Histoire du Tibet/2


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hibou ecrit Cette petite Emma est autiste mais a une voix merveilleuse

Les premiers Dalaï lamas 


Le 5ème Dalaï lama entreprend la construction du Potala. Sa mort est tenue secrète pendant 15 ans par le régent. Le 6ème Dalaï lama est un poète qui montre peu de goût pour la vie monastique. L'homme fort des Mongols, toujours nominalement roi du Tibet, en profite pour revendiquer le pouvoir, déposer le Dalaï lama qui disparaît mystérieusement sur le chemin de l'exil, exécuter le régent cachottier, puis choisir un nouveau Dalaï lama et nommer un autre régent. Ces changements ne plaisent pas à tout le monde. Des luttes intestines ravagent à nouveau le Tibet. Les factions appellent à leur secours des tribus mongoles rivales. En Chine, les Mandchous ont succédé aux Ming qu'ils ont vaincus. Un pouvoir fort est en place à Pékin. La Chine va mettre tout le monde d'accord. Un nouveau 7ème Dalaï lama est intronisé avec son concours. Et le Tibet est désormais placé sous tutelle chinoise. 
1642: Le chef mongol entre à Lhassa. Il convoque le Dalaï lama à Shigatse où il l’intronise chef du Tibet, tout en lui adjoignant un régent chargé des affaires politiques. Le pays est unifié sous le sceptre du pontife tibétain qui réunit désormais pouvoir spirituel et pouvoir temporel. Cette réunion des deux fonctions, ainsi que le mode de succession par réincarnation du Dalaï lama, posent le problème de l'exercice du pouvoir pendant la minorité de ce dernier. Il est résolu comme il l’a été par les Karmapas. L'intérim est assuré par le régent; le premier, on vient de le dire, est désigné par Gushri khan; il s’occupera des affaires administratives. Le chef de guerre mongol conservera, quant à lui, le pouvoir militaire. 
Au monastère de Lachung, près de Sakya, il était encore possible de voir, en 1938, les cadavres momifiés des victimes de Gushri khan, couverts de toiles d’araignée, dans les attitudes où la mort les avait saisis. Le climat très sec des hauts plateaux avait assuré leur conservation.
La prise du pouvoir par le 5ème Dalaï lama peut s'interpréter comme une guerre civile entre Gelugpas et Kaguypas, les premiers triomphant en s'appuyant sur une intervention militaire étrangère. Au cours de cette période troublée, des tentatives d'assassinat du 5ème Dalaï lama auraient eu lieu et sa mère biologique aurait été tuée.
1643: Recensement. Les résultats ne sont pas connus.  
1644: Une révolte paysanne abat la dynastie des Ming; l’empereur de Chine se suicide. Les Mandchous s’emparent ensuite de Pékin; les Qing succèdent aux Ming. 
1645: Début de la construction du Potala sur la montagne rouge.
Les Népalais commencent une série d’incursions au Tibet. Pour avoir la paix, les Tibétains signent un accord commercial très favorable au Népal. Ce pays devient le point de passage obligé du commerce avec l’Inde. Une monnaie tibétaine est frappée à Katmandou, à partir des métaux précieux fournis par Lhassa. Le troc cesse de régir les échanges sur les hauts plateaux.
1648: Nouveau recensement. Les résultats ne sont pas connus. 
Le Karmapa est exilé. Les Karma-Kagyupas perdent leurs points stratégiques. De nombreux monastères de cette école sont détruits ou convertis de force en monastères gelugpas. Plusieurs lamas et tulkou sont jetés en prison. Le monastère karmapa construit au-dessus de Tashilumpo est rasé.
Le roi du Jyang (Kham) rassemble une armée pour chasser les Mongols du Tibet central. Le Karmapa le dissuade de passer à l'attaque. Déguisé en mendiant, le troisième dignitaire religieux du pays entreprend un voyage dans les environs de Lhassa pour rencontrer en secret un tulkou.   
1649: Le siège du gouvernement tibétain est transféré au Palais Blanc du Potala.
La zizanie éclate entre le Ladakh et le Tibet. Le Ladakh, soumis à l'influence des Drougpa-Kagyupas, se trouve coincé entre le Cachemire musulman du Grand Moghol, qui le guigne depuis longtemps, et le Tibet, où le Dalaï lama gelugpa exerce dorénavent le pouvoir temporel. Les soldats du  Ladakh prennent le Guge, occupent le Purang, au sud du mont Kailash, et pénètrent au Tsang, tandis que Lhassa essaie de mettre la main sur le Bhoutan. Les Tibétains répliquent en envahissant le Ladakh, dans l'espoir de mettre fin à l'influence des Drougpa-Kagyupas. Le roi du Ladakh appelle à son secours le Grand Moghol, Aurengzeb. Les Tibétains sont contenus, mais ils vont définitivement s'emparer du Guge et du Purang. Sous la pression d'Aurengzeb, le roi du Ladakh se convertit à l'islam; son pays devient tributaire du Cachemire; il garde néanmoins une certaine autonomie et maintient des relations politiques et religieuses avec le Tibet.
Les commerçants du Cachemire sont déjà nombreux au Tibet. On pense qu'ils seraient à l'origine des musulmans du Tibet, les Khache.
1650: Le royaume de Tsaparang (Guge) perd son indépendance et est rattaché à Lhassa. 
