans l’inconscient de nos vies ne serait pas à dénoncer s’il était exempt d’une toile de fond politique qui ressemble furieusement à de la propagande insidieuse et sournoise. Or cette propagande est entièrement financée et soutenue par les Etats-Unis, suivis par les puissances occidentales. La question réelle du conflit sino-tibétain n’est donc pas : " Chine, ou pas Chine ? ", mais elle est : " quels sont les intérêts des grandes puissances à soutenir la " cause tibétaine " et à systématiquement assombrir le versant chinois de ce conflit ?
En fait, leur intérêt est assez évident et le devient de plus en plus : il ne passe plus un jour sans que les médias ne se préoccupent et ne s’inquiètent de la percée économique fulgurante de la Chine. La Chine représente pour l’Occident la planche de salut d’un système qui, sans elle, entrerait dans sa phase moribonde. Si les grandes puissances parviennent à conquérir le gigantesque marché chinois, en croissance continue, les capitaux occidentaux pourront continuer leur course pendant encore quelques dizaines d’années, voire un siècle. Sans le recours à la Chine, notre système économique rejoue le scénario du Titanic, il prend l’eau de partout et est voué à perdre ses privilèges en peu de temps. Donc, toute déstabilisation de la Chine, et surtout une déstabilisation venant de l’intérieur de la Chine, est bienvenue pour l’Occident. Le Tibet fait partie de la Chine, aussi l’Occident a-t-il tout intérêt à attiser les foyers indépendantistes, sous couverts de " conflits ethniques ". Mais, à ce stade, on ne peut évidemment pas passer sous silence la question de fond que pose le Tibet : l’indépendance du Tibet est-elle justifiée ? Pour répondre à cette question, il est indispensable d’analyser l’histoire du Tibet et l’histoire de ses relations avec la Chine. C’est donc ce qui m’a conduit à étudier cette histoire et à écrire le deuxième chapitre de mon livre. Je voudrais ébaucher ici très rapidement les grandes étapes de cette histoire tibétaine, pour en distinguer les couleurs dominantes.
Jusqu’au 7ème PC, le haut plateau tibétain (qui recouvre environ 5X la France) était peuplé de tribus semi-nomades. A cette époque, le fils aîné d’une famille influente se met en tête de rassembler les différentes tribus éparpillées et de constituer une grande armée. Les ambitions de Song Tsen Gampo ont fait basculer la société tibétaine d’une structure tribale vers une structure esclavagiste : les paysans étaient enrôlés de force dans les efforts de conquête de la lignée dynastique des Tubo (d’où vient, par dérives phonétiques, le nom " Tibet "). A la façon de Gengis Khan au 13ème, Song Tsen Gampo conquiert ainsi le haut plateau tibétain et ira même jusqu’à titiller son puissant voisin, la Chine des Tang. Tant et si bien que l’empereur des Tang sera amené à donner sa fille en mariage à ce roi fougueux. Grâce à la princesse Wen Cheng, le Bouddhisme, sous sa forme chinoise de l’école du JingTu (ou de la " Terre Pure ", qui compte encore de nombreux fidèles chinois aujourd’hui) apparaît sur le haut plateau. Le Bouddhisme doit alors rivaliser durement avec la religion autochtone, le Bön, une religion animiste embrassée par l’ensemble des populations tibétaines. Jusqu’au 9ème siècle, lorsqu’un roi Tubo veut imposer le Bouddhisme au Tibet. Pour ce faire, il invite un maître tantrique à venir enseigner la voie tantrique. Padmasambhava, venu du Nord de l’Inde, est considéré encore aujourd’hui comme le père du Bouddhisme tibétain, parce qu’il a réussi à adapter la voie tantrique aux couleurs locales. C’est ainsi que le Bouddhisme tantrique, dernière école bouddhiste née en Inde, se charge de divers cultes et croyances, dieux et démons du Bön. Suite à des intrigues familiales complexes, la dynastie Tubo s’émiette et se perd dans les méandres de l’Histoire. Le Tibet fut donc un grand royaume ou un grand empire (on entend dire les deux) du 7ème au début du 9ème PC. A cette époque, on ne parlait ni d’indépendance, ni de frontières. Or, la carte du " Grand Tibet ", telle qu’elle est dessinée aujourd’hui par les mouvements d’indépendance du Tibet, se base sur ce territoire conquis par les Tubo entre le 7ème et le 9ème PC.
Après cette période de " gloire esclavagiste ", le Tibet sombre dans quatre siècles de rivalités tribales. C’est durant cette période d’instabilité que le Bouddhisme tibétain prend réellement son envol, et ceci grâce au grand prophète… Mohamed ! En effet, les troupes musulmanes commencent à envahir le Nord de l’Inde, et dès le 10ème PC, elles font fuir les derniers maîtres tantriques. Ces maîtres indiens se retrouvent au Tibet où ils sont accueillis bras ouverts par la noblesse tibétaine qui voit rapidement les avantages qu’elle peut tirer de l’installation de communautés tantriques sur le haut plateau. Les premières communautés bouddhistes qui se forment au Tibet, celles des Bonnets Rouges ou de l’école des Anciens, sont des communautés familiales. Les maîtres peuvent prendre femmes et avoir de nombreux enfants. Grâce à cette caractéristique assez particulière pour une école bouddhiste, ces communautés deviennent l’ossature d’une structure sociale nouvelle basée sur le servage. Les Rinpotchés (responsables des communautés bouddhistes) étaient choisis parmi les fils des familles nobles. Ce système assurait le maintien des biens, qui était surtout des biens fonciers, au sein des familles de la noblesse tibétaine. En même temps, il assurait le respect d’une hiérarchie stricte indispensable pour installer un régime de servage. Cette période d’implantation du Bouddhisme tibétain au Tibet se nomme aussi la période de " Renaissance du Bouddhisme " : quasi chaque maître tantrique indien arrivant au Tibet fondait sa propre école. Dès lors, il existait un foisonnement d’écoles et de manières d’appréhender et de pratiquer le Tantrisme, ce qui eut pour avantage d’enrichir considérablement le Bouddhisme et de lui redonner un élan. Toutefois, toutes ces écoles nouvelles ont pris comme modèle celle des Bonnets rouges, c'est-à-dire, des communautés familiales qui assuraient la transmission des biens de père en fils. En pratique, c’était toujours les familles de la noblesse tibétaine qui régnaient et rivalisaient entre elles, comme c’était le cas avant la dynastie Tubo, mais cette fois, en s’appuyant sur un régime de servage installé grâce aux communautés bouddhistes.
Au 13ème siècle, Gengis Khan et ses fils tentent de conquérir la Chine. Celle-ci ne se laisse pas faire et oblige les troupes mongoles à traverser le haut plateau tibétain pour se diriger vers les provinces du Sud (Sichuan et Yunnan actuels). En passant par le plateau tibétain, les Mongols ne rencontrent que peu de résistance, chaque communauté et famille étant en train de préserver ses acquis. Le Khan désigne alors le Rinpotché de l’école la plus influente du moment (les Sakyapa) comme administrateur suprême du Tibet. Du même coup, il annexe le Tibet à l’Empire chinois qui vient d’être mis sous tutelle mongole. Pour la première fois de son histoire, le Tibet fait partie de la Chine, non pas par décision des Chinois, mais des par décision des Mongols. Les Mongols garderont une forte influence sur le Tibet jusqu’au 18ème siècle, lorsque les Mandchous prendront la relève. Mais entre le 13ème et le 18ème, le Bouddhisme tibétain subit une réforme importante apportée au 14ème par un maître tantrique, TsongKapa. Le point principal de cette réforme est l’imposition du célibat aux lamas, exception faite pour les quelques hauts lamas qui ont atteint la troisième étape de réalisation. Cette ultime étape tantrique exigeait la présence de femmes, le meilleur calibre pour atteindre l’illumination le plus rapidement possible étaient des fillettes de 10 ans jusqu’à des jeunes femmes de 25 ans. La réforme apportée par TsongKapa et concrétisée par l’apparition de l’école des Bonnets Jaunes (ou Gelukpa, les plus nombreux actuellement), n’était pas qu’une affaire de mœurs ou de moralité publique, tel qu’on se plaît à le penser chez nous. Il s’agissait surtout d’une affaire politique. En effet, la structure précédente dans laquelle les biens se transmettaient au sein des familles de Rinpotché (donc au sein des familles nobles) se trouvait face au délicat problème des fratries. La plupart du temps, la fratrie en venait aux mains, si pas aux armes, pour s’arracher un morceau de territoire lors du décès d’un Rinpotché. Les nombreux rejetons dilapidaient trop rapidement les biens de la noblesse. TsongKapa se dit que si les communautés tantriques n’étaient plus familiales, mais qu’elles revenaient au célibat, tel qu’enseigné par le Bouddha historique, les problèmes de succession devraient se régler autrement. On inventa alors le système des " tulkous ", ou des Bouddhas vivants : un Bouddha ou un Boddhisattva se réincarne en un nouveau-né que le Rinpotché décrit avant de mourir. Puisqu’il n’y a plus qu’un seul successeur, désigné par le Rinpotché lui-même, le problème de la succession, des rivalités familiales et de la dilapidation des biens ne se posait plus. C’est ainsi que l’école des Bonnets Jaunes a acquis notoriété, puissance et terres.
