Les chroniques du Bouddhisme
Nous sommes le vendredi 01 avril 2005
Chronique de la nonne Indavati
Chronique de janvier 2001
- A la recherche du moi, deuxième partie -
Queveut dire le Bouddha quand il enseigne, seul face aux autres religions(à cause de cela on l’a appelé anattavadi celui à la doctrine del’impersonnalité) qu’il n’y a pas de moi, alors que nous avonsl’impression de bien pouvoir le sentir ?
D’abord,il est utile de décrire les fausses compréhensions courantes du conceptdu non-moi Bouddhique: La vacuité ou le non-moi ne veulent pas dire queles choses autour de nous n’existent pas ou que nous n’existons pas.Nous existons et le monde extérieur existe aussi, mais pas de la façondont nous le pensons. Il existe sous forme d’unités de base quiapparaissent et disparaissent si rapidement qu’elles nous donnentl’illusion d’être permanentes (effet des images qui défilent à grandevitesse pour donner un film)
Lacompréhension du non-moi ne signifie pas non plus qu’on ne ressenteplus aucune émotion, qu’on ne ressente que du vide, qu’on perçoive quele monde est sans signification. Il y a une histoire Zen qui illustreces propos: Un élève vient à l’entrevue avec le maître et à laquestion, quelle vérité il a trouvée dans ses méditations, il répond:“tout est vide”. A ce moment, là le maître lui donne un claque et dit: “Et ça, c’est vide aussi ?”
Commentse traduit une réelle compréhension du non-moi dans la méditation?Certains ont l’impression que le corps est une marionnette ou un robot,d’autres ont l’impression en s’observant, de regarder quelqu'und’autre, en dehors d’eux (pare) ou que le corps et les pensées sontjuste des phénomènes apparaissant d’eux-mêmes comme dans la nature,qu’ils ne nous appartiennent pas (anatta). D’autres ressentent que lecorps ou les pensées sont vides de toute chose désirable (ritta) ouqu’elles sont inutiles (tuccha) parce qu’elles ne peuvent pas noussatisfaire. Ou bien on ressent le corps ou les pensées comme videsc’est à dire qu’elles ne forment pas un support, qu’elles n’ont pas desubstance, parce que les unités qui les composent sont tellementéphémères (suñña)
Mais avant d’arriver à cela, quelles perceptions du moi y a-t-il chez quelqu'un ?
Les êtres encore ignorants des 4 nobles vérités pensent que :
· le corps est identique au moi ou
· le moi possède un corps ou
· le corps est à l'intérieur du moi ou
· le moi est à l'intérieur du corps.
· le corps est identique au moi ou
· le moi possède un corps ou
· le corps est à l'intérieur du moi ou
· le moi est à l'intérieur du corps.
1°) le corps est identique au moi
C'est la conception de la majorité des gens, de ceux qui n'ont pastenté une démarche spirituelle. Quand ils disent : “ je marche, jem'assois, je dors, je mange, je fais ce que je veux ” ils parlent ducorps qui fait des mouvements, mais ils l’identifient à leur moi. Quandle corps marche, ils disent : “ je marche ” . Cela veut dire que poureux le corps est identique au moi.
C'est la conception de la majorité des gens, de ceux qui n'ont pastenté une démarche spirituelle. Quand ils disent : “ je marche, jem'assois, je dors, je mange, je fais ce que je veux ” ils parlent ducorps qui fait des mouvements, mais ils l’identifient à leur moi. Quandle corps marche, ils disent : “ je marche ” . Cela veut dire que poureux le corps est identique au moi.
2°) le moi possède un corps
C'est la vue de gens qui ont déjà eu une démarche spirituelle et quipensent que le moi est une sorte d'unité mentale, une sorte de forceinvisible qui utilise un corps, qui possède un corps, et qui change decorps d'une vie à l'autre. Selon le Bouddha, ceci est encore une faussevue, car dans ce cas on identifie le mental au moi. On pense : celuiqui est conscient, celui qui est témoin, celui qui observe c'est lemoi, c'est moi. Selon le Bouddha la conscience est simplement laconscience. Elle n'est pas personnelle, elle ne nous appartient pas.
C'est la vue de gens qui ont déjà eu une démarche spirituelle et quipensent que le moi est une sorte d'unité mentale, une sorte de forceinvisible qui utilise un corps, qui possède un corps, et qui change decorps d'une vie à l'autre. Selon le Bouddha, ceci est encore une faussevue, car dans ce cas on identifie le mental au moi. On pense : celuiqui est conscient, celui qui est témoin, celui qui observe c'est lemoi, c'est moi. Selon le Bouddha la conscience est simplement laconscience. Elle n'est pas personnelle, elle ne nous appartient pas.
3°) le corps est à l'intérieur du moi
C'est la vue que le moi est une chose mentale qui se diffuse dans lemonde entier, et pénètre toute chose. Le corps est contenu dans ce moicomme le sont les autres choses de notre environnement. Le moi seraitune sorte de conscience (universelle). Certains iront jusqu’à dire quecette conscience universelle, qui englobe le petit moi, est identiqueau Divin et même au nibbaana. Dans (samyutta 22:47) le Bouddha répondque même une sorte de conscience universelle serait encore incluse dansles cinq agrégats et donc elle ne peut pas être le moi. De plus, il aenseigné que le nibbana est également impersonnel et qu’il ne peut pasconstituer le « grand moi » ou le divin (sabbe dhammaa anattaa = toutce qui existe est impersonnel)
C'est la vue que le moi est une chose mentale qui se diffuse dans lemonde entier, et pénètre toute chose. Le corps est contenu dans ce moicomme le sont les autres choses de notre environnement. Le moi seraitune sorte de conscience (universelle). Certains iront jusqu’à dire quecette conscience universelle, qui englobe le petit moi, est identiqueau Divin et même au nibbaana. Dans (samyutta 22:47) le Bouddha répondque même une sorte de conscience universelle serait encore incluse dansles cinq agrégats et donc elle ne peut pas être le moi. De plus, il aenseigné que le nibbana est également impersonnel et qu’il ne peut pasconstituer le « grand moi » ou le divin (sabbe dhammaa anattaa = toutce qui existe est impersonnel)
4°) le moi est à l'intérieur du corps
C'est la vue que l'âme, le moi sont localisés dans un endroit du corpscomme par exemple le cerveau, le cœur, le centre spirituel, un chakraetc. Les chrétiens disent que Dieu est en nous et les persans disentque nous sommes une étincelle du divin. Le Bouddha lui, enseigne qu’endehors des constituants du corps et du mental, il n’y a rien desupplémentaire qui correspondrait au moi. Si on reprend l’exemple de lavache, une fois découpée, chez le boucher, son corps est réduit enmorceaux. Notre esprit lui aussi peut être analysé en composantes,chacune impersonnelle. Si on décomposait maintenant un être en toutesces unités matérielles et mentales, il ne resterait plus rien que l’onpourrait appeler le “moi’’. Même la conscience est considérée comme unesimple composante. Elle est loin d’être éternelle, car en l’espace d’unéclair, elle apparaît et disparaît des millions de fois.
C'est la vue que l'âme, le moi sont localisés dans un endroit du corpscomme par exemple le cerveau, le cœur, le centre spirituel, un chakraetc. Les chrétiens disent que Dieu est en nous et les persans disentque nous sommes une étincelle du divin. Le Bouddha lui, enseigne qu’endehors des constituants du corps et du mental, il n’y a rien desupplémentaire qui correspondrait au moi. Si on reprend l’exemple de lavache, une fois découpée, chez le boucher, son corps est réduit enmorceaux. Notre esprit lui aussi peut être analysé en composantes,chacune impersonnelle. Si on décomposait maintenant un être en toutesces unités matérielles et mentales, il ne resterait plus rien que l’onpourrait appeler le “moi’’. Même la conscience est considérée comme unesimple composante. Elle est loin d’être éternelle, car en l’espace d’unéclair, elle apparaît et disparaît des millions de fois.
Résumé
Le Bouddha dit : “Ceux qui conçoivent le moi comme chose ou idée pensent tous qu’il correspond à un ou plusieurs des agrégats.”
Enclair, tous ceux qui conçoivent l’existence d’un moi pensent qu’il estidentique soit au corps, soit aux sensations et sentiments, soit à laperception, soit à l’intention, soit à la conscience.
Ou bien, ils pensent que le moi possède le corps, les sensations, la perception, les intentions ou la conscience.
Ou bien ils pensent que le corps, les sensations, la perception, les intentions ou la conscience sont à l’intérieur du moi.
Ou bien encore, ils pensent que le moi est contenu dans le corps, lessensations, la perception, les intentions ou la conscience.
Ou bien, ils pensent que le moi possède le corps, les sensations, la perception, les intentions ou la conscience.
Ou bien ils pensent que le corps, les sensations, la perception, les intentions ou la conscience sont à l’intérieur du moi.
Ou bien encore, ils pensent que le moi est contenu dans le corps, lessensations, la perception, les intentions ou la conscience.
Endehors de cela, il ne peut pas y avoir de conception du moi. Toutes lesidées du moi sont incluses ici. Or elles se rapportent toutes aux 5agrégats (le corps, les sensations et sentiments, la perception,l’intention et la conscience) Par de simples arguments, le Bouddha nousmontre dans le discours qui s'appelle anatta lakkhana sutta (samyuttanikaya XXII.59) que le moi ne peut pas être dans aucun de ces cinqagrégats.
“Sila forme (le corps) était le soi, ô moines, elle ne serait pas sujetteaux changements et l'on aurait la possibilité de dire : que mon corpsdevienne ainsi; que mon corps ne devienne pas ainsi.”
C’està dire que si le corps nous appartenait vraiment, nous devrions êtrecapables de le contrôler, de prolonger les plaisirs à volonté et dechasser les peines ou les maladies, voire la mort.
Or nous nepouvons pas maîtriser notre corps à ce point. Il est conditionné parnotre kamma, nos pensées, le climat et la nourriture et évolue selonces causes productrices. Car le corps n’est pas apparu une fois pourtoutes.
Il est reconstitué à chaque instant, car à chaque instant les unités de matière qui le composent se désintègrent.
Ce sont les 4 causes citées ci-dessus qui le façonnent et non pas notrecontrôle ou notre volonté. C’est pour cela qu’on dit que le corps estimpersonnel, qu’il n’est pas moi.
Or nous nepouvons pas maîtriser notre corps à ce point. Il est conditionné parnotre kamma, nos pensées, le climat et la nourriture et évolue selonces causes productrices. Car le corps n’est pas apparu une fois pourtoutes.
Il est reconstitué à chaque instant, car à chaque instant les unités de matière qui le composent se désintègrent.
Ce sont les 4 causes citées ci-dessus qui le façonnent et non pas notrecontrôle ou notre volonté. C’est pour cela qu’on dit que le corps estimpersonnel, qu’il n’est pas moi.
Demême, les sensations et sentiments, perceptions, pensées et laconscience obéissent à leurs propres lois et non pas à nos ordres :Choisissez-vous d’avoir une pensée ou celle-ci s’impose-t-elle à vous ?
Vous décidez par exemple : je vais m’asseoir pour méditer et vais me concentrer pendant 30 min sur une image visualisée.
Vous décidez par exemple : je vais m’asseoir pour méditer et vais me concentrer pendant 30 min sur une image visualisée.
Pouvezvous le faire ou l’esprit vous joue-t-il des tours en vagabondantailleurs dès la première minute ? De même, quand vous avez des penséesnobles qui vous font plaisir, pouvez-vous les faire durer oudisparaissent-elles en un instant ? C’est cela que le Bouddha appellele non-moi. Si ces pensées étaient vraiment les nôtres, elles devraientse plier à notre volonté. Prenez le cas de la prise de conscience d’uneimage.
Quatrecauses vont la conditionner : présence de lumière, présence d’unepersonne à la rétine intacte, présence d’un objet visible et attentionde la part de la personne. Si ces 4 causes sont présentes, la personnedoit voir l’objet. Elle ne peut pas dire : je ne veux pas êtreconsciente de cela. Elle peut modifier les conditions, ce qui rendra laconscience de l’image impossible, car la présence de toutes les 4causes est obligatoire, en se concentrant sur autre chose (absenced’attention) mais son ‘’pouvoir‘’ se limite à cela.
Quelquefois, quand vous êtes stressé ou fatigué, vous souhaitez peut être neplus rien voir, ne plus rien entendre, mais pouvez-vous le faire ? Nousdevons subir ; nous n’avons pas le contrôle sur le monde de nosperceptions. Si la conscience était le soi, ô moines, elle ne seraitpas sujette aux changements et on aurait la possibilité de dire àpropos de la conscience : Que ma conscience soit ainsi ; que maconscience ne soit pas ainsi.
Puisle Bouddha argumente : “Qu’en pensez-vous, ô moines ? Le corps (maisaussi les sensations et sentiments, les perceptions, les pensées et laconscience) est-il permanent ou impermanent?
’’ Les moines répondent : “Impermanent, ô Bienheureux.’’
Le Bouddha : “Si une chose est impermanente, est-elle pénible ou plaisante? ’’
Les moines répondent : “Pénible, ô Bienheureux.’’
LeBouddha : “Alors, donc, de ce qui est impermanent, qui est pénible,sujet au changement, peut-on, dire : Cela est mien, je suis cela, celaest mon moi ? ’’
Lesmoines répondent : “Certainement pas, ô Bienheureux.’’ Nous avons vuplus haut que le corps et l’esprit apparaissent et disparaissent trèsrapidement à chaque instant.
Si on comprend cette impermanence, on comprend aussi le caractère pénible et décevant de son corps et de son esprit.
Parexemple : on observe la respiration et les pensées qui apparaissent etqui disparaissent. On comprend que, du fait que tout apparaît puisdisparaît, il n’y a rien qui soit fiable, durable, sécurisant.
A n'importe quel moment tout peut disparaître, mourir. Cet état de chose est une souffrance et est effrayant.
Les bonnes choses disparaissent, même si nous ne le voulons pas et les mauvaises choses nous arrivent malgré nous.
Nousnaissons sans l'avoir demandé et nous mourrons, même si nous ne levoulons pas. Tout apparaît et disparaît à cause de conditions et nonpas parce que nous le voulons.
L’argumentdu Bouddha est : si aussi bien notre corps que nos pensées, nosémotions, notre conscience etc. sont impermanents, pénibles etdécevants et en dehors de notre contrôle, comment pouvons nous vouloirou considérer qu’ils soient “moi’’, “mon essence’’ ? Au contraire, nouscommençons à nous en détacher, parce que nous les trouvonsinsatisfaisants.
Audébut de la pratique, il y avait la recherche du moi que l’on a trouvénul part ; puis, lassé, on se détourne de tout ce qu’on croyaitessentiel et là seulement on parvient à l’Eveil : “Considérant leschoses ainsi, ô moines, le disciple sage réprouve et est lassé ducorps, réprouve et est lassé de la sensation, réprouve et est lassé dela perception, réprouve et est lassé de l’intention, réprouve et estlassé de la conscience.
Lorsqu'illes réprouve et en est lassé, il est sans désir. Lorsqu'il est ainsisans désir, il en est libéré. Lorsqu'il est libéré la connaissancevient: "Voici la libération" et il sait : "Toute naissance nouvelle estanéantie, la Conduite pure est vécue, ce qui devait être fait estachevé, il n'y a plus rien qui demeure à accomplir, il n'y a plus (pourmoi) de devenir.’’ (Traduction : Mohan Wijayaratana)
Elements biographiques : Soeur Indavati est pratiquante et enseignante reconnue du bouddhisme théravada
Bouddhisme & homosexualité
Vousme faites rire ceux qui critique les homosexuels sont automatiquementétiqueté d'homophobe. Meme si ils nuancent leur propos et tentent depas genéralisé
Donc si l'homsexualité n'est pas une déviance sexuelle je me demande c'Est quoi la pédophilie ?
Un jeu de carte ?
Lesgays ont le droit d'etre gay et de faire ce bon leur semble, Certainsont aussi le droit de ne pas les accepter dans leur groupe.
C'estcomme si tu créerait un groupe pour jeune et qu'un adulte veut en faireparti. C'Est de la discrimination de lui dire non a cause de son age ?
Quand on est different on accepte ces differences. Par la suite les autres vont nous accepté.
C'Estcomme quand le vatican a fait l'appel pour qu'on empeche les homosexuelde se marier. C'est tout a fait légitime. Quand on crée une chose pourun groupe c'est pas pour exclure l'autre groupe. C'est un peu comme sion dirais que les garderies discrime parce qu'elles acceptent pas degarder les adultes. Les garderies ont été créé pour les enfants commele mariage a été créé pour solidifier l'union d'un homme et d'unefemme.
Mais les gays, qui sont different desheteros mais ne veulent l'admettre, se voient discriminé parce que lemariage ne les inclus pas. Je vois en cette requette, le fait que leshomosexuels ne s'acceptent pas eux meme. Ils ont besoin d'etre commetout le monde mais le probleme c'Est que meme les heteros ne sont pascomme tout le monde. Tout le monde est different et c'Est tant mieux.
Un handiapé n'est pas comme tout le monde et il est traité differement, est-ce discriminatoire ?
Pour les laïcs
On ne trouve pas de texte bouddhiste condamnant l'homosexualité. Le bouddhisme conseille une conduite sexuelle éthique. Le troisième des cinq préceptes (pañca-sila) concerne l'abstention de toute mauvaise conduite sexuelleet plus généralement de garder la maîtrise des sens (en pali, languedes textes Theravada: « Kamesu micchacara veramani sikkhapadamsamadiyami », qui peut également s'appliquer aux plaisirs des sens).Les cinq préceptes sont des règles de base pour la vie des hommes etfemmes laïcs ayant pris refuge dans le Bouddha, le Dharma et la Sangha(voir: bouddhisme).L'homosexualité n'est donc pas (clairement) blâmée, la « conduitesexuelle éthique » dépend du point de vue et de la définition qu'endonne chaque individu.
Dans les huit préceptes(attha-sila), le troisième est étendu à une interdiction complète detoute activité sexuelle. Les huit préceptes sont appliqués certainsjours du calendrier lunaire pour suivre des pratiques méditativesintenses.
Pour les moines
Le seul domaine où lebouddhisme aborde directement la question des pratiques sexuelles estcelui des règles monastiques, qui concernent les bonzes, hommes et femmes, mais pas les adeptes laïcs: « Si un moine pratique l'acte sexuel dans ce passage (l'anus), mêmesi la pénétration ne dépasse pas la taille d'un grain de sésame, il estcoupable d'une faute » (Samantapâsâdika).
Le point de vue du Dalaï Lama
Le XIVe Dalaï Lamaa récemment déclaré que le bouddhisme ne tolérait pas l'homosexualité.Ce point de vue est repris dans plusieurs interviews (ex : lepoint.fr) en parlant de l'homosexualité le dalaï lama déclare:
Celafait partie de ce que nous, les bouddhistes, appelons « une mauvaiseconduite sexuelle ». Les organes sexuels ont été créés pour lareproduction entre l'élément masculin et l'élément féminin et tout cequi en dévie n'est pas acceptable d'un point de vue bouddhiste[..]
Cette déclaration a beaucoup étonné et est sujette à plusieurs critiques au sein de la communauté bouddhiste.
Notonstout d'abord que le Dalaï Lama expose son point de vue de principalchef religieux du bouddhisme tibétain, qui n'engage pas d'autrescommunautés bouddhistes. Il n'est pas établi que d'autres grandesfigures ou chefs de lignées, même du bouddhisme tibétain, tel que le Karmapa, approuvent cette déclaration. Il n'y a pas, faut-il le rappeler, de clergéhiérarchisé dans le bouddhisme. Si l'actuel Dalaï Lama est généralementextrêmement respecté par les diverses communautés bouddhistes, c'estplus pour ses connaissances et le niveau de sa pratique spirituelle,que pour son titre.
Le Dalaï Lama expose généralement àl'intention du public une interprétation de la doctrine bouddhistetoute de tolérance. En cette occasion, il donne une interprétation dutroisième précepte appliquée à l'homosexualité, dans la mesure où, ille dit, cette sexualité n'a pas pour objet la reproduction. C'est doncqu'elle est toute tournée vers le plaisir des sens, et contrevientalors au troisième précepte.
Le XIVeDalaï Lama est cependant connu pour soutenir la lutte contre toutes lesdiscriminations, y compris pour motif d'orientation sexuelle, et pourdes droits égaux pour les homosexuels. Il a par ailleurs égalementdéclaré ne pas condamner l'homosexualité si elle est vécue sansviolence ni contrainte, c'est-à-dire entre personnes consentantes, et,sous-entendu, dans le respect de l'autre. Il n'y a jamais eu non plustrace de condamnation de la population homosexuelle en tant que telledans ses propos. Par contre, il rejette l'apologie du sexe et d'un modede vie tourné vers l'assouvissement des plaisirs des sens des sociétésoccidentales, ce qui est parfaitement compréhensible du point de vue dutroisième précepte.
Sociétés bouddhistes
Si le DalaïLama, et la doctrine bouddhiste, sont généralement très tolérants, celan'est pas forcément le cas des sociétés imprégnées par le bouddhisme,qui sont souvent des sociétés « traditionnelles ». L'interprétation dutroisième précepte peut ainsi être plus ou moins tolérante selon leslieux, les époques, et les écoles du bouddhisme.
Actuellementl'homosexualité (c'est-à-dire la pratique de la sodomie) est interditeau Sri Lanka et en Birmanie. Cependant, ces lois répressives auraientété introduites par les colonisateurs britanniques. Et en effet, laThaïlande, ainsi que le Vietnam, ne connaissent pas de tellesinterdictions: la Thaïlande n'a jamais été colonisée et le Vietnam l'aété par la France. La population vietnamienne dans son ensemble semblecondamner l'homosexualité, mais sans demander de sanctions. Il sembleégalement que le gouvernement la condamne, et pourrait aller jusqu'àengager des poursuite pour 'conduite immorale' par exemple, maisseulement dans les cas extrêmes de comportements provocateurs. Parexemple, nous connaissons quelques cas de mariages homosexuels qui ontété annulés. Cependant, le simple fait que ces mariages aient seulementeu lieu en dit long sur la tolérance dont jouissent les homosexuels(des deux sexes).
Il semble que le laisser-faire etéventuellement la moquerie soient la règle de conduite de la populationpour un acte par ailleurs généralement désapprouvé dans les paysfortement influencés par le bouddhisme. Historiquement, il n'y a jamaisaurait jamais eu de persécution des homosexuels dans ces pays.
Interprétation dans le Bouddhisme Theravada
cequ'écrit A. L. De Silva dans Buddhanet, , nous pouvons en déduire qu'ildoit être jugé de la même manière que l'hétérosexualité. Et en effet ilsemble que ce soit la raison pour laquelle cela n'est pas mentionné. Lecas de l'homme et de la femme laïcs où il y a consentement mutuel, oùl'adultère n'est pas impliqué et où l'acte sexuel est une expression del'amour, du respect, de la fidélité et de la chaleur humaine, necontredit pas le troisième précepte. Et c'est pareil quand les deuxpersonnes sont du même genre. De même la promiscuité, la débauche et lanégligence pour les sentiments d'autrui rendraient un acte sexuelincorrect qu'il soit hétérosexuel ou homosexuel. Tous les principes parlesquels nous avons l'habitude d'évaluer un rapport hétérosexuelpermettent également d'évaluer un acte homosexuel. Dans le bouddhismenous pourrions dire que ce n'est pas l'objet de son désir sexuel quidétermine si un acte sexuel est incorrect ou pas, mais plutôt laqualité des émotions et des intentions impliquées. ».
Conclusion
Parle troisième précepte le bouddhiste a un discours moralisant modéré surla sexualité en général, mais il laisse une large part àl'interprétation concernant l'homosexualité. En tout état de cause,celle-ci n'est condamnée par aucun texte, à l'exception des règlesmonastiques. Selon les textes, il semble que l'homosexualité puisseêtre jugée de la même manière que l'hétérosexualité. Dans les faits,les populations et les législations nationales sont généralementréprobatrices mais tolérantes, à l'exception des pays colonisés ayantconservé les législations héritées de l'empire britannique.
Est-ce que l'avortement est aussi violence ?
Toutà fait, et il vaut mieux l'éviter. Par contre, je suis pour lesméthodes de contrôle de naissance : la pilule, ou le préservatif (leDalaï-Lama couvre son index d'un pan de sa robe rouge et éclate derire) !
Votre Sainteté, que pensez-vous de l'homosexualité ?
Celafait partie de ce que nous les bouddhistes appelons " une mauvaiseconduite sexuelle " (pause)...Les organes sexuels ont été créés pour lareproduction entre l'élément masculin et l'élément féminin - et tout cequi en dévie n'est pas acceptable d'un point de vue bouddhiste. (Ilénumère des doigts) : entre un homme et un homme, une femme et uneautre femme, dans la bouche, l'anus, ou même en utilisant la main (leDL mime le geste de masturbation)...
Vous partagez donc ce point de vue avec la chrétienté ?
Nouspartageons beaucoup plus que cela : la même philosophie d'amour duprochain, l'aspiration à élever l'être humain au-dessus de ses vices,la compassion et le pardon...Toutes les grandes religions ont le mêmebut... Maintenant, il est vrai que le bouddhisme diffère quelque peu dela chrétienté : nous croyons en un nombre infini de vies - et vouspensez qu'il y en a une seule ; vous estimez qu'il y a un Créateur - etnous non ; vous croyez au libre arbitre - et nous ne jurons que par lekarma...
BOUDDHISME ET CHRISTIANISME
Examen Cursif d'Emile Besson
Quelques-unsdes lecteurs de nos "Amitiés spirituelles" nous ont demandé decaractériser le Bouddhisme et d'indiquer les rapports qui peuventexister entre lui et le Christianisme. Pour déférer à leur désir, nousentreprenons cet examen. Il est à peine besoin d'ajouter qu'il nes'agit nullement d'échafauder des raisonnements, mais d'esquisserquelques conclusions. C'est par centaines que l'on compte les ouvragesconsacres au Bouddhisme : il faudrait un gros volume pour en exposerseulement la substance ; l'indispensable même ne saurait donc être ditdans le peu de place dont nous disposons. D'autre part, il ne peut êtrequestion d'opposer les uns aux autres les détails qui, dans leBouddhisme et dans le Christianisme, peuvent se ressembler : ce seraitla matière d'un volumineux ouvrage, car il faudrait préciser lesoppositions. Nous voudrions, en quelques traits, donner la physionomiedu Bouddhisme et montrer en quoi il est foncièrement différent duChristianisme. Ceux de nos lecteurs qui désireraient approfondirl'étude de ce sujet trouveront le plus grand profit à se reporter auxouvrages suivants, que nous choisissons parmi les plus récents et lesplus autorises.