Afin d'honorer le précepteur du 5ème Dalaï lama, une nouvelle lignée de réincarnation, celle du Panchen lama, est instituée. Ces deux lignées de réincarnation de l'école gelugpa sont complémentaires. C'est le Dalaï lama qui intronise la réincarnation du Panchen lama et ce dernier qui intronise celle du Dalaï lama. Le Panchen lama est la réincarnation d'Amitabha, la Lumière infinie; il est le gardien du dogme et le maître du langage; Amitabha administre le royaume paradisiaque de Shukhavati où n'existe rien de méchant ni de mal et où la propriété et les différences sociales sont inconnues; ce paradis est uniquement peuplé de personnes du sexe masculin. Le Dalaï lama est la réincarnation d'Avalokitesvara, le Bodhisattva de la Compassion, saint patron du Tibet. Les deux réincarnations ont évidemment droit à la même dévotion quoique sur des plans différents. C'est devant Amithaba qu'Avalokitesvara prononça son voeu de bodhisattva; il est donc assez compréhensible que l'aîné des deux hiérarques gelugpas procède à l'initiation de l'autre. Dans la hiérachie spirituelle le Panchen lama est supérieur au Dalaï lama, mais son pouvoir y reste cantonné et, en conséquence, il ne peut théoriquement pas y avoir de conflit entre les deux hiérarques gelugpas dans le domaine temporel. Mais cette séparation des rôles, et l'exclusion du Panchen lama de la politique, ne seront pas toujours respectées. La lignée du Panchen lama cherchera à compenser sa faiblesse politique en s'appuyant sur la Chine. Le Panchen lama est l’abbé du monastère de Tashilhumpo à Shigatse, au Tsang; l'existence de deux lignées de réincarnation favorisera la renaissance de l'antagonisme entre le Ü et le Tsang. 
1651: Une autre lignée d’incarnation gelugpa s’installe à Ourga, en Mongolie. Celle des Bogdo-GegheenHutuktus (ou Kutuktus), traduction mongole de tulkou. Elle découle de la reconnaissance du tulkou du Bouddha du futur en 1635. Le Kutuktu serait la réincarnation du cheval de Gesar de Ling. 
1652: Le Dalaï lama est reçu en grande pompe à Pékin par l'empereur mandchou qui compte sur son prestige pour maintenir dans l'obéissance les tribus toujours turbulentes des steppes et conquérir le sud de la Chine qui échappe encore à son contrôle. Mais l'empereur espère aussi renforcer sa suzeraineté sur le Tibet et ne manque aucune occasion de rappeler à son hôte sa prééminence. Deux versions de cette rencontre, une tibétaine et une chinoise, montrent bien, à travers les questions de protocole, l’état d’esprit des protagonistes. Le Tibétain s’estime l’égal du Mandchou. Ce dernier entend forcer l’autre à s’incliner devant lui et, à défaut de soumission, il fera écrire que la génuflexion a bien eu lieu.
1654: Naissance de Kangxi, futur empereur de Chine.
1656: Dayan khan, successeur de Gushri khan, est proclamé roi du Tibet. Mais ce titre est purement nominal. La puissance mongole entre définitivement en décadence.
1659: Soulèvement du Tsang contre le pouvoir de Lhassa. Gyantse tombe aux mains des insurgés. Mais ceux-ci sont défaits par les Quoshots. Le roi déchu et deux de ses ministres, condamnés à mort, sont précipités dans une rivière.
1661: Kangxi devient empereur de Chine. Il réunifie le pays (y compris Taiwan) et met provisoirement un terme à l'expansion de l'empire russe (voir ci-après 1689). Il rétablit la tutelle de Pékin sur le Tibet (voir ci-après1720). D'abord favorable aux missionnaires jésuites, qui se sont montrés tolérants et ont réorganisé son armée, il est amené à prohiber le christianisme après que le Pape, à l'instigation de prêtres jaloux des jésuites, eût interdit d'honorer les ancêtres aux nouveaux convertis. 
1665: Le Dalaï lama reconnaît le 5ème Panchen lama (le 2ème après la création officielle de la lignée; les précédents portent le nom à titre posthume).
1667: Publication en latin de "China Illustrata" d'Athanasius Kircher. Il y est fait état du voyage au Tibet, en 1661, d'un jésuite autrichien, Johannes Grueber, accompagné d'un missionnaire belge Albert d'Orville. Il y aurait deux rois à Lhassa: un temporel et un spirituel. Le second resterait enfermé dans son palais où il serait adoré par les fidèles. La vénération que ces derniers lui vouent serait telle qu'ils porteraient son urine et ses excréments en sautoir autour du cou et qu'ils les mélangeraient à leur nourriture! Le rituel du culte rendu au Dalaï lama ferait parfois penser aux pratiques chrétiennes. Les Tibétains boiraient du thé au beurre et feraient dévorer leurs morts par les bêtes sauvages. Les deux derniers points sont rigoureusement exacts, pour le reste, il est inutile d'insister sur le caractère fantaisiste du témoignage. 
Voici quelques observations formulées par Grueber: "Ainsi ils célèbrent le sacrifice de la messe avec du pain et du vin, donnent l'extrême-onction, bénissent les personnes mariées, disent des prières pour les malades, forment des couvents, chantent dans le choeur, observent différents jeûnes pendant l'année, se soumettent aux pénitences les plus sévères et, entre autres, à des fustigations; ils consacrent des évêques et envoient des missionnaires qui vivent dans une pauvreté extrême et voyagent pieds nus à travers les déserts, allant aussi loin que la Chine.Toujours l'assimilation du bouddhisme tibétain à une hérésie chrétienne.