Au 16ème siècle, alors que les Mongols ont dû se retirer de la Chine pour faire place à la dynastie Ming, mais que le Tibet reste toujours annexé à la Chine, le Khan de Mongolie qualifie le Rinpotché des Bonnets Jaunes de " grand océan de sagesse ", ou " dalaï " en mongol, ou " gyatso " en tibétain. Depuis lors, les Dalaï Lamas sont considérés comme une lignée de réincarnations de Tchenrezi, le Boddhisattva de la grande compassion. Pourtant, de compassion, il n’y en avait guère dans ce régime de servage particulièrement cruel vis-à-vis des familles de serfs, des moine-serfs, des femmes et autres sujets de peu d’importance mais qui constituaient la très grande majorité de la société tibétaine. Intimidation morales, mutilations physiques et sacrifices humains ont été le lot du peuple tibétain jusqu’au milieu du 20ème siècle. La prise de pouvoir des Mandchous sur la Chine, au 17ème, n’a fait que renforcer le servage puisque les Mandchous l’ont légalisé. Ils ont aussi nommé le Dalaï Lama (le " Grand Cinquième ", à l’époque) comme " chef spirituel et temporel du Tibet ", ce qui ne les a pas empêché par ailleurs d’envoyer un émissaire (" l’amban ") pour contrôler les finances et surveiller la politique extérieure d’un Tibet qui, d’après les mandchous, était encore trop sous la coupole des Mongols. Ce sont encore les Mandchous qui ont dessiné les frontières des 18 provinces chinoises, entre autres celle du Tibet. C’est donc depuis cette époque (18ème siècle) que le Tibet est une province chinoise à part entière, bien qu’elle fut une province soumise à un régime de protectorat assez " libéral ".
Au 19ème, le Tibet, de même que bien d’autres terres asiatiques, doit compter avec les puissances occidentales, principalement celles de l’Empire britannique, fort présent en Inde, et l’Empire du Tsar, de l’autre côté des monts TaiShan. Ce que convoitent ces deux empires n’est pas le Tibet, trop pauvre et difficilement accessible, mais la Chine. En effet, les concessions chinoises concernaient principalement les villes côtières de la Chine, mais aucun pays européen n’était parvenu à s’installer au cœur de la Chine. C’est dans un but de conquête que le Tsar Nicolas II envoie un émissaire à Lhassa, le lama Dorjiev qui se fait passer pour maître tantrique et devient le bras droit du 13ème Dalaï Lama. De cette époque date la rencontre entre Madame Blavatsky et le Bouddhisme tibétain, rencontre qui donna lieu à un vaste mouvement qui, dès ses débuts, s’est inscrit dans la lutte contre un Socialisme émergeant et montant. C’est aussi par convoitise pour la Chine qu’à la fin du 19ème siècle, les troupes britanniques envahissent le Tibet à partir des frontières indiennes. Le 13ème Dalaï ne sait plus où donner de la tête, tellement il se voit entourer de bras droits : russe, anglais, mandchou, japonais. Il tourne comme une girouette au gré du vent, mais son objectif reste le même : préserver au mieux les privilèges de la noblesse tibétaine, clergé et laïque. Finalement, ce sont les Britanniques qui s’avèrent les mieux placés sur l’échiquier politique du moment et le 13ème se joint à eux lorsqu’en 1913 a lieu la conférence de Simla, en Inde. Cette célèbre rencontre rassembla la toute jeune République chinoise (elle n’a que deux ans), le puissant Empire britannique et une délégation tibétaine envoyée par le 13ème Dalaï. Bien conseillés par la convoitise des Anglais, les Tibétains déroulent sur la table de négociation une carte du " Grand Tibet " : le territoire conquis par les Tubo entre le 7ème et le 9ème siècle et qui représente 2,5 X la province du Tibet. Sur base de cette carte (dessinée grâce aux cartes anglaises !), les Tibétains réclament leur indépendance à la jeune République chinoise. Les Anglais signent, évidemment. Les Chinois refusent, évidemment. Et l’affaire en est resté là, rien ne changea pour le Tibet : il continua à faire partie de la Chine, il ne fut accepté comme pays indépendant ni par la Chine, ni, plus tard, par l’ONU. Alors pourquoi entend-on depuis cinquante ans que " le Tibet est occupé par la Chine " ? Parce qu’au début du 20ème siècle, les Anglais occupaient le Tibet !… de la même manière que les Belges occupaient le Congo ou que les Français occupaient le Vietnam et les Espagnols, l’Amérique latine. Nous avons cette grande prétention en Occident de croire que parce qu’on occupe un pays " non civilisé ", il nous appartient d’emblée ! Historiquement, au Tibet, il n’en fut rien. Même si, actuellement, cela arrangerait beaucoup mieux nos grandes puissances !
La première guerre mondiale, puis la deuxième guerre mondiale, ont mis en veilleuse la demande d’indépendance du Tibet, jusqu’aux débuts de la guerre froide. C’est à ce moment que les Etats-Unis entrent en scène. Les Etats-Unis ont vu dans cette demande d’indépendance un atout important dans leur lutte contre le communisme en Asie, surtout contre le PCC. Ils ont clairement acheté le Bouddhisme tibétain et son représentant le plus célèbre, le Dalaï Lama. De même, ils ont financé, pendant cinquante ans, la bouddhéisation de l’Occident sur fond de mélodrame psychanalytique… et on sait avec quelle délectation certains milieux psychanalytiques se sont emparés de cette histoire quasi biblique ! Toutefois, pour nous faire croire à un conflit ethnique entre Chinois et Tibétains, puis à un génocide culturel, les grandes puissances ont eu besoin du concours du Dalaï Lama. Il était l’autorité tibétaine la plus indiquée pour se servir du Bouddhisme en vue de rallier à la " cause tibétaine " la très grande majorité de la classe moyenne, intellectuelle et semi-bourgeoise de l’Occident (nous, en l’occurrence). Ce n’était pas la première fois que le Bouddhisme servait un dessein politique. Ce fut le cas à maintes reprises au cours de son histoire, en Inde, en Chine, au Japon, au Tibet. Ce n’est pas non plus la seule religion à s’être prêtée à des buts politiques, on pourrait même dire que dès qu’une religion est institutionnalisée, elle sert le pouvoir en place. Mais n’est-elle pas institutionnalisée par le pouvoir pour servir celui-ci ? La dernière fois que le Bouddhisme tibétain a servi des ambitions politiques était une fois mémorable, parce que particulièrement macabre. C’était avant la seconde guerre mondiale, lorsque l’idéologie nazie s’est inspirée de l’esprit du Guerrier défenseur de la " Bonne Doctrine " (le dharma, version tibétaine), du culte de l’homme originel et de la race pure (version " Doctrine secrète ". De même qu’elle s’est emparée de l’esprit du Samouraï présent dans le Zen japonais et qui a montré son infinie cruauté lors de la guerre sino-japonaise.