Aug. Barth : Les Religions de l'Inde dans oeuvres. Paris (Leroux), 1914, tome I, page 1 à 255
René Grousset : Histoire de la Philosophie orientale. Paris (Nouvelle Librairie Nationale), 1923
Paul Masson-Oursel : Esquisse d'une histoire de la Philosophie indienne. Paris (Geuthner), 1923
H. Oldenherg : Le Bouddha. Sa vie, sa doctrine, sa communauté, traduction Foucher. Pans (Alcan), 1894
- 3 édition, 1921 -
- 3 édition, 1921 -
Paul Oltramare : Histoire des idées théosophiques dans l'Inde. Tome II Théosophie bouddhique. Paris (Geuthner), 1923
Louis de la Vallée Poussin : Bouddhisme. - Opinions sur l'Histoire de la Dogmatique. Paris (Beauchesua), 1909.
* * *
Avertissement. - Dans les mots sanscrits u se prononce ou ; e = ê ; ai = aï ; au = aou
c = tch ; j = dj ; g est toujours dur ; ñ se prononce à l'espagnole, comme le gn français.
I
Le Révélateur
Le Révélateur
Nos Evangiles ont été rédigés dans les années qui suivirent la mort duChrist, sous l'inspiration directe de témoins oculaires de sa vie, aulieu que les renseignements concernant la biographie du Bouddha sont dedate relativement récente ; les plus anciennes (vies du Bouddha), le Lalita-vistara, le Buddha-carita d'Açvaghosha,datent du premier siècle de notre ère, elles sont donc de plus de 400ans postérieures aux événements qu'elles rapportent ; aussi n'est-ilpas surprenant d'y trouver attribués au Bouddha tous les traitscaractérisant les vieux sages et les merveilles qui devaient avoiraccompagne la vie d'un Sauveur du monde. Il est par conséquent assezdifficile, quand on parle du Bouddha, de séparer l'histoire de lalégende.
Voici toutefoisce que l'on peut considérer comme historique. Par opposition à jésus,qui naquit dans une étable, d'une famille pauvre, le Bouddha vint aumonde dans la famille princière des Gautamas, appartenant au clan desÇâkyas (les Puissants). Leur domaine s'étendait sur les confins duNépal et de l'Oude, à environ 200 kilomètres au nord-est de Bénarès ;il équivalait, en superficie, à un peu plus de deux départementsfrançais et on devait alors, comme aujourd'hui, y cultiver le riz. Lepère du Bouddha se nommait Çuddhôdana (celui dont le riz est pur) et samère répondait au nom, bien métaphysique, de Mâyâ (l'illusion). LeBouddha naquit, vers 560 avant notre ère, à Kapilavastu (Lieu rouge ouSol rouge), ville principale des états de son père ; il se nommaitGautama (en pâli Gotama) et fut connu dans sa jeunesse sous le nom deSiddhârtha (en pâli Siddhatta), "celui qui est arrive à ses fins" (1).
Il dut recevoir l'éducation très soignée des enfants de sa condition.La tradition rapporte que sept jours après sa naissance, sa mèremourut. A l'âge de 29 ans, il abandonna ses parents. sa femme et sonfils pour mener la vie errante des ascètes. Après avoir suivi lesleçons de différents maîtres en renom, il décida de chercher parlui-même la Lumière. Il se livra aux macérations, mais celles-ci ne luiprocurèrent aucune révélation ; il les délaissa. Une nuit qu'ilméditait sous un arbre (2), à Gayâ (au Sud de Patna), dit la tradition,il atteignit la connaissance absolue : il était devenu un Bouddha. Ilétait alors âgé de 36 ans. Pendant quarante-quatre ans, à partir de cejour, il répandit la bonne parole de la Délivrance, surtout sur lesdeux rives du Gange, dans la province de Bénarès et dans le pays deMagadha (le Béhar actuel) : il fit son premier sermon à Bénarès et lesanciens textes appellent cette première prédication "la mise enmouvement de la roue de la Loi".
A l'inverse du Christ, ce furent des brahmanes philosophes, desprinces, des nobles, de riches bourgeois, des savants qui le suivirent.En effet, le Christ faisait uniquement appel au coeur, au sentimentpour le Bouddha, au contraire, le salut ou la perdition dépend de lascience ou de l'ignorance ; l'ignorance est, à ses yeux, la racinedernière de tout mal, la science est l'unique pouvoir capable dedétruire le mal dans son principe. La prédication de la délivranceétait donc un enchaînement de notions et de propositions abstraites, unvaste système de concepts entrelacés de mille manières ; aussil'essence philosophique de ces discours exigeait-elle des auditeurscultivés (3). Il menait une vie itinérante et se retirait, pendant lestrois mois de la saison des pluies, dans les couvents de moines (vihâra) ou dans l'une des nombreuses demeures offertes à la communauté de ses disciples (sangha) parles riches laïques qui recevaient son enseignement. Là le peupleaffluait; il venait même des pèlerins de pays éloignés et aussi desrois, des dignitaires et encore des dialecticiens de toutes nuances.
Voici toutefoisce que l'on peut considérer comme historique. Par opposition à jésus,qui naquit dans une étable, d'une famille pauvre, le Bouddha vint aumonde dans la famille princière des Gautamas, appartenant au clan desÇâkyas (les Puissants). Leur domaine s'étendait sur les confins duNépal et de l'Oude, à environ 200 kilomètres au nord-est de Bénarès ;il équivalait, en superficie, à un peu plus de deux départementsfrançais et on devait alors, comme aujourd'hui, y cultiver le riz. Lepère du Bouddha se nommait Çuddhôdana (celui dont le riz est pur) et samère répondait au nom, bien métaphysique, de Mâyâ (l'illusion). LeBouddha naquit, vers 560 avant notre ère, à Kapilavastu (Lieu rouge ouSol rouge), ville principale des états de son père ; il se nommaitGautama (en pâli Gotama) et fut connu dans sa jeunesse sous le nom deSiddhârtha (en pâli Siddhatta), "celui qui est arrive à ses fins" (1).
Il dut recevoir l'éducation très soignée des enfants de sa condition.La tradition rapporte que sept jours après sa naissance, sa mèremourut. A l'âge de 29 ans, il abandonna ses parents. sa femme et sonfils pour mener la vie errante des ascètes. Après avoir suivi lesleçons de différents maîtres en renom, il décida de chercher parlui-même la Lumière. Il se livra aux macérations, mais celles-ci ne luiprocurèrent aucune révélation ; il les délaissa. Une nuit qu'ilméditait sous un arbre (2), à Gayâ (au Sud de Patna), dit la tradition,il atteignit la connaissance absolue : il était devenu un Bouddha. Ilétait alors âgé de 36 ans. Pendant quarante-quatre ans, à partir de cejour, il répandit la bonne parole de la Délivrance, surtout sur lesdeux rives du Gange, dans la province de Bénarès et dans le pays deMagadha (le Béhar actuel) : il fit son premier sermon à Bénarès et lesanciens textes appellent cette première prédication "la mise enmouvement de la roue de la Loi".
A l'inverse du Christ, ce furent des brahmanes philosophes, desprinces, des nobles, de riches bourgeois, des savants qui le suivirent.En effet, le Christ faisait uniquement appel au coeur, au sentimentpour le Bouddha, au contraire, le salut ou la perdition dépend de lascience ou de l'ignorance ; l'ignorance est, à ses yeux, la racinedernière de tout mal, la science est l'unique pouvoir capable dedétruire le mal dans son principe. La prédication de la délivranceétait donc un enchaînement de notions et de propositions abstraites, unvaste système de concepts entrelacés de mille manières ; aussil'essence philosophique de ces discours exigeait-elle des auditeurscultivés (3). Il menait une vie itinérante et se retirait, pendant lestrois mois de la saison des pluies, dans les couvents de moines (vihâra) ou dans l'une des nombreuses demeures offertes à la communauté de ses disciples (sangha) parles riches laïques qui recevaient son enseignement. Là le peupleaffluait; il venait même des pèlerins de pays éloignés et aussi desrois, des dignitaires et encore des dialecticiens de toutes nuances.
Ceux-là seuls étaient les disciples du Bouddha (bhiksus, en pâli bhikkhus, "mendiant")qui avaient entièrement renoncé au monde. Ils prononçaient la formuledu "triple refuge" : " Je mets mon refuge dans le Bouddha, dans SaDoctrine et dans la Communauté de ses disciples" ; ils faisaient voeude ne vivre que d'aumônes, au jour le jour (4). Ils formaient unecongrégation d'ascètes et non une association libre de personnes uniespar les seuls liens du coeur, comme était le cercle des disciples deJésus. La vie des bhiksus était réglementée jusque dans ses plusinfimes détails. Ils portaient la robe jaune et la tonsure, signesextérieurs du renoncement au monde. Ils ne devaient se livrer a aucuntravail, car celui-ci aurait été productif de richesses, aurait engagédans les soucis terrestres l'aspirant à la perfection et l'auraitdistrait de la seule chose nécessaire : la connaissance etl'observation de la Loi. Il n'y avait pas entre eux de distinctions decaste (5) ; tous jouissaient des mêmes prérogatives au sein de laCommunauté (6). Il faut dire que presque tous les premiers disciples deGautama étaient de noble famille ; d'ailleurs, d'après le dogmebouddhique, un Bouddha ne peut naître que dans la condition de brahmaneou de noble. Les moines n'étaient liés à la Communauté par aucun voeu ;ilspouvaient, quand ils le désiraient, la quitter pourretourner au monde et y revenir à nouveau ou demeurer en relation avecelle à titre de laïques.
LeBouddha et ses disciples se trouvaient forcément en rapport avec desfemmes dans les quêtes, dans les repas où ils étaient invité. Gautamaconsidérait la femme comme le piège le plus dangereux tendu à l'hommepar le Tentateur. Aussi, pendant longtemps, ne reçut-on dans laCommunauté que des hommes. Mais la tradition veut que le Çakyamuni aitcédé, non sans répugnance, aux instances de sa mère adoptive Prajavâtî(en pâlî Pajâpatî) "riche en postérité" et ait créé un Ordre de femmes (bhiksunîs, en pâli bhikhunîs). Toutefois,même les femmes qui s'étaient faites disciples étaient tenues assezéloignées du Maître ; - le Bouddhisme n'a pas connu de Marie deBéthanie - ; Gautama leur faisait parvenir par l'intermédiaire desmoines la règle de leur Communauté et cette règle les maintint toujoursdans une dépendance complète vis-à-vis des moines. Il nous est dit quele Bouddha retourna voir son père et qu'il le convertit et que son filsRahûla devint son disciple. A l'âge de 80 ans il eut le sentiment de safin prochaine. Il accepta l'hospitalité d'un forgeron nommé Kundacelui-ci lui prépara un repas où entrait de la viande de porc qui lerendit gravement malade. Il continua sa route vers Kuçinagara (en pâliKusinârâ) ; là il se coucha sous un bosquet d'arbres sâlas et jusqu'àla fin instruisit ses disciples, leur disant que, lorsqu'il ne seraitplus là, leur maître serait la loi qu'il leur avait enseignée (7). Sadépouille fut incinérée aux portes de Kuçinagara par les soins desnobles de la ville (vers 480 avant J.-C.). A cette existence, àlaquelle on a pu donner sans exagération le nom d'idyllique, parmi leshonneurs et les magnificences (8), il serait difficile de comparercelle du Christ prêchant son Evangile dans l'hostilité des dirigeantset l'incompréhension de ses disciples, seul au milieu des foules etcouronnant son ministère par les angoisses du Jardin des Oliviers et lesupplice du Golgotha. Toutefois, dans la doctrine l'antithèse est plusfrappante encore.
LeBouddha et ses disciples se trouvaient forcément en rapport avec desfemmes dans les quêtes, dans les repas où ils étaient invité. Gautamaconsidérait la femme comme le piège le plus dangereux tendu à l'hommepar le Tentateur. Aussi, pendant longtemps, ne reçut-on dans laCommunauté que des hommes. Mais la tradition veut que le Çakyamuni aitcédé, non sans répugnance, aux instances de sa mère adoptive Prajavâtî(en pâlî Pajâpatî) "riche en postérité" et ait créé un Ordre de femmes (bhiksunîs, en pâli bhikhunîs). Toutefois,même les femmes qui s'étaient faites disciples étaient tenues assezéloignées du Maître ; - le Bouddhisme n'a pas connu de Marie deBéthanie - ; Gautama leur faisait parvenir par l'intermédiaire desmoines la règle de leur Communauté et cette règle les maintint toujoursdans une dépendance complète vis-à-vis des moines. Il nous est dit quele Bouddha retourna voir son père et qu'il le convertit et que son filsRahûla devint son disciple. A l'âge de 80 ans il eut le sentiment de safin prochaine. Il accepta l'hospitalité d'un forgeron nommé Kundacelui-ci lui prépara un repas où entrait de la viande de porc qui lerendit gravement malade. Il continua sa route vers Kuçinagara (en pâliKusinârâ) ; là il se coucha sous un bosquet d'arbres sâlas et jusqu'àla fin instruisit ses disciples, leur disant que, lorsqu'il ne seraitplus là, leur maître serait la loi qu'il leur avait enseignée (7). Sadépouille fut incinérée aux portes de Kuçinagara par les soins desnobles de la ville (vers 480 avant J.-C.). A cette existence, àlaquelle on a pu donner sans exagération le nom d'idyllique, parmi leshonneurs et les magnificences (8), il serait difficile de comparercelle du Christ prêchant son Evangile dans l'hostilité des dirigeantset l'incompréhension de ses disciples, seul au milieu des foules etcouronnant son ministère par les angoisses du Jardin des Oliviers et lesupplice du Golgotha. Toutefois, dans la doctrine l'antithèse est plusfrappante encore.
Notes
1) Son surnom Câkyamuni (en pâli Sakyamuni ) "solitaire de la familledes Cakyas", qui est le plus employé en Occident, n'est guère usitéqu'en poésie et dans les textes sanscrits récents. Dans les écritspâlis, on lui donne le vieux titre de Bhagavat, qui remonte aux tempsvédiques, et qui signifie Fortuné ; on le rend d'ordinaire parBienheureux, parfois par Sublime. Il s'appelait lui-même le Tathâgata,terme qui n'était déjà plus clair du temps de Buddhagosha (1èremoitié du Ve siècle après J. -C. ) , car ce docteur en donne huitexplications ; on le traduit d'ordinaire "celui qui a marché comme"(les autres Bouddhas) ou : celui qui existe "d'une manière conforme"(sans doute à ses existences antérieures" (Oltrmare) ou encore :"l'Arrivé, le Bouddha parvenu à sortir de la transmigration"(Maason-Oursel) . -Mais son nom le plus habituel est le Bouddha,"l'Eveillé", "l'Illuminé".
2 ) Nommé pippala (ficus religiosa) , sorte de figuier, qu'on appela depuis "arbre de la Bodhi" (illumination) .
3 ) La doctrine du bouddha n'est pas faite pour les enfants ni pour ceux qui leur ressemblent. (Oldenberg, p. 160)
4) Il serait intéressant de comparer le monachisme bouddhique et lemonachisme chrétien ; toutefois, cet examen n'entre pas dans notresujet, car si le Bouddha a groupé ses disciples en communautés demoines, le Christ n'a pas institué le monachisme.
5) Ce qui ne veut pas dire que le Bouddha ait brisé les liens des castes; jamais il n'a songé à réformer l'ordre social ; ses moinesabandonnaient leur caste parce que les préjugés de caste ne signifientplus rien pour celui qui a renoncé à tout. D'ailleurs, dans tous lespays où le Bouddhisme s'est implanté, le système des castes subsistatoujours. l'origine des castes plonge dans la préhistoire ; il y aquatre castes fondamentales : brahmanes ou prêtres ; kshatriyas ouguerriers ; vaiçyas ou gens de commerce, artisans ou agriculteurs ;çûdras ou esclaves ; au-dessous encore sont les parias, les hors caste,rebut de la société.
6) Le Bouddha n'a pas eu davantage l'intention d'abolir la caste qu'iln'a eu celle d'abolir le mariage ; ce ne fut que dans les limites de saconfrérie qu'il insista et sur l'égalité sociale et sur le célibat.
7) Les ascètes du Brahmanisme se groupaient autour de maîtres (gurus) .L'originalité du Bouddhisme, c'est qu'à la mort du Maître, laCommunauté ait subsisté sans chef visible et ne voyant son chefinvisible que dans la Doctrine et la Règle.
8) Le Bouddha eut toujours une pierre, et mieux qu'une pierre, oùreposer sa tête. " (Alfred Roussel : le Bouddhisme primitif, Paris(Téqui) , 1911, p. 337i
II
LES ORIGINES ET LES NOTIONS FONDAMENTALES DU BOUDDHISME
LeBouddhisme est né dans le bassin du Gange, "le plus indien des pays del'Inde" (Oldenberg, p. 7), terre tropicale, au climat déprimant,destructeur de l'effort au profit de la pensée qui tend vers laspéculation pure, vers l'analyse sans arrêt ou la synthèse sans limite.
Làétait le berceau du Brahmanisme. Mais celui-ci n'était lui-même qu'unrameau du Védisme dont l'origine se perd dans la préhistoire. La plusancienne forme de la spéculation indienne est religieuse le Véda est unrecueil de prières où figurent, à côté des formules rituelles dusacrifice, des hymnes aux dieux. Le Rig-Véda, le plus ancien desrecueils védiques, présente un dieu suprême, le Brahman, autrefoisparole rituelle du sacrifice, devenu substance de l'univers, en qui lesautres dieux - qui sont les forces de la nature - doivent un jours'absorber. Le Brahmanisme est une systématisation de la pensée védique; la compilation qui porte le nom de Brâhmanas est un commentaire duVéda. C'est la naissance d'une orthodoxie.
Bienavant la venue du Bouddha, l'ancienne tradition védique fut attaquéepar des philosophes indépendants sophistes, amis d'idées nouvelles,mais persuadés de l'universelle relativité matérialistes (nâstikas: négateurs) qui ne voient que le monde physique ; yogins qui sont depurs ascètes et ne s'occupent pas de religion. En partie sous l'actionde ces facteurs adverses, le système brahmanique s'épanouit dans lesUpanishads (9), traités de philosophie religieuse, dont les plusanciens remontent peut-être au VIIème siècle avant notreère, où la spéculation se donne libre cours. Là est affirmée l'identitéessentielle de l'esprit individuel avec le Premier principe, Brahman ouÂtman, à la fois transcendant et immanent. Pour parvenir al'identification de l'âme avec le Brahman, il faut renoncer au désir,et à toute espèce de désir, et aux úuvres (karman), à touteespèce d'úuvre ; car, si l'úuvre mauvaise conduit l'homme au malheur,l'úuvre bonne lui procure une récompense qui, étant le résultat de cequi est passager, ne saurait être que passagère. L'idée se fait jourque le moi humain et le monde extérieur sont irréels, que l'existenceest mauvaise, que l'objectif de l'homme doit être le détachementcomplet. De ce renoncement à l'ascétisme il n'y avait qu'un pas.L'homme fut enclin à abandonner sa maison et ses biens et à se retirerdu monde. Il y eut même des communautés de moines. Seulement, dans leBrahmanisme, on ne devenait religieux (dvija = deux fois né)qu'après avoir vécu dans le monde et y avoir accompli tous les devoirssociaux, notamment l'éducation et l'établissement de ses fils.Toutefois, entre le Védisme et le Brahmanisme il y a un renversementdes valeurs le Brahmanisme est le système d'une caste plutôt que lacroyance d'une race.
TRANSMIGRATION (10)
Leshymnes védiques semblent ignorer cette notion, mais le Véda paraît bienêtre une compilation surtout ritualiste et liturgique, il n'est doncpas surprenant qu'il renferme si peu d'informations sur l'au-delà. Ladoctrine de la transmigration se trouve esquissée dans les Brahmanas oùl'obstacle à l'union de l'âme avec le Principe suprême est le samsâra,le cycle des réincarnations qui recule la délivrance à l'infini. Lerite (c'est le sens primitif du mot karman) peut faire quecelui qui meurt renaisse à l'immortalité ; les autres renaissent pourmourir a nouveau, et ceci indéfiniment. Dans la théosophie desUpanishads la doctrine se précise bonheur et malheur ne sont pas dus auhasard, ils sont la rémunération du passé ; la loi du karman ourétribution des actes domine la vie universelle ; ce n'est plus unmécanisme aveugle comme le sacrifice qui gouverne le monde, c'est unepuissance qui tend à devenir morale, sans toutefois cesser d'êtreencore mécanique : la rétribution des oeuvres est en effet rigoureuseet inéluctable ; entre la cause et l'effet il y a un lien intime etconstant, la même cause produit mécaniquement le même effet. Seulementcette doctrine du karman a eu comme conséquence de rendre inutiles lesdieux ; puisque la morale seule règle la destinée des hommes à traversleurs existences, il est inutile de solliciter les dieux. L'âme vad'abord dans l'autre monde dépenser son crédit de mérites ou solder sadette de péchés, sans toutefois l'épuiser ; le reliquat, où s'estconcentrée l'énergie globale, oriente l'âme à son retour sur la terre,détermine la race, l'espèce, la caste, le sexe, la forme. Mais cetteexistence illimitée, ce roulement infini fait que l'Hindou aspire à labéatitude de l'extinction suprême et définitive. Toutes les religionsque l'Inde a enfantées tendent vers le moksha (délivrance) ; la méthodevarie, le but reste le même et les méthodes elles-mêmes se réduisent àla pratique d'une discipline morale ou mentale. Ainsi le Brahmanisme,avec sa doctrine de la transmigration et de la délivrance finale,rendait inutile le sacrifice, qui avait été le centre de l'antiqueVédisme. Le Bouddhisme fit un pas de plus et cessa de faire une placeprivilégiée à la caste sacerdotale des brahmanes dont la raison d'êtreétait de célébrer le sacrifice ; de la sorte il fit descendre lareligion aux castes inférieures qui jusqu'alors ne pouvaient ni lire leVéda ni pratiquer ou faire pratiquer les rites traditionnels.
Notes :
9)Ce terme désigne soit un enseignement recueilli d'un maître auprèsduquel on siège (upa-sad), soit une gnose contemplative, adoration(ups-stha) (Masson-Oursel)
10) Cette doctrine n'est pas absolument spéciale à l'Inde. En Grèceantique, elle était courante ; les Celtes l'ont partagée, les Druidesl'on enseignée ; mais jamais elle n'a eu l'ampleur, la portée, lapopularité, la persistance qu'elle a eues dans l'Inde. (Voir SylvainLévi : La Transmigration des âmes dans les croyances hindoues. Annalesdu Musée Guimet (Bibliothèque de vulgarisation) Paris (Leroux) 1904)
III
DOCTRINE DU BOUDDHISME
Comme le Christ, le Bouddha n'a rien écrit; son enseignement a étéuniquement oral. Il ne parlait pas le sanscrit, mais la languepopulaire de la province de Magadha, le magadhî, proche parent du pâli.Les plus anciennes traditions relatives au Bouddhisme sont conservées àCeylan et consignées dans une langue importée du continent (le pâli) etrévérée comme langue sacrée. Les textes canoniques du Nord, plusrécents dans leur forme actuelle, sont rédigés en sanscrit (11). Demême que le Jaïnisme qui le précéda (12), le Bouddhisme est sorti de lacaste des guerriers, donc d'un élément non brahmanique de la société.Au dogmatisme brahmanique les deux systèmes substituent l'affirmationque le sort de l'homme dépend de ses oeuvres et que l'abstention del'acte est le moyen d'échapper à l'existence. La différencefondamentale qui les sépare, c'est que les Jaïnas croient à lapermanence de l'âme individuelle, tandis que les Bouddhistes la nient -et aussi que, chez les premiers, l'ascétisme joue un rôle bien plusgrand que chez les seconds. Toutefois, ces deux systèmes ne sont pas àproprement parler des hérésies ; l'orthodoxie brahmanique ne lesconsidère pas comme telles, mais seulement comme des disciplinesétrangères à son propre système (13).
KARMA
La pierre angulaire de l'enseignement bouddhique est la doctrine de l'acte (karman)empruntée au Brahmanisme. Il n'y a pas d'effet sans cause toutemanifestation dans le domaine physique ou mental procède d'actionsantérieures et est elle-même l'origine de manifestations ultérieures ;chaque existence individuelle a pour cause et pour explication la sommede toutes les existences antérieures comme elle a pour conséquence etpour sanction toute la suite des existences à venir. En d'autrestermes, une personne n'est que l'incarnation vivante d'activitéspassées, physiques ou psychiques. On ne peut saisir la signification dukarma qu'en considérant l'humanité reliée ensemble comme les partiesd'un tout universel ; l'homme et les manifestations auxquelles sonactivité donne lieu ne sont que des résultats. On le voit, il n'y a pasici de dogme, mais un fait d'expérience confirmé par le raisonnement :en effet, en dehors du "fruit des oeuvres" il est impossibled'expliquer la diversité des conditions et des caractères. De plus,comme nous l'avons vu à propos du Brahmanisme, cette loi de l'acteexplique l'univers sans qu'il soit nécessaire d'admettre unorganisateur du monde. La masse des actes des créatures fait sortirl'univers du chaos après chaque destruction périodique ; les paradissont crées en faveur des êtres qui ont mérité de renaître dieux ; lesenfers, pour punir les crimes auxquels ils sont appropriés. Dans lesystème de Gautama, Dieu ne figure à aucun titre, ni comme causepremière, ni comme providence, ni comme base et sanction de la loimorale, ni comme fin dernière de toute créature. Gautama ne connaît nicréateur ni juge, mais une justice infaillible et souveraine, encoreque mécanique. Il ne nie certes pas l'existence des dieux ; maisceux-ci sont, comme les hommes, soumis au karma et à la renaissance et,comme les hommes, ils ont besoin d'acquérir la sagesse parfaiteincapables donc de se sauver eux-mêmes, ils peuvent encore moins sauverles autres. Au surplus, ils ne sont dieux que provisoirement, à causede leurs mérites antérieurs ; ils devront redevenir hommes, mais ilspeuvent démériter jusqu'à renaître dans les conditions animales et mêmetomber dans les enfer.