Le Tibet n'était cependant pas le but du voyage de Grueber et de son compagnon. Le religieux autrichien, en poste à Pékin après un stage à Macao, avait été rappelé en Europe par ses supérieurs et, comme la voie maritime était bloquée par une flotte hollandaise, il se vit contraint de prendre la route terrestre ce qui l'amena à traverser le Tibet, le Nepal, l'Inde puis la Perse avant de s'embarquer pour Rome. D'Orville ne supporta pas ce long voyage de plusieurs mois et mourut en chemin (pour en savoir plus sur les voyages de Grueber, cliquez ici). 
1670: Soulèvement du Kham contre le pouvoir de Lhassa.
1673: Le Karmapa rentre d’exil et retrouve Tsurphu. Le Sharmapa est maintenu éloigné de Lhassa.
1679: Début d’une guerre entre le Tibet et le Ladakh. Des conflits locaux avec les autres royaumes himalayens ont déjà obligé les troupes tibéto-mongoles à intervenir.
Le régent réforme la structure gouvernementale et crée 21 fonctions dont les responsables formeront le corps administratif du pays. Il interdit aux femmes de se montrer dans Lhassa autrement qu'avec un visage barboullé de suie afin d'éliminer leur pouvoir de séduction sur les moines. 
1682: Mort du 5ème Dalaï lama, au Potala (Lhassa).
En faisant preuve d’autorité, mais aussi d’habileté diplomatique, ce pontife a su établir son pouvoir jusqu’à le rendre incontestable. Il a opportunément découvert un terma (texte caché) qui prouve qu'il est la 58ème réincarnation d'Avalokitesvara pour étayer sa double domination sur le Tibet. On pense qu'il pourrait être aussi une réincarnation de Gesar de Ling, ce qui ferait de lui, et de ses successeurs, le seigneur de la guerre! N'a-t-il pas écrit:
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Les guerriers sont braves et entraînés
Les armes sont biens aiguisées et irrésistibles
Les boucliers sont durs et indestructibles
Les chevaux sont souples et endurants.
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Que les lignes ennemies soient comme des arbres dont les racines ont été coupées;
Que leurs femmes soient stériles comme des ruisseaux que l'hiver a rigidifiés;
Que leurs enfants et petits-enfants soient comme des oeufs écrasés contre des rochers;
Que leurs serviteurs et leurs suivants soient comme des amas d'herbe consumés par le feu;
Que les pays en leur pouvoir soient comme une lampe dont l'huile a été épuisée;
Bref, que toute trace d'eux soit effacée, jusqu'à leur noms.  
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Songtsen Gampo, Padmasambhava, Phagpa et d'autres personnages importants de l'histoire du Tibet figurent également sur la liste sacrée qui établit une filiation dont le but politique est évident. Par un système astucieux de pardon et de répartition des investitures, il a triomphé de l'hostilité des autres écoles en se montrant accommodant avec elles de manière à donner de plus larges assises à son omnipotence. Il a gardé la discipline, le talent organisationnel des Gelugpas et leur habileté administratives; il a pris aux Kagyupas la doctrine de la réincarnation et leurs racines nationales; Aux Sakyapas, il a emprunté leur talent diplomatique; aux Jonangpas, leur système cohérent du Kalachakra et aux bönpos la tradition des anciens rois sacrés venus du ciel fondement du trône du Potala. Il a créé un oracle d'État, institutionnalisant ainsi le recours aux devins, profondément enraciné au Tibet; cet oracle est supposé interpréter la pensée d'un chef mongol divinisé, ancien adversaire du Tibet, ce qui est peut-être un clin d'oeil aux Mongols de qui il tient son pouvoir. Il a fait preuve de tolérance envers les adeptes des cultes non bouddhistes présents au Tibet (hindous, musulmans, chinois, chrétiens arméniens). Cette réussite exemplaire lui vaut devant l'histoire le surnom de Grand.  
La disparition du Dalaï lama est gardée secrète pendant une quinzaine d'années par le régent qui prétend que le pontife, un mystique, est abîmé dans la méditation. La construction du palais peut ainsi se poursuivre sans problème. On ne saura jamais si le Dalaï lama lui même est à l'origine de cette supercherie, pour se survivre, ou si le régent s'est efforcé, grâce à ce subterfuge, de rester plus longtemps en charge des affaires. 
1683: Naissance du 6ème Dalaï lama, en Mongolie.
1684: Fin de la guerre avec le Ladakh. Habilement, le régent désigne, comme plénipotentiaire, un Droukpa-Kagyupa, dont l’école est bien implantée dans le pays avec lequel il devra traiter. Cet émissaire a, par ailleurs, étudié à Sera, Ganden et Drepung, des monastères gelugpas. Le Ladakh devient tributaire du Tibet.
1689: Traité de Nertchinsk. La Russie se voit fixer la limite de sa progression au sud de la Sibérie.  
1694 ou 1696?: Le régent se résout à annoncer la mort du 5ème Dalaï lama. 
Le régent s’est efforcé en vain de fédérer les tribus mongoles. Il s’est allié aux Dzungars (Mongols de l'ouest), qui ont fondé un royaume au Turkestan, sur les bords de l'Ili. L’empereur de Chine, allié des Qoshots (Mongols de l'est), écrase les Dzungars. Or, le chef des Qoshots, Latsang khan, petit-fils de Gushri khan, est toujours officiellement le roi du Tibet. Un conflit est en germe entre le régent et le pseudo monarque du Tibet.