Durant l’après-guerre, époque caractérisée par la chasse aux sorcière communistes, il ne fut pas difficile au 14ème Dalaï Lama de proposer à l’Occident une version du Bouddhisme tibétain qui caressait les intellectuels dans le sens du poil, en passant sous silence le millénaire d’atrocités que les lamas du Bouddhisme tibétain infligèrent aux populations du Tibet. Chez nous, le Bouddhisme est paradoxalement devenu l’emblème d’un religion de tolérance et de compassion. Or le Bouddhisme tibétain a une histoire particulièrement sinistre et violente, faite de meurtres, de tortures, de mutilations, d’intrigues de couloirs, d’assassinats, etc. Les différentes lignées de Rinpotché, entre autre, celle des Dalaï Lamas, ont toujours manœuvré en vue de conserver leurs biens et leurs privilèges sans se préoccuper le moins du monde d’améliorer la vie des Tibétains… est-ce cela la compassion et la tolérance ? Pourtant le Bouddhisme tibétain a su séduire l’Occident intellectuel, au point qu’on pense souvent chez nous que le Dalaï Lama est le " pape " des Bouddhistes, que tous les dimanches matins 20 minutes d’antenne sont consacrées à la " voix bouddhiste ", et que sur le marché des spiritualités, le Bouddhisme tibétain figure en bonne place. Si le Bouddhisme tibétain est devenu la vedette d’Arte, c’est surtout grâce à un magistral coup de marketing de la part du Dalaï Lama et de ses " managers ". Ils ont été chercher dans le Bouddhisme les aspects les plus aptes à séduire le public occidental. Il faut dire que, d’une part, le Bouddhisme est particulièrement plastique et donc se prête à ce genre de manipulations, et que d’autre part, à l’époque où le Bouddhisme tibétain commence à faire plus parler de lui, l’Occident lui est ouvert : durant l’après-guerre, les biens de consommation affluent sur le marché, les Européens se sentent à l’aise, pas de soucis de travail ni d’argent, l’avenir est radieux. Du coup, la religiosité ancestrale s’effiloche, s’effrite et se fait efficacement remplacer par " l’athéisme qui embrasse l’absolu " !
Jusque dans les années ’80 et ’90 (avec la fatidique année 89), lorsque resurgit une ère de grandes catastrophes : l’engouement actuel pour le Bouddhisme tibétain s’inscrit dans le mouvement de résurgence des religions, de toutes les religions, où chacune revêt ses plus beaux atours. Que le Bouddhisme ait particulièrement touché les intellectuels, semi-bourgeois, post-68-tards, bio-névro, n’a rien d’étonnant. En effet, le Bouddhisme originel (le dharma) propose une méthode, parfois qualifiée de " thérapeutique ", pour se débarrasser de ce sentiment d’insatisfaction et de semi-dépression permanente dans lequel sont agglutinés une majorité de nos congénères moyennement pensants. Ce sentiment vient du fait que ces personnes (nous, à nouveau) ont un ego très imposant, très lourd à porter, parce qu’elles ont en permanence le soucis de se distinguer des autres, de préserver leur identité, leur individualité, leur intégralité, leur originalité…et vont faire bronzette sur les plages les moins fréquentées. Le Bouddhisme originel parle d’abord à ces individus pour qui l’écologie devient très vite de " l’égologie ". D’ailleurs, une des caractéristiques du Bouddhisme est que, dans ses différents pays d’accueil, il a été d’abord protégé et divulgué, par les " grands ", ceux qui ont pouvoir, avoir et savoir : les rois, les empereurs, les lettrés, les intellectuels. Maintenant, il est porté par les stars de cinéma, les marchands d’armes, les banquiers, les universitaires " labelisés ", les Georges Sorros et les Richard Gerre. Le Bouddha lui-même était fils de roi, ne l’oublions pas, et, de manière spontanée, il a parlé à ses collègues des beaux quartiers.
Le Dalaï Lama a très bien compris que pour remplir son contrat, il devrait se rallier la classe moyenne et moyennement pensante de l’Occident. Pour cela, il fallait un retour aux sources du Bouddhisme, il fallait qu’il utilise l’atout du Bouddhisme originel, celui qui apprend à ne plus souffrir d’avoir un ego aussi pesant. Il fallait aussi adapter le vocabulaire à la demande occidentale. C’est ainsi que le Bouddhisme est tout à-coup devenu une philosophie, alors qu’il avait toujours été une religion. Une religion sans Dieu, certes, mais une religion à part entière : une religion pour laquelle le Salut est l’Au-delà de toute dualité, l’en-dehors de nos conditions physiques et temporelles, une transcendance finalement assez similaire à celle du monde chrétien. Il a encore fallu nettoyer le Bouddhisme tibétain de ses aspects spécifiquement tibétain : les monstres dévoreurs d’enfants, les séances d’exorcisme, les rituels magiques, l’utilisation des femmes, les dogmes trop apparents, etc., tout en conservant timbales, trompettes et carpettes pour préserver son exotisme. Grâce à ce considérable effort de marketing, le Bouddhisme tibétain a pu répondre positivement à la demande occidentale d’une spiritualité athée, authentique et " clean ". Mais rien d’alarmant au fait que le Bouddhisme ait une envie soudaine de retourner à ses sources : c’est dans l’air du temps, c’est dans la vague du New Age et du renouveau charismatique. Pourquoi ne le pourrait-il pas ? … Parce que le Dalaï Lama et les promoteurs du Bouddhisme tibétain savent pertinemment bien qu’en utilisant les aspects les plus séduisants du Bouddhisme, ils ne font pas qu’une bonne pêche de nouveaux bouddhistes potentiels (ce qui est assez secondaire), mais ils amènent ces personnes - qui ne sont d’ailleurs pas sensées se convertir au Bouddhisme, la plupart d’entre elles se disent " proches du Bouddhisme " ou " sympathisantes " - à rejoindre le mouvement pour l’indépendance du Tibet. Ce qui, chez nous, revient automatiquement à dire : rejoindre le concert international contre la Chine. Cet automatisme vient du fait que trop peu d’analyses historiques du Tibet nous sont proposées. Nous manquons de données pour que puisse se tenir un raisonnement critique. J’ai écrit ce livre pour donner un début d’informations, pour ouvrir un débat et pour montrer qu’il existe d’autres versions, visions ou versants du Bouddhisme tibétain que ceux que nous proposent nos couloirs.eu et nos congrès.com
Biologiste, spécialisée en médecine traditionnelle chinoise à Nankin de 1988 à 92, Elisabeth Martens est chargée de cours de sinologie au centre Tian-di depuis 1992 : langue, philosophie, histoire, sciences et techniques, médecine, pratiques de santé. http://www.tiandi.eu/index.html
L’Autre Livre http://users.skynet.be/livres/Presentation.htm
Le livre que je voudrais vous présenter aujourd’hui est le résultat d’un travail de réflexion, de recherches, de documentation, mais aussi de voyages, de rencontres et de discussions qui s’est étalé sur une dizaine d’années. Il se divise en trois chapitres qui se juxtaposent avec assez de justesse aux trois axes de réflexions qui ont dirigé sa rédaction. Un premier axe de réflexion est un questionnement philosophique quant à ce qu’est une religion et quant à ce qui la différencie d’une philosophie… où vous retrouvez d’emblée une des questions " classiques " que pose le Bouddhisme à l’Occident : est-il une religion ou une philosophie ? Cette question m’a amené à proposer une distinction claire entre pensée indienne de laquelle est né le Bouddhisme, et pensée chinoise. Dans ce premier chapitre, vous trouverez également un questionnement par rapport à la nécessité, ou non, de préserver les religions, en général : pourquoi une religion ? à quoi sert la foi religieuse ? répond-elle à une aspiration profonde de l’être humain ? l’être humain ne peut-il s’épanouir pleinement en-dehors de toute foi religieuse ? A ces questions que je considère comme fondamentale dans la vie de chaque personne, je ne propose que quelques pistes de réflexion personnelles, mais que j’ai pris plaisir à partager, et en espérant qu’elles puissent alimenter la réflexion de chacun. Cette part " essais " de mon livre est la plus présente dans le premier chapitre, mais se retrouve tout au long des pages, en particulier vers la fin et dans la conclusion. Toutefois, le premier chapitre ne s’en tient pas qu’à des questionnements : il analyse aussi l’évolution du Bouddhisme à partir de sa terre d’origine et de son enseignement d’origine (le dharma), et montre que le Bouddhisme, comme toute autre forme de pensée ou de croyance, n’a pu faire abstraction des contingences sociales et politiques dans lesquelles il a évolué. Il s’en est d’ailleurs trouvé profondément modifié, jusqu’à donner naissance au Bouddhisme tibétain que certains milieux avertis considèrent comme l’école bouddhiste la plus éloignée du dharma, alors que d’autres milieux, tout aussi avertis, considèrent comme l’école bouddhiste la plus aboutie (un homme averti en vaut deux !).