IMPERMANENCE ET DOULEUR
Le premier théorème du Bouddhisme est donc la renaissance en fonctiondu mérite ; ce n'est que l'interprétation morale de la croyancepopulaire à la transmigration. Et voici le second : l'existence - mêmel'existence béatifique et presque éternelle du dieu Brahmâ - estmauvaise en soi. Tout ce qui la constitue est essentiellement mobile,changeant ; aucun être, aucune chose n'est à aucun moment semblable àsoi-même ; la personne, humaine ou non, n'est qu'un agrégat d'élémentsdiversement entrelacés qui apparaissent et disparaissent. En dehors deces agrégats il n'y a rien, ni principe fixe, ni âme, ni substancesimple et permanente. La vie n est qu'un composé de phénomènes et ellese répète constamment parce que tout phénomène est à la fois effet etcause et le flot incessant de toutes choses n'a aucun but. Assurément,ces phénomènes sont réels, mais d'une réalité toute momentanée ; toutest impermanent, inconsistant ; un torrent, une flamme qui se consume,voilà les comparaisons les plus fréquentes dans les anciens textes ; ceque nous appelons un être animé n'est qu'une flamme dans une mer deflammes, une vase dans l'immense océan. Â la mort de tout être, humainou non, les éléments dont il est composé périssent ; rien ne luisurvit, sinon l'influence de son karma, résultat de ses oeuvres enpensée ou en action et, par cette force, un nouveau groupe d'élémentsprend naissance, un nouvel individu surgit, lequel est à la fois lemême et un autre que celui qui est mort (14). Toutefois, cettesubstitution est si rapide que pratiquement on n'en tient pas compte ;le Bouddha, comme les saints parvenus à l'omniscience, se souviennentet parlent de leurs existences antérieures, comme s'ils étaient restéstoujours eux-mêmes en passant de l'une à l'autre. Quoi qu'il en soit,c'est dans cette oscillation perpétuelle, gouvernée par la loinaturelle de la causalité, que consiste toute la réalité des choses dece monde. Il importe ici de prévenir une interprétation erronée. Uncertain nombre d'indianistes ont déclaré que le Bouddhisme renferme unecontradiction fondamentale, en effet, disent-ils, il nie le "moi" et ilaffirme que la destinée de l'être est conditionnée par ses actes. S'iln'y a pas de "moi", qui mérite ou démérite ? qui est l'objet d'unerétribution ? qui passe d une existence à une autre ?
En réalité, le Bouddhisme ne nie pas le "moi" ou l'esprit ; il nie lecaractère absolu de l'esprit ou du "moi" ; pour lui, le "moi" n'est niconsistant ni substantiel, il est un simple phénomène, une successionde phénomènes connexes enchaînés à un univers qui n'est lui-même qu'unphénomène fait de vicissitudes toujours changeantes (15). En d'autrestermes, le "moi" existe bien, mais il n'y a pas d'âme immuable. Decette impermanence vient la douleur et cette douleur est accrue encorepar l'illusion que l'homme a de sa permanence, c'est-à-dire del'existence réelle de son "moi". La vie, avec son flux et son reflux,est mauvaise, elle est douleur et cette douleur est projetée dansl'éternité et multipliée à l'infini par le dogme de la transmigration.Où est le remède ? Ce n'est pas le suicide (16) qui est considéré commeun des plus grands crimes et qui est suivi d'une nouvelle existenceencore plus malheureuse ; ce n'est pas non plus la dévotion ou lesaustérités religieuses comme le prétendaient les brahmanes. Le remèdeconsiste pour l'homme a saisir la vérité de cette impermanence de toutce qu'il considérait être lui et à lui, à sortir de cette mobilité etde cette inconsistance de toutes choses. Ceci est possible par laconnaissance des
QUATRE vérités SAINTES qui sont le noyau central du sermon de Bénarès, le résumé du Bouddhisme tout entier.
1) l'existence de la douleur. Exister, c'est souffrir ;
2) la cause de la douleur. Cette cause est dans le désir qui grandit par la satisfaction même ;
3) la cessation de la douleur. Cette cessation est possible, elle est obtenue par la suppression du désir ;
4)la voie qui conduit à cette suppression. Cette voie, c'est laconnaissance et l'observation de la "Bonne Loi", la pratique de ladiscipline et de la morale du Bouddhisme (17).
Donc, le centre de la prédication du Bouddha est non pas un système relatif à l'origine du monde et à la nature de la Cause première, mais la délivrance de la douleur et la voie qui mène a cette délivrance,Gautama veut aller au plus pressé : porter remède à l'universelle douleur ; les systèmes philosophiques ne sont que des hypothèse
Bouddhisme et science
Par Dr Trinh Dinh Hy
S’il est une religion qui peut se trouver en de nombreux points en accord avec la science, c’est probablement le bouddhisme.
Mais comment une religion peut-elle s’accorder avec la science ? De tout temps, le savoi ret la foi ontsuivi des chemins divergents, et les relations entre scientifiques etreligieux ont souvent été difficiles, voire même orageuses. Lebouddhisme peut-il échapper à cette règle ?
Sansdoute oui. Car tout d’abord, le bouddhisme n’est pas une religion à sesorigines. Ensuite, il n’a jamais prétendu expliquer la génèse du mondeet, sauf en de rares circonstances, n’a jamais détenu le pouvoirtemporel. Enfin, il partage avec la science de nombreux points communsque l’on ne cesse de découvrir.
Le bouddhisme n’est pas une religion à ses origines
Il s’agit à ses origines d’une philosophie, d’une discipline, d’une sagesse, fondée par un homme, le Bouddha Gautama, en Inde il y a plus de 25siècles. C’est au cours de sa propagation à travers le monde, surtout sous la forme du Mahâyâna (GrandVéhicule) qu’il s’est profondément modifié, en s’adaptant aux coutumesde chaque pays. Il est tantôt resté philosophie ou art de vivre commele Zen, tantôt devenu religion avec ses croyances, ses rites, comme le lamaïsme au Tibet et l’amidisme en Chine, pour ne citer que quelques unes parmi ses multiples branches.
Ainsi, n’étant fondamentalement pas une religion, le bouddhisme n’a pas vraiment besoin de foi ou de croyance. Unbouddhiste ne croit pas en Bouddha de la même façon qu’un chrétiencroit en Dieu ou un musulman en Allah. Il le vénère comme un maître, ungrand sage, il se rappelle l’enseignement bouddhique en récitant des sûtras, mais il s’agit de confiance etnon pas de croyance. Son adhésion au bouddhisme, il le manifeste aucours d’une cérémonie appelée la "Cérémonie du Refuge", où il dit :"Buddham saranam gacchami. Dhammam saranam gacchami. Sangham saranam gacchami", cequi veut dire "Je prends refuge auprès du Bouddha, de son enseignementet de la communauté des moines". "Prendre refuge" signifie "se reposersur, se confier à". Il s’agit de confiance en un maître, sonenseignement et ses représentants, et non pas de foi ou de ferveurreligieuse.
Pourle bouddhisme comme pour la science, la notion d’un Dieu créateur ettout-puissant n’existe pas, et la question même de Dieu ne se pose pas.Tous les deux ne nient pas l’existence de Dieu, mais l’ignorent.
Un fondement commun : la connaissance, accessible à chacun et par lui-même.
Le point de rencontre essentiel entre la science et le bouddhisme est leur fondement sur la connaissance.
Lascience est par définition un ensemble cohérent de connaissancesrelatives à des faits, objets ou phénomènes. Le bouddhisme lui aussi, apour objectif la connaissance. Bouddha vient du mot sanscrit Bud, qui signifie connaître, s’éveiller. Le Bouddhaest celui qui connaît parfaitement, qui a atteint l’éveil. Le terme ne s’applique d’ailleurs pas seulement au Bouddha Gautama, maisà toute créature qui s’est éveillée à la connaissance. Bien plus,chaque homme est un Bouddha virtuel, un Bouddha qui s’ignore. Chaqueêtre vivant a la "nature de Bouddha".
Aussi a t-on pu dire que le bouddhisme est la religion de la connaissance, commed’autres religions sont des religions de l’amour. Ceci ne veut pas direque le bouddhisme est une religion distante et froide. Mettâ(l’amour universel) et karunâ(la compassion) font en effet partie des vertus majeures des adeptes du Mahâyâna.Mais à la différence de l’amour du prochain prôné par d’autresreligions, il s’agit d’un amour né de la prise de conscience que lesujet et l’objet ne font qu’un, que soi-même est l’autre. Dans lebouddhisme, l’amour se confond avec la connaissance profonde du non-Moi(anâtman).
Dans la science comme le bouddhisme, le sujet connaissant estl’homme, seul devant lui-même, car lui seul peut parvenir à laconnaissance, par ses propres efforts. La vérité à atteindre n’est pasune Vérité révélée, accordée par la grâce divine, mais qu’il doitdécouvrir par lui-même. "Soyez un refuge pour vous-mêmes. Soyez votreflambeau et votre propre guide. Efforcez-vous sans relâche" : c’étaientles dernières paroles du Bouddha à ses disciples avant de mourir.
Une attitude mentale commune : l’esprit critique, d’ouverture, de tolérance
L’attitude mentale du bouddhiste est en beaucoup de points comparable à celle du scientifique.
Tout d’abord, il doit garder l’esprit critique, etne pas accepter une prétendue vérité sans l’avoir soumise à l’épreuvede la raison et de l’expérience. Ainsi, aux habitants d’un village, lesKalâmâqui l’interrogèrent sur ce qu’il fallait croire et cequ’il ne fallait pas croire, le Bouddha répondit : "Ne prenez pas pourvrai tout ce qu’on vous dit, même si ces paroles viennent de votremaître. Ne prenez pas pour vrai tout ce qui est écrit, même si cesécritures viennent d’hommes sages. Ne prenez pas pour justes toutes lestraditions, les rumeurs, les déductions, les analogies de toutessortes. Mais lorsque vous savez par vous-mêmes que certaines chosessont fausses et mauvaises, alors renoncez-y. Et lorsque par vous-mêmesvous savez que certaines choses sont bonnes et vraies, alorsacceptez-les et suivez-les".
Ensuite, il doit garder l’esprit d’ouverture, l’esprit de détachement et de tolérance, qui vont souvent de pair.
Pourle Bouddha, il existe "84000 chemins qui mènent à la vérité", ce quiimplique le respect des autres chemins que le sien. Bien plus, il nefaut pas confondre la vérité et le chemin qui mène à la vérité : "Toutce que je vous ai enseigné, ô bhikkhus(moines), ce n’est que le doigt qui montre la lune, ne prenez pas le doigt pour la lune"...
"O bhikkhus, mêmecette vue qui est si pure et si claire, si vous la chérissez, si vousla gardez comme un trésor, si vous vous y attachez, alors vous n’aurezpas encore compris que l’enseignement est semblable à un radeau qui estfait pour traverser le fleuve, et non pas pour être porté sur le dos".
Il est donc tout à fait naturel que cet esprit d’ouverture ait conduit de part et d’autre à des développements fructueux.
Lascience s’est enrichie jour après jour de nouvelles théoriesscientifiques, parfois contradictoires mais toujours complémentaires,chacune apportant une parcelle de vérité. Ainsi, l’univers mécanique deNewton, la relativité d’Einstein et la théorie quantique de Bohr etd’Heisenberg ont tour à tour contribué à mieux comprendre le monde.
Le bouddhisme lui, a bénéficié des apports des maîtres-philosophes du Mahâyânacomme Nâgârjuna, Asanga, Vasubandhu, Hui Neng,...qui en approfondissant l’enseignement originel du Bouddha, ontdéveloppé au cours des siècles des écoles de pensée et de pratiquefertiles comme le Madhyâmaka(Voie du Milieu),le Vijnânavâda(Pure conscience),et le Dhyâna (Chan ou Zen).
Une différence fondamentale : l’objet de la connaissance
C’estau niveau de l’objet de la connaissance que se situe sans doute ladifférence fondamentale entre le science et le bouddhisme.
Lascience a pour objet tout ce qui peut être observé, expérimenté, étudié: comme la nature, l’homme lui-même, la société. Son champ d’action estextrêmement vaste, englobant tout ce qui est accessible àl’intelligence humaine. Il peut s’agir soit de la connaissance pure,spéculative selon Aristote, soit de la connaissance en vued’applications pratiques, "pour nous rendre comme maîtres de lanature", selon Descartes.
Dansle bouddhisme par contre, il n’est pas question de tout connaître, maisuniquement ce qui permettra à l’homme d’accéder à la délivrance (moksha). Tout le reste est considéré comme inutile, superflu et illusoire.
Ainsi, si l’on compare la connaissance scientifique à une lumière multi-directionnelle, la connaissance bouddhique elle, serait semblable à un rayon laser focalisé sur un point précis, qui est la délivrance.
Le pragmatisme dans le bouddhisme
Ce qui caractérise le bouddhisme et le rapproche des sciences appliquées est son esprit pragmatique.
A l’époque où fleurissaient en Inde toutes sortes de courants religieux, d’idées mystiques, le Bouddha s’élevait contre les spéculations métaphysiques, souvent restées sans réponse et qui écartaient l’homme de l’essentiel, c’est-à-dire de la délivrance.
Al’un de ses disciples qui un jour lui posa la question si l’universétait fini ou infini, éternel ou non, si l’âme était distincte ducorps, ce que devenait l’homme après la mort, le Bouddha répondit parune parabole : "Supposons qu’un homme soit gravement atteint d’uneflèche, que l’on l’amène chez un médecin, et que l’homme dise : "Je nelaisserai pas retirer cette flèche, avant de savoir qui m’a blessé, dequel caste il est, de quel village il est né, de quel arc il s’estservi, de quelle matière a été faite la flèche, de quelle directionelle a été tirée..." Alors cet homme mourrait certainement avantd’avoir les réponses. Par conséquent, certaines choses comme l’universest-il éternel ou non, etc., je ne vous les ai pas expliquées, parceque ce n’est pas utile à la vie spirituelle, parce que cela ne conduitpas au détachement, à la connaissance profonde, à la délivrance".
Une attitude médicale : les "Quatre Nobles Vérités"
L’attitude du Bouddha peut être comparée à celui d’un médecin, face à la maladie.
Dans son premier sermon à Sarnath, le Bouddha exposa les "Quatre Nobles Vérités" (arya-satya), qui constituent le coeur même de son enseignement :
1) La Première Vérité est la constatation de la souffranceuniverselle, plus exactement de duhkha, qui veut dire aussi imperfection, non-substantialité, vide. C’est le diagnostic de la maladie ou nosologie.
2) La Deuxième Vérité est la cause (samudâya)de la souffrance, qui est le désir ou la soif (trishnâ), soif de plaisir, soif d’existence, soif de permanence. Cette soif vient de l’ignorance (avidyâ), de l’illusion d’un Moi individualisé et permanent. C’est le diagnostic de la cause de la maladie ou étiologie.
3) La Troisième Vérité est la cessationde la souffrance (nirodha). C’est le pronosticou l’évolution vers la guérison de la maladie.
4) Enfin la Quatrième Vérité est la voie (mârga)vers la cessation de la souffrance, par les Huit Sentiers de la sagesse. C’est le traitement de la maladie.
Ainsi, on peut percevoir dans les "Quatre Nobles Vérités"enseignées par le Bouddha une démarche scientifique logique et pragmatique, une attitude médicale en quatre étapes : diagnostic nosologique, diagnostic étiologique, pronostic et traitement.
Inversement,quand un médecin dit par exemple à son patient : "1. Vous avez de labronchite chronique, des artères qui se bouchent, 2. Car vous fumeztrop, 3. Vous pouvez guérir de ces maladies, 4. Si vous arrêtez defumer", il a ainsi appliqué sans le savoir, les "Quatre NoblesVérités"énoncées par le Bouddha !
Le karma, loi de cause à effet
Ce cheminement parfaitement logique repose sur une notion importante dans le bouddhisme, qui est le karmaou loi de cause à effet. C’est de là que découle le samsâra, c’està dire le cycle de renaissance, dans lequel les êtres vivants sontplongés dans un mouvement incessant de vie, de mort et de renaissance.
Cesdeux concepts étaient en fait anciens et répandus en Inde, bien avantle Bouddha, qui n’a fait que les intégrer dans sa philosophie. D’aprèsla loi du karma(qui vient de kar, agir),telle cause produit tel effet, comme tel fruit produit tel arbre. Commeles vagues qui se génèrent les unes les autres à la surface de l’eau,les karmasse succèdent, chaque action entraînant une autre, et ainsi de suite, suivant un enchaînement rigoureux et sans fin.
Mais le karmane désigne pas n’importe quelle action : il s’agit d’une action consciente. Dansle bouddhisme et à la différence de l’hindouisme, c’est l’intention quicompte et non pas l’action elle-même. Et si c’est à cause du karmaque l’homme tire sa souffrance, c’est aussi grâce au karmaqu’ilpeut accéder à la délivrance. Le bouddhisme s’élève ainsi contre lefatalisme, la résignation, l’acceptation passive du sort. L’homme est responsablede ses actes, et il ne peut rien reprocher au sort ou au hasard.
La conception du karmaestdonc parfaitement concordant avec la science, puisque toutes lesdémarches de celle-ci consistent à établir des relations de cause àeffet entre les phénomènes observés. On peut même dire que lebouddhisme est déterministe, puisqu’il reconnaît la nécessitéet refuse le hasard. Tout comme la science à l’échelon macroscopique,jusqu’à Einstein avec sa fameuse formule "Dieu ne joue pas aux dés"
Des chemins différents de la connaissance
La science utilise un raisonnement déductif, s’appuyant sur l’observation et l’expérimentation, exprimé par des langages ou des symboles. Il s’agit de connaissances en grande partie collectives, transmises indirectementpar ces langages. Elles conduisent à des applications scientifiques pardes techniques, des machines, qui à leur tour font avancer lesconnaissances.
Dans le bouddhisme, la connaissance est intuitive, directe, s’appuyant sur la discipline mentale, au-delà du langage. On peut même parler d’une vision, d’une prise de conscience globale, subite, d’un éveil. Il s’agit aussi d’une expérience individuelle, qu’un maître Zen peut parfois provoquer chez un élève à l’occasion d’un choc émotif.
Ilest rapporté qu’un jour au milieu d’un sermon, le Bouddha éleva dans samain une fleur de lotus et resta silencieux. Un seul parmi sesdisciples comprit la signification de ce geste et lui répondit par unsourire. Ce fut Mahakasyâpa, considéré comme le fondateur de l’école du Dhyâna (Chanou Zen), laquelle est caractérisée par la connaissance directe au-delà des mots.
Le Bouddha lui-même est appelé Mahâmuni, le Grand Silencieux. Son silences’impose comme la reconnaissance que la Vérité est au-delà des mots :"Exclure toute parole et ne rien dire, ne rien exprimer, ne rienprononcer, ne rien enseigner, ne rien désigner, c’est entrer dans lanon-dualité (advaita) ". C’est peut-être là la rencontre avecLao-tseu : "La Voie qui peut être exprimée n’est pas la vraie Voie, leNom qui peut être nommé n’est pas le vrai Nom". Les scientifiquesd’aujourd’hui reconnaissent que "l’essentiel est invisible aux yeux",comme le disait le renard au Petit Prince.
La rencontre : l’impermanence, le non-Moi, la production conditionnée, la vacuité
L’impermanence (anitya), le non-Moi (anâtman), la production conditionnée (pratîtya-samutpâda), et la vacuité (sunyatâ) sont des concepts essentiels et étroitement liés dans le bouddhisme.
L’impermanenceest une évidence pour tout le monde, et plus particulièrement pour lebouddhiste, car elle est liée au non-Moi (ou non-substantialité duMoi). "O Brâhmanas, la vie est comme une rivière de montagnequi va loin et coule vite, entraînant tout avec elle. Il n’y a pas demoment où elle ne s’arrête de couler. Le monde est un flux continu etimpermanent".
Cequi subit ce changement, ce n’est qu’un faux Moi, une entité empirique,conventionnelle, provisoire, éphémère et inconsistante, formée des"Cinq agrégats" (skandhas) (matière, perceptions, sensations,formations mentales, conscience), qui sont eux-mêmes sujets auchangement. "Quand les agrégats apparaissent, déclinent et meurent, ô bhikkhus, à chaque instant vous naissez, vous déclinez, vous mourrez".
Eneffet, la science nous apprend qu’à chaque instant des millions decellules de notre corps, sur notre peau, dans nos intestins, nosmuscles, meurent et naissent. Et même nos milliards de neurones, quinous accompagnent en principe jusqu’à la fin de nos jours, subissentdes changements incessants. Pour prendre une image du moine Nagâsena :"Comme une flamme qui brûle, à chaque instant ce n’est plus la même etce n’est pas non plus une autre" (na ca so na ca anno).
Le bouddhisme nie donc l’existence d’un Moi (âtman) entant qu’entité, non seulement permanente, éternelle (comme l’âmehumaine), mais encore individualisable, substantielle, pourvue d’unenature propre et indépendante. Selon le bouddhisme, tout est interdépendant, et rien ne peut être individualisé ni exister isolément, sinon dans l’esprit des hommes.
Cette conception du non-Moi seretrouve ainsi en accord avec les acquisitions scientifiques les plusrécentes. Lorsqu’on regarde le corps humain, on s’aperçoit qu’il estfait d’un grand nombre d’organes dont aucun ne peut prétendre être lesupport du Moi. Est-ce notre coeur, notre estomac, notre cerveau, ounos gonades ? Et les milliers de milliards de bactéries que noushébergeons dans nos intestins, font-elles partie de notre Moi ?Probablement, puisqu’elles sont indispensables à notre absorptionintestinale de vitamines, donc à notre survie. Mais provenant aussi dela nourriture extérieure, elles sont sans cesse renouvelées, et peuventmême un jour nous causer une infection grave et nous détruire. Et l’airque nous respirons ? Et nos idées ? Font-ils partie d’un Moi isolé, ouplutôt d’un monde où se fond le Moi ? Le Moi qui est en fait unnon-Moi, changeant et interdépendant avec l’univers.
Ilest maintenant bien établi, grâce aux travaux des astrophysiciens, quenous ne sommes que des poussières d’étoiles vieilles de quelques 13milliards d’années. Notre parenté avec les animaux qui nous entourentne fait plus guère de doute, mais également avec les plantes, lesmontagnes, les fleuves. Comme l’exprime si bien le titre de la chanson,"We are the world"...
Le principe de la production conditionnée (pratîtya-samutpâda),quiexplique l’apparition et la continuation de la vie par l’enchaînementde 12 facteurs, allant de l’ignorance jusqu’à la vieillesse et la mort,est basé sur la formule :
"Quand ceci est, cela est. Cela apparaissant, cela apparaît. Quand ceci n’est pas, cela n’est pas. Ceci cessant, cela cesse".
Tout est ainsi conditionné, interdépendant, intimement lié.
Cecirappelle étrangement les conclusions des scientifiques, après lesexpériences du pendule de Foucault et du paradoxe EPR (désintégrationd’un particule, par Einstein, Podolsky et Rosen). Il s’avère d’aprèsces expériences qu’à l’échelle macroscopique aussi bien qu’à l’échellemicroscopique, l’univers est interconnecté et possède un ordre global, indivisible.
"Chaque partie contient le tout, et le tout reflète chaque partie", dit le scientifique.
"Une parcelle de poussière
Contient tout l’univers.
Quand une fleur s’épanouit,
Le monde entier se révèle.", dit le moine Zen.
Contient tout l’univers.
Quand une fleur s’épanouit,
Le monde entier se révèle.", dit le moine Zen.
L’essentiel pour l’homme est de réaliser cette appartenance cosmique, cette vision globale des choses dans l’espace et le temps, afin d’éviter l’attachement au Moi, source de passions et de souffrance.
"Qui voit une seule chose a la vision de toutes les choses La vacuité d’une seule chose est la vacuité de toutes."(Chandrakîrti)
La vacuité(sunyatâ) est un concept central du bouddhisme qui a été développé surtout par l’école Madhyâmaka (Voie du Milieu) fondée par Nâgârjuna, grand philosophe indien du IIIè siècle.
La vacuité revêt une double signification dans l’école Madhyâmaka.
D’uncôté, elle est non-substantialité, absence de Soi, de nature propre deschoses : "Ainsi faut-il considérer ce monde fuyant : une étoile àl’aube, un éclair dans un nuage d’été, une lampe qui vacille, une bulledans un ruisseau, un mirage, un rêve". (Sûtra du Diamant).
De l’autre côté, sunyatâestl’Absolu, la nature profonde des choses, la Réalité ultime, exempte detoute dualité, de tout concept, et qui ne peut être appréhendée quedirectement. "La forme n’est que vide. Le vide n’est que forme" (Sûtra du Coeur).
Ainsi, comprendre la vacuité par la sagesse (prajnâ), réaliserle vide, en dépassant le "vérité relative" de la vie quotidienne pouratteindre la "vérité suprême", c’est parvenir à la délivrance, le nirvâna.
Il est aussi frappant de retrouver l’importance que revêt la notion du videdans la science. A l’échelle de l’infiniment petit, tout objet estformé de molécules et d’atomes, eux-mêmes formés de protons,d’électrons et d’autres particules, entre lesquels règne un videimpressionnant. La nature est essentiellement composée de vide : cettemaison où vous vous trouvez est vide, cette table est vide, cette revueque vous tenez entre les mains est vide, ces lignes sont vides. Mais cevide-là, nous le croyons plein...
Science et bouddhisme : une complémentarité
Auterme de cette analyse, il apparaît que la science et le bouddhismepartagent bien de points communs et présentent aussi quelquesdivergences, mais qu’il est illusoire de vouloir les comparer en lesplaçant sur le même plan, puisqu’ils concernent des aspects différentsde la vie, des dimensions différentes de la personnalité humaine.