1697: Le 6ème Dalaï lama est intronisé. D’origine nyingmapa, il était depuis plusieurs années sous la protection du régent. Son règne sera totalement atypique. Le Panchen lama lui confère les premiers ordres monastiques. Il commence son éducation religieuse à un âge où il n’est plus suffisamment malléable pour accepter les règles qui lui sont imposées. Il refuse de s’engager plus avant dans les ordres. Il préfère mener une vie laïque. Influencé par les Sakyapas, il voudrait même rendre sa fonction héréditaire. C’en est trop pour les notables gelugpas. Une tentative d’assassinat, fomentée à l’intérieur du palais, échoue. Mais ce n’est que partie remise et, lorsque le 6ème Dalaï lama réclame l'exercice du pouvoir, le régent, Sangye Gyatso, un fils présumé du 5ème Dalaï lama, tire argument de sa conduite déplacée pour réclamer son abdication.
Le Dalaï lama compose de nombreux poèmes et chansons profanes dont la popularité est telle qu'ils sont encore interprétés au 20ème siècle dans les campagnes les jours de fêtes. Il ne dédaigne pas l'alcool et les jeunes beautés de la capitale ne le laissent pas indifférent. Aussi passe-t-il une grande partie de son temps hors du palais. Très populaire, il se déplace à pied plutôt qu’à cheval ou en palanquin. 
Une anecdote est révélatrice. Un jour qu’il se trouve sur une terrasse du Potala, les notables qui l’entourent lui reprochent ses aventures amoureuses. Il leur répond: «Des maîtresses, c’est vrai, j’en ai. Mais vous en avez aussi. Prétendez-vous que mes relations avec elles sont de même nature que les vôtres.» Ceci dit, il s’approche du mur qui ferme la terrasse et urine dans le vide. Devant les spectateurs médusés, le jet remonte à la source et rentre dans son corps*. Ce récit montre que, pour les Tibétains, leur pontife est en possession de pouvoirs magiques. Cela n’est guère étonnant de la part d’une personne dont la première éducation fut nyingmapa. Mais, pour la hiérarchie gelugpa, ces pouvoirs sentent le soufre. Ils frisent l’hérésie.
* Ce retour de l'urine dans le corps pourrait être une allégorie des pouvoirs tantriques du 6ème Dalaï lama.
Latsang khan tire prétexte de la conduite du Dalaï lama, qu’il juge scandaleuse, pour décider d’assumer directement la fonction de roi du Tibet restée jusqu’alors symbolique.
La partie de la Mongolie située au sud de la limite d’intervention russe, passe sous le contrôle de Pékin. Les terres mongoles sont coupées en deux. 
1700: Pékin établit des garnisons à l’est du Kham.
1702: Le Dalaï lama cède son pouvoir spirituel au Panchen lama. Mais cela ne suffit pas. Des religieux murmurent que l'esprit d'Avalokitesvara l'a quitté. 
1703: Le régent, craignant une intervention quoshot, démissionne en faveur de son fils. 
Les capucins se voient attribuer le droit exclusif d'établir une mission au Tibet par le Saint-Siège.  
1705: Latsang khan, nouvel homme fort du Tibet, dénonce les manoeuvres qui ont dissimulé la mort du 5ème Dalaï lama. Il attaque Lhassa; le régent démissionnaire tombe au main de l'épouse de Latsang, Tsering Tashi, qui commande l'aile droite de l'armée mongole; il est condamné à mort et exécuté de la main même de Tsering Tashi. La régence est suspendue au profit d’un desi. En fait, le desi est un régent, mais j’appellerai ainsi celui mis en place par Latsang khan pour le différencier des autres. 
1706: Le 6ème Dalaï lama est déposé avec l'accord de l'empereur de Chine. Un nouveau Dalaï lama lui succède. Il n’obtient aucun crédit auprès de la population tibétaine qui murmure qu’il est le fils du chef des Qoshots. Latsang khan entoure Lhassa d’une enceinte fortifiée. Le Tibet est devenu un pays occupé par une armée mongole qui jouit de la bienveillance de l’empereur mandchou.
1707: Disparition mystérieuse du 6ème Dalaï lama, dans le Kokonor (Qinghai), sur le chemin de la Chine. Il a peut-être été assassiné. Cependant, selon une croyance populaire, il est toujours vivant. Epargné par les soldats de son escorte, il serait devenu berger dans l’Amdo. Si cette légende est vraie, pour un esprit occidental, tous les Dalaï lamas qui lui ont succédé seraient des imposteurs; mais il n'en est rien, car un bodhisattva peut connaître plusieurs réincarnations qui ne reviennent pas nécessairement au même moment dans le monde des humains.
Des poèmes du 6ème Dalaï lama sont  ici .
Les pères Marie François de Tours et Giuseppe da Ascoli arrivent à Lhassa, en provenance des Indes, après bien des tribulations. Ils se font accepter de la population en pratiquant la médecine gratuitement. Leurs moyens épuisés, Marie François de Tours retourne en Inde dans l'espoir de refaire des fonds. Dans l'incapacité de payer une taxe, il y est emprisonné et, en 1711, Giuseppe da Ascoli doit à son tour quitter Lhassa. 
1708: Naissance du 7ème Dalaï lama, à Lithang (Kham). Le 6ème Dalaï lama l’avait annoncée en ces termes : 
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Grue blanche, bel oiseau 
prête-moi tes ailes! 
Je ne m’en vais pas loin: 
Un jour je reviendrai, par le chemin de Lithang. 
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Le nouveau Dalaï lama est lui aussi poète. Dès que sa découverte est connue, le jeune tulkou excite les convoitises. Le chef des mongols Dzungars, l’empereur de Chine... entrent en compétition pour assurer sa protection. L’enfant s’enfuie et se réfugie au nord du Kham, au monastère de Songzanlin, près de Zhongdian, puis au monastère de Kumbum (Kokonor), pourtant en terre qoshot, mais sous l’aile de Pékin. Un conflit oppose les tribus mongoles les unes aux autres. Les monastères, où les Mongols sont nombreux, se mêlent à la lutte. 