Un second axe de mon travail est une étude systématique de l’histoire du Tibet, vue sous l’angle du Bouddhisme tibétain. Cette étude historique constitue le cœur du livre et le chapitre le plus volumineux. J’y reviendrai dans un instant, mais je voudrais d’abord vous expliquer la raison pur laquelle il m’a semblé important de consacrer autant de temps à l’étude historique du Bouddhisme tibétain. Pour cela, j’aborde le troisième axe de réflexion qui a dirigé mon travail : il s’agit d’un analyse critique de l’importation du Bouddhisme tibétain en Occident et de la vaste médiatisation dont il jouit chez nous, depuis une cinquantaine d’années. Pourquoi une telle médiatisation ? n’a-t-elle pas un arrière-goût politique ou stratégique ? C’est en réalité ce troisième axe de réflexion qui m’a amené, finalement, à rédiger ce livre. En effet, j’ai habité en Chine de 1988 à 1992, pour me spécialiser en médecine traditionnelle chinoise. J’étais donc sur place lors des événements de la Place Tian AnMen en ‘89, la même année qui a vu chuter le mur de Berlin, et la même année qui a vu le Dalaï Lama se faire honorer du prix Nobel de la Paix. Cette année 1989 mériterait à elle seule une étude approfondie : ces différents événements qui, apparemment, n’ont pas beaucoup de liens entre eux, peuvent être considérés comme un moment de bascule vers une " ère de grandes catastrophes " dont se pourlèchent actuellement nos médias. Si, d’une part, cette ère catastrophiste aiguise nos appétits rebelles et fait naître des mouvements de résistance de plus en plus nombreux, bien que encore trop timides et trop peu organisés, d’autre part, elle éveille et attise aussi nos angoisses face à un futur de jour en jour plus nébuleux et incertain. C’est sur cette angoissante nébuleuse du futur que s’appuie une constellation quasi infinie d’associations spiritueuses qui nous rappellent de manière insistante que notre être spirituel est en chute libre, que nous divaguons dans un grand no man’s land spirituel.
Ce vide spirituel, nous devrions le combler par des méthodes qui vont des " constellations familiales " à la " naturopathie ", du " biodanza " au " reiki ", de " l’éveil de la connaissance de soi " à " l’approche de la méditation ", de la " méditation de la lumière " au " tarot et arts divinatoires ", de la " thérapie par les sons " à la " kinésiologie ", de " l’atelier des couleurs " au " tantrisme ", et j’en passe… il suffit d’ouvrir n’importe quel " agenda + " que vous trouvez dans toutes les bonnes épiceries bios ! Les intitulés de ces cours, conférences, stages, ateliers, etc., que l’on sent fort proches du New Age ou faisant carrément partie du New Age, ne nous étonnent plus, nous avons eu le temps de nous y habituer ! En effet, la sphère du New Age n’est pas si nouvelle que ça puisqu’elle est apparue il y a plus de cent ans. C’était à la fin du 19ème siècle, avec Helena Blavatsky. Cette dame, issue d’une famille de la noblesse russe et proche du Tsar fut, dès son jeune âge, mise en contact avec des maîtres du Bouddhisme tibétain. Suite à une vie spirituelle fort chargée, elle nous laissa comme héritage une œuvre monumentale : " La Doctrine Secrète ". Ce livre remet au goût du jour la quête de l’origine commune de l’humanité, le culte de la race pure, la nostalgie des époques révolues " du bon vieux temps quand tout allait beaucoup mieux ! ". C’est sur cette œuvre que se sont basés les successeurs de Madame Blavatsky pour lancer, dès le début du 20ème siècle, le vaste mouvement du New Age, mouvement de l’homme nouveau, de l’ère nouvelle, mouvement qui prône un gouvernement mondial unique, guidé par une pensée unique ! Aujourd’hui, le Bouddhisme tibétain resurgit au cœur de cette mouvance qui, malgré son odeur de sainteté, est combien trompeuse : la penserait-on en train de flirter avec la " globalisation " alors que tous les aimables tenants du New Age sont les premiers à décrier et à dénoncer celle-ci ? Depuis que le Dalaï Lama a reçu le prix Nobel de la Paix, documentaires, longs métrages, livres, revues, CD, etc. se multiplient exponentiellement et sont portés aux nues par les nombreux satellites du New Age.
C’est dans cette exaltation nouvelle pour le Bouddhisme tibétain, que se tint une exposition grandiose au Cinquantenaire en 1994. Cette expo était en opposition radicale avec tout ce que j’avais vu, entendu et vécu moi-même en Chine pendant plus de trois ans. Inutile de préciser qu’elle était plus une attaque en règle contre la Chine, et plus particulièrement contre le communisme chinois, qu’une ouverture permettant de comprendre le Tibet et ses relations avec la Chine au cours de l’histoire. C’est suite à cette expo, de laquelle je suis sortie passablement écœurée, que je me suis mise à rassembler documents et informations destinés à me faire une opinion quant au " conflit sino-tibétain ". Mon éducation familiale et post-familiale a fait qu’à cette époque j’étais, hélas ou non, entièrement a-politisée. Je n’avais donc aucune raison de me joindre à ce concert BC-BG contre la Chine, pas plus que je n’avais de raison de me lier à l’opinion des intellectuels chinois qui différait à 180° de ce qui se disait en Occident. Qui et que croire face à de telles contradictions ? Pourtant, il s’agissait bien d’une histoire, de l’histoire d’un peuple réel et d’un territoire réel. Il devait donc exister suffisamment de faits historiques sur lesquels m’appuyer pour me forger une opinion. Dès lors, je me suis attelée à récolter ces données, avec la participation attentionnée et patiente de mon conjoint, pendant une dizaine d’années. Le fait que je ne sois pas bouddhiste, et que je n’adhère à aucune autre foi religieuse – bien que je ne me sentes nullement en " vide spirituel ", au contraire, j’estime que mon être spirituel se porte fort bien ! – m’a sans doute facilité la tâche pour garder un esprit critique face au Bouddhisme et pour replacer le Bouddhisme dans les différents contextes qui l’ont vu évoluer. Ce sont les faits historiques, l’étude systématique de l’histoire du Tibet jusqu’au 21ème siècle, qui m’ont amené à m’insurger ouvertement contre la manière dont les médias présentent le " conflit sino-tibétain ". D’après eux, on devrait choisir entre la Chine ou le Tibet : on est soit pour le Tibet contre la Chine, soit pour la Chine contre le Tibet, il n’y a pas d’alternatives possibles. Inutile de préciser que la deuxième proposition ne fait pas bon effet lorsqu’elle est affichée en public. Depuis 1959 (c’est-à-dire depuis que le Dalaï Lama n’est plus au Tibet), les médias ont systématiquement noirci la Chine et mystifié le Tibet et le Dalaï Lama, de sorte que, actuellement, après 50 ans de matraquage médiatique, la très grande majorité (pour ne pas dire la quasi totalité) des intellectuels occidentaux choisissent pour le Tibet, donc contre la Chine.