L’une des caractéristiques de la science est la spécialisation et la fragmentation desconnaissances. Analytique et "réductionniste par nécessité", elle finitpar donner à chacun une vision parcellaire et étroite des choses.Conscients de ce défaut, de nombreux scientifiques cherchentactuellement à établir une interconnexion entre les différentesdisciplines, de façon à dégager une synthèse, une vision plus globale, holistique du monde.
Danscet effort de synthèse, le bouddhisme peut sans doute contribuer sapart. Déjà, d’étonnantes correspondances entre le bouddhisme et lasémantique, la phénoménologie, l’existentialisme, la physique moderne,ont été reconnues, et un grand nombre de scientifiques et de penseursmanifestent un intérêt croissant pour cette sagesse millénaire, en ydécouvrant de nouvelles et intéressantes ouvertures.
La science ne résout pas tout, il faut à l’homme plus de sagesse
Personne à notre époque ne peut nier les apportsconsidérables de la science, et les bouleversements que les techniquesont entraînés dans notre vie quotidienne. De façon bien inégaled’ailleurs, puisqu’ils échappent à une large majorité de la populationmondiale. En un temps particulièrement court, les acquisitionsscientifiques se sont multipliées à une vitesse vertigineuse. L’hommeest arrivé à cette fin du XXème siècle à voyager dans l’espace, àgreffer des organes, à féconder in vitro, à réaliser des tâchescomplexes par des robots et ordinateurs, pour ne parler que de quelquespercées parmi les plus spectaculaires.
Mais les progrès technologiques ont également causé l’émergence de nouveauxproblèmes,comme la pollution et la destruction de l’environnement, le risquenucléaire, les catastrophes industrielles, l’exclusion et la violencedans les cités. En biologie, les progrès ont été tels que l’homme,"pris de vitesse par la science", se trouve devant de graves questionsde bioéthique : euthanasie, dons d’organes, procréation artificielle,manipulations génétiques, etc.
Sansparler de toutes les guerres, les tueries, les génocides où la sciencecontinue à apporter sa triste contribution à la barbarie humaine. Etaussi de cette course en avant à la productivité, de cet esprit"toujours plus", soufflé par les lobby industriels qui ne savent pasplus eux-mêmes où aller...
Enfin de compte, l’homme, ce "colosse aux pieds d’argile", est-il plusheureux grâce à la science ? Ou bien sent-il le besoin de quelque chosede plus profond en lui-même qui lui permettrait de résoudre sesproblèmes ?
Comme le disait le physicien David Bohm, "la réponse ne réside pas dans l’accumulation du savoir. Ce qui est indispensable, c’est la sagesse. Bien plus que le manque de connaissance, c’est le manque de sagesse qui nous cause la plupart de nos problèmes".
Mais pour le bouddhisme, qu’est-ce la sagesse sinon la connaissance ? Une connaissanceprofonde, jusqu’au tréfonds de l’être, directe au-delà des mots, ayant pour but l’extinction de la souffrance, autrement dit le bonheur.
Olivet, 1993
Bibliographie sommaire
1 - Henri ARVON - Le bouddhisme (Collection "Que sais-je"). PUF 1985
2 - David BOHM, David F. PEAT - La conscience et l’univers. Editions du Rocher 1990
3 - Walpola RAHULA - L’enseignement du Bouddha. Editions du Seuil 1961
4 - Lilian SILBURN - Le bouddhisme (Textes traduits et présentés sous la direction de). Editions Fayard 1977
5 - TRINH Xuan Thuan - La mélodie secrète. Editions Fayard 1988
http://trisieu.phapviet.com
Bouddhisme et judaïsme
Entre traces et récits, légende et histoire
Lionel Obadia
http://socio-anthropologie.revues.org/document151.html#tocto2
Plan
Texte intégral
1 Traversant les millénaires, le bouddhisme et le judaïsme paraissent n’être entrés en contact qu’à la fin du XXe siècle et ce dans le contexte des nations occidentales. Loin de se réduire à une simple « découverte » mutuelle, cette rencontre se révèle au contraire au cœur d’un entrelacs complexe de questions d’ordre généalogique. Ce sont des enjeux sous-jacents aux débats actuels sur les rapports entre le judaïsme et le bouddhisme, où la nature et l’interprétation des « traces » mêlent et confondent les discours scientifique et apologétique.
2 Dans l’optique d’une histoire des religions « classique », le caractère tardif et inédit d’une rencontre réunissant deux traditions religieuses aussi importantes s’explique aisément par référence aux différences constatées entre leurs propriétés intrinsèques, ainsi qu’à leurs développements culturels et géographiques : alors que le bouddhisme rayonnait sur tout le continent asiatique, le confinement du judaïsme aux limites des mondes chrétien et musulman a considérablement restreint ses possibilités de contact direct avec le bouddhisme, d’où la mutuelle indifférence que ces deux religions se sont témoignée au cours de l’histoire. Une telle représentation ne résiste pas à l’épreuve des faits.
3 La présence du judaïsme en Asie ainsi que les contacts que la tradition abrahamique a entretenu avec les religions extrême-orientales sont, en fait, loin d’être méconnus des historiens des religions modernes. Le judaïsme d’Asie – en particulier sous ses formes sinisée et indianisée – occupe une place tout à fait identifiée dans les sciences religieuses contemporaines et est un domaine d’étude en plein essor. Son objectif – la reconstitution des modes de vie et les vicissitudes d’une diaspora éparpillée entre l’Asie mineure et l’Extrême-Orient – se heurte néanmoins à plusieurs difficultés. La principale réside sans doute dans la variété des indices et des témoignages dont dispose actuellement la communauté savante. Ceci soulève plus de questions que n’apporte de réponses précises.
Trajectoire historique : traces, indices, preuves
4 L’implantation de la diaspora juive en Asie, loin du monde chrétien et « à la périphérie de l’islam1 » n’est pas à proprement parler un phénomène historique localisé, mais un processus étendu dans le temps et dans l’espace. Les communautés juives d’Asie sont, à ce jour, disséminées entre, d’une part, l’Inde, la Chine (Hong-Kong) et le Japon pour les plus importantes (plusieurs milliers d’individus), et d’autre part, Singapour, la Thaïlande, la Corée du Sud, la Chine continentale, l’Indonésie, Taiwan et la Birmanie pour les plus réduites (moins de trois cents individus)2. Brossé à grand traits, l’itinéraire des communautés juives en Asie part du bassin méditerranéen, suit les routes de communication de l’Asie mineure (la Turquie et la Perse) et d’Asie centrale (via les actuels Turkménistan et Kirghizstan), pour parvenir au nord puis au sud de l’Inde, et enfin plonger au cœur de la Chine. Pressés de s’expatrier pour des raisons politico-religieuses (en premier lieu, les persécutions dont ils faisaient l’objet), les migrants juifs nourrissaient également des ambitions de nature économique. En suivant les traces des marchands musulmans, ils furent appelés à jouer un rôle essentiel dans les échanges et dans le développement local de l’économie monétaire, et se sont par ailleurs implantés près des ports ou des voies commerciales terrestres. Quelles qu’aient été les motivations à l’origine de cette diaspora, les civilisations confucéenne et hindouiste se sont avérées bien plus hospitalières et – nonobstant d’inévitables périodes d’oppression – bien moins hostiles pour les juifs que ne l’ont été les environnements chrétiens ou musulmans. Certaines communautés ne se sont fixées en Asie que de manière temporaire (comme ce fut le cas à Shanghai3) pour fuir, par exemple, la montée du nazisme en Europe dans les années 1930 et 1940.
5 L’ancienneté, la pérennité et le poids démographique des communautés d’Inde et de Chine (continentale) font néanmoins de ces deux dernières des objets privilégiés de recherches sur le judaïsme d’Asie. Leur origine reste toutefois encore assez mal connue. Celle-ci se fond dans le creuset mythique des temps bibliques et balance perpétuellement entre la légende et l’histoire événementielle. Outre les traditions orales et textuelles locales et les annotations dispersées dans les récits de voyageurs, les matériaux utilisés à des fins de reconstruction historique ne sont parfois que de simples traces. Les chercheurs doivent ainsi se satisfaire d’éventuelles proximités phonologiques et/ou sémantiques entre des termes hébreux et les langues vernaculaires, de comparaison entre des termes de parenté ou des catégories religieuses, ainsi que de reliquats d’une culture matérielle dont l'inventaire et l’examen sont rendus difficiles par la présence massive d’influences stylistiques asiatiques.
Communautés juives en Inde
6 Plusieurs communautés juives se sont établies en Inde à Cranganore, Cochin ou encore Bombay. A une première vague de migration, sans doute originaire de Perse et d’Asie centrale (au IVe, au Ve ou au VIIIesiècle)4, s’adjoint une seconde issue du Portugal et d’Espagne (au XVIe siècle) et enfin de Perse (les Baghdadi) au XVIIIe siècle. L’histoire des juifs de Cranganore, une communauté distincte de la première vague et consignée sur des tablettes de cuivre dont il existe trois traductions fort différentes5, est très ancienne. Fuyant la pression portugaise au XVIe siècle, elle fusionnera ultérieurement avec une autre communauté, celle de Cochin. Un groupe distinct des précédents, les Bene Israël fait, quant à lui, remonter sa présence en Inde à plus de deux millénaires6. Etablis au Bengale, ils se seraient dispersés à travers tout le pays et notamment sur la côte du Malabar. L’histoire de ces communautés hésite entre une généalogie longue, qui remonte directement au règne du roi Salomon7, et des généalogies plus courtes associant les différentes vagues d’émigration vers l’Asie au démantèlement du royaume d’Israël (722 avant J.-C.), à la destruction du second temple (70 après J.-C.) ou, enfin, à l’expulsion des juifs de Jérusalem (135 après J.-C.). Récemment la fondation de l’Etat d’Israël, en 1948, fut à l’origine d’une importante migration des Bene Israël, qui ont pratiquement disparu d’Inde, et des juifs de Cochin, où réside encore une communauté numériquement importante, ultime témoignage vivant du judaïsme indien.
Communautés juives en Chine
7 Le judaïsme chinois, s’est, pour sa part, progressivement fondu dans les milieux confucéen ou musulman8 et il n’en demeure actuellement que des vestiges. Il n’en est pas moins ancien. Si on le fait parfois remonter à la période Han (du IIIe siècle avant J.-C. au IIIe siècle de l’ère chrétienne), le périple des juifs à destination de la Chine a sans doute débuté entre le VIIe et le IXe ou le Xe siècles9. Les avis des spécialistes divergent en fait quant à savoir si les juifs chinois étaient originaires d’Inde et auraient gagné la Chine sous la dynastie Song (960-1279) ou s’ils ont, comme leurs co-religionnaires indiens, rejoint l’Asie à partir de la Perse, après la destruction du second temple de Jérusalem. L’existence de larges communautés, quoique révélée par les voyageurs arabes dès le IXe siècle, n’est attestée que bien plus tardivement dans des récits de voyageurs, comme ceux de Marco Polo ou de Jean de Marignolli, et dans les missives des jésuites installés à Pékin qui devaient n’en informer l’Occident qu’au XVIIe siècle. Leur présence dans la ville de Kaifeng aurait abrité la plus large communauté juive de l’empire du milieu, dont une synagogue reconstruite à plusieurs reprises. Elle est attestée par des stèles gravées à des dates différentes (1489, 1512 et 1663 pour les plus « lisibles »), offrant des versions controversées – parce que discordantes – des généalogies prophétiques mais aussi de l’origine des juifs chinois.
Controverses
8 Confondus avec des musulmans ou avec des chrétiens, – quand ils n’étaient pas purement et simplement convertis –, disparaissant des archives et des récits durant de longues périodes (en Inde, entre les XIIIe et XVe siècles) avant d’y réapparaître subitement, alternativement absents des catégories religieuses locales ou pleinement identifiés (en Chine, comme Zhuhu ou encore Wotuo10 – terme contesté par l’historien chinois Wen Tu-Chien11), les juifs d’Asie se laissent difficilement saisir par l’histoire et l’anthropologie. Leur visibilité est largement fonction, par ailleurs, d’enjeux politiques ou stratégiques (c.-à-d. les rivalités qui les opposaient aux autres représentants de religions « étrangères »).
9 La publication récente de l’ouvrage The City of Light (1997) par David Selbourne a, de plus, révélé la fragilité des témoignages sur lesquels repose l’histoire du judaïsme asiatique. The City of Light a été présenté par son auteur comme la traduction d’un texte rédigé par un commerçant juif nommé Jacob d’Ancona qui aurait séjourné en Asie au XIIIe siècle. Sur bien des points plus plausible que le récit de Marco Polo, l’ouvrage a pourtant suscité une vive polémique au sein des cercles académiques. Il comprendrait trop d’omissions ou d’erreurs factuelles pour ne pas susciter les plus grandes réserves dans la communauté des historiens modernes. Les refus répétés de Selbourne de fournir le manuscrit original à des fins d’expertise ont achevé de convaincre qu’il s’agissait d’un faux12.
10 S’il avait effectivement existé, Jacob d’Ancona n’aurait pas été le premier voyageur de confession et de culture juives dans l’histoire des grands explorateurs médiévaux de confession chrétienne, tels Jean Plano de Carpini (arrivé en Asie en 1245) ou de Guillaume de Rubrouck (en 1253). Outre l’antériorité du voyage d’Ancona (entre 1270 et 1273) sur celui de Marco Polo, le principal enjeu autour de la publication de Selbourne est de nature historique et anthropologique. A la différence de ses prédécesseurs, qui n’ont jamais foulé le sol de l’Asie du Sud (en particulier Benjamin de Tolède, dans les années 1160), le récit d’Ancona offrait un manuscrit rédigé de la main d’un témoin direct qui aurait permis de trancher la question de la démographie des juifs de Zaitun13, celle des juifs de Chine dans leur ensemble et aurait fourni un matériau précieux pour l’examen des mécanismes d’acculturation des communautés désormais disparues14.
De la trace à l’origine : enjeux généalogiques
11 A certains égards, l’intérêt des débats autour de telles « traces » réside au moins autant dans la possibilité qu’elles offrent de combler les carences d’une histoire événementielle que dans les appropriations dont elles ont récemment fait l’objet à l’occasion d’événements qui allaient inaugurer une série de contacts réguliers entre le bouddhisme et le judaïsme en Occident et en Asie.
12 Après une première rencontre avec le quatorzième Dalaï-lama sur le sol américain en 1989, un groupe de rabbins et d’intellectuels juifs a entrepris de se rendre en Inde, à Dharmasala sur l’invitation du chef spirituel du bouddhisme tibétain, justifié par le désir de celui-ci d’approfondir sa connaissance de la tradition juive. Cette amorce de dialogue inter-religieux s’est prolongée par deux visites du Dalaï-lama en Israël (en 1994 et en 1999). Les débats ont cette fois porté sur des « similitudes » constatées entre les destinées des nations juive et tibétaine, en l’occurrence, l’expérience de la haine et du déracinement, l’attachement à une terre et une histoire sacrée, et surtout, le souci, témoigné de part et d’autre, de préserver les traditions culturelles et religieuses en situation d’exil. L’exemplarité de la nation tibétaine, répondant par la « non-violence » à l’annexion par son voisin chinois15 – qui a valu le prix Nobel au Dalaï-lama en 1989 – revêtait en fait une signification particulière dans le contexte israélien où certains mouvements juifs, ralliés à la cause tibétaine, cherchent également une solution pacifiste au conflit qui les oppose à leurs voisins palestiniens.
13 Dans le même temps, le bouddhisme – au même titre que d’autres religions extrême-orientales – rencontre un écho de nature plus « existentielle » auprès d’Occidentaux d’origine juive (en particulier aux Etats-Unis et en Israël même16) dont l’engagement, à défaut d’être statistiquement significatif, à donné naissance à la catégorie des JuBu (Jewish Buddhists), une synthèse identificatoire mêlant des « racines juives et des pétales bouddhistes » (selon l’expression de Lieberman). L’écrivain Roger Kamenetz, acteur et témoin de cette double rencontre, voit dans les « similitudes » qu’il constate entre la mystique juive et la mystique bouddhique (1994) une explication plausible – mais non exclusive – à l’attrait des juifs pour le bouddhisme17. Mais c’est sous la plume de l’historien américain Nathan Katz que l’idée de parenté (analogique), sous-jacente à ces réflexions, est étendue à sa seconde acception (généalogique). Spécialiste des contacts antiques et médiévaux entre la nation juive et les traditions bouddhistes, Katz a suggéré, à plusieurs reprises, l’existence d’une inter-fécondation religieuse et culturelle entre la nation juive et les nations asiatiques d’Asie du Sud (bouddhiste et hindouiste) à une époque médiévale18. Ceci permet d’expliquer les affinités actuelles entre le bouddhisme et le judaïsme – qu’elles prennent la forme du dialogue inter-religieux ou de conversion.
14 Pour intéressante qu’elle soit, la démarche de N. Katz est loin d’être originale. Elle s’inscrit dans une idée aujourd’hui répandue selon laquelle le succès du bouddhisme en Occident participerait moins d’une découverte que d’une redécouverte, une affirmation elle-même inspirée d’une idée de type diffusionniste selon laquelle les philosophies et doctrines religieuses de l’Occident auraient été nourries d’influences indiennes19. Devant l’absence manifeste d’influence bouddhiste dans le christianisme et le judaïsme d’Occident (du moins avant leur confrontation actuelle avec les traditions bouddhiques établies dans les nations occidentales), on ne peut alors que s’interroger sur la mystérieuse opération qui aurait permis que se conserve, dans les tréfonds d’un improbable inconscient collectif, un « héritage bouddhiste » et que ce dernier soit réactivé après des siècles de léthargie.
Epilogue
15 De toutes les tentatives de réinvention de l’histoire, où s’entremêlent rencontre interconfessionnelle et généalogie historique, la plus originale est sans doute celle proposée par David M. Bader, lui-mêmeJuBu, qui offre un bel exemple de synthèse entre l’humour juif et la sagesse bouddhiste. En préface de son Zen Judaism (2002), recueil de haïkus à destination des Occidentaux, l’auteur réécrit, contre toute exactitude historique mais avec le ton décalé qui a fait les beaux jours de l’humour juif new-yorkais, le mythe fondateur du bouddhisme :
« La pratique du judaïsme zen » écrit-il « remonte au fameux Bouddha Gautama du VIe siècle avant J.-C. (…) Il était connu sous le patronyme de Siddhârta, de son vrai nom Sidney Arthur Bouddha. Les parents du Bouddha, Max et Helen, étaient un couple aisé de la banlieue de Kapilavatthu. Ils étaient fiers de leur fils Sidney qu’ils vénéraient presque (…). Les professeurs du Bouddha avaient prédit qu’il deviendrait un jour un grand sage. L’idée effrayait ses parents : pourvu qu’il fasse son droit d’abord ! Mais Sidney avait d’autres plans. Jeune homme las de sa vie confortable et affecté par la souffrance qu’il observait autour de lui, il se décida à renoncer à tous ses biens et devint un moine mendiant. “ Moine ? s’écria son père, c’est un métier, ça ? ”20 »
Notes
1 Selon l’expression de Salo W. Baron, A Social and Religious History of the Jews, vol. XVIII, seconde édition, revue et augmentée, New York, Columbia University Press, 1983, p. 363 et suiv.
2 Estimations disponibles au mois de mars 2002 sur plusieurs sites Internet : http://www.us.israel.org/jsource/Judaism/jewpop.html ; http://www.wjc.org.il/wjcbook/chartmap.htm
3 Voir à ce sujet l’excellent ouvrage de M. Reynders Ristaino, Port of Last Resort. The Diaspora Communities of Shanghai, Stanford, Stanford University Press, 2001.
4 S. Mendelssohn, Jews of Asia, Londres, Kegan Paul, Trench, Trubner & Co. New York, E. P. Dutton & Co, 1920, p. 99-100.
5 Ibid. p. 101.
6 K. Blady, Jewish Communities in Exotic Places, Northvale (New Jersey), Jerusalem, Jason Aronson, 2000, p. 215.
7 L’« Ophir » biblique se confondant, dans la légende, avec l’Inde. Cf. S. W. Baron, op. cit., p. 389.
8 Blady, op. cit., p. 257.
9 Le récit du voyageur Abou Saïd signale la présence d’individus de confession juive dès les IXe et Xe siècles.
10 S. Shapiro (ed.), Jews in Old China, Studies by Chinese Scholars, 3e édition revue et augmentée, New York, Hippocrene Books, 2001, p. 4.
11 Wen Tu-chien, « A study of Wotuo (1941) », ibid., p. 12-14.
12 Cette controverse a été révélée au grand public par le journaliste américain N. D. Kristof « A 13th-Century Traveler to China Comes to Light », New York Times, 21/9/1997.
13 Actuellement Quanzhou, ville située au sud-est de la République Populaire de Chine. La communauté juive aurait été forte, selon Ancona/Selbourne, de deux mille individus, et aurait cohabité avec de nombreux chrétiens européens, musulmans d’origine diverse, et « d’Africains », catégorie non précisée.
14 Le traitement d’un matériau exclusivement textuel n’interdit toutefois pas l’étude des formes de l’acculturation des communautés juives d’Asie. Cf. N. Katz, « The Judaisms of Kaifeng and Cochin : parallel and divergent styles of religious acculturation », Numen, vol. 42, 1995, p. 118-140.
15 Une telle conception est – faut-il le rappeler ? – foncièrement réductrice : elle occulte les diverses manifestations de résistance active et les soulèvements du peuple tibétain face à l’envahisseur chinois, dont la célèbre révolte des Khampas, en 1959.
16 Pour un panorama synthétique de ces faits et des questions qu’ils soulèvent, cf L. Obadia, « Buddha in the Promised Land ? Outlines of the Settlement of Buddhism in Israel », in Martin Baumann, Charles Prebish, (eds.) Westward Dharma : Buddhism Beyond Asia, Berkeley, Los Angeles, University of California Press (sous presse).
17 Pour la version française : R. Kamenetz, Le juif dans le lotus : des rabbins chez les lamas, Paris, Calmann-Lévy, 1997.
18 N. Katz, « Contacts Between Jewish and Indo-Tibetan Civilizations Through the Ages : Some Explorations », The Tibet Journal, vol. 16, no. 4, 1991, p. 90-109; et « From Legend to History : India and Israel in the Ancient World », SHOFAR, vol. 17, no. 3, 1999, p. 8-22.
19 Idée que l’on retrouve dans nombre de réflexions actuelles sur le bouddhisme en Occident et qui a été vigoureusement défendue par S.-C. Kolm, Le bonheur-liberté, bouddhisme profond et modernité, Paris, PUF, 1982.
20 Traduction de l’auteur, extrait de D. M. Bader, Zen Judaism. For You, a Little Enlightenment, New York, Harmony Books, 2002, p. 12-13.
Pour citer cet article
Référence électronique
Lionel Obadia, « Bouddhisme et judaïsme », Socio-Anthropologie, N°12, Traces, 2002, [En ligne], mis en ligne le 15 mai 2004. URL : http://socioanthropologie.revues.org/document151.html. Consulté le 19 septembre 2008.
Auteur
Lionel Obadia
Université Charles de Gaulle-Lille III
Articles du même auteur :
- Religion(s) et modernité(s) : Anciens débats, enjeux présents, nouvelles perspectives [Texte intégral]
- Paru dans Socio-Anthropologie, N°17-18, Religions et modernités , 2006
- Chamanisme et modernité : Une perspective himalayenne [Texte intégral]
- Paru dans Socio-Anthropologie, N°17-18, Religions et modernités , 2006
- Présentation du numéro spécial [Texte intégral]
- Paru dans Socio-Anthropologie, N°17-18, Religions et modernités , 2006
- “No King”, “No drink”, “Power to the People” [Texte intégral]
- Paru dans Socio-Anthropologie, N°15, Boire , 2004
- Le « boire » [Texte intégral]
- Paru dans Socio-Anthropologie, N°15, Boire , 2004
- Le « plaisir » de « jouer ». Présence et métamorphoses du ludisme dans le football professionnel français [Texte intégral]
- Paru dans Socio-Anthropologie, N°13, Jeux / Sports , 2003
Extraits de « Bouddhisme et homosexualité » De Pascal Treffainguy / Lama Detchen Kunzang Trinley.