1716: Deux expéditions rivales, des capucins, dont Orazio della Penna, accompagné de douze missionnaires, et des jésuites, Ippolito Desideri et Manuel Freyre, se rendent à Lassa, dans le but d'évangéliser la population. Orazio della Penna passe par le Népal. Desideri passe par le Cachemire et le Ladakh; ses tribulations rappellent celles de Andrade un siècle plus tôt; pour ne pas être emporté par le courant, il s'attache à la queue d'un yack lors du passage des torrents. Les deux équipes finissent par collaborer, dans l'étude de la langue et des textes sacrés, en vue d'en faire la critique et d'en démontrer l'inanité. Latsang khan oblige les lamas de Sera à recevoir les missionnaires au monastère.
Orazio della Penna décrira un charnier, auprès de Lhassa, où les cadavres des criminels suppliciés sont amputés de leurs tibias pour en faire des trompettes rituelles (voir un résumé de ses notes ici). 
 
1717: Les Dzungars, avec l’appui des dignitaires gelugpas, battent les troupes de Latsang khan. Lhassa est prise et pillée. Latsang khan est tué. Le Dalaï lama fantoche est déposé. Le quartier de Sheul, au pied du Potala, est brûlé. Les trésors du palais sont emmenés vers le Turkestan.
Les missionnaires catholiques doivent quitter Sera sous la menace. 
1718: Les Dzungars favorisent les Gelugpas et s’en prennent aux autres écoles ainsi qu’aux bönpos. De nombreux monastères sont pillés. Les Tibétains commencent à prendre leurs distances avec ces "libérateurs" devenus des oppresseurs. Des partis s’organisent et se retranchent, à l’ouest du Tibet, en attendant l’heure du soulèvement.
Au sud de Lhassa, les nonnes d'un couvent, abbesse en tête, se métamorphosent en truies pour se soustraire à la lubricité des envahisseurs!
Le desi avise l’empereur mandchou qu’il reconnaît le jeune Dalaï lama, toujours au Kokonor, sous la sauvegarde des Chinois. Une armée chinoise entre au Tibet. Elle est massacrée par les Dzungars.
1720: La Chine réagit vigoureusement; une autre armée chinoise marche sur Lhassa, pour en chasser les Dzungars; elle obtient le concours des partis de l’ouest du Tibet. Pris en tenaille, les Dzungars sont contraints à la fuite.
Le 7ème Dalaï lama, protégé par la hiérarchie gelugpa, est reconnu comme pontife. Mais les affaires temporelles seront désormais traitées par un représentant de l'empereur de Chine: l'amban*. Une partie du Kham (Bathang, Lithang, Tatsienlou...) est rattachée au Sichuan. Un protectorat chinois de fait est établi sur le Tibet. 
Le desi et deux de ses ministres sont exécutés. Le titre de roi du Tibet est supprimé. Des troupes chinoises tiendront garnison à Lhassa. Les fortifications de la ville sont démantelées. C'est la fin de l'influence mongole au Tibet; en revanche, la domination chinoise se renforce. 
Markham, dans ses notes au compte-rendu de la mission de Bogle, souligne l'importance de l'avènement des ambans. Mais il ajoute que la suprématie chinoise sur le Tibet était beaucoup plus ancienne.
1721 (ou 1729): Malgré une apparente réconciliation des missionnaires rivaux, un ordre du pape, auprès duquel les capucins ont porté plainte, rappelle Desideri à Goa puis en Europe. Celui-ci, parvenu à Rome, adresse à la congrégation de la propagande de la foi, trois requêtes contre les capucins. Mais il ne reçoit pas l'autorisation de retourner au Tibet. 
S'il faut en croire Desideri, "Les Tibétains sont d'un naturel doux et docile, mais inculte et grossier. Il n'y a parmi eux ni sciences ni arts, quoiqu'ils ne manquent pas d'esprit. Ils n'ont point de communication avec les nations étrangères..." Le père jésuite aura eu le temps de rédiger une critique de la doctrine du Vide entièrement écrite en poèmes sacrés tibétains! Ce travail est lu avec curiosité par de nombreux moines; le bouddhisme est tolérant envers les autres religions et la critique offre l'occasion d'un approfondissement des connaissances (l'analyse détaillée d'une lettre de Desideri au jésuite Grassi est ici). 
Orazio della Penna et sa petite congrégation continuent leur oeuvre à Lhassa en pratiquant la médecine. Ils sont plus ou moins acceptés par le Dalaï lama, en dépit de l'hostilité des religieux. Une crue subite du fleuve qui traverse la ville manque pourtant de leur être fatale. La multitude y voit un signe de mécontentement des dieux et les menace de les tuer à coups de pierre.
Le "Grand Atlas de la Chine" inclut le Tibet en tant que province chinoise. 
1722: Mort de l’empereur mandchou Kangxi. Les Qoshots en profitent pour entrer en guerre contre la Chine.