Pour arriver à ce résultat mirobolant, les médias se sont servis de l’histoire pathétique du Dalaï Lama, une histoire émouvante et remuant nos archétypes les plus profonds : l’histoire d’un roi-dieu, un roi-père, destitué de son trône par des traîtres pervers, chassé de son territoire par des démons rouges à queue fourchue, et " exilé par la force des armes ", précisent les médias. Alors qu’on sait fort bien maintenant que cet exil a été choisi par le Dalaï Lama, en accord avec l’aristocratie tibétaine, les laïcs et le clergé réunis. On sait fort bien que sa fuite a été organisée, préparée et financée par les Etats-Unis. Plusieurs ouvrages ont été écrit à ce sujet, non pas des ouvrages chinois, mais des ouvrages rédigés aux Etats-Unis, au Canada, en Angleterre, entre autre par les ex-agents de la CIA qui ont commandité la fuite du Dalaï, des grands lamas et de l’aristocratie tibétaine, ces mêmes agents présents au Sikkim pour organiser la résistance tibétaine. Ces livres rendent public les mensonges médiatiques à propos du Tibet, dont le plus tenace est le " 1,2 millions de morts tibétains à cause de l’occupation chinoise ", chiffre qui a été démenti parce que, statistiquement et démographiquement, il ne tient pas la route. Ces livres rendent aussi public le soutien des Etats-Unis au Dalaï Lama et au Tibet, dès avant ’59 : une dépêche du ministère des affaires étrangères des Etats-Unis note en 1956 que " le Tibet doit devenir le bastion de notre lutte contre le communisme en Asie ". Cette petite note exprime clairement que le Tibet et son représentant le plus célèbre ont été choisis pour servir de pions dans la guerre froide menée par les Etats-Unis, principalement contre le communisme en Chine. Une telle vision étasunienne, pragmatique et futuriste à la fois, explique la présence de le CIA au Sikkim dès le milieu des années ’50. Elle explique aussi le soutien financier dont ont joui les communautés tibétaines dès leur exil (1,7 million $/an pendant les années ’60) et le Dalaï Lama à la même époque (186.000 $/an), sans parler du soutien logistique octroyé aux mouvements pour l’indépendance du Tibet. On pourrait penser qu’avec le temps, ces financements se sont étiolés, mais il n’en est rien, ils se poursuivent de plus belle quoique sous l’auspice d’association aux noms plus ronflant que la " CIA ". C’est ainsi que les communautés tibétaines perçoivent aujourd’hui 2 millions $/an du " National Endowment for Democraty " (organisation étasunienne au-delà de tous soupçons !), à quoi il faut ajouter les nombreuses facilités dont jouissent les tibétains en exil, ainsi que les financements de la part de grands trusts internationaux.
Ces ouvrages qui racontent l’autre versant de l’histoire récente du Tibet ne sont évidemment pas ceux que l’on trouve sur les rayons du GB et du Carrefour à côté du sourire angélique et tellement craquant de notre Sainteté. Une fois n’est pas coutume, voilà qu’il pose à nouveau sur la couverture de sa dernière parution : " L’univers en un seul atome ". Car le Dalaï Lama ne se contente plus de rassembler les seuls paumés spirituels de l’Occident, les post-68-tards qui ne voulaient plus " bêtement " croire en Dieu et qui trouvaient dans le Bouddhisme une alternative exotique et à leur goût… Non ! Voilà que le Dalaï se fait aussi inviter aux colloques scientifiques se tenant aux Etats-Unis, qu’il s’installe dans les fauteuils des parlementaires européens, qu’il sympathise avec le pape, les grands rabbins, les imams, sans négliger les chamanes mexicains… et voilà que le Bouddhisme tibétain s’immisce même dans nos écoles primaires : quoi de plus calmants pour nos jeunes têtes blondes que de colorier un mandala en fin de journée ? En effet, quoi de plus calmant pour ces petites têtes lorsqu’elles sont pleines de calculs et de fautes d’orthographe … ? Cette lente pénétration du Bouddhisme tibétain dans l’inconscient de nos vies ne serait pas à dénoncer s’il était exempt d’une toile de fond politique qui ressemble furieusement à de la propagande insidieuse et sournoise. Or cette propagande est entièrement financée et soutenue par les Etats-Unis, suivis par les puissances occidentales. La question réelle du conflit sino-tibétain n’est donc pas : " Chine, ou pas Chine ? ", mais elle est : " quels sont les intérêts des grandes puissances à soutenir la " cause tibétaine " et à systématiquement assombrir le versant chinois de ce conflit ?
En fait, leur intérêt est assez évident et le devient de plus en plus : il ne passe plus un jour sans que les médias ne se préoccupent et ne s’inquiètent de la percée économique fulgurante de la Chine. La Chine représente pour l’Occident la planche de salut d’un système qui, sans elle, entrerait dans sa phase moribonde. Si les grandes puissances parviennent à conquérir le gigantesque marché chinois, en croissance continue, les capitaux occidentaux pourront continuer leur course pendant encore quelques dizaines d’années, voire un siècle. Sans le recours à la Chine, notre système économique rejoue le scénario du Titanic, il prend l’eau de partout et est voué à perdre ses privilèges en peu de temps. Donc, toute déstabilisation de la Chine, et surtout une déstabilisation venant de l’intérieur de la Chine, est bienvenue pour l’Occident. Le Tibet fait partie de la Chine, aussi l’Occident a-t-il tout intérêt à attiser les foyers indépendantistes, sous couverts de " conflits ethniques ". Mais, à ce stade, on ne peut évidemment pas passer sous silence la question de fond que pose le Tibet : l’indépendance du Tibet est-elle justifiée ? Pour répondre à cette question, il est indispensable d’analyser l’histoire du Tibet et l’histoire de ses relations avec la Chine. C’est donc ce qui m’a conduit à étudier cette histoire et à écrire le deuxième chapitre de mon livre. Je voudrais ébaucher ici très rapidement les grandes étapes de cette histoire tibétaine, pour en distinguer les couleurs dominantes.
Jusqu’au 7ème PC, le haut plateau tibétain (qui recouvre environ 5X la France) était peuplé de tribus semi-nomades. A cette époque, le fils aîné d’une famille influente se met en tête de rassembler les différentes tribus éparpillées et de constituer une grande armée. Les ambitions de Song Tsen Gampo ont fait basculer la société tibétaine d’une structure tribale vers une structure esclavagiste : les paysans étaient enrôlés de force dans les efforts de conquête de la lignée dynastique des Tubo (d’où vient, par dérives phonétiques, le nom " Tibet "). A la façon de Gengis Khan au 13ème, Song Tsen Gampo conquiert ainsi le haut plateau tibétain et ira même jusqu’à titiller son puissant voisin, la Chine des Tang. Tant et si bien que l’empereur des Tang sera amené à donner sa fille en mariage à ce roi fougueux. Grâce à la princesse Wen Cheng, le Bouddhisme, sous sa forme chinoise de l’école du JingTu (ou de la " Terre Pure ", qui compte encore de nombreux fidèles chinois aujourd’hui) apparaît sur le haut plateau. Le Bouddhisme doit alors rivaliser durement avec la religion autochtone, le Bön, une religion animiste embrassée par l’ensemble des populations tibétaines. Jusqu’au 9ème siècle, lorsqu’un roi Tubo veut imposer le Bouddhisme au Tibet. Pour ce faire, il invite un maître tantrique à venir enseigner la voie tantrique. Padmasambhava, venu du Nord de l’Inde, est considéré encore aujourd’hui comme le père du Bouddhisme tibétain, parce qu’il a réussi à adapter la voie tantrique aux couleurs locales. C’est ainsi que le Bouddhisme tantrique, dernière école bouddhiste née en Inde, se charge de divers cultes et croyances, dieux et démons du Bön. Suite à des intrigues familiales complexes, la dynastie Tubo s’émiette et se perd dans les méandres de l’Histoire. Le Tibet fut donc un grand royaume ou un grand empire (on entend dire les deux) du 7ème au début du 9ème PC. A cette époque, on ne parlait ni d’indépendance, ni de frontières. Or, la carte du " Grand Tibet ", telle qu’elle est dessinée aujourd’hui par les mouvements d’indépendance du Tibet, se base sur ce territoire conquis par les Tubo entre le 7ème et le 9ème PC.