Laquestion des rapports entre l'homosexualité et le Bouddhisme apparaîtpour la première fois dans un enseignement de Bouddha définissant lesfautes monastiques susceptibles d'impliquer l'exclusion de sacommunauté de moines. Il est ainsi écrit : "Si un moine pratique l'actesexuel dans ce passage ( l'anus ), même si la pénétration ne dépassepas la taille d'un grain de sésame, il est coupable d'une faute" (Samantapâsâdika ). On peut noter déjà que l'interdit ne porte pas surla sodomie en tant que telle mais sur le fait de la subir, et ce, dansle cadre du monastère. C'est là un fait précis qui est envisagé et quel'on doit donc garder en mémoire si l'on veut comprendre que, plustard, on verra se développer des mœurs homosexuelles, sur le prototypegrec, au sein même des monastères, et entre moines et novices ( nonentre moines ). L'interdiction formulée par Bouddha n'est donc pasexclusive et ne peut en aucun cas être universalisée. La preuve en estque Kukaï Kôbô Daichi, le créateur du Bouddhisme ésotérique ( ouShingon ) et sans doute le moine du passé le plus honoré de nos joursencore, a introduit l'homosexualité dans la culture nippone depuis laChine dés le 9ème siècle ( elle était inconnue jusqu'à là sur l'île duSoleil Levant, nous dit-on ). De son fait, elle est devenue pourlongtemps un signe de raffinement intellectuel au Japon, voire même unmode de transmission initiatique privilégié entre maîtres et disciplesdes Voies secrètes du Bouddhisme et des aspects intérieurs du culteimpérial shintô. Toutefois, cette attitude favorable à l'homosexualitéentre personnes de goût s'est progressivement perdue au fur et à mesurede la corruption de l'idéal bouddhique. La cupidité et le relâchementintellectuel des moines ont été assimilés à leur absence de conceptionsduelles quant à la sexualité. Au mieux, on verra par la suitel'homosexualité comme une sorte de préparation à la vie hétérosexuelle( on rejoint encore ici l'idéal platonicien ). Au pire, les homosexuelsseront poursuivis et châtiés dans des périodes de puritanisme où l'onveut resserrer les rangs face aux critiques des anticléricaux (notamment dues au statut fiscal très favorable des monastères ). Plusgénéralement dans le Hinayana, c'est à dire le Bouddhisme du Sud-Estasiatique, homosexualité, onanisme et même le corps lui-même toutentier sont rejetés comme impurs et facteurs de renaissance dans lecycle des existences. On sait maintenant que ce Bouddhisme n'est pas ladoctrine originelle de Bouddha et qu'il est hétérodoxe ( malgré lestentatives d'observateurs non qualifiés de l'utiliser comme machine deguerre contre l'Église catholique ou pour justifier leurs vuesanti-traditionnelles ). On laissera donc ses prescriptions à ceux qui,incapables de vivre dans le monde dans la Voie du Juste Milieu définiepar le Bouddha, préfèrent s'enfermer dans les interdits et la dualité.Sans oublier que selon un adage pastoral lui aussi plus quebi-millénaire : "Qui veut faire l'ange fait la bête". Dans le Mahayana,qui s'est développé à partir du 2ème siècle puis en compagnie duChristianisme nestorien, l'homosexualité n'a pas de statut spécifique.L'idéal est celui du Boddhisattva qui a vaincu l'attachement au "moi"et au "mien" pour se mettre au service de l'Éveil et du bienfaitd'autrui. L'homosexualité peut être alors considérée comme un simplemoyen. Si elle rapproche de l'Éveil, elle est recommandée. Si elle enéloigne, elle est blâmable. Le Sûtra de l'Estrade est assez clair surce point, sans qu'il soit possible d'accuser le Bouddha de laxisme.Après sept ans de méditation ascétique et de jeûne, cela serait assezirrévérencieux ! … Plus généralement, le Mahayana met l'accent sur lapassion amoureuse qui, par son caractère exclusif et égocentré,détourne de la compassion universelle pour tous les êtres. Le caractèreimpermanent et insatisfaisant de l'existence humaine doit normalementconduire à une réflexion sur la nature même des passions. Notresexualité est-elle au service de l'autre ou un mécanisme névrotique decompensation psychologique destiné à venir au secours d'un "moi" menacé? La question est posée assez abruptement au laïc. Dans le cadremonastique, l'accent est mis sur les obligations des moines. Une foisque le choix est fait entre vie laïque ou vie consacrée, il vaut mieuxplutôt rendre ses vœux de moines que de jouer la carte de l'hypocrisie.On a vu dernièrement en Thaïlande un patriarche du Bouddhisme national( déguisé en officier de l'armée thaïlandaise pour la circonstance )être contraint à la démission pour avoir acheté le commerce deprostituées avec les dons des fidèles naïfs ( source : revue bouddhisteSamsara, n°21, 01-03/2001 ).
L'Empereur nippon Shirakawa écrira, désabusé des faux semblants de cesreligieux qui rendent détestable la religion, : "Ceux qui cachent leurspêchés portent le nom de moines, ceux qui évitent d'en commettre celuide Bouddha".
Ilest vrai aussi que dans le cadre des pratiques de méditation, toutel'énergie physique et psychique des moines doit être orientée versl'Éveil. Dés lors, la seule activité sexuelle - et même les pensées -sont autant d'obstacles sur le chemin. Le Sûtra du Filet de Brahmaprescrit ainsi une totale chasteté pendant ces périodes. Le Zen, entant que doctrine du Mahayana, s'appuie sur cette position pourjustifier l'interdit, quelle que soit par ailleurs le mode d'expressionsexuelle. Tout cela nous mène naturellement au Vajrayana, le stade leplus élaboré du Bouddhisme auquel appartiennent celui du Tibet ( leLamaïsme ) et le Shingon du Japon. Ici, il convient de distinguer troisétats subtils ( internes ) de l'homme en relation avec la doctrinetraditionnelle des Trois Mondes ( plus connue sous le nom occidentald'Hermétisme ). L'homme ordinaire est celui qui n'a reçu aucunsacrement. Il est dit anti-solaire ( ou terrestre ). Il est livré sansprotection à son karma, c'est à dire aux conséquences des actes commispar lui-même, et ses ancêtres physiques et psychiques ( le pêché dansle cadre biblique ). Le Vajrayana, ne connaissant pas plus de notion deréincarnation que de moi éternel, met l'accent sur les traces que nosactes laissent dans notre anatomie subtile ( les fameux "chakra" ) etleur transmigration sur celle d'êtres à naître après notre propre mort.Dés lors, pourvu que cela soit sans conséquence karmique fâcheuse pourlui ou autrui, l'homme anti-solaire peut bien adopter le comportementsexuel qui lui plaît. Toutefois, il s'expose le plus souvent de pleinfouet aux traces karmiques laissées par ses ancêtres, qui leconditionnent négativement ou positivement. Des obstacles peuvent alorsse dresser dans sa vie, qui paraissent tout à fait injustes etinexplicables. La pratique sexuelle, dont l'homosexualité, peuvent êtreainsi à la source d'un mûrissement karmique qui déclenche toute unesérie d'événements ( les chaînes de la causalité définies dansl'enseignement des douze causes de l'interdépendance des phénomènessamsâriques - Samyutta Nikaya ). L'homosexualité est même considéréecomme un facteur assez puissant de ce déclenchement du fait qu'uncentre subtil de grande importance réside à la base de la colonnevertébrale ( la "Kundalini" ), et ce, au même titre que le coït analhétérosexuel ( d'où les prescriptions sexuelles des religieux … quiagacent les libertins ). Pour échapper à ce processus parfois infernal( ou paradisiaque, cela dépendant du karma de chaque être ), l'homme ala possibilité de recevoir des sacrements religieux qui lui ôtent sanature anti-solaire ( terrestre ) pour lui octroyer une nature lunaire.… L'homosexualité est alors généralement des interdits, non pasexplicitement mais implicitement en tant qu'exception à l'ordre socialinstitué par la religion. Il est donc tout à fait vrai quel'homosexualité psychique ( non reviendrons sur ce terme ) estcontraire à l'ordre public des sociétés d'inspiration métaphysiqueintégrales. … La Loi, même bouddhique, révèle le pêché tout autant quela vertu. A vrai dire, c'est là son unique rôle tant elle ne fait quemettre à jour des tendances naturelles, souvent enfouies au plusprofond de l'inconscient ( cette notion bouddhique ne recoupe pas ladéfinition freudienne ). De là, seule la qualification religieuse leurattribue un caractère de mal ou de bien dans le cadre d'une sociétédonnée, mais il n'est en rien universel. Dans le cadre judaïque qui aune source commune avec le Bouddhisme Dzogchen tibétain, on se souvientque Jésus aborde le fait homosexuel sous l'image de l'eunuque alorsqu'il vient d'expliquer aux apôtres les conséquences post-mortem dumariage hétérosexuel ( et qui en sont épouvantés ) : "Les disciples luidirent : "Si telle est la condition de l'homme envers sa femme, il n'ya pas intérêt à se marier". Il leur répondit : "Tous ne comprennent pasce langage mais seulement ceux à qui c'est donné. En effet, il y a deseunuques qui sont nés ainsi du sein maternel ; il y a des eunuques quiont été rendus tels par les hommes ; et il y en a qui se sont renduseux-mêmes eunuques à cause du Royaume des Cieux. Comprenne qui peutcomprendre" ( Matthieu, XIX, 10 ).
Cettedéclaration est tout à fait acceptable dans le cadre du Tantra deKalachakra, détenu par le Dalaï Lama et généralement les Empereursorientaux. Pour cette tradition d'origine mésopotamienne, une essencesubtile, peut-être de nature hormonale, est sécrétée par le cœur aumoment même de la conception de l'enfant. La façon dont cette goutte vase polariser lors de la gestation déterminera le futur comportementsexuel de l'enfant. Ainsi, les enfants sont en grande majoritéhétérosexuels. Pourtant, certains sont homosexuels, tout aussinaturellement. Il serait hypocrite de refuser ce constat que toutnaturaliste aura fait dans son observation du règne animal. Pour ceuxqui verraient dans cette disposition naturelle une abomination quel'homme doit combattre, nous rappellerons le simple fait écologique.Les espèces ont des modes innés de sélection et une approcheinstinctive de la sexualité qui appartiennent à la création touteentière. Dans le cadre catholique, l'homme, en tant que créature, nesaurait donc échapper à l'ordre par lequel Dieu a créé le monde ( quile concerne lui tout autant que les autres êtres sensibles et nonsensibles ), sauf à "chuter" ( comme l'exprime nettement la mythologiedu Livre de la Genèse ) ou à considérer Dieu comme un mauvais démiurge( comme le font les Bogomiles ). Il est donc des hommes qui sonthomosexuels du fait de la nature et de leur nature même, sans que celasoit imputable à un "pêché" quelconque de leur fait individuel. Mis àpart ces cas naturels, certains hommes, encore, sont homosexuels dufait des autres hommes, nous dit Jésus. Le Christ pourrait faireréférence ici à un processus d'accumulation d'essences neurales quedécrit le Tantrisme de l'Inde et du Tibet, d'ailleurs aussi bien hindouque bouddhique. En effet l'adoption d'une nature lunaire ( du fait desacrements religieux ) entraîne, dans la vision de Kalachakra, uneaccumulation d'essences blanches ( dites pères ) et rouges ( ditesmères ) à partir de celle du cœur ( androgyne ). A terme, de générationen génération, l'accumulation doit avoir été suffisante pour quel'homme religieux ( ou lunaire ) redevienne "solaire", mais alors sansaucune crainte des traces karmiques ( littéralement brûlées lors de sonÉveil spirituel ), c'est à dire non pas comme dans le cas de l'hommeanti-solaire que nous avons envisagé plus haut. Lorsque ce processusn'est plus compris et que les rites sont célébrés pour les rites, laLoi respectée pour elle-même, et que le Puritanisme sévit, certainsindividus peuvent s'inverser spontanément. Ils sont alors deshomosexuels psychiques, et non plus naturels, leur cas relevant de lamaladie mentale, ou tout du moins du "pêché collectif". L'Églisecatholique comme le Bouddhisme ont tenté d'encadrer ce risque enprononçant des interdits et des sanctions ( d'où les persécutions ).L'inconvénient de cette homosexualité psychique est qu'elle est réputéedétruire l'accumulation de mérites des ancêtres physiques etpsychiques, qui sont alors gaspillés dans une sorte de carnavalparodiant la société et la religion. Individuellement, on pourraittrouver cela drôle et dire : "tant pis". Toutefois, ne sont plusdiffusées à terme par ce type d'homosexuels psychiques que desinfluences karmiques qui se dispersent dans l'environnement mentalcollectif. On peut alors parler d'épidémie d'homosexualité, même si leterme est laid et fait craindre le pire. La pratiquepsychothérapeutique dans le cadre bouddhiste nous a forcé à l'humilité: Que savons-nous de nos tendances sexuelles ? Ne peuvent-elles pasêtre aussi acquises, et pas seulement innées comme dans le cas naturel? Quelles sont alors les parts respectives de la détermination karmiqueet de la volonté de l'individu dans son comportement sexuel ? On aparlé de conditionnement à l'hétérosexualité, voire de "dictaturehétérosexuelle". Ne peut-on craindre de même une dictature d'unlibertinage ou d'une homosexualité s'érigeant en modèles sociaux ?L'épuisement des mérites ancestraux par l'homosexualité psychiques'accompagne généralement d'une féminisation de la société. Au termefinal, le climat social tourne à la mascarade : les hommes singent lesfemmes, les femmes singent les hommes. On le voit bien dans lesGay-Prides qui, somme toute, parodient inconsciemment les charismes oules mythologies fondateurs de la civilisation : nonnes morbides, curésvicieux, êtres androgynes géants perchés sur des échasses, démonsdémiurgiques surnaturels, anges de la mort, … dont la sourced'inspiration réelle échappe à ceux qui créent ces personnages. D'unecertaine façon, on peut dire que ces enfants sont les acteurs de la finde la civilisation qui les a produits et qui n'a pas su les aider às'éveiller spirituellement. Le Pape Jean Paul II a vu dans lesDrague-Queens de la Gay Pride 2000 de Rome : "une insulte auChristianisme". Dont acte ! Elle fut sans doute plutôt le rappelinconscient de l'incapacité initiatique des sociétés désacralisées etde leurs vestiges religieux. Peut-être même un tout aussi inconscientappel au secours d'êtres en plein désarrois affectif et mental. C'étaitlà pourtant traditionnellement le rôle des fêtes de l'âne ou des fêtesdes fous médiévales que de rappeler le rôle réel et la place de chacun( inversés pour le temps du carnaval ). … Toutefois, on n'en serait pasarrivé là si l'homosexualité était encore comprise dans son principe.Si un baptisé catholique ou bouddhiste n'a pas intérêt à vivre sonhomosexualité ( tout du moins en attendant son Eveil spirituel ),laissons libres les non-croyants de s'y épanouir dans l'amour et lerespect d'autrui. On ne peut légiférer "universellement", sauf àrisquer le sectarisme et l'incompréhension. Le Bouddhisme n'a pas sutoujours éviter cet écueil et il n'est pas rare d'entendre des proposhomophobes chez certains Lamas tibétains. Il sont inadmissibles etdoivent être dénoncés comme tels. Il y a là beaucoup d'hypocrisieprofitant gracieusement du flou jeté par Hollywood sur la nature réelledu Bouddhisme en tant que religion. Il est vrai néanmoins que lessociétés, qui ont conservés des vestiges traditionnels mais qui sont envoie de laïcisation plus ou moins avancée, ont toujours une grandedifficulté à lever les tabous religieux qui, normalement, ne devraientplus les concerner. Une fois le désordre introduit, on ne voit pas cequi l'empêcherait de se perpétuer pour ainsi dire à l'infini et danstous les domaines. … Loin de ce sentimentalisme ignorant, Jésusenvisage encore une troisième forme d'homosexualité : "à cause duRoyaume des Cieux". La tradition de Kalachakra enseigne de même qu'ilest possible d'inverser la goutte du cœur pour produire un comportement"inversé", ou homosexuel, de nature spirituelle. Quel est-il ?S'agit-il véritablement d'une pratique physique de type sexuel quidonnerait un cadre légal à l'homosexualité masculine ? L'imagerietantrique prête parfois à confusion et ce n'est pas le personneloriental, le plus souvent en pleine déconfiture doctrinale lui aussi,qui permettra d'éclairer la situation. En effet, les propositionsreligieuses ou spirituelles venues de l'Orient sont le plus souvent dessous-produits. Généralement, le Tantrisme décrit l'homosexualitéspirituelle, envisagée par Jésus, comme un processus de dépolarisationdestiné à diffuser des influences de guérison et d'autres vertus (aussi énoncées par les Évangiles comme une effusion de l'Esprit Saint). Si un être spirituel authentique est naturellement homosexuel, sonorientation ne pose alors aucun problème, comme tout ce qui pourraitêtre un poison pour un homme lunaire ( religieux, "à cause des hommes"). St Marc nous décrit dans les termes suivants les miracles quiaccompagneront de tels êtres, quelle que soit leur préférence sexuelle: "Ils chasseront les démons ; ils parleront des langues nouvelles ;ils prendront dans leurs mains des serpents ; et s'ils boivent quelquepoison mortel, cela ne leur fera aucun mal ; ils imposeront les mains àdes malades et ceux-ci seront guéris" ( Marc, XVI, 17 ). Dans le cadrede Kalachakra, cet état est décrit comme la maîtrise de son élémentsolaire par l'homme, c'est à dire de sa capacité à rayonner desinfluences spirituelles, hors de toute contrainte karmique ( dans lecontexte judéo-chrétien, "de tout pêché des parents qui avaient mangéles raisins verts, ce qui a agacé les dents des enfants" ). Cettepossibilité est vécue par tout Boddhisattva qui a atteint au moins lapremière "Terre Pure" ( un des neufs états spirituels qui précédentcelui de Bouddha ). … Il est nécessaire de préciser ici que la TerrePure bouddhique, le Royaume des Cieux ou encore celui du Prêtre Jeanchrétiens ne sont des mondes post-mortem ( ou des paradis querejoindront les Justes à leur mort ou à la Fin des Temps ) que pourl'homme lunaire ( le fidèle d'une religion ). Le Bouddhisme envisagetout cela comme un état spirituel, et cet état était celui dans lequelvivaient généralement les membres[1] de la Cour Impériale des sociétésd'inspiration métaphysique[2]. Bouddha et Moïse ont été tous deuxélevés dans un tel contexte ( respectivement en Inde et en Égypte )[3]. Tous deux ont décidé de le quitter, sans doute à cause de sadécadence intellectuelle ( on voit un entourage de "magiciens", plus oumoins identiquement malsain, tout autant autour du père de Bouddha quedu Pharaon, père adoptif du patriarche hébreu ), pour créer autour deleurs personnes leurs propres communautés. Dans ce cadre,l'homosexualité était vécue comme un comportement sexuel possible,parmi d'autres. Ce retour à l'état édénique est, en effet, décrit dansle mythe de la Genèse comme celui où le fruit de la connaissance dubien et du mal n'est pas consommé. L'homosexualité a donc sa place dansla vie d'un homme spirituel ( et non du fidèle d'une religion ) et neconstitue alors aucunement un mal ( qui ne peut plus être conçu ). Unadage oriental illustre ce fait : "le défaut est dans l'œil, non dansl'objet". … l'homosexualité peut être validement un modèle spirituel,bouddhique ou chrétien, pourvu que l'individu qui s'y adonne présentenaturellement ( et non psychiquement ) cette disposition. … A ce titre,il faut garder en tête que, généralement, ce sont les gens les moinssûrs d'eux, ou ceux qui ont le moins compris la nature de leurengagement dans une religion, qui seront les plus agressifs envers leshomosexuels, ou qui seront les plus critiques envers les spirituels.C'est là un mécanisme de projection tout à fait commun qui veut aussique les prostituées soient responsables de la misère sexuelle, ou lesvictimes d'accidents ceux de l'insécurité routière. Le procès est vieuxcomme le monde ! Il y a aura toujours plus d'imbéciles que de sages. Ilest bon aussi de se souvenir que, dans le cadre même du Bouddhismespirituel, un tel choix est courageux. Le Lama John Blofeld écrivait :« Les disciples tantriques doivent faire face au fait que leur attitudedevant la vie prête particulièrement le flanc au dénigrement et à lacalomnie. En jugeant de sa valeur spirituelle, il ne faut pas oublierque la voie tantrique n'est pas pour les pêcheurs, mais pour les saints».
Dansle cadre bouddhique, l'homosexualité ne souffre donc d'aucun interdituniversel et d'aucune condamnation de principe. Toutefois, il estimportant que chacun puisse faire son choix en conscience. L'hommeareligieux n'a rien à perdre à vivre son homosexualité, peut-être mêmeau contraire. Dans nos sociétés rongées par l'individualisme et ladésacralisation de la vie, l'union de deux êtres qui s'aimentsincèrement sera toujours un rayon de soleil. Par contre, le laïc ou leclerc engagés dans une religion devront conformer leurs comportementssexuels aux obligations inhérentes aux sacrements qu'ils ont reçus.Cela exclut l'homosexualité et un statut social du couple homosexuel (par absence de sens cosmologique, contrairement au couple hétérosexuelqui reproduit la polarisation primordiale féminin/masculin en vue sesacraliser la relation ). L'homme qui a pu s'éveiller spirituellement (le Chrétien et non le Catholique, le Tantrique et non le Bouddhiste, lespirituel et non le reli-gieux ), quant à lui, peut bien faire ce quilui est utile, à lui ou à autrui. On ne demande même pas que la naturede sa pratique de l'homosexualité soit parfaitement comprise : « Si unechose contribue au progrès spirituel, elle est bonne ; que la théoriesous-jacente soit bien comprise ou non, cela importe peu ou beaucoupdans la mesure où cette compréhension affecte la qualité et ladirection de la pratique. C'est vrai, le Bouddhisme est une religionqui prône la raison, mais il est raisonnable qu'un homme utilise lalumière électrique dans sa maison, qu'il comprenne ou non comment estproduit le courant … ( son ) pouvoir est à notre disposition, que nouscomprenions ou non ( sa ) nature » ( Lama John Blofeld, « Le bouddhismetantrique du Tibet » ).
Toutefois,il est demandé aux homosexuels spirituels ( et d'autant plus aux autres) de tenir compte de la difficulté, pour ceux qui ont pris desengagements religieux, de "tenir jusqu'au bout" ( et de ne pas êtretentés de "se laisser passer la ceinture par un autre et de se laisserconduire où ils ne voudraient pas", comme Jésus le craint pour sondisciple Pierre dans le texte johannique - Jean XXI, 18 ). … Avant decondamner les homosexuels sur le principe, certains Bouddhistesferaient bien de s'occuper d'abord d'être spirituels. Somme toute, devivre un peu moins de la lettre et un peu plus de l'Esprit. Le débatest vieux comme le monde … et fait toujours grincer les mêmes dents. Lemythe de Sodome rejoint également le Bouddhisme, laïc et monastique,pour qui celui qui accepte de subir la sodomie peut être condamnable :non pour son acte en lui-même, mais du fait des difficultés qu'il peutsusciter au sein de sa communauté ( il est alors auteur du malheureux"scandale" qu'envisage Jésus, c'est à dire d'un désordre ).L'homosexuel, comme tout homme, est donc condamnable du fait de sonétat spirituel ( intellectuel, et non simplement mental ), qui le rendapte ou non à rester dans tel ou tel cadre ( en l'espèce : terrestre,lunaire ou solaire ), mais non en tant que tel. Il est tout à faitintéressant de noter que les Kanaks de Nouvelle Calédonie sontfavorables à toutes les pratiques sexuelles, mais pourvu qu'elless'opèrent dans le cadre de l'intimité, et non de la vie coutumière. Iln'y a donc pas là de "mariage gay". Les "Sauvages" sont sans doutebeaucoup plus "civilisés" que ce que les modernes voudraient nous fairecroire. … Extraits de « Bouddhisme et homosexualité » De PascalTreffainguy / Lama Detchen Kunzang Trinley
Regards Des Bouddhistes Sur Jésus
André Bareau
Centre culturel luthérien, Paris 11 Décembre 1984
"Regardsdes bouddhistes sur Jésus" : voilà certes un sujet fort intéressant,mais qui présente quelques sérieuses difficultés. Tout d'abord, lebouddhisme est sans doute, de toutes les grandes religions du monde,celle qui est le plus éloignée du christianisme par sa doctrinefondamentale et par d'autres traits importants, bien qu'il en soit, ouen semble, en revanche très proche par d'autres. Ensuite, à cause del'extrême diversité des formes qu'il a prises au cours du temps et deson extension géographique, par suite de sa grande souplessed'adaptation aux civilisations et aux mentalités fort variées despeuples chez lesquels il s'est introduit, ses "regards sur Jésus"peuvent être très différents les uns des autres. Enfin, si nouspossédons un assez grand nombre d'informations sur la façon dont lesbouddhistes, surtout ceux d'aujourd'hui, considèrent le christianisme,bien plus rares au contraire sont les renseignements relatifs à leursopinions sur la personne de Jésus.
Avant d'examiner cesderniers documents pour savoir comment les adeptes du bouddhisme voienteffectivement le fondateur du christianisme, il m'a paru bon d'étudierla façon dont ils devraient le voir en théorie, en la déduisant de ladoctrine fondamentale enseignée par les anciens textes canoniques dubouddhisme, vieux de plus de vingt siècles.
Comme vous lesavez sans doute, le bouddhisme est une religion qui présente la fortétrange particularité, difficile à comprendre pour nos espritsoccidentaux, de nier, de réfuter même l'existence d'un Dieu unique,éternel, omnipotent, créateur de tout ce qui existe et souverain detous les êtres qui peuplent l'univers, et aussi de nier l'existence detout principe personnel éternel, analogue à ce que nous nommons l'âme.C'est du reste la négation de ce principe personnel qui les conduitlogiquement à nier celle de Dieu tel que nous le concevons.
Entendons-nous bien : le bouddhisme n'a jamais nié l'existence desdieux, bien au contraire il reconnaît celle de myriades de dieux, demillions de divinités de toutes sortes, grandes et petites, célestes etterrestres, les unes sublimement éthérées, purs esprits ou possédant uncorps fait de lumière et se nourrissant uniquement de joie, les autresdoués d'un corps de matière plus grossière mais invisible aux hommesordinaires, les uns et les autres incomparablement plus puissants queces derniers car disposant de multiples pouvoirs prodigieux. Chacun deces êtres divins, cependant, si élevé soit-il dans la hiérarchiedivine, si immensément puissant soit-il, est limité aussi bien dans ladurée de sa vie que dans ses pouvoirs. Chacun d'eux naît, apparaissantsoudain parmi les dieux, vit ensuite une très longue existence, quipeut durer des milliards d'années car les Indiens ont toujours comptétrès large quand ils ont pu donner libre cours à leur fertileimagination, cette vie sera parfaitement heureuse, exempte de toutedouleur, de toute peine, de tout souci, elle ne sera sujette ni à lamaladie ni à la mort comme celle des autres êtres, humains ou non, maiselle aura nécessairement une fin, comme tout ce qui existe et qui a eunaturellement un commencement, une naissance. Un jour, donc ce dieumourra, disparaîtra soudain, sans aucune souffrance ni angoisse, et ilrenaîtra comme n'importe quel être vivant après sa mort, soit commedieu, soit comme homme, soit comme animal, soit même comme damné, enconséquence automatique et inéluctable de la valeur morale de ses actespassés. N'étant pas éternel, ayant eu une naissance et étant voué à lamort comme tous les êtres vivants, ce dieu ne peut évidemment pas êtrele créateur de l'univers ni de ses habitants. Possédant des pouvoirslimités si immensément étendus et divers soit-ils, il ne peut donc êtrele souverain de tout ce qui existe, êtres et choses.