1724: Les Qoshots sont défaits. L'Amdo (Kokonor), qui était sous la coupe des Qoshots, est séparé du Tibet central et devient une province chinoise (Qinghai); ancienne terre chinoise, cette région n'a été que tardivement occupée par les Tibétains; on se souvient qu'elle fut cédée par la Chine au Tibet lors du traité de 783; elle a ensuite été envahie par les Tangoutes, puis les Mongols; à l'époque de la Route de la Soie terrestre, de nombreux Musulmans s'y installèrent; la population y est donc très composite. La dynastie mandchoue va s'efforcer d'y sédentariser les nomades; ceux-ci disposeront d'une maison d'hiver dans la vallée et d'une maison d'été sur les pâturages des montagnes. Le chapelain tibétain, qui réside à Pékin, joue un rôle important dans ce démembrement de son pays. Il est vrai que le gouvernement mis en place à Lhassa est divisé entre prochinois et nationalistes.
Une crise économique secoue le Tibet. A l’afflux de signes monétaires apportés par les soldats chinois s’ajoute la défaveur de la monnaie frappée au Népal. Ce pays a en effet pris la mauvaise habitude de mêler du cuivre aux métaux précieux que lui envoient les Tibétains.
Le Dalaï lama autorise la construction d’une chapelle catholique à Lhassa.
1725: Un Hollandais épris d'aventure, Samuel Van de Putte, passe par Lhassa probablement envoyé, dans un but commercial, par la Compagnie hollandaise des Indes. Il sera le premier Européen à réaliser le voyage à Pékin via les Indes et le Tibet aller et retour. Il traverse le cours supérieur du Yang Tsé Kiang dans une barque en peau de bête et doit passer la nuit dans une île au milieu du fleuve. On dit qu'il aurait appris le tibétain. Mais ses papiers furent brûlés à sa mort, qui intervint prématurément, et il n'a donc pas laissé d'écrit de son périple. 
 
1726 (ou 1727): Les prochinois sont exclus du gouvernement. L’un d’entre eux est assassiné, peut-être avec la complicité de la famille du Dalaï lama. Un autre, Pholhane, parvient à se réfugier au Tsang et à réunir des alliés autour de lui.
1727: Une famille de musulmans chinois, les Ma, s'impose dans l'Amdo. Son dernier représentant, Ma Bufeng, sera encore au pouvoir lors de la révolution communiste, en 1949. 
1728: Les troupes prochinoises, sous les ordres de Pholhane, s’emparent de Lhassa. Les adversaires de leur chef sont mis à mort, exilés ou asservis.
La Chine attribue des titres nobiliaires impériaux à ses alliés tibétains. Une circonscription semi indépendante est créée autour de Shigatse au profit du Panchen lama. L'autorité de ce dernier en sort considérablement renforcée. La carte administrative du Tibet est aménagée. L’est du Kham, où s’étaient installées des garnisons chinoises 28 ans plus tôt, est officiellement intégré à la Chine; des auteurs pensent qu'il s'agit d'une simple restitution, une partie au moins de ces territoires ayant été conquis par le Tibet impérial, et les populations asservies par lui, lors de son expansion au Yunnan (702). Des zones sont rattachées au Qinghai, au Sichuan ou auYunnan (par exemple Zhongdian). Les limites entre le Tibet, le Sichuan, le Yunnan et le Qinghai sont unilatéralement fixées par l'administration mandchoue.  
 
Le Dalaï lama, accusé de trahison, a dû quitter Lhassa. Il est exilé à l’est du Kham, sous la férule de Pékin, et il perd l'essentiel de ses pouvoirs (voir un résumé des notes de della Pennaici).
Deux commissaires impériaux (amban) sont chargés des affaires militaires, un à Lhassa et l’autre à Shigatse. Les troupes chinoises occupent en force le pays. L’empereur de Chine est considéré par les dirigeants tibétains comme le bodhisattva Manjoushri (ou Manjushri), l’Être noble porteur de l’épée. Sous le gouvernement de Pholhane, la paix revient au Pays des Neiges. 
 
1730: Invasion du Bouthan par les troupes tibétaines pour intervenir dans la querelle de succession qui divise le royaume. Le Bouthan est dominé par l'école des coiffes rouges.
1732: Après seize ans passés au Tibet, Orazio della Penna retourne à Rome pour y chercher de l'argent et des renforts, la plupart des missionnaires venus initialement avec lui étant morts. Il rédige des notes sur la géographie du Tibet, sur ses productions, sur son histoire, sur sa justice et sur sa religion, qui comportent beaucoup d'approximations car, comme ses devanciers, il voit ce pays à travers les lunettes déformantes de sa propre foi (voir le résumé de ses notes ici).  
1733: Une carte du Tibet est publiée à Paris par Jean-Baptiste Bourguignon d'Anville; c'est la première carte à peu près sérieuse sur cette région du globe.
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Carte du Tibet ou Bout-Tan (sic) - Source: Gallica
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D'après le père Huc, pour Voltaire et Volney, les religions seraient nées au Tibet et le christianisme découlerait donc du bouddhisme tibétain, opinion que le missionnaire catholique ne peut évidemment admettre. Au 18ème siècle, le Tibet intrigue déjà l'Europe; les informations de seconde main qu'on en rapporte sont entachées de préjugés ou de fausses interprétations; certains pensent que le comte de Saint-Germain aurait pu le visiter et en rapporter, peut-être, le secret de son immortalité! 
1735: Retour du Dalaï lama à Lhassa. Le pouvoir est exercé par Pholhane. Il sait habilement ménager les susceptibilités des Mandchous, tout en les tenant à l'écart des affaires politiques. Cet état de fait durera une vingtaine d'années. Il ne gêne pas outre mesure le pontife tibétain qui montre peu de goût pour la politique et préfère s’adonner aux belles-lettres et à sa fonction religieuse. Voici quelques phrases de ce poète moins connu que son prédécesseur :
«La loi parle de justice mais favorise le puissant; l’homme du commun ne peut pas même utiliser librement ce qui lui appartient.» 