Après cette période de " gloire esclavagiste ", le Tibet sombre dans quatre siècles de rivalités tribales. C’est durant cette période d’instabilité que le Bouddhisme tibétain prend réellement son envol, et ceci grâce au grand prophète… Mohamed ! En effet, les troupes musulmanes commencent à envahir le Nord de l’Inde, et dès le 10ème PC, elles font fuir les derniers maîtres tantriques. Ces maîtres indiens se retrouvent au Tibet où ils sont accueillis bras ouverts par la noblesse tibétaine qui voit rapidement les avantages qu’elle peut tirer de l’installation de communautés tantriques sur le haut plateau. Les premières communautés bouddhistes qui se forment au Tibet, celles des Bonnets Rouges ou de l’école des Anciens, sont des communautés familiales. Les maîtres peuvent prendre femmes et avoir de nombreux enfants. Grâce à cette caractéristique assez particulière pour une école bouddhiste, ces communautés deviennent l’ossature d’une structure sociale nouvelle basée sur le servage. Les Rinpotchés (responsables des communautés bouddhistes) étaient choisis parmi les fils des familles nobles. Ce système assurait le maintien des biens, qui était surtout des biens fonciers, au sein des familles de la noblesse tibétaine. En même temps, il assurait le respect d’une hiérarchie stricte indispensable pour installer un régime de servage. Cette période d’implantation du Bouddhisme tibétain au Tibet se nomme aussi la période de " Renaissance du Bouddhisme " : quasi chaque maître tantrique indien arrivant au Tibet fondait sa propre école. Dès lors, il existait un foisonnement d’écoles et de manières d’appréhender et de pratiquer le Tantrisme, ce qui eut pour avantage d’enrichir considérablement le Bouddhisme et de lui redonner un élan. Toutefois, toutes ces écoles nouvelles ont pris comme modèle celle des Bonnets rouges, c'est-à-dire, des communautés familiales qui assuraient la transmission des biens de père en fils. En pratique, c’était toujours les familles de la noblesse tibétaine qui régnaient et rivalisaient entre elles, comme c’était le cas avant la dynastie Tubo, mais cette fois, en s’appuyant sur un régime de servage installé grâce aux communautés bouddhistes.
Au 13ème siècle, Gengis Khan et ses fils tentent de conquérir la Chine. Celle-ci ne se laisse pas faire et oblige les troupes mongoles à traverser le haut plateau tibétain pour se diriger vers les provinces du Sud (Sichuan et Yunnan actuels). En passant par le plateau tibétain, les Mongols ne rencontrent que peu de résistance, chaque communauté et famille étant en train de préserver ses acquis. Le Khan désigne alors le Rinpotché de l’école la plus influente du moment (les Sakyapa) comme administrateur suprême du Tibet. Du même coup, il annexe le Tibet à l’Empire chinois qui vient d’être mis sous tutelle mongole. Pour la première fois de son histoire, le Tibet fait partie de la Chine, non pas par décision des Chinois, mais des par décision des Mongols. Les Mongols garderont une forte influence sur le Tibet jusqu’au 18ème siècle, lorsque les Mandchous prendront la relève. Mais entre le 13ème et le 18ème, le Bouddhisme tibétain subit une réforme importante apportée au 14ème par un maître tantrique, TsongKapa. Le point principal de cette réforme est l’imposition du célibat aux lamas, exception faite pour les quelques hauts lamas qui ont atteint la troisième étape de réalisation. Cette ultime étape tantrique exigeait la présence de femmes, le meilleur calibre pour atteindre l’illumination le plus rapidement possible étaient des fillettes de 10 ans jusqu’à des jeunes femmes de 25 ans. La réforme apportée par TsongKapa et concrétisée par l’apparition de l’école des Bonnets Jaunes (ou Gelukpa, les plus nombreux actuellement), n’était pas qu’une affaire de mœurs ou de moralité publique, tel qu’on se plaît à le penser chez nous. Il s’agissait surtout d’une affaire politique. En effet, la structure précédente dans laquelle les biens se transmettaient au sein des familles de Rinpotché (donc au sein des familles nobles) se trouvait face au délicat problème des fratries. La plupart du temps, la fratrie en venait aux mains, si pas aux armes, pour s’arracher un morceau de territoire lors du décès d’un Rinpotché. Les nombreux rejetons dilapidaient trop rapidement les biens de la noblesse. TsongKapa se dit que si les communautés tantriques n’étaient plus familiales, mais qu’elles revenaient au célibat, tel qu’enseigné par le Bouddha historique, les problèmes de succession devraient se régler autrement. On inventa alors le système des " tulkous ", ou des Bouddhas vivants : un Bouddha ou un Boddhisattva se réincarne en un nouveau-né que le Rinpotché décrit avant de mourir. Puisqu’il n’y a plus qu’un seul successeur, désigné par le Rinpotché lui-même, le problème de la succession, des rivalités familiales et de la dilapidation des biens ne se posait plus. C’est ainsi que l’école des Bonnets Jaunes a acquis notoriété, puissance et terres.
Au 16ème siècle, alors que les Mongols ont dû se retirer de la Chine pour faire place à la dynastie Ming, mais que le Tibet reste toujours annexé à la Chine, le Khan de Mongolie qualifie le Rinpotché des Bonnets Jaunes de " grand océan de sagesse ", ou " dalaï " en mongol, ou " gyatso " en tibétain. Depuis lors, les Dalaï Lamas sont considérés comme une lignée de réincarnations de Tchenrezi, le Boddhisattva de la grande compassion. Pourtant, de compassion, il n’y en avait guère dans ce régime de servage particulièrement cruel vis-à-vis des familles de serfs, des moine-serfs, des femmes et autres sujets de peu d’importance mais qui constituaient la très grande majorité de la société tibétaine. Intimidation morales, mutilations physiques et sacrifices humains ont été le lot du peuple tibétain jusqu’au milieu du 20ème siècle. La prise de pouvoir des Mandchous sur la Chine, au 17ème, n’a fait que renforcer le servage puisque les Mandchous l’ont légalisé. Ils ont aussi nommé le Dalaï Lama (le " Grand Cinquième ", à l’époque) comme " chef spirituel et temporel du Tibet ", ce qui ne les a pas empêché par ailleurs d’envoyer un émissaire (" l’amban ") pour contrôler les finances et surveiller la politique extérieure d’un Tibet qui, d’après les mandchous, était encore trop sous la coupole des Mongols. Ce sont encore les Mandchous qui ont dessiné les frontières des 18 provinces chinoises, entre autres celle du Tibet. C’est donc depuis cette époque (18ème siècle) que le Tibet est une province chinoise à part entière, bien qu’elle fut une province soumise à un régime de protectorat assez " libéral ".
Au 19ème, le Tibet, de même que bien d’autres terres asiatiques, doit compter avec les puissances occidentales, principalement celles de l’Empire britannique, fort présent en Inde, et l’Empire du Tsar, de l’autre côté des monts TaiShan. Ce que convoitent ces deux empires n’est pas le Tibet, trop pauvre et difficilement accessible, mais la Chine. En effet, les concessions chinoises concernaient principalement les villes côtières de la Chine, mais aucun pays européen n’était parvenu à s’installer au cœur de la Chine. C’est dans un but de conquête que le Tsar Nicolas II envoie un émissaire à Lhassa, le lama Dorjiev qui se fait passer pour maître tantrique et devient le bras droit du 13ème Dalaï Lama. De cette époque date la rencontre entre Madame Blavatsky et le Bouddhisme tibétain, rencontre qui donna lieu à un vaste mouvement qui, dès ses débuts, s’est inscrit dans la lutte contre un Socialisme émergeant et montant. C’est aussi par convoitise pour la Chine qu’à la fin du 19ème siècle, les troupes britanniques envahissent le Tibet à partir des frontières indiennes. Le 13ème Dalaï ne sait plus où donner de la tête, tellement il se voit entourer de bras droits : russe, anglais, mandchou, japonais. Il tourne comme une girouette au gré du vent, mais son objectif reste le même : préserver au mieux les privilèges de la noblesse tibétaine, clergé et laïque. Finalement, ce sont les Britanniques qui s’avèrent les mieux placés sur l’échiquier politique du moment et le 13ème se joint à eux lorsqu’en 1913 a lieu la conférence de Simla, en Inde. Cette célèbre rencontre rassembla la toute jeune République chinoise (elle n’a que deux ans), le puissant Empire britannique et une délégation tibétaine envoyée par le 13ème Dalaï. Bien conseillés par la convoitise des Anglais, les Tibétains déroulent sur la table de négociation une carte du " Grand Tibet " : le territoire conquis par les Tubo entre le 7ème et le 9ème siècle et qui représente 2,5 X la province du Tibet. Sur base de cette carte (dessinée grâce aux cartes anglaises !), les Tibétains réclament leur indépendance à la jeune République chinoise. Les Anglais signent, évidemment. Les Chinois refusent, évidemment. Et l’affaire en est resté là, rien ne changea pour le Tibet : il continua à faire partie de la Chine, il ne fut accepté comme pays indépendant ni par la Chine, ni, plus tard, par l’ONU. Alors pourquoi entend-on depuis cinquante ans que " le Tibet est occupé par la Chine " ? Parce qu’au début du 20ème siècle, les Anglais occupaient le Tibet !… de la même manière que les Belges occupaient le Congo ou que les Français occupaient le Vietnam et les Espagnols, l’Amérique latine. Nous avons cette grande prétention en Occident de croire que parce qu’on occupe un pays " non civilisé ", il nous appartient d’emblée ! Historiquement, au Tibet, il n’en fut rien. Même si, actuellement, cela arrangerait beaucoup mieux nos grandes puissances !