Niantl'existence de Dieu, au sens où nous l'entendons dans l'Occidentchrétien, les bouddhistes nient en conséquence la divinité de Jésus.Tel que l'histoire le connaît, Jésus ne fut donc qu'un homme à leursyeux. Cependant, étant donné les insignes vertus dont il a fait preuve,il y a tout lieu de penser qu'il est ensuite rené parmi les dieux parle simple jeu de la rétribution, de la "maturation" de ses bonnesactions. En somme, dans l'optique bouddhique, l'homme que fut Jésus esttrès probablement devenu, après sa mort, un dieu, c'est-à-dire un êtresurhumain d'une certaine catégorie bien définie en elle-même par sanature, par ses pouvoirs, par la durée de sa vie, pas ses activités,qui peuvent être pure contemplation de la vérité, ou méditationd'approche de celle-ci, ou simple jouissance de la félicité divine sousses divers aspects, sensuels ou spirituels, ou encore surveillance desactions humaines. Quand ce Jésus devenu ainsi un dieu mourra, dans unavenir plus ou moins lointain selon la place qu'il occupe à présentdans la hiérarchie divine, il renaîtra à nouveau, comme il l'a déjàfait d'innombrables fois dans le passé. Il est fort possible qu'ilrevienne alors parmi les dieux ou parmi les hommes en conséquence deses vertus et des bonnes actions qu'elles ont produites, qu'il échappedonc aux mauvaises destinées dans lesquelles tombent inexorablement lesméchants et les avides, les destinées des animaux, des revenantsperpétuellement affamés et des damnés. Autrement dit, dans sa prochaineexistence, Jésus pourra conserver sa nature divine, au sens où lebouddhisme conçoit celle-ci ou renaître homme, et dans ce casapparaître et agir comme le Messie, toutefois dans les limites que ladoctrine bouddhique peut accorder à un tel rôle. Ainsi donc, lebouddhisme ne refuse pas plus de reconnaître la divinité de Jésus dansun certain sens que son humanité, à ceci près que ces deux natures nepeuvent aucunement coexister mais doivent se succéder dans le temps.
Si,comme les bouddhistes peuvent aisément l'admettre, l'homme que futJésus il y a près de vingt siècles est devenu un dieu il a tout à faitdroit aux égards, à la dévotion et au culte dus par les hommes auxêtres divins quels qu'ils soient, ne serait-il qu'en raison desnombreuses et admirables bonnes actions accomplies par les dieux dansleurs vies antérieures, ce dont leur nature divine porte un éclatanttémoignage. En outre, comme le culte chrétien n'exige pas plus desacrifice sanglant, de meurtre d'animal, que le culte bouddhique, cequi serait contraire à l'un des commandements fondamentaux communs à lamorale de ces deux religions, les adeptes du Bouddha ne peuvent doncrien reprocher à ceux du Christ lorsque ces derniers manifestent leurdévotion à leur maître et seigneur. Mieux, même, rien n'empêche unbouddhiste de s'associer au culte de Jésus comme il participeeffectivement à celui de diverses divinités plus ou moins apparentées àcelles de l'hindouisme et dont les chapelles s'élèvent souvent dansl'enceinte des monastères bouddhistes eux-mêmes.
En effet, àl'inverse de ce qu'a fait le christianisme, né il est vrai dans descirconstances tout à fait différentes, non seulement le bouddhisme n'ajamais nié la divinité ou l'existence des innombrables dieux de l'Indeancienne et des autres pays où il s'est répandu, mais il ne les a pasrabaissés au rang de démons, horribles et foncièrement méchants,incarnations de tous les vices. Au contraire, il les a convertis, mêmeceux que leur nature originelle rendait redoutables aux hommes, il lesa enrôlés très vite dans les troupes de ses disciples. Mieux même, ilen a fait des modèles offerts à ses propres fidèles laïcs, faute depouvoir les proposer à ses moines parce que le bonheur sans faille dontjouissent les dieux les empêche de devenir ascètes, de se soumettre àla discipline stricte et austère qui peut seul mener rapidement à laDélivrance, au Nirvâna.
Très rares sont, dans le très richeet complexe panthéon reconnu par le bouddhisme, les êtres divins quiont conservé un caractère irascible ou même vraiment hostile auxhommes. Ce sont , ou bien des divinités terrestres du degré le plusbas, petits génies locaux encore mal dégrossis, ou bien Mâra, la mortpersonnifiée, l'adversaire principal et acharné du Bouddha parce quecelui-ci enseigne aux êtres la méthode qui leur permettra des'affranchir définitivement de la mort, plus exactement des mortssuccessives, consécutives aux renaissances. En réalité, Mâra est unefigure allégorique, du reste propre au bouddhisme, et que la légendemontre généralement plus ridicule que vraiment redoutable, même quandelle lance contre le Bienheureux sa terrifiante armée de démons néed'elle-même et que le Bouddha met en fuite d'une seule pensée.
Queles dieux soient donc, à de très rares exceptions près, des êtresbienveillants et dignes de vénération, cela s'explique très bien selonla doctrine bouddhique, car, si ces êtres sont devenus tels, s'ilsjouissent de l'extraordinaire bonheur divin, c'est parce qu'ils l'ontmérité par les innombrables et admirables bonnes actions qu'ils ontaccomplies durant leurs précédentes existences. Pour en revenir à notresujet, si l'homme que fut Jésus est devenu un dieu comme tout porte àle croire dans l'optique propre au bouddhisme, il mérite doncpleinement la vénération et le culte des hommes, non seulement deschrétiens, mais aussi des bouddhistes et des adeptes des autresreligions.
Que l'homme que fut Jésus, devenu un dieu, méritepar cela même tel respect, cela signifie-t-il pour les bouddhistes quel'enseignement qui fut le sien il y a deux mille ans et qui futtransmis à ses fidèles jusqu'à nos jours mérite la même considération ?Autrement dit, Jésus est-il aussi digne d'admiration pour les disciplesdu Bouddha, pour sa doctrine, le christianisme, que pour ses actesvertueux ? Certes oui dans la mesure où son enseignement fut en accordavec celui du Bienheureux, c'est-à-dire utile aux hommes, à leurprogression sur la Voie de la Délivrance ou du moins en les conduisantà renaître chez les dieux ou chez les hommes et non pas dans lesmauvaises destinées. Non, en revanche, parce que sa doctrine détourneses fidèles de la Voie menant au Nirvâna, ou plus exactement les faits'arrêter en chemin, se contentant de les faire renaître dans leparadis d'un certain dieu pour un temps limité, si immense soit-il, enleur donnant à croire qu'ils y resteront pendant l'éternité. En somme,l'enseignement de Jésus est destiné aux laïcs, à ceux qui visentseulement une vie future aussi agréable et longue que possible, tandisque celui du Bouddha s'adresse aux ascètes, à ceux qui, ayant comprisla nature essentiellement impermanente, limitée dans le temps commedans l'espace, de toutes choses, et notamment du bonheur divin, nesauraient se contenter de celui-ci et qui sont résolus à aller jusqu'auNirvâna à mettre un terme à toute renaissance, à toute existence,quelle qu'elle soit.
La morale enseignée par Jésus à sesdisciples est quasiment identique à celle que le Bouddha préconise auxsiens. Non seulement elles interdisent l'une et l'autre de commettredes crimes et des fautes graves ou minimes, meurtre, vol, adultère,luxure, mensonge, intempérance,etc. etc. ,mais elles incitent avecinsistance à cultiver et pratiquer les vertus de bonté, de compassion,de patience, de charité, de pardon des offenses, de bien d'autresencore. Elles voient à juste titre, dans l'exercice de cette moralecommune, le premier pas, absolument nécessaire mais insuffisant, sur lalongue route menant au but qu'elles indiquent à leurs adeptes, au saluttel que leurs fondateurs respectifs les définissent, le paradis pourles chrétiens, le Nirvâna pour les bouddhistes. En somme, en prêchantla même morale et en faisant de celle-ci la première de leursobligations, Jésus et Bouddha exhortent leurs disciples à suivred'abord un même chemin, un chemin assez long et difficile pour laplupart des hommes mais qu'il est indispensable de parcourir commepréparation à la suite, aux exercices spirituels ou assimilés quiconduiront enfin au but désigné.
Pour le reste,l'enseignement de Jésus diffère grandement de celui du Bouddha. Dupoint de vue de ce dernier, il est erroné, non conforme à la réalité,aux saintes Vérités auxquelles l'ascète Gautama s'est "éveillé", cartel est le sens propre du mot "bouddha". Par conséquent, si la doctrinechrétienne, par l'observation de sa morale élevée, conduit ses adeptesà renaître chez un dieu, elle empêche d'aller plus loin, jusqu'à ladélivrance des transmigrations, au Nirvâna, car elle leur fait croire,à tort selon le Bouddha, que le bonheur divin est le but suprême. Sidonc, en tant que guide des hommes vers une heureuse destinée, Jésusest, aux yeux des bouddhistes, admirable et vénérable pourl'enseignement de sa morale, il ne l'est pas en ce qu'il fourvoie sesdisciples par une doctrnie erronée. Celle-ci l'est en effet, pensentles adeptes du Bouddha parce qu'elle est fondée sur la croyance en unDieu unique, éternel et créateur de tout ce qui existe, et en une âmeelle aussi éternelle, présente au fond de chaque homme. Elle esterronée en ce qu'elle ne reconnaît pas la nature essentiellementimpermanente, vide de tout principe personnel, et par conséquent vouéeau malheur, à la peine et à la souffrance, de chaque être. Elle l'estencore en ce qu'elle exhorte les fidèles à développer une dévotionenvers son dieu et un amour envers les êtres humains qui ont tous lesdeux une nature passionnée, alors que le Bouddha dénonce la passionsous toutes ses formes comme étant un obstacle majeur à la délivranceet recommande au contraire le détachement le plus complet, même dansl'exercice des vertus les plus sublimes, la bonté, la compassion, lacharité et le pardon, poussées jusqu'à leurs plus extrêmes limites.
Ainsidonc, en théorie, pour les bouddhistes, si Jésus est certes unpersonnage admirable, hautement vénérable et digne d'un culte, si l'ondoit reconnaître sans aucun doute sa sainteté et si l'on peutvolontiers admettre qu'il est devenu un dieu après avoir été un hommeil y a quelque vingt siècles, il occupe cependant une place nettementinférieure à celle du Bouddha dans la hiérarchie des êtres, bien que leBouddha n'ait été qu'un homme dans sa dernière existence, alors queJésus a dû devenir un dieu. Il est vrai qu'aux yeux des bouddhistes,leur maître vénéré s'est élevé par lui-même, tout en demeurant dansl'humaine condition, bien au-dessus des dieux, de tous les dieux, pours'être "éveillé" à la Vérité suprême, avoir découvert la voie menant auNirvâna, ce dont aucun dieu n'était capable à cause de sa naturedivine. En effet, le bonheur sans nuage dont jouissent les dieux lesempêche de connaître la douleur, la peine, le malheur inhérent à touteexistence sous quelque forme qu'il se présente. Or, cette connaissancede la douleur est, pour les bouddhistes, le premier pas sur le trèslong et fort difficile chemin qui conduit à la délivrance destransmigrations.
Après avoir cherché quels regards lesbouddhistes pouvaient porter sur Jésus en se fondant uniquement sur lesbases de la doctrine qu'ils ont reçue et en laquelle ils croient,voyons maintenant comment ils voient réellement la personne de Jésus,en utilisant cette fois leurs propres témoignages.
Pour cela,j'ai fait appel à quatre de mes meilleurs collaborateurs, ayant chacun,dans un domaine différent, une excellente connaissance des opinions desbouddhistes de notre temps. Le vénérable Thich Thiên Châu, docteur èslettres, est un ancien dignitaire du bouddhisme vietnamien. M. MohanWijayaratna, né d'un mariage mixte, chrétien et bouddhiste, termine unethèse de doctorat sur certains aspects du bouddhisme singhalaise et apar ailleurs écrit plusieurs articles fort intéressants, dont l'untraite précisément notre sujet, dans l'optique singhalaise. Le pèreEugène Denis, docteur ès lettres et chargé de recherches au C.N.R.S.,réside en Thaïlande depuis plus de trente ans et il y poursuit destravaux de grande valeur sur le bouddhisme de ce pays. M. Paul Magnin,également chargé de recherches au C.N.R.S. a séjourné en Extrême-Orientpendant de longues années, notamment à Taïwan, et s'est spécialisé dansl'étude du bouddhisme chinois. Je dois aussi reconnaître l'aideprécieuse que j'ai retirée de la lecture du livre que mon collègue etami, M. Jacques Gernet, membre de l'Institut, a publié il y a deux anschez Gallimard sous le titre "Chine et christianisme, action et réaction", ouvrage qui nous fait connaître et comprendre les opinions deschinois, bouddhistes et autres, sur le christianisme et sur Jésus aucours des XVIIe et XVIIIe siècles.
L'examen des jugementsportés par les adeptes du Bouddha sur la personne du Christ devraitêtre lié, au moins dans une certaine mesure, à celui de ceux qu'ils ontformés envers le christianisme. Malheureusement, cette dernière étudeest en elle-même trop complexe pour que nous ayons le temps del'aborder ce soir, ne serait-ce qu'en raison de la mutiplicité desdocuments qu'il nous faudrait utiliser pour cela.
Les regardsposés sur Jésus lui-même par les bouddhistes diffèrent avec lesépoques, les pays et les sectes si diverses du bouddhisme, mais ilstendent à converger aujourd'hui.
Les jugements les plussévères furent formulés par les chinois des XVIIe et XVIIIe siècles,mais il est assez difficile de distinguer en eux ce qui revientprécisément aux bouddhistes de ce qui fut exprimé par lesconfucianistes et les taoïstes. Jésus, déclaraient-ils, ne fut qu'unhomme, condamné à mort pour avoir suscité de graves troubles publics,avoir perturbé cet ordre social auquel toutes les traditions orientalesétaient très attachées. La mort ignominieuse infligée à Jésus, soumisau supplice de la croix comme un criminel, et les cruelles souffrancesqu'il a subies ne sont, aux yeux des bouddhistes, que les fruits, leseffets de ses mauvaises actions passées et en rapport avec la gravitéde celles-ci. La théorie bouddhique de la rétribution automatique desactes des vies antérieures a donc conduit certains bouddhistes à penserque Jésus avait commis un meutre dans une existence précédente. Enoutre, s'étant montré incapable d'échapper au supplice, de se libérerlui-même par un moyen naturel ou prodigieux, comment pouvait-ilprétendre délivrer les autres hommes ? Si Jésus était dieu, le granddieu souverain, en s'incarnant il aurait privé le monde de direction,ce qui aurait eu des conséquences catastrophiques. S'il n'était aucontraire qu'une émanation de Dieu, il aurait été bien inférieur auBouddha, qui a découvert par lui-même, sans aucune aide extérieure,divine ou autre, la doctrine de salut et l'a enseignée de sa propredécision. De toute façon, si Jésus était dieu, il ne pouvait êtrequ'une divinité quelconque, soumise à la dure loi de la transmigration,et par là aussi inférieur au Bouddha, qui a su et pu mettre un terme àses renaissances successives. Accorder de l'importance à l'incarnationde Jésus, c'est s'attacher à ce que le bouddhisme regarde comme étantrelatif et conditionné, à ce qui appartient au monde essentiellementchangeant des transmigrations. De plus, cette incarnation estlogiquement tout à fait incompatible avec la nature trinitaire que luiattribue le dogme chrétien. Quant aux miracles qu'on prête à Jésus etdont ses fidèles font si grand cas, ils font vraiment piètre figure àcôté des prodiges autrement grandioses que le Bouddha aurait accomplis,à l'échelle d'un univers pratiquement illimité dans le temps comme dansl'espace et peuplé d'une infinité de mondes semblables au nôtre.
Lesjugements portés aujourd'hui par les bouddhistes sur Jésus sontbeaucoup plus favorables, en raison de l'apaisement de l'anciennehostilité qui avait opposé les deux religions. certes, les fidèles duBouddha ne reconnaissent pas, ne peuvent pas reconnaître en Jésus leChrist, le Messie, le Sauveur des hommes non plus que le Dieu créateur,éternel et tout-puissant, pour la bonne raison que ces mots sont poureux vides de sens et les notions qu'ils désignent de pures illusionsnées des cogitations vaines d'esprits obnubilés par l'ignorance, ausens où les bouddhistes entendent ce dernier mot. Certes encore, ilsrefusent de placer Jésus au-dessus du Bouddha, par exemple de faire decelui-ci une sorte de prédécesseur de celui-là comme a récemmentproposé de la regarder un certain missionnaire dans un article où lamaladresse l'emportait sur la bonne volonté. certes enfin, lesbouddhistes nient la réalité de la résurrection de Jésus, parce que lanotion de résurrection est totalement étrangère à leur doctrine, commeaussi à celles des hindous et des jaïnas, car la renaissance qui suitla mort et qui est à la base de leurs croyances communes a une naturetoute différente de la résurrection telle que la conçoivent leschrétiens.
Ces réserves étant faites, réserves clairementfondées sur l'enseignement du Bouddha, les adeptes de celui-ci portentaujourd'hui presque unanimement un jugement très favorable sur Jésus.Celui-ci leur inspire un grand respect et même de l'admiration, sanspour autant qu'ils éprouvent le moindre besoin, le moindre désir de seconvertir au christianisme. Il soulignent très volontieers les grandesressemblances qui rapprochent certains aspects de la personne de Jésusde celle du Bouddha : Une vie très pure, guidée par une morale de hauteélévation et de complet désintéressement, tout imprégnée de bonté et decompassion, d'altruisme sincère et de pardon des offenses, allant aubesoin jusqu'au sacrifice personnel. Jésus et le Bouddha sont,disent-ils, également dignes de vénération, ce sont deux hommeshautement admirables, comparables par le degré élevé de sagesse qu'ilsont atteint l'un et l'autre.
Le vénérable Thich Thiên Châuajoute à cela des considérations intéressantes, inspirées par ladoctrine propre au Mahâyâna, le grand mouvement réformateur apparu il ya vingt siècles et d'où le bouddhisme vietnamien tire son origine commeles autres formes, si diverses, prises par la religion du Bienheureuxen Extrême-Orient et en Asie Centrale. La doctrine des trois corps duBouddha permet, pense-t-il, de mieux comprendre la nature de Jésus quene le fait l'enseignement du bouddhisme antique, encore si vivant àCeylan et en Asie du Sud-Est. Le Mahâyâna attribue trois corpsdifférents au Bienheureux : un corps apparent, visible aux hommesordinaires, dans lequel il est né, a passé son existence humaine et estmort; un corps dit de jouissance, corps glorieux en lequel il se montreaux bodhisattva , êtres qui se destinent résolument à devenir unbouddha dans un avenir très lointain et s'emploient pour cela àpratiquer les différentes vertus jusqu'à leur perfection en se dévouantpour aider et sauver les êtres; enfin le corps dit de dharma , ce motdésignant à la fois l'ordre cosmique et l'ordre spirituel, considéréscomme identiques avec l'essence de la doctrine bouddhique, corps del'absolu qui est lavéritable nature des bouddhas et aussi celle qui estprésente, mais cachée, au tréfonds de tous les êtres, ce pourquoi tousceux-ci sont destinés au salut, si lointain que puisse être ce dernier.On peut retrouver les équivalents de ces trois corps en Jésus-Christ,pense le Vénérable, expliquer sa nature à la fois humaine et divine,comprendre comment il a pu simultanément exercer sa mission salvatricedans le monde et demeurer dans l'absolu de sa béatitude. Le premiercorps serait celui qu'ont connu les hommes ordinaires, celui du Jésusde l'histoire, qui est né, a prêché, a souffert et est mort sur lacroix. Le deuxième serait le corps merveilleux que trois de sesdisciples, Pierre, Jacques et Jean, ont contemplé sur la montagne aumoment de la transfiguration. Le troisième serait la forme de Dieuinaccessible à l'esprit humain, le vrai corps de Jésus, celui de Dieului-même, du Père de la Trinité chrétienne. Cette analogie des deuxfondateurs de religions permet aux bouddhistes d'Extrême-Orient unemeilleure compréhension du Christ et de ses Evangiles, et leur inspireune attitude respect. Comme le dit fort joliment Thich Thiên Châu :"Onadore bien la pureté du lotus, mais on apprécie également la beauté deslis et des roses."
Le Vénérable vietnamien fait un autrerapprochement, cette fois entre le christianisme et l'amidîsme, formedu bouddhisme extrême-oriental fort importante et qui est fondée sur laseule dévotion envers un bouddha particulier, Amitâbha, "Lumièreinfinie", qui a fait jadis le voeu d'accueillir dans son paradis de la"Terre pure", tous les êtres qui feront appel à lui. Or, le bouddhaAmitâbha a pour subordonné le plus célèble des bodhisattva,Avalokiteshvara, le tout-compatissant, toujours prêt à voler au secoursdes êtres en détresse et qui a renoncé à devenir un bouddha tant quetous les êtres n'auront pas atteint la délivrance des transmigrations,la béatitude inconcevable du Nirvâna. La comparaison avec Jésus estclaire, et c'est pourquoi les adeptes du Mahâyâna, ceux de l'amidismeen particulier, sont portés à vénérer le fondateur du chistianisme àl'égal d'un bodhisattva. Du reste, le Mahâyâna n'attribue-t-il pas àces futurs bouddhas, entre autres vertus, compassion, sagesse, bonté,patience, etc. , celle de "l'habileté dans les moyens" employés poursauver les êtres, ces moyens étant fort variés et comprenant lesprodiges les plus divers, ce qui conduit les mahâyânistes à accepter laréalité des miracles attribués à Jésus ?
Cependant, ajouteThich Thiên Châu, les bouddhistes d'Extrême- Orient, tous adeptes desectes issues du Mahâyâna indien, restent perplexes devant lesdernières paroles qu'aurait prononcées Jésus mourant sur la croix :"Mondieu, mon dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ?"
Ainsi donc,quoique le bouddhisme soit, de toutes les grandes religions, la pluséloignée du christianisme par ses enseignements et, dans une largemesure, par ses pratiques, il est sans doute, paradoxalement, celle quireconnaît le mieux sa haute valeur spirituelle. C'est particulièrementvrai aujourd'hui où le christianisme vient d'abandonner l'hostilitéfoncière qu'il a si longtemps manifestée envers toutes les autrescroyances et se montre enfin disposé à voir en elle, non pas desoeuvres du démon, mais des tentatives souvent fort respectables desoulager les hommes de leurs peines et de leurs angoisses en leuroffrant l'espoir d'un avenir meilleur. Les relations généralementexcellentes qui existent de nos jours entre bouddhistes et chrétiens,et surtout entre les représentants les plus qualifiés des uns et desautres dans l'Asie méridionale et orientale, sont significatives etencourageantes. Parmi leurs conséquences les plus intéressantes, ilfaut compter les regards favorables et profondément respectueux que lesbouddhistes de notre époque posent en leur très large majorité sur lapersonne de Jésus, quels que soient les pays où ils vivent et lesformes du bouddhisme auxquelles ils adhèrent.
André BAREAU
Les bouddhistes croient-ils en la réincarnation ?
Dans le bouddhisme nous pouvons transcender la notion de naissance et de mort et nous utilisons le mot de remanifestation.
Par Thich Nhat Hanh
Enseignement du 22 décembre 1994 donné par Maître Thich Nhat Hanh au Village des Pruniers
Jevoudrais savoir combien parmi vous ont vu le film intitulé " LittleBuddha " ? Une enquête a permis d’établir en 1983 que 25 pour cent desEuropéens croient en la réincarnation. Huit ans plus tard, auxEtats-Unis, on a découvert que 23 pour cent des Américains croient àune certaine forme de réincarnation. Il y a donc beaucoup de gens quisont prêts à croire ou qui sont favorables à l’idée de réincarnation.Parmi ces gens il y a des catholiques, des protestants, etc. Desdirigeants chrétiens disent que les enseignements de la réincarnationne correspondent pas à ceux du christianisme. Mais comme tant depersonnes y croient, ils pensent qu’il est impossible de refuser cettenotion.
Lanotion de réincarnation est populaire pour plusieurs raisons : d’abordil semble que certains individus qui nuisent aux autres par leurcomportement ne souffrent pas du tout ; c’est une forme d’injustice, ilfaudrait donc qu’il y ait une vie future pour que ces gens puissent enquelque sorte payer en échange du mal qu’ils ont commis.
L’autreraison c’est que la durée de la vie terrestre est trop courte pour àelle seule décider de l’éternité. Nous vivons 50, 60 , 70 ans seulementet nous voudrions avoir d’autres possibilités pour réussir à être enharmonie avec Dieu, pour prouver que nous sommes capables de vivremieux.
Uneautre raison c’est la peur du néant. Si ce corps disparaissait,recommencer dans un autre corps plus sain, ce serait comme de changerde vêtement. Il faut donc qu’il y ait d’autres vies pour continuer etainsi la notion de réincarnation est très réconfortante et elle prendracine en Occident.
Acause du film de Bertolucci les gens pensent de plus en plus à laréincarnation. Une chose amusante est qu’en Asie on n’aime pastellement l’idée de réincarnation parce qu’on voudrait plutôt que laroue de l’existence cesse et avec elle le cycle des souffrances. Maisen Occident, il semble que l’on aime cette idée. Il y a donc unedifférence de mentalité entre l’Occident et l’Orient. C’est un fait quel’idée de réincarnation avec la notion de continuation qu’elle impliqueest actuellement très populaire.
Aucours du troisième siècle après J.C. un théologien catholique du nom deOrigen a enseigné la préexistence de l’âme avant son entrée dans lecorps. Il s’agit donc d’incarnation et non de réincarnation. Il sembleque cette idée soit très proche de l’autre parce que si vous êtesincarné une fois il est possible que vous le soyez une autre fois. En540 environ Origen a été condamné par le concile de Constantinople àcause de cette idée.
Lanotion de résurrection est proche de celle de réincarnation. Qu’est-cequi doit être ressuscité sinon le corps ? Donc nous pouvons utiliser lanotion de réincarnation. Lorsque le corps est restauré l’âme entrera ànouveau dans le corps. D’après les enseignements du Jugement Dernierchacun doit retrouver son corps ressuscité et c’est bien uneréincarnation. Il est difficile de dire qu’il n’y a pas deréincarnation dans le christianisme. Certains théologiens chrétiensdisent que pour inclure la notion de réincarnation il faudrait modifierde nombreux enseignements à l’intérieur même du christianisme. Nous nesommes pas sûr de cela parce que les éléments de réincarnation sontvraiment là dans les enseignements du christianisme.