«La richesse est comme la rosée du matin, les louanges sont comme le vent dans les passes des montagnes, la jeunesse physique est comme une fleur de l’automne.»
Outre une prière récitée le huitième jour de chaque mois, le 7ème Dalaï lama serait l'auteur du mandala de sable du Kalachakra ainsi que des danses compliquées qui accompagnent la cérémonie. 
Samuel Van de Putte repasse par Lhassa. Après avoir traversé le Bengale et s'être rendu à Malacca, il mourra à Batavia, en 1745, avant d'avoir pu rentrer en Hollande.
1740: Réforme fiscale d’envergure au Tibet. Le taux des taxes sur les terres est révisé. 
Invasion du Sikkim par le Bouthan. Le Tibet impose sa tutelle au Bouthan.
Escarmouches à la frontière népalaise initiées par le chef des Gurkhas.
L’impératrice de Russie établit avec les Mongols du lac Baïkal une relation  du type protecteur-religieux analogue à celle qui est supposée régir les rapport de la Chine et du Tibet.
1741: Publication, à Londres, de l'ouvrage de Bernard Picart "Cérémonies et coutumes religieuses de tous les peuples du monde". Un passage y est consacré au Tibet. Picart y porte, à l'encontre du lamaïsme, l'accusation de blasphème puisque, selon lui, un simple humain, le Dalaï lama, y est adoré comme Dieu. S'y ajoute celle d'impureté, le peuple vouant un culte aux excréments du pontife qu'il porte en sautoir autour du cou. Picart, qui n'a évidemment jamais mis les pieds au Tibet et n'écrit qu'à partir des récits des voyageurs, pense que la réincarnation du Dalaï lama est recherchée avant la mort de ce dernier. Il croit également, comme beaucoup de monde avant lui, que le bouddhisme tibétain n'est qu'un christianisme dégénéré et que le Dalaï lama est le successeur du prêtre Jean.   
1742: Un Russe, Zaïaev, parvient à Lhassa..  
1745: Orazio della Penna est revenu à Lhassa avec une imprimerie portative. Mais, cette fois, l'opposition des lamas est telle que la mission doit se résigner à quitter le Tibet. La chapelle catholique sera rasée. 
1747: Mort de Pholhane. Il laisse un Tibet pacifié qui a repris une certaine influence dans l’Himalaya. Les relations du Pays des Neiges avec la Chine sont cordiales. La garnison chinoise de Lhassa est ramenée à 500 hommes.
Gyourme Yeshe Tsetsen, fils de Pholhane, accède au pouvoir. Il entre en conflit avec son frère cadet.
1750: Gyourme Yeshe Tsetsen fait assassiner son frère cadet. Il décide la formation d’une armée nationale et s’allie aux Dzungars. Il affiche ouvertement sa volonté d’évincer les Chinois du Tibet. La Chine jette du lest en renonçant à nommer le régent, mais les ambans ordonnent l'assassinat de Gyourme Yeshe Tsetsen. Une émeute éclate à Lhassa. Tous les Chinois sont massacrés, les deux commissaires impériaux en tête*.
Markham fait état de cette insurrection en 1749.
1751: La Chine exige le châtiment des meurtriers de ses représentants. Deux nouveaux commissaires arrivent à Lhassa suivis par une armée impériale. Les instigateurs de la révolte sont exécutés.
La Chine impose de nouvelles réformes. Le Tibet est doté d'un gouvernement central. Une certaine dose de collégialité est introduite. Au sommet de l'édifice, le Dalaï lama est assisté d'un conseil des ministres (kashag) de quatre membres (dont trois laïcs) désignés par le souverain. Une grande assemblée (gyadzom), composée de religieux, de fonctionnaires civils, de nobles, de commerçants et d'artisans, se réunit irrégulièrement. Elle dispose du pouvoir de destituer le régent qui dirige le pays durant la minorité du Dalaï lama. En dehors de cela, ses fonctions sont purement consultatives. 
1756: Le 7ème Dalaï lama se retire du monde et entreprend une retraite spirituelle.
1757: Mort du 7ème Dalaï lama, au Potala (Lhassa). La régence est restaurée.
Les Dzungars sont sévèrement étrillés par les troupes chinoises.
Selon l'écrivain Jamyang Norbu, au cours du 18ème siècle, les hautes tours de pierre de l'Himalaya et les forts de l'ancienne région de Gyalong (aujourd'hui préfectures de Ngaba et de Kardzé dans le Sichuan) jouèrent un grand rôle dans la défense des deux royaumes tibétains, indépendants et de religion Bön, de Rabden et de Tsanlha contre les forces impériales mandchoues soutenues par Lhassa et les Gelugpas. Mais les canons de l'empire eurent raison des forteresses. Jamyang Norbu voit dans ces tours la marque de l'habileté et de la science des Gyalongpas.


hibou ecrit Cette petite Emma est autiste mais a une voix merveilleuse

Le temps des régents 
Au cours de cette période, le pouvoir est presque toujours exercé par les régents. Le huitième Dalaï lama ne s'y intéresse pas. Les autres meurent trop jeunes pour l'exercer durablement. On soupçonne même un régent d'assassinat sur la personne de son maître. La Chine, d'abord dirigée par un grand empereur, Qianlong, cherche à accroître sa tutelle sur Lhassa. Mais, au cours du 19ème siècle, les révoltes intérieures et les guerres étrangères sapent l'autorité de l'empereur qui n'est plus en mesure d'intervenir avec autorité au Pays des Neiges. Les puissances coloniales, principalement l'Angleterre et la Russie, commencent à s'affronter au sujet du Tibet. La France s'efforce de pénétrer en Asie grâce à ses missionnaires. Les puissances occidentales imposent leur loi à la Chine, à la suite d'une série de guerres. Pendant cette période, l'image du Tibet en Occident est négative.