La première guerre mondiale, puis la deuxième guerre mondiale, ont mis en veilleuse la demande d’indépendance du Tibet, jusqu’aux débuts de la guerre froide. C’est à ce moment que les Etats-Unis entrent en scène. Les Etats-Unis ont vu dans cette demande d’indépendance un atout important dans leur lutte contre le communisme en Asie, surtout contre le PCC. Ils ont clairement acheté le Bouddhisme tibétain et son représentant le plus célèbre, le Dalaï Lama. De même, ils ont financé, pendant cinquante ans, la bouddhéisation de l’Occident sur fond de mélodrame psychanalytique… et on sait avec quelle délectation certains milieux psychanalytiques se sont emparés de cette histoire quasi biblique ! Toutefois, pour nous faire croire à un conflit ethnique entre Chinois et Tibétains, puis à un génocide culturel, les grandes puissances ont eu besoin du concours du Dalaï Lama. Il était l’autorité tibétaine la plus indiquée pour se servir du Bouddhisme en vue de rallier à la " cause tibétaine " la très grande majorité de la classe moyenne, intellectuelle et semi-bourgeoise de l’Occident (nous, en l’occurrence). Ce n’était pas la première fois que le Bouddhisme servait un dessein politique. Ce fut le cas à maintes reprises au cours de son histoire, en Inde, en Chine, au Japon, au Tibet. Ce n’est pas non plus la seule religion à s’être prêtée à des buts politiques, on pourrait même dire que dès qu’une religion est institutionnalisée, elle sert le pouvoir en place. Mais n’est-elle pas institutionnalisée par le pouvoir pour servir celui-ci ? La dernière fois que le Bouddhisme tibétain a servi des ambitions politiques était une fois mémorable, parce que particulièrement macabre. C’était avant la seconde guerre mondiale, lorsque l’idéologie nazie s’est inspirée de l’esprit du Guerrier défenseur de la " Bonne Doctrine " (le dharma, version tibétaine), du culte de l’homme originel et de la race pure (version " Doctrine secrète ". De même qu’elle s’est emparée de l’esprit du Samouraï présent dans le Zen japonais et qui a montré son infinie cruauté lors de la guerre sino-japonaise.
Durant l’après-guerre, époque caractérisée par la chasse aux sorcière communistes, il ne fut pas difficile au 14ème Dalaï Lama de proposer à l’Occident une version du Bouddhisme tibétain qui caressait les intellectuels dans le sens du poil, en passant sous silence le millénaire d’atrocités que les lamas du Bouddhisme tibétain infligèrent aux populations du Tibet. Chez nous, le Bouddhisme est paradoxalement devenu l’emblème d’un religion de tolérance et de compassion. Or le Bouddhisme tibétain a une histoire particulièrement sinistre et violente, faite de meurtres, de tortures, de mutilations, d’intrigues de couloirs, d’assassinats, etc. Les différentes lignées de Rinpotché, entre autre, celle des Dalaï Lamas, ont toujours manœuvré en vue de conserver leurs biens et leurs privilèges sans se préoccuper le moins du monde d’améliorer la vie des Tibétains… est-ce cela la compassion et la tolérance ? Pourtant le Bouddhisme tibétain a su séduire l’Occident intellectuel, au point qu’on pense souvent chez nous que le Dalaï Lama est le " pape " des Bouddhistes, que tous les dimanches matins 20 minutes d’antenne sont consacrées à la " voix bouddhiste ", et que sur le marché des spiritualités, le Bouddhisme tibétain figure en bonne place. Si le Bouddhisme tibétain est devenu la vedette d’Arte, c’est surtout grâce à un magistral coup de marketing de la part du Dalaï Lama et de ses " managers ". Ils ont été chercher dans le Bouddhisme les aspects les plus aptes à séduire le public occidental. Il faut dire que, d’une part, le Bouddhisme est particulièrement plastique et donc se prête à ce genre de manipulations, et que d’autre part, à l’époque où le Bouddhisme tibétain commence à faire plus parler de lui, l’Occident lui est ouvert : durant l’après-guerre, les biens de consommation affluent sur le marché, les Européens se sentent à l’aise, pas de soucis de travail ni d’argent, l’avenir est radieux. Du coup, la religiosité ancestrale s’effiloche, s’effrite et se fait efficacement remplacer par " l’athéisme qui embrasse l’absolu " !
Jusque dans les années ’80 et ’90 (avec la fatidique année 89), lorsque resurgit une ère de grandes catastrophes : l’engouement actuel pour le Bouddhisme tibétain s’inscrit dans le mouvement de résurgence des religions, de toutes les religions, où chacune revêt ses plus beaux atours. Que le Bouddhisme ait particulièrement touché les intellectuels, semi-bourgeois, post-68-tards, bio-névro, n’a rien d’étonnant. En effet, le Bouddhisme originel (le dharma) propose une méthode, parfois qualifiée de " thérapeutique ", pour se débarrasser de ce sentiment d’insatisfaction et de semi-dépression permanente dans lequel sont agglutinés une majorité de nos congénères moyennement pensants. Ce sentiment vient du fait que ces personnes (nous, à nouveau) ont un ego très imposant, très lourd à porter, parce qu’elles ont en permanence le soucis de se distinguer des autres, de préserver leur identité, leur individualité, leur intégralité, leur originalité…et vont faire bronzette sur les plages les moins fréquentées. Le Bouddhisme originel parle d’abord à ces individus pour qui l’écologie devient très vite de " l’égologie ". D’ailleurs, une des caractéristiques du Bouddhisme est que, dans ses différents pays d’accueil, il a été d’abord protégé et divulgué, par les " grands ", ceux qui ont pouvoir, avoir et savoir : les rois, les empereurs, les lettrés, les intellectuels. Maintenant, il est porté par les stars de cinéma, les marchands d’armes, les banquiers, les universitaires " labelisés ", les Georges Sorros et les Richard Gerre. Le Bouddha lui-même était fils de roi, ne l’oublions pas, et, de manière spontanée, il a parlé à ses collègues des beaux quartiers.
Le Dalaï Lama a très bien compris que pour remplir son contrat, il devrait se rallier la classe moyenne et moyennement pensante de l’Occident. Pour cela, il fallait un retour aux sources du Bouddhisme, il fallait qu’il utilise l’atout du Bouddhisme originel, celui qui apprend à ne plus souffrir d’avoir un ego aussi pesant. Il fallait aussi adapter le vocabulaire à la demande occidentale. C’est ainsi que le Bouddhisme est tout à-coup devenu une philosophie, alors qu’il avait toujours été une religion. Une religion sans Dieu, certes, mais une religion à part entière : une religion pour laquelle le Salut est l’Au-delà de toute dualité, l’en-dehors de nos conditions physiques et temporelles, une transcendance finalement assez similaire à celle du monde chrétien. Il a encore fallu nettoyer le Bouddhisme tibétain de ses aspects spécifiquement tibétain : les monstres dévoreurs d’enfants, les séances d’exorcisme, les rituels magiques, l’utilisation des femmes, les dogmes trop apparents, etc., tout en conservant timbales, trompettes et carpettes pour préserver son exotisme. Grâce à ce considérable effort de marketing, le Bouddhisme tibétain a pu répondre positivement à la demande occidentale d’une spiritualité athée, authentique et " clean ". Mais rien d’alarmant au fait que le Bouddhisme ait une envie soudaine de retourner à ses sources : c’est dans l’air du temps, c’est dans la vague du New Age et du renouveau charismatique. Pourquoi ne le pourrait-il pas ? … Parce que le Dalaï Lama et les promoteurs du Bouddhisme tibétain savent pertinemment bien qu’en utilisant les aspects les plus séduisants du Bouddhisme, ils ne font pas qu’une bonne pêche de nouveaux bouddhistes potentiels (ce qui est assez secondaire), mais ils amènent ces personnes - qui ne sont d’ailleurs pas sensées se convertir au Bouddhisme, la plupart d’entre elles se disent " proches du Bouddhisme " ou " sympathisantes " - à rejoindre le mouvement pour l’indépendance du Tibet. Ce qui, chez nous, revient automatiquement à dire : rejoindre le concert international contre la Chine. Cet automatisme vient du fait que trop peu d’analyses historiques du Tibet nous sont proposées. Nous manquons de données pour que puisse se tenir un raisonnement critique. J’ai écrit ce livre pour donner un début d’informations, pour ouvrir un débat et pour montrer qu’il existe d’autres versions, visions ou versants du Bouddhisme tibétain que ceux que nous proposent nos couloirs.eu et nos congrès.com
Biologiste, spécialisée en médecine traditionnelle chinoise à Nankin de 1988 à 92, Elisabeth Martens est chargée de cours de sinologie au centre Tian-di depuis 1992 : langue, philosophie, histoire, sciences et techniques, médecine, pratiques de santé. http://www.tiandi.eu/index.html
L’Autre Livre http://users.skynet.be/livres/Presentation.htm
Source: http://www.geocities.com/Athens/Forum/2359/
Comment la légende relate-t-elle l'éveil du bouddha historique ?