Nousvoulons tous savoir ce qui va arriver après notre mort et nous nousrévoltons tous contre l’idée que nous devons mourir. C’est pourquoil’idée de réincarnation est très importante pour nous. Devons-nouscontinuer ou pas après la mort ? et où et quand ?
Noussavons que les humains ne peuvent pas être heureux s’ils ne croient pasen quelque chose. La foi est importante, mais la foi c’est quelquechose de vivant, c’est comme l’amour, la haine, le désespoir , c’estune formation mentale. C’est une chose vivante et tout ce qui estvivant change. Votre foi c’est quelque chose de vivant qui doit changerau cours du temps, qui doit grandir comme un arbre. La foi qui était lavôtre quand vous aviez dix ans n’est plus là. Que vous soyez chrétien,musulman, marxiste, bouddhiste ; la foi est quelque chose qui doitchanger tout le temps : il faut accepter ce fait. L’avantage de l’étudeet de la pratique du bouddhisme, c’est qu’on nous rappelle constammentque tout change y compris notre foi, la foi est une chose vivante.
Alorsque vous continuez à vivre, votre foi grandit. C’est la même chose danstoutes les traditions spirituelles et nous ne devons pas craindrel’arrivée d’un changement dans notre façon de croire. En fait, lorsqueles choses arrêtent de se développer, la vie devient impossible. D’unepart, nous savons que sans foi nous ne pouvons pas vivre, nous nepouvons pas être heureux. D’autre part, nous savons que la foi estquelque chose qui change. Il y a donc le risque de perdre votre foi etdans ce cas vous devenez une sorte de fantôme affamé.
C’estpourquoi notre attitude vis-à-vis de la foi est très importante. Nousdevons prendre soin de notre croyance, de notre foi, d’une façon trèssage, de sorte que notre foi se développe dans la direction qui nousapportera plus de paix et de joie.
Ily a plusieurs années vous aviez une idée à propos du Bouddha, cetteidée était en rapport avec votre foi dans le bouddhisme. Maintenantaprès plusieurs années de pratique vos notions à propos du Bouddha ontbeaucoup changé et bien sûr votre foi a aussi changé. Donc votre foidépend de vos notions, de votre perception, de vos études, de votrepratique. Nous devons abandonner nos perceptions, nos notions, de façonà avoir une perception meilleure, une foi meilleure. Nous ne pouvonspas nous associer une seule notion à un objet unique de notre foi.
D’abordil se peut que nous croyions que la réincarnation correspond à l’idéeque l’âme entre dans le corps. Nous pouvons dire que l’âme estpermanente et le corps impermanent. Lorsque nous nous débarrassons d’uncorps nous pouvons entrer à nouveau dans un autre corps. L’immortalitéde l’âme et l’impermanence du corps, c’est peut-être une premièrenotion de réincarnation. Il se peut que nous commencions comme cela etque nous nous appelions bouddhistes, c’est accepté pour un débutant.Mais si vous continuez à être un bouddhiste vous devez pratiquer pluset l’idée de l’immortalité de l’âme doit faire place à une autre idéeplus proche de la réalité.
Sivous étudiez les soutras, si vous pratiquez l’observation de votreesprit ; vous verrez qu’il n’y a rien de permanent dans l’ensemble descinq skandas : le corps, les sensations, les perceptions, lesformations mentales et la conscience. Tout change constamment. Il n’y apas une seule chose qui reste identique pendant deux momentsconsécutifs. Vous voyez que non seulement le corps, mais aussi l’âmeest impermanente, parce que l’âme est faite d’éléments tels que lessensations, les perceptions, les formations mentales et la conscience.En dehors de ces éléments il n’y a rien que vous puissiez appeler uneâme. L’idée d’immortalité de l’âme doit être remplacée et votrecompréhension de la réincarnation sera plus proche de la réalité.
Onappelle bouddhisme populaire le bouddhisme des masses. Mais si vouscontinuez, vous entrez dans un autre bouddhisme : le bouddhisme profond; et c’est un domaine que nous explorons. A cause de cette explorationnous sommes plus proches de la réalité de nous-même et du Dharma.L’idée de réincarnation est encore là mais notre compréhension estdifférente.
Ré-in-carnation: "carn", c’est la chair. L’idée consiste en ce qu’il y ait une âme, uncorps et l’âme pénètre dans le corps. Dans le bouddhisme on n’utilisepas le mot réincarnation mais le mot renaissance, parce que la notionde réincarnation implique l’existence d’une âme immortelle qui entre etsort du corps et entre à nouveau dans un autre corps. Il n’existe riende tel que cette âme immortelle qui sort d’un corps pour entrer dans unautre. L’utilisation du mot renaissance est perçue comme quelque chosed’inadéquat parce que le mot naissance représente quelque chose quin’existe pas vraiment si nous sommes capables de toucher la réalité dela non-naissance et de la non-mort.
Etrené veut dire qu’à partir de rien on devient quelque chose et que dequelque chose on devient rien lorsque l’on meurt. J’existe pendant tantd’années et tout d’un coup je cesse d’exister. C’est la notionhabituelle de mort et de naissance. Observant ce qui nous entoure nousvoyons que rien ne fonctionne ainsi.
Ily a une fleur et nous pensions que c’est quelque chose qui vient derien. Mais avant sa naissance la fleur existe sous une autre forme.Dans le bouddhisme nous pouvons transcender la notion de naissance etde mort et nous utilisons le mot de remanifestation. La naissance de lafleur c’est un jour de remanifestation. La fleur était donc déjà làsous une certaine forme mais nous n’étions pas capable de lareconnaître. Vishnapti veut dire se manifester de façon à ce que lesgens reconnaissent et perçoivent. L’idée de manifestation impliquel’idée d’une manifestation antérieure. Cette chose est toujours là. Siles conditions sont suffisantes cette chose peut à nouveau semanifester. Et, lorsque nous voyons les choses se manifester, nousdisons qu’elles sont nées mais en fait elles ne sont pas nées, elles semanifestent. Parce qu’être né c’est à partir de rien. Donc il y a euquelque chose avant qu’il y ait manifestation.
Lesnotions de naissance, d’existence, de venir, de paraître sont desnotions que nous appliquons à une chose après qu’elle se soitmanifestée. Avant la manifestation de cette fleur nous ne la voyonspas. Nous disons : la fleur n’est pas encore née. Lorsqu’elle semanifeste nous disons : la fleur est née, elle est arrivée. Etre né,être arrivé, c’est s’être manifesté et lorsque la fleur à cause d’unmanque de conditions nécessaires arrête de se manifester nous disonsqu’elle n’est plus. Donc toutes nos notions comme la naissance, lamort, l’être, le non-être , venir, partir, toutes ces notions doiventêtre transcendées. La réalité est en dehors de ces notions. Lorsquenous étudions le bouddhisme et pratiquons le regard profond nous nouslibérons de toutes ces idées. Nous avons toujours une croyance et elleest de plus en plus solide et personne ne peut nous l’enlever, parceque notre croyance n’est pas faite de notions mais de la réalité.
Audébut on peut croire à la réincarnation et grâce à cette croyance vousavez l’impression d’être sur un chemin, mais lorsque vous commencez àpratiquer votre idée sur la réincarnation change. Au début vous avezl’idée de cette âme immortelle qui entre dans un corps et qui en sortpour entrer dans un autre. Mais, comme vous observez profondément àl’intérieur et à l’extérieur vous comprenez que cette notion est un peunaïve. Donc vous transcendez cette notion et ainsi votre foi sedéveloppe. Comme la croissance de votre foi est basée sur l’observationvéritable, vous avez toujours votre croyance et elle continue à vousapporter de la joie, vous savez que même si votre croyance changedemain, vous n’aurez pas peur parce que vous approchez de plus en plusla réalité. Il n’y a aucun risque de ne plus avoir de croyance parceque vous avez décidé d’être un avec la réalité. Si vous décidez de vousattacher à un concept vous risquez de douter et alors, vous allezplonger dans la nuit de la non-croyance et c’est un moment trèsdifficile dans une vie.
Audébut de votre pratique du bouddhisme vous avez une notion du Bouddha,du Dharma et de la Sangha. Vous exprimez votre désir de prendre refugedans le Bouddha, le Dharma et la Sangha. Votre croyance dans leBouddha, le Dharma et la Sangha est basée sur votre compréhension destrois joyaux à ce moment. Mais alors que vous pratiquez, vos notions deBouddha, de Dharma et de Sangha ont changé et c’est une bonne chose.Parce que si dix années passent sans que votre croyance évolue vousrisquez de vous réveiller et de ne plus croire en ce que vous croyiez.Il semble que cette notion n’est plus valable et vous êtes plongé dansl’obscurité de la non-croyance. Nous ne devons pas accepter une chosecomme la vérité et la garder comme une notion en nous. Nous devonsobserver cette chose chaque jour nous devons toucher la réalité denotre vie spirituelle chaque jour et c’est une façon très sûre de nousoccuper de notre croyance.
AuVillage des Pruniers vous avez appris que le Bouddha est une personneéveillée qui a beaucoup de compréhension et de compassion. Vousapprenez que vous aussi vous avez l’éveil et que vous pouvez cultiverla compréhension et la compassion. On vous donne des instructions poury arriver. On vous explique qu’il y a une semence de Pleine Conscienceen vous. Si vous voulez arroser cette semence chaque jour, si vouspratiquez le toucher de cette semence chaque jour, cette semence va sedévelopper et vous procurer l’énergie de la compassion, de lacompréhension, de l’amour, de la joie. En pratiquant vous remarquez quel’enseignement est vrai parce que votre compréhension, votre toléranceet votre compassion se développent chaque jour. A cause de cela(l’expérience directe de la pratique) vous croyez dans la pratique dela Pleine Conscience et personne ne peut retirer cette croyance devous. On vous dit que l’essence de Bouddha c’est I énergie de la PleineConscience en lui ou en elle. On vous dit que vous avez cette semencede Pleine Conscience et que vous avez la capacité d’un Bodhisattva. Etcomme l’énergie de la Pleine Conscience c’est l’essence d’un Bouddha oud’un Bodhisattva, vous savez que le Bouddha et le Bodhisattva sont là.Parce que chaque fois que vous êtes soutenu, que vous êtes motivé, quevous êtes éveillé par l’énergie de la Pleine Conscience vous voussentez bien, joyeux, vivant vous sentez la force en vous et doncl’énergie de la Pleine Conscience est l’objet de votre croyance. Sivous croyez en la Pleine Conscience en vous-même ; votre croyance dansle Bouddha sera identique à cela. Donc vous n’avez pas besoin d’alleren Inde pour rencontrer le Bouddha. Vous n’avez pas besoin de retourner2600 ans en arrière pour rencontrer le Bouddha. Vous savez que vouspouvez rencontrer le Bouddha dans l’ici et le maintenant chaque fois etoù vous -le voulez. L’autre jour, j’ai dit que si j’entends que leBouddha est maintenant dans l’état de Bihar en Inde au pied de lamontagne Gridakuta, que si l’on veut le rencontrer et pratiquer laméditation marchée il faut acheter un ticket d’avion. Je ne suis pastenté de faire cela parce que je sais que je peux être avec le Bouddha.Je peux le faire tout de suite, je n’ai pas besoin d’aller où que cesoit pour le faire. Et nous tous pouvons le faire parce que le Bouddhan’est pas une image pour nous ce n’est pas plus une notion. C’estquelque chose de plus substantiel que l’on peut toucher à chaque momentet si vous avez ce genre de foi vous êtes réconforté, personne ne peutvous enlever cela et au moment de mourir vous serez fort parce que voussavez qu’il n’y a ni mort ni naissance mais seulement desmanifestations et des cessations de manifestation.
Aumois d’avril on ne peut voir aucun tournesol autour du Village desPruniers et on pourrait dire qu’ils ne sont pas là. Pourtant lesgraines de tournesol ont déjà été plantées, les fermiers ont toutpréparé et ils sont conscients de cela. Lorsqu’ils regardent lescollines et les champs vides ils peuvent déjà voir les champs couvertsde fleurs. Il se peut que nous ayons l’impression que les tournesolsn’existent pas à ce moment là, mais cette notion ne correspond pas à laréalité. Les tournesols sont là mais il manque quelques conditionscomme la chaleur des mois de juillet et d’août. C’est la raison pourlaquelle nous ne voyons pas de tournesol. Alors qu’il marchait seul,Saint François d’Assise s’est approché d’un amandier, il a regardéprofondément cet arbre et lui a demandé : "Parle moi de Dieu". Et toutd’un coup l’amandier s’est couvert de fleurs. Lorsque j’ai lu cettehistoire, j’ai eu l’impression de lire une histoire zen, parce que leshistoires zen ressemblent à cette histoire.
Siau mois d’Avril, en marchant, vous passez près d’un champs detournesols, demandez aux collines de vous montrer le Royaume des Cieux,la Terre Pure. Il se peut que le champ se couvre tout d’un coup detournesols. En fait les fermiers qui ont planté les semences saventqu’elles sont là et ils sont capables de voir les fleurs. Il suffitd’être ici en juillet pour voir tout le champ couvert de tournesols.
Dansle bouddhisme nous parlons en termes de dimension historique et dedimension ultime. Dans la première nous voyons plusieurs signes commela naissance, la mort, l’être, le non-être, l’aller, le venir.
Dansla dimension historique vous pouvez penser que le Bouddha vivait il y a2600 ans et qu’il vous faudra peut être attendre de très nombreusesannées avant qu’un autre Bouddha apparaisse. Il se peut que vousplanifiez votre vie d’après cette opinion, mais si vous choisissez ladimension ultime vous verrez que vous pouvez tenir la main du Bouddhapour partir en méditation marchée immédiatement.
Lesdeux dimensions sont une. Vous ne pouvez pas imaginer la dimensionultime distincte de la dimension historique. C’est comme les vagues etl’eau. Les vagues vues à la surface de l’océan représentent ladimension historique mais la substance qui crée la vague, c’est l’eauet bien que les vagues semblent avoir un début, une fin, un haut et unbas, l’eau dans les vagues ne peut pas être décrite par cescaractéristiques.
Ladimension ultime ne dépend pas des signes, des notions d’existence, denon-existence, de l’aller et du venir. Nous savons que l’eau et lesvagues sont unes et nous ne pouvons pas séparer l’une de l’autre. Ladimension historique est une avec la dimension ultime. Si vous saveztoucher les vagues profondément, vous pouvez toucher l’eau. Si voussavez toucher profondément le monde de la naissance et de la mort, del’aller et du venir, vous pouvez toucher le monde de la non-naissanceet de la non- mort, du non-aller et venir. C’est cela, notre pratiquede chaque jour. II faut vivre votre vie de telle façon que vouspuissiez toucher la dimension ultime plusieurs fois par jour, sinontout le temps.
Supposezque vous regardiez ce pot de fleurs. Si vous êtes en Pleine Conscience,et il y a des façons d’être en Pleine conscience comme par exemplerespirer, s’incliner profondément devant la fleur. Tout d’un coup lafleur se révèle à vous : la fleur est une manifestation et nous mêmesommes une manifestation. Les fleurs représentent tout le cosmos,l’infini, dans le temps et dans l’espace et nous aussi.
Sivous continuez à être là, à observer alors vous pouvez toucher ladimension ultime de la fleur et vous touchez votre propre dimensionultime. A ce moment vous pouvez vous établir dans la dimension ultime,libéré des notions de naissance et de mort, d’aller et de venir, d’êtreet de non être.
Vousne voyez pas seulement la présence de la fleur comme une chosemerveilleuse mais aussi la manifestation de vous-même comme une chosemerveilleuse. Selon votre regard profond vous toucherez plus ou moinsprofondément la dimension ultime de la fleur et de vous-même. LeBouddha nous offre le genre de pratique qui peut nous aider à toucherla dimension ultime.
L’autrejour je parlais de la pratique de toucher la terre. Chaque soir avantou après la méditation assise nous faisons trois, cinq ou sixprosternations. En joignant les paumes de mains, en vous inclinant vousvous voyez en contact avec tous les ancêtres. Ancêtres spirituels etancêtres de la famille, vous vous voyez comme la continuation de cesancêtres, vous voyez qu’ils sont vous-même et vous voyez aussi vosenfants et petits enfants et disciples présents dans ce moment. Dansl’acte de toucher la terre, vous vous rendez à la terre pour être avecle courant d’être que vous êtes vraiment. A ce moment vous êtes vosancêtres mais aussi les générations futures. Simplement en touchant laterre de cette façon vous touchez la dimension ultime. Restant ainsipendant quelques minutes :inspirez, expirez et vous vous voyez commeétant chaque personne de la lignée. A ce moment là vous n’êtes pluspris par la notion de moi tel que :" Je suis ce corps ". Le Bouddha adit :
"Ces yeux ne sont pas moi, je suis plus que ces yeux ". Touchant laterre pour la seconde fois il se peut que vous soyez tout d’un coup unavec la terre, avec les montagnes, avec les pins. Touchant la terre,vous êtes tout : la fleur, la table. Vous êtes libres des notions demoi. A ce moment vous touchez la dimension ultime.
Ilse peut que vous fassiez cela par respect pour le Bouddha et lesancêtres. Vous restez vous-même et les ancêtres restent eux-mêmes. Unepersonne distincte s’incline pour montrer sa gratitude envers lesancêtres. Cette pratique est utile mais en continuant vous allezapprofondir et en vous inclinant vous toucherez la dimension ultime.
Sinous pouvons toucher la dimension ultime une transformation se passe ennous. La peur, la douleur commencent à se transformer. La joie, laliberté, la paix vont se développer en nous, nous nous sentons bien ennous-mêmes. Nous sentons que l’amour et la compréhension nous habitentet les gens, les arbres, l’eau et l’air autour de nous vont sentir lamême chose.
Décembre 1994
Thich Nhat HanhQu'est ce que la réalité
Toutce que vous considérez comme bon ou mauvais, le monde des sens dans satotalité, est votre invention mentale. C’est votre esprit qui le créé.
Laissez-moivous poser une question. Qu’est-ce que la réalité ? Est-ce que laréalité est votre vision du chocolat convoité ? Lorsque vous avez desproblèmes, lorsque vous êtes en conflit, que vous voyez des gensmalheureux, est-ce la réalité ou pas ? Je vais vous le dire : tout ceque vous considérez comme bon ou mauvais, le monde des sens dans satotalité, est votre invention mentale. C’est votre esprit qui le créé.Rien de ce qui existe dans ce monde n’est absolument ou automatiquementbon ou mauvais. C’est impossible !
Chandrakirti,le célèbre saint indien du mahayana qui commenta la philosophie duMadhyamika de Nagarjuna, donne l’exemple suivant : Imaginez une tassed’eau et trois êtres différents en train de la regarder. L’un est unêtre humain, le second est un dieu samsarique et le troisième un préta,un esprit avide. Bien qu’ils contemplent le même objet, la même tassed’eau, chacun la perçoit de manière totalement différente. L’êtrehumain la voit comme une tasse d’eau, le dieu voit du nectar defélicité, de l’amrita, l’esprit avide ne voit que du sang ou du pus.Qu’elle est la réalité ? Qui possède la perception juste ?
Voiciun autre exemple : chaque homme choisit la femme qu’il aime suivant sespropres critères. Et suivant leur propre vision du bien et du mal, lesfemmes font leur choix parmi les hommes. Si vous y réfléchissez,comment pouvez-vous faire paraître une personne belle ou laide ? C’estune fabrication totale de l’esprit. Vérifiez. Le fait que vous aimiezou non quelqu’un ne vient pas du fait qu’il soit bon ou mauvais parnature, mais du fait que vous ayez une idée arrêtée, un à prioriconcernant ce qu’il doit être. Vous réagissez automatiquement : bon oumauvais.
C’estune autre manière de dire que vous n’êtes pas libéré. Les conflits quivous opposent à autrui sont produits par votre idée fixe et fanatique àpropos du bon et du mauvais. Vous ne possédez pas une compréhensionuniverselle ; votre vision fanatique empêche la croissance de votresagesse universelle et de votre compassion, l’essence de Chenrézig.
Laréponse de Lama Tsong Khapa au débat de Chandrakirti est que dans latasse d’eau existent en même temps la réalité de l’eau, la réalité del’énergie de béatitude et la réalité du sang ; comment ? L’énergiekarmique puissante, l’empreinte, qui est latente en chacun estréveillée par la cause coopérante, la vision de la tasse d’eau, et lacombinaison des deux produit la réalité de l’eau, de l’amrita ou dusang. Discutez-en ensemble, et petit à petit, je pense que vouscomprendrez.
End’autres termes, ces trois perceptions sont correctes. Dans cet objet,la tasse d’eau, se trouvent l’énergie de l’eau, l’énergie de l’amrita,l’énergie du sang. C’est la même chose lorsqu’une femme regarde unhomme et qu’elle le trouve charmant et qu’une autre le trouve laid. Etsi une centaine de femmes le regardait, on aurait une centaine depoints de vue différents. Néanmoins, il existe dans cet homme l’énergiecorrespondante à ce que chacune voit, tout comme pour l’eau.
Unautre grand saint du Mahayana, Shantidéva, a commenté les enseignementsde la Prajnaparamita du Bouddha, les Enseignements sur la sagesse de lavacuité, afin qu’ils puissent être mieux compris. Il a expliqué, parexemple, comment, dans les royaumes infernaux, un être sensible peut seretrouver à brûler dans une maison de fer en fusion entourée de feuxardents. Cet être pourrait se demander : « d’où tout cela vient-il ? »Shantidéva explique que cela ne vient de rien d’autre que de l’espritmême de cet être. Ce n’est pas comme si quelqu’un se trouvant dans unendroit appelé « enfer », avait construit cette maison de fer, alluméces feux ardents et pensait : « Ah ! J’attends Thoubten Yéshé. Il va bientôt mourir et venir ici. Je l’attends de pied ferme ! » Ce n’est pas comme ça. Il n’existe rien de la sorte.
Enréalité, au moment de la mort, l’énergie puissante des actionsnégatives de l’être, -existant en tant qu’empreintes sur l’esprit-, estréveillée, activée, et crée cette expérience de souffrance intense quenous appelons enfer. L’enfer n’existe pas de son propre côté ; l’espritnégatif le fabrique. Shantidéva en donne l’explication en se référantaux soutras du Bouddha qui traitent de ce sujet. C’est trèsintéressant. Et c’est également très important, donc vous devriezchercher et y réfléchir.
Lorsquevous avez une approche du Lam-Rim purement intellectuelle, vous pouvezpenser que l’enfer est réel, existant de son propre côté, que c’est unechose qui existe réellement, qui a été construite. Puis surgit lapensée : « Oh ! C’est impossible ! » Alors vous doutez. Par contrel’explication de Shantidéva à propos de l’enfer, du brasier etc., estfacilement compréhensible pour les Occidentaux. Votre visiondouloureuse de la réalité est fabriquée par votre propre esprit, votrepropre immoralité ; et votre vision heureuse de la réalité est le fruitde votre propre esprit, de votre propre vertu.
Sivous souhaitez considérer de plus près la réalité, vous pouvez comparerles expériences mentales que vous faites lorsque vous rêvez et celleque vous faites lorsque vous êtes éveillé. Quelle est la différence ?Réfléchissez vraiment. Vous pensez toujours concrètement que cesexpériences sont différentes : mes rêves ne sont pas réels, mais ma viequotidienne est véritablement réelle.
Laquestion est : qu’est-ce que la réalité ? C’est tout. Dans tous lesenseignements du Bouddha, chaque fois qu’il souligne un pointimportant, il dit que l’esprit est le producteur principal de laréalité. La bonté humaine vient de l’esprit. Les problèmes humains, laméchanceté humaine, viennent de l’esprit. La faim des prétas, lesvisions horribles de brasier des êtres infernaux -tout cela vient del’esprit. Bien sûr, le bien et le mal existent vraiment, mais seulementde façon relative. Ils n’existent que sur le plan relatif, et non pasultimement. Comme dit précédemment, l’énergie mentale et lesdifférentes causes coopérantes s’associent et se transforment en notrepropre vision de la réalité.
Voiciune autre manière de voir : Combien de phénomènes universels sont-ilsla réalité pour nous ? Vérifiez. En fait, pour nous, tous lesphénomènes existant ne sont pas la réalité, n’est-ce pas ? Notre espritest limité, donc ce que nous percevons de la réalité est limité, bienque les phénomènes universels soient illimités. Comprenez-vous ?L’énergie avec laquelle votre conscience n’est jamais entrée encontact, n’est pas la réalité pour vous, mais c’est la réalité pourd’autres. De nouveau la question posée est : qu’est-ce que la réalité ?Ceci est une autre approche.
Ilest important de découvrir ce qu’est la réalité pour votre propreesprit, de votre point de vue personnel. Considérez cette table parexemple. Vous affirmez : « Je vois que cette table existe. » Mais enfait, cette table n’existait pas pour vous jusqu’à ce que vous voustrouviez près d’elle et que vous la regardiez. Lorsque vous regardez,infailliblement une énergie mentale est envoyée dans l’atmosphère, puisvous dites, « Je vois une table, cette table. C’est ceci et ceci etcela. » Bien que votre esprit dualiste perçoive la table commeextérieure à vous, en fait c’est une partie de la nature de votreesprit ; la table et votre conscience sont unies.
Dela même façon, c’est votre énergie mentale qui fait apparaître leschoses comme bonnes ou mauvaises. Tout ce que nous percevons estfabriqué mentalement ; rien n’existe extérieurement, fixe d’une manièreou d’une autre.
Extrait du Mandala, le magazine internationl du FPMT (juillet-aout 99)
Traduction Sam Regad
Lama Thubten YesheCONSCIENCE ?
Source: http://www.geocities.com/Athens/Forum/2359/
Texte complet de la question
J'ailu votre présentation sur les cinq agrégats. Vous dites que laconscience est impermanente et a une fin. J'ai lu un recueild'entretiens avec le Dalai-Lama. Celui- ci dit que la conscience estcertes impermanente et en constant changement, mais il dit aussi que laconscience est éternelle, sans début et sans fin. Y aurait-il plusieursconceptions dans le bouddhisme ? Que dit le Bouddha historique ? Unargument irait dans votre sens. Les découvertes scientifiques semblentmontrer que la vie est née de la matière inerte, au cours d'unprocessus de plusieurs milliards d'années. Donc la conscience auraitégalement son origine dans la matière. Si ce processus était totalementexpliqué, alors la mort physique est aussi la fin de la conscience etde l'esprit : après la mort, c'est le néant... Que répond laphilosophie bouddhiste ?