1758: Naissance du 8ème Dalaï lama, dans l'ouest du Tibet.
1759: Annexion par la Chine de la province du Sinkiang, le Turkestan chinois. Le Turkestan occidental est déjà sous la coupe des Russes. Anglais et Russes ne vont pas tarder à entrer en compétition au sujet du Tibet; ce sera l'époque du "Grand Jeu" pour les Britanniques et celle du "Tourbillon des Ombres" pour leurs adversaires, plus doués pour les allusions poétiques!
1762: Publication par Antonio Giorgi de "Alphabetum Tibetanum". L'auteur s'efforce de prouver, à partir des travaux d'Orazio della Penna, que le bouddhisme est dérivé du manichéisme. D'après le père Huc, cet ouvrage, rédigé par quelqu'un qui ne connaissait même pas l'écriture tibétaine, n'est qu'un bizarre fatras d'érudition. Les Occidentaux n'ont pas renoncé à l'idée de trouver au bouddhisme tibétain des origines qui leur soient familières.
Jean-Jacques Rousseau, dans son "Contrat social", fait allusion à la religion du Tibet "si évidemment mauvaise, que c'est perdre le temps de s'amuser à le démontrer.
1763-1767: Le roi d'Espagne envoie au Mexique le capucin Francisco de Ajofrin, avec sept autres religieux de son ordre, aux fins de récolter de l'argent pour relancer l'évangélisation du Tibet, le Mexique étant supposé plus généreux que l'Espagne. Ajofrin publie, en 1765, à Mexico, une lettre sur l'admirable conquête spirituelle du vaste empire du Tibet par les capucins, plusieurs années après l'expulsion des religieux catholiques du Royaume des Neiges.
1766: l'Autrichien Joseph Tieffenthaler indique sur une carte le Dolaghir, un très haut sommet toujours couvert de neige que l'on suppose être l'Everest. Ses mesures paraissent exagérées à ses contemporains. 
1768: Les Anglais commencent à envisager l'exportation de marchandises en direction du Tibet.
Pallas est désigné par l'Académie des Sciences de Saint-Pétersbourg pour faire partie, en qualité de naturaliste, de l'expédition scientifique chargée d'observer en Sibérie le passage de la planète Vénus sur le disque du soleil. Pendant six ans, il explore successivement le cours du Laïk, les bords de la mer Caspienne, les monts Oural et Altaï, les alentours du lac Baïkal jusqu'à la frontière chinoise, le Caucase et différentes parties de la Russie méridionale. Il en ramène une "Description du Tibet", publiée pour la première fois en 1776, qui n'est en fait qu'une transcription de récits de lamas tibétains vivant en Mongolie suivie d'une narration des fêtes et cérémonies qui eurent lieu entre le 22 juin et le 12 juillet 1729, dans le petit village d'Ourga, pour célébrer la réincarnation du Kutuktu (Bogdo-Gegheen). Le récit des voyage de Pallas a été publié dans une traduction française de Gauthier de la Peyronie en 1794 (cet ouvrage est consultable ici).
1769: Le chef des Gurkhas devient maître du Népal à l'issue d'une guerre civile particulièrement cruelle. Les voies de commerce traditionnelles entre l'Inde et le Tibet via le Népal se ferment au grand dam des Anglais.
1772: Des troubles surviennent dans les royaumes himalayens. Le Bouthan, sous tutelle tibétaine, envahit une région marécageuse du Bengale qui est mal défendue. Les troupes britanniques refoulent les assaillants. L'Angleterre et le Tibet sont au bord de la guerre.
1773: Des émissaires tibétains arrivent à Calcutta pour régler le différend. Les Tibétains rappellent aux Britanniques que le Bouthan est vassal du Tibet et que tout acte d'hostilité à son encontre entraînerait une réplique tibétaine. Un échange de cadeaux accompagne l’échange de points de vue.
1774: Les troupes du Bouthan sont vaincues. Le Panchen lama, qui dirige le Tibet pendant la minorité du Dalaï lama, demande aux Anglais de faire preuve de retenue et de respecter les frontières de son pays en laissant espérer la perspective d'un arrangement commercial.
Warren Hastings, gouverneur des Indes et la Compagnie des Indes orientales, mandatent George Bogle, accompagné de quelques autres personnes dont Alexander Hamilton, un assistant-chirurgien, pour se rendre auprès du Panchen lama, via le Bouthan, et si possible jusqu'à Lhassa, afin d'explorer les possibilités d'envoyer au Bouthan et au Tibet des marchandises impériales en échange d'or, d'argent, de musc et diverses autres productions locales dont la laine de chèvre, la fameuse "laine de châle" utilisée pour la confection des cachemires; cette laine est une sorte de duvet qui pousse en hiver sous la toison d'une variété de chèvres, les keel outus; on recueille cette laine par peignage l'été suivant. Hastings souhaiterait obtenir quelques couples de ces animaux, ainsi que d'autres bêtes et plantes du Tibet. Bogle est également chargé d'une mission d'investigation qui va le faire soupçonner d'espionnage; il est par ailleurs équipé d'un attirail européen inconnu au Tibet qui pourrait le faire passer  pour un magicien! En réalité, les Anglais rêvent d'entrer commercialement en Chine par la porte de derrière ce qui n'est pas du goût des autorités