Source: http://www.geocities.com/Athens/Forum/2359/
Réponse :
Ilexiste plusieurs versions et plusieurs façons de raconter cette étapedans le parcours du bouddha historique. Il n'existe pas de versionsvéridiques ou réalistes. Les indiens n'ont pas ce culte surprenant etdouteux pour le vrai et pour la preuve. Les indiens ne sont jamaistentés par le mysticisme et par l'idolâtrie construits sur des telséléments. Non, dans ce domaine ils sont créatifs, préférant vivifier lerécit d'une ornementation poétique et affectueuse qui rend bien comptelà encore de la spécificité de la pensée et de la démarche bouddhiste,si d'aucun en doutent encore…Ces nombreuses versions s'expliquentnotamment parce que chaque auteur à voulu, sans dénaturer le récitinitial, ajouter ce qu'il pensait nécessaire à une meilleure adhésionau récit, qui est devenu parfois, au fur et à mesure des ajouts, unelégende aux accents merveilleux, oniriques et mythiques. Ces mots, cesimages, ces tirades, ces envolées, ces odes, ces vers, ces chants, sontcomme autant de ponts lancés à la sensibilité, à l'intelligence, àl'affect, à l'imaginaire, aussi bien qu'à la pensée et à la raison.C'est là un mode unique et rare pour des textes de cette nature, maisc'est comme ça.. Les Jataka partagent avec ce texte, cette expressionqui mêle le récit à la légende.
Uneautre des raisons pour lesquelles il existe tant de récits différents,c'est la perte presque totale des textes indiens originaux. Lesversions que l'on a retrouvées sont soit tibétaines, soit chinoises.Ainsi, elles ont non seulement traversé les pays mais aussi lescultures, les langues, les sensibilités et les styles littéraires.
L'undes textes de référence en matière de légende du bouddha historique estle Lalitâvistara), qui est une traduction tibétaine de l'originalindien. Il existe aussi, le Mahâsaccaka Suttadont une partie est présentée sur le site, et qui est le résumé par lebouddha historique lui-même des phases précédant son éveil et son éveil.
Pourdémarrer sur l'histoire de l'éveil du bouddha historique, il faudraitpartir du moment où il achève son jeûne poussé. Au cours de cettedémarche de privations extrêmes, le bouddha finit par perdreconnaissance, son état général s'étant gravement affaibli au pointqu'il ne lui restait plus "qu'un millième de vitalité ". Un jeuneberger, après lui avoir glissé un bouquet de branches de pommier sousla nuque, lui fit alors boire du lait chaud pour lui faire reprendreses forces. Après cette épreuve, le bouddha compris qu'il n'était pasprofitable de soumettre son corps à des privations excessives, de mêmequ'il n'était pas profitable de céder à l'attachement aux plaisirs dessens. Le bouddha historique décide alors de choisir la voie du milieu :ni privations excessives, ni attachement exclusif. Sur cette phase, ily a une légende de la déesse Indra évoquant au bouddha à l'aide d'unecithare à trois cordes, la thèse de la voie du milieu : " quand lacorde est trop tendue, elle se brise et la musique disparaît, quand lacorde est trop lâche, l'instrument ne peut émettre aucun son et lamusique ne peut apparaître, montre nous donc comment accorder lacithare, ni trop, ni trop peu ".
Unejeune femme nommée Sujâtâ, pensant avoir rencontré la divinitésylvestre qu'elle honorait, offrit un gâteau de lait et de riz aubouddha. Ayant compris son approche prochaine de l'éveil et lanécessité de s'engager dans une ultime médiation, il divisa le gâteauen 49 parts égales, correspondant aux 49 jours prévisibles de saméditation.
Aprèsavoir recherché un lieu propice à l'éveil (bodhimanda), le bouddhachoisit de s'abriter sous les feuillages d'un pippal à Bodh Gaya. Etc'est pendant une nuit de pleine lune du mois de vaiçâkha(correspondant à avril ou mai) que le bouddha atteignit le nibana. Lalégende dit que c'était le jour de ses 35 ans.
Alors, commença cette longue nuit, rythmée par quatre veilles au cours desquelles il accéda progressivement à l'état d'éveil.
Lapremière veille est une phase d'interrogation, d'introspection et dedoutes. Le bouddha s'interroge sur le sens de son engagement, sur toutce qu'il a vécu depuis les six années de pérégrination au travers lepays, sur tout ce qu'il a quitté, sur tous les enseignements qu'il aintégré mais qui n'avaient pas suffit à le conduire à la libérationtotale. C'est alors que le monde sensoriel, le monde des perceptions,l'attachement au moi, l'envie irrépressible d'être et d'exister semanifestent à lui comme autant d'alternatives confortables. Qu'a-t-ilen effet à ce soucier de changer les choses ? N'a-t-il démontré sacapacité à un renoncement total et poussé, qui fait de lui l'égal desmaîtres les plus réputés de son époque ? Mais, tout cela est peu dechose devant sa détermination à atteindre la libération complète,totale, parfaitement achevée, inébranlable.
Dansla légende, ce conflit est illustré par des combats du bouddha avectoutes sortes de démons. En particulier Marâ, qui représentel'attachement aux plaisirs des sens, le désir d'exister, le moi toutpuissant. Marâ tente de détourner le bouddha de sa recherche d'uneméthode tendant à briser tout cela. La légende a imaginé des combatsterribles avec des hordes de démons, des offres de corruption enl'élisant au monde des divinités ou en lui fournissant des plaisirssans limites. Le bouddha, sans juger ces catégories, les repoussent.
Aucours de la seconde veille, il comprit le fonctionnement des mondes. Ilcomprit les lois immuables qui président tant aux règles physiques quepsychologiques, les cycles des naissances et renaissances.
Durantla troisième veille, il vit ses existences antérieures qui selon lalégende seraient au nombre de 550. Il comprit le perpétuelrecommencement des cycles des vies et, au delà de sa propre expérience,la permanence de dukkha dans le phénomène du vivant.
Aucours de la quatrième veille, il comprit comment dukkha étaitindissociable de toute vie et formula la première noble vérité (ilexiste dukkha). Il comprit comment le sujet est conditionné par leprocessus de production conditionné. Il formula la seconde noble vérité(la cause de dukkha c'est l'attachement), il découvrit et formula latroisième noble vérité (dukkha cesse quand l'attachement cesse). Ilcomprit que la compréhension juste, la pensée juste, la parole juste,l'action juste, les moyens d'existence justes, l'effort juste,l'attention juste et la concentration juste constituaientinévitablement la seule méthode tendant à la cessation de dukkha,formulant ainsi la quatrième et dernière noble vérité.
Enfin, le jour apparut, le bouddha se leva et pour marquer sa victoire définitive sur dukkha, prononça les mots suivants :
"Biensouvent, au prix de maints efforts, ayant vécu ces vies successives,j'ai cherché qui avait construit ces prisons remplies de douleurs, depeines et d'afflictions.
Maintenant,toi constructeur, tu ne bâtiras plus ces murs qui contiennent lasouffrance, ta maison est détruite et sa poutre faîtière est brisée. Ceconstructeur, c'est l'illusion.
Dorénavant, je marcherai inlassablement pour atteindre la délivrance."
J'espère avoir répondu à votre question.
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