Enfait, j'ai lu cela dans un livre " Cinq entretiens avec le Dalai-Lama "aux éditions Marabout. Il affirme que la conscience est impermanentemais éternelle, sans ajouter d'argument. Peut-être il a vu ses viesantérieures, peut-être c'est juste une croyance, comme il y en a quicroient en Dieu ou à d'autres choses.
Quantà l'expression "extinction totale", cela me fait penser au néant et nonà un état d'éveil et de béatitude. Peut-être la philosophie bouddhistecomprend cette expression comme "réintégration/assimilation totale dansle Tout"..
Réponse :
J'ai déjà dit dans une précédente question relative à une déclaration du Dalaï Lama (Cf. question n°62),combien je trouvai dommage, voire parfois préjudiciable, que cettepersonnalité éminente soit sollicitée sur tous les sujets et que lecontexte des questions qui lui sont posées, de même que des réponsesqu'il y apportait, soit rarement reporté. En outre, il apparaît que sesdéclarations sont souvent extrêmement décevantes ou tellementréductrices. Je souhaiterai qu'au minimum on ne les prenne pas pourargent comptant. Il se trouve, aussi, que pour de nombreuses raisons,je ne suis pas un adepte des bouddhismes tibétains. Je reconnaistoutefois la très grande qualité de ses savoirs, mais je ne sais pasdire qui en est le meilleur porte parole aujourd'hui. En l'occurrence,je ne me suis pas procuré le texte original en question et ne puisqu'émettre des réserves sur la façon dont ses paroles nous parviennentaujourd'hui.
Vousme dite après coup que cette déclaration serait faite dans un ouvrageintitulé " Cinq entretiens avec le Dalai-Lama " aux éditions Marabout.Je n'ai pas lu ce livre et le temps m'a manqué pour me le procurer etlire le passage incriminé. Pouvons-nous imaginer qu'une traductioninappropriée ait pu altérer la réalité d'une réponse faite le DalaiLama qui généralement s'exprime en tibétain ? Vous me dites que " leDalai Lama affirme que la conscience est impermanente mais éternelle,sans ajouter d'argument ".
Jeprends acte de cette affirmation, et je tenterai de résoudre cettequestion dans de futures investigations. Quoi qu'il en soit, jesouhaitais simplement souligner que le bouddhisme n'est pas tenté parles entités éternelles, le bouddhisme n'est pas construit sur ce typede philosophie. Bien sur, je puis dire que je suis surpris car, lanotion d'impermanence qui marque la conscience devrait aller de pairavec la notion de limitée, de finie de cette conscience qui est parnature même, un élément conditionné par ce à quoi elle s'applique.
Jedirai encore que le fait que la conscience soit éternelle, au delà dufait que je ne vois pas tellement ce que ça veut dire, je ne vois pasnon plus à quoi cela peut bien servir, notamment dans la viséebouddhiste qui consiste à se libérer du cycle incessant desrenaissances.
Avons-nousune difficulté pour comprendre cette notion éternelle qui estintroduite ici ? Pour ma part je veux bien le reconnaître. Il n'y a paspar exemple de conscience de rien et pour rien. Dans cette notionéternelle veut-on dire qu'en tant que phénomène, la conscience à unecapacité d'advenir d'une manière naturelle et spontanée ce qui luiprocure ce caractère "absolu" ?. Peut-être, mais on ne connaît pas deconscience en dehors du sujet qui la perçoit et la conscience à priorine se perçoit pas elle-même toute seule en dehors de toute stimulation,donc tout cela rentre dans une chaîne de conditions.
Unseul facteur de duré est introduit par le bouddhisme, qui considère quesous l'effet de la dynamique égocentrique, la force de la volontéd'exister, la récurrence de l'envie et des désirs divers, permettent àdes composés psychiques de passer d'une vie pour continuer à s'exercerdans une autre vie.
Enaucun cas, aucune chose ne va réintégrer aucun "tout" d'aucune sorte.Ce sont les Hindous qui pensent cela, par exemple avec la notiond'atman. Ou bien ce sont les taosites chinois qui voient la résorbtionde toute identité, de toute individualité dans un tout global. Lesbouddhistes postulent l'anatman (anatta en pâli) qui est le contraire,à savoir l'absence d'entité supérieure et totalisatrice, quel que soitle nom qu'on lui donne.
Ace titre, les bouddhistes ne croient pas plus à la théorie éternaliste,qui verrai dans les phénomènes l'expression qu'une entité éternelle,infinie, immortelle, qu'à l'expression inverse qu'est le nihilisme.
Pour le bouddhisme toute chose est anicca, dukkha et anatta,c'est-à-dire impermanent (éphémère, précaire, fragile, limité ...),conditionné (imparfait, inachevé, insatisfaisant, frustrant,douloureux, manquant, carrant, vacant, absent, ....) et sans soi propre.
Dequoi est-il question au delà de la problématique de la conscience ? Cequi est en question, à mon avis, c'est, une fois de plus, la mise enavant d'un concept supérieur, en contrepoint avec le courant même de ladoctrine bouddhique et qui paraît justement devoir échapper à toutcontrôle, puisque la conscience serait alors, dit-on, " illimitée ".
Quepropose donc fondamentalement le bouddhisme ? C'est justement de luttercontre ce mouvement infini, impossible à stopper, impossible àcontenir, cette roue du samsara, cet " éternel retour du même ", cetteincessante répétition des mêmes effets derrière les mêmes causes.
Lebouddhisme propose justement de sortir de cette dynamique et d'enstopper totalement et complètement le mécanisme. La flamme étantéteinte, il n'y a donc plus rien à consumer.
Certains,estiment donc qui si la conscience était sans limite, la conscience dubouddha historique serait quelque part. Or jamais dans le bouddhisme,vous ne trouverez aucun texte ou aucune affirmation de ce type.L'extinction étant totale et complète, il n'y a pas, nulle part, laconscience du bouddha historique.
Cettenotion de conscience est, me semble-t-il, l'un des points de ladoctrine qui fait l'objet du plus d'interprétations diverses au coursde l'histoire et au cours de la période présente. Je suispersonnellement assez surpris du poids considérable que semble vouloirdonner le bouddhisme zen à la conscience. Mais, mes connaissances danscette forme de bouddhisme ne me permettent pas de dire si cetteimportance est une des étapes de la méthode zen et si elle s'atténuepar la suite de l'enseignement.
Pourmoi la conscience est limitée même si, selon la littérature bouddhiste,elle n'est pas limitée à une seule vie. Si elle n'était pas limitéecomment serait –il possible d'atteindre le nirvana, l'extinctioncomplète ?
Tout être vivant, pour le bouddhisme, est une composition en permanent changement des cinq agrégats.Après l'agrégat de la matière, l'agrégat des sensations, l'agrégat desperceptions, l'agrégat des formations mentales, il y a l'agrégat de laconscience. Comme je l'ai déjà évoqué, il n'y a pas de conscience pourla conscience, ou de conscience pour rien, il y a la conscience dequelque chose, parce que la conscience, " c'est la conscience de l'œil,la conscience de l'oreille, la conscience du nez, la conscience de lalangue, la conscience du contact kinesthésique et la conscience del'organe mental ".
Pourle bouddhisme, d'une manière générale la question de la consciences'arrête là. Que certains courants ressentent la nécessité dedévelopper la notion de conscience et lui découvrir des attributs denature spéculative, semble renvoyer aux spécificités de chaque courant.
Vouspouvez également consulter une réponse assez complète faite au sujet dela nature de la conscience et des six sortes de conscience (Cf. question n°42).
J'espère avoir répondu à votre question.
Sur la contradiction entre lamas réincarnés et la dénégation de la réincarnation dans le bouddhisme
http://www.geocities.com/Athens/Forum/2359/
Texte complet de la question
Jecomprends les choses de la façon suivante: nous serions chacun unevague éphémère de l'immense océan de la vie, tout comme l'arbre ou lamouche. Il n'y a pas de notion d'âme ou de continuité entre les viespuisqu'une fois mort, la vague que nous étions va se mélange au restede l'océan. Si ce que j'exprime est juste, comment comprendre qu'unLama puisse affirmer qu'avant il était un autre Lama ?
Réponse :
Sur la contradiction entre lamas réincarnés et la dénégation de la réincarnation dans le bouddhisme.
Oui,ce que vous avez exprimé correspond parfaitement à la vision dubouddhisme. Il y a dissolution des éléments associés après la mort.
Pourla question que vous posez, vous faites référence au bouddhismetibétain. Les Tibétains considèrent que certains lamas peuvent par laforce de leur concentration passer "d'une vie dans une autre". Je vousrappelle que je ne suis pas spécialiste du bouddhisme tibétains et duTibet.
Ilest intéressant d'observer que de toutes les nations bouddhistes, lesTibétains apparaissent comme ceux qui ont cultivé de tout temps cesconceptions sur la réincarnation. Ils sont également les seuls à avoirconsacré à ce sujet une littérature abondante connue sous le nom deBardo Thös Tol (improprement traduit par Livre des Morts).
Ilest vrai que le bouddhisme tibétain intègre des éléments du bouddhismedu Grand Véhicule de l'école du Nord de l'Inde, des éléments duTantrisme, des éléments du Tao et des éléments d'une forme d'animismereprenant des croyances plus anciennes et qui a son tour a étéréinvestit par le bouddhisme.
Parailleurs, certaines interprétations d'autres cultures sont moinsconnues mais peuvent aussi agréger des éléments des croyances anciennesau sujet de la réincarnation.
Cetteinterprétation portant notamment sur les tulkous, est contestée par uncertain nombre d'écoles du bouddhisme tibétain en Europe et enparticulier en France. Aujourd'hui, dans nos pays, les lamas d'originelocale n'acceptent pas forcément, ce mécanisme des lamas incarnés,d'autant que cette notion n'appartient pas au bouddhisme.
On remarque aussi, d'une manière plus sensible aujourd'hui, une tendance à combattre cette idée même.
Pourma part, je ne partage pas cette hostilité à l'encontre de laréincarnation. Je la considère au contraire comme une superbe inventionhumaine face à la triste réalité de la mort et une observationpertinente et bienveillante des cycles fondamentaux de la nature. Elletraduit une volonté d'adhésion et d'harmonie avec les lois de lanature. Je trouve sa perspective positive et optimiste. Elle a suscitédes œuvres littéraires d'une grande beauté et remarquablementpoétiques. Elle a poussé certains auteurs à de formidables fresques aumerveilleux et à l'imaginaire débordants (je pense aux Jataka et dans les nombreux exemples d'art bouddhique, aux fameuses fresques de Borobudur, par exemple).
Au-delà,dans son fonctionnement et notamment pour ce qui concerne certainesinstitutions bouddhistes tibétaines, si vous êtes une lectriced'Alexandra David-Neel, vous avez pu constater que cette croyance avaitpu conduire les représentants de certains monastères à mettre à leurtête des individus parfaitement inaptes à leurs fonctions.
Lesbouddhistes ne croient pas en la réincarnation. Pour eux, il y adésagrégations des éléments constitutifs d'une personne. Ces élémentspeuvent s'assembler ensuite suivant d'autres combinaisons. Lesbouddhistes estiment toutefois que l'attachement forcené à l'ego et ausoi), la soif d'être et d'exister peut fournir une dynamique tellementpuissante que l'agrégat de la conscience s'attache alors à une nouvellevie.
Danssa traduction à plusieurs textes des Bardo Thös Tol, AlexandraDavid-Neel reprend les commentaires qu'elle n'a pas cessé de faire surce sujet tout au long de ses différents écrits. Elle note en toutpremier lieu : « Bien que l'article fondamental de laDoctrine bouddhiste consiste en une dénégation formelle de l'existenced'un ego soit dans les individus, soit dans n'importe quel être ouquelle chose, seuls, parmi les bouddhistes, une minoritéd'intellectuels adhèrent strictement à cet enseignement originel. Lagrande masse des autres ont rabaissé au niveau d'une religionpopulaire, une doctrine destinée à demeurer du domaine philosophique etont retenu, sous une forme ou sous une autre, la croyance en une entitépersistante qui habite le corps matériel de l'individu et s'en échappe,à sa mort, pour continuer sa vie propre, en se réincarnant ou d'uneautre manière ». Alexandra David-Neel, dans Textes Tibétains inédits, Editions Pygmalion – Gérard Watelet, ISBN 2-85704 – 013 – X, 1977.
Je me limite à cette première phrase, mais l'ensemble de l'introduction est intéressant à lire.
Onpeut dire qu'il s'agit d'une croyance, sachant que la croyance en laréincarnation reste très forte dans toute l'Asie, et particulièrementen Asie bouddhiste, qui est le seul courant à ne pas l'avoir combattu.Cette croyance est aussi la seule option culturellement offerte à touteune population pour laquelle la question existe. Cette croyance est laseule qui illustre une forme de liaison entre le passé, le présent etle futur. Quand on écoute ou lit les témoignages sur la réincarnation,il me paraît vain de les nier ou de les discuter. Dans son incroyableouvrage "Le moine rebelle", et pourtant tristement réel sur lesexactions des chinois au Tibet, le bikkhu Tenzin Kunchap relate uneconversation avec le lama Alak, que se passe-t-il pour un mort normallui demande t-il ? le lama répond : "Tenzin, notrecroyance est que, lorsque la respiration a cessé, la mort au senstantrique n'est pas réalisée. A ce stade, celui qui reconnaît l'esprit- össel - de la claire lumière se trouve libéré de son état d'être dusamsara. Pour les autres, commence un long processus vers larenaissance. ..." (l'ensemble du texte est passionnant sur cesujet) Cf. Tenzin Kunchap et Patrick Amory, Le moine rebelle. Carnetsde lutte de ma vie au Tibet, Editions du Plon - 2000 - ISBN : 2-259-18798-6, pages 214 et suivantes.
J'espère avoir répondu à cette question sur la place de la mort dans la pensée bouddhiste.
Il existe un lien immuable entre le dalaï lama et le servage féodal | ||
2009-03-24 16:44:22 |
BEIJING, 24 mars (Xinhua) -- Un article signé par Yi Duo, qui paraîtra mercredi dans le Quotidien du Peuple, le Quotidien de Guangming et d'autres journaux chinois, donne un aperçu des relations complexes qui existent entre le dalaï lama et le servage féodal.
Cette année marque le 50e anniversaire de l'émancipation de millions d'esclaves et de serfs dans l'ancien Tibet, et la législature régionale tibétaine a approuvé une loi faisant du 28 mars la Journée de l'émancipation des serfs dans la région.
Cependant, le dalaï lama et ses partisans ont critiqué ce geste, le qualifiant d'"insulte envers les Tibétains" ne faisant qu'"engendrer de nouveaux facteurs déstabilisants". L'article indique que leur "réaction émotionnelle" n'a rien de surprenant, compte tenu de leurs étroites relations avec le servage féodal et théocratique de l'ancien Tibet.
Le Tibet a pratiqué le servage féodal pendant des centaines d'années, jusqu'à 1959. Le système, décrit par certains, soit avec arrière-pensée, soit sans la moindre connaissance de l'ancien Tibet, comme un "Paradis terrestre", était un système barbare, comme l'ont prouvé faits historiques et documents, dit l'article.
Dans son livre intitulé "Le Dévoilement de Lhasa", Edmund Candler, correspondant du quotidien britannique Daily Mail en Inde, qui entra au Tibet avec l'armée britannique en 1905, écrit que le Tibet était alors régi par un système de servage féodal dans lequel les paysans étaient les esclaves des lamas. Il compare même le Palais du Potala, résidence des dirigeants bouddhistes tibétains, aux châteaux sanglants du Moyen-Age en Europe.
Avant 1959, la famille du 14e dalaï lama possédait 27 manoirs, 30 pâturages et plus de 6 000 serfs. La famille soutirait chaque année à ses serfs environ 33 000 ke (1 ke = 14 kg) de qingke (orge des montagnes), 2 500 ke de beurre et 2 millions de liang d'argent (15 liang d'argent étaient équivalents à un dollar en argent à l'époque). L'article cite des documents historiques.
Dans les années qui ont suivi sa fuite, le dalaï lama a, à plusieurs occasions, fait l'éloge du système féodal afin de gagner le soutien des Tibétains l'ayant accompagné dans sa fuite et de l'Occident, affirme l'article, citant une déclaration faite par le dalaï lama le 10 mars 2009, dans laquelle il qualifie le Tibet sur lequel il régnait, où les traitements cruels infligés aux serfs étaient inscrits dans la loi, de terre "libre".
"C'est comme si le système de servage féodal et théocratique n'avait jamais existé," dit l'article de Yi.
L'article indique que la position du dalaï lama n'est guère surprenante vu que son statut, son pouvoir et ses intérêts sont basés sur un tel système. Supposez qu'un jour le dalaï lama règne à nouveau sur le Tibet. Il trouverait naturel d'imposer, une fois encore, le système de servage féodal aux Tibétains, affirme l'article.
Du Tibet à l’Iran, dialectique de la théocratie en occident.
vendredi 27 mars 2009 par CAMILLE LOTY MALEBRANCH
E
C’esttoujours on ne peut plus comique que de voir les préposés officiels auridicule, les amuseurs publics, prendre le ton du sérieux ! Je citecette masse d’acteurs d’Hollywood, ces totems simiesques d’un mondevirtuel, sortir de leur virtualité pour agir dans la réalité, comme desagents d’opinion et guides de la conscience sociale internationale ! Eneffet, le cinquantième anniversaire de la révolte tibétaine alorsréprimée par la Chine, a donné lieu, la fin de la semaine écoulée, à untrain de soutiens hollywoodiens qui, soudain, nous rappellent la naturescénique-spectaculaire de la relation des occidentaux avec le peupletibétain via l’opinion publique mondiale. Car il s’agit de cinoche etd’effets spéciaux pour les spectateurs et auditeurs de nos sociétésoccidentales, afin de manifester par une sorte de surfait d’apparencede moralité, leur solidarité au mouvement monacal de libération duTibet des griffes de la Chine au nom de la « démocratie ».
Aujourd’hui, toutefois, mon propos ne concerne pasl’aspect tout à fait tape-à-l’œil de l’appui hollywoodien auDalaï-Lama, présenté à grands coups de spots médiatiques et en grandepompe en ces temps de commémoration, mais de la variation dénotative duconcept de théocratie et de la réalité à laquelle elle est censéerenvoyer, en vue de nourrir les connotations voulues dans l’opinionpublique.
Le fait est que le Tibet constitue ouvertement unethéocratie, chose que l’occident combat férocement en Afghanistan,abhorre en Iran et prévient craintivement dans tout le monde islamique,mais qu’il proclame délibérément acceptable voir idéal au niveau dubouddhisme tibétain. Nous sommes donc en face d’un cas criantd’incohérence axiologique, d’impropriété logique et d’imposturesémantique, où la défense de la « démocratie » brandie comme Valeurinviolable, passe en même temps par la réprobation et l’approbation dumême phénomène, rien que par sa nuance géographique et idéologique.Qu’on ne s’y trompe pas, la nature de l’état islamique d’Iran ou del’Afghanistan des talibans renversés et actuellement combattusmilitairement, est la même que celle du Tibet bouddhique : c’est de laThéocratie. En dépit du fait que Hollywood soit devenu la nouvelleparoisse des fidèles et des saints du Dalaï- Lama, quelle différence denature entre la fonction de ce dernier et celle des ayatollahs oumollahs ?
La nature essentiellement religieuse de la théocratieoù le pouvoir hiératique des ministres de la religion prédomine celledes élus et/ou fonctionnaires laïcs de l’état (quand ces fonctionnaireslaïcs existent), est à l’opposé de la « démocratie formelle » séculièrede nos ploutocraties occidentales dont la carte de visite estessentiellement le choix des individus de partis présélectionnés parces partis selon des intérêts oligarchiques mais laïcs, pour êtreensuite proposés au vote du peuple dans des élections considérées commeexpression de la volonté populaire voire nationale.
Cela nous amène donc en philosophie, devant un beau casde phénoménologie du même fait théocratique à eidétique variable.L’eidétique, cette essence de la nature d’un objet ou d’un fait, estdonc l’espace de la nuance et de la différence au-delà du phénomène desfaits ou objets franchement différentes ou au contraire identiques dansleur nature globale. C’est le noyau qualitatif et d’adjectivation,c’est-à-dire ce qui permet de qualifier par un prédicat, un adjectif,la même essence nuancée quoique pérenne d’un phénomène. Ici, la naturethéocratique dans l’islam aurait donc une essence différente dans sanuance de la nature théocratique dans le bouddhisme ! La premièreviolente et tyrannique ; la seconde, paisible et bienveillante ! Maislà, le public doit comprendre que nous sommes dans le prétexte dujugement de valeur de l’idéologie impérialiste occidentale qui n’a quefaire de l’émancipation ni de l’Iran ni du Tibet, sinon que de défendreson hégémonie et ses intérêts de tous ordres par toutes sortes debruits trompeurs et d’apophtegmes prétendument moraux.
Ainsi, une théocratie islamique est haïssable parce quenon « démocratique » alors qu’une théocratie bouddhique s’avèresouhaitable puisque « démocratique ». La contradiction dans les termesentre théocratie et démocratie semble ne pas déranger un occident quinous a habitués chez lui au mensonge de la Ploutocratie produite endémocratie par l’idéologie. Seule la finesse argumentaire et le miraclesémantique des tenants du pouvoir de l’occident ont pu donc réaliserune diplomatie internationale aussi discriminatoire au nom justement del’égalité des nations, tout en y ralliant des nobélisés de la paix, dessaltimbanques hollywoodiens, des journalistes pétris de « droits del’homme », des spécialistes de tous horizons et des intellectuels detous acabits.
De l’Iran au Tibet, le parcours sémantique de ladiplomatie et son idéologie, nous offre un bel objet de constatation dela multitude de références connotatives et herméneutiques auxquelles unseul et même objet peut donner lieu par le sophisme idéologique.
Haro sur les fondateurs de sens, les maîtres del’idéologie, déviants tyranniques de l’opinion publique et de lafaculté des citoyens à comprendre et à juger !
L’heure de la saisie des rapports entre sens et essencedes choses, entre dénotation naturelle et connotation idéologique doitsonner, pour que les peuples désinformés soient à même de comprendre ceque les idéologues du pouvoir leur demande d’appuyer ou de récuser àtravers les propagandes de la presse. Parmi les sens sans dénotation denos vocables de sociétés très clivées : paix, justice, égalité,liberté, fraternité…, la position occidentale face à l’eidétiquethéocratique, allant du Tibet à l’Iran, exprime les implicationspolitiques d’une dénotation à double sens où sévit la vieillediscrimination du « deux poids » « deux mesures » pour une même réalitéde droit international !
L’occident « démocratique » est-il, dans ses principes,contre la théocratie ? Ce qui serait un cas de violation du droitinternational d’égalité des peuples et nations souverains de choisirselon le principe d’autodétermination politique, le type d’État qui lesgouverne ! Mais dans l’occurrence que nous évoquons, c’est avant toutune question cruciale de sens : notre occident est-il contre leprincipe de théocratie ou seulement contre certains pays théocratiquesqu’il ne contrôle pas ?
Je tiens ici à être clair, j’appuie, comme les droitsdu peuple palestinien à un état, le combat des tibétains, étant pour unstatut onusien spécial du Tibet sans contrôle étasunien [1] (voir monarticleLe Tibet entre rapace et vautour ).Toutefois, par souci de sens et d’intellection de la logiqueélémentaire des faits, il me fallait, chers lecteurs, souligner à votreattention, ces sortes de torsions idéologiques du sens qui altèrent lasignification des actes politiques de nos États, dénaturent le jugementcollectif et déforment l’opinion des peuples par la manipulation et ladésinformation venant du pouvoir en nos soi disant démocraties.
[1]http://www.oulala.net/Portail/spip.php ?article3403
CAMILLE LOTY MALEBRANCHE
Source: ttp://www.geocities.com/Athens/Forum/2359/
Sur l'inexistence d'un dieu créateur dans le bouddhisme
Réponse :
Denombreuses questions sont posées sur ce thème. Il semble que pourcertains cette idée d'absence totale de dieu soit simplementinconcevable. Pourtant, on ne comprend pas le bouddhisme, si on nesaisit pas d'emblée que pour les bouddhistes, il n'y a pas de dieu, ouque dieu n'existe pas. Il semble d'ailleurs qu'on assiste à desmélanges où on voudrait bien introduire du divin, du transcendant, du «tout » (en général il y a un T majuscule) dans le bouddhisme. Peineperdue, on ne fait que tout emmêler et on ne permet pas une nettecompréhension du bouddhisme.
Pour répondre simplement disons que dans le bouddhisme il n'y a ni Dieu, ni dieu, ni dieux.
Cetteaffirmation n'est pas un postulat premier qui édicterait « il n'y a pasde dieu » ou le concept de dieu n'a pas lieu d'être. Cette affirmationest la conséquence du concept fondamental de la philosophie bouddhistequi est la production conditionnéeou la production interdépendante. Les philosophes bouddhistes résumentcette idée centrale par la formule « rien n'est sans cause et rienn'est sa propre cause ».
De cette idée découle aussi l'absence d'une entité permanente qui est appelée généralement « attâ »(ce moi, soi, âme) et qui est totalement absente du bouddhisme qui aucontraire en prône l'inexistence. Le bouddhisme a cette thématique sousle nom d'anattâ(l'absence de soi, le non-soi). De là, découle aussi que rien ne dure,rien ne persiste, rien ne demeure inchangé, que tout est soumis à laloi de la transformation et que par conséquent que tout estimpermanent, le bouddhisme rend compte de cette notion sous le nom d'anicca.
Dansson incroyable ouvrage racontant sa vie, le bikkhu Tenzin Kunchap esttrès clair sur ce point : « … Il n'y a pas de dieu créateur pour unbouddhiste. Le bouddhisme est un athéisme. … Pour moi, il n'y a pas deproblème : Dieu n'existe pas ». Cf. Tenzin Kunchap et Patrick Amory, Lemoine rebelle. Carnets de lutte de ma vie au Tibet, Editions du Plon -2000 - ISBN : 2- 259-18798-6, page 18.
J'espère avoir répondu à votre question.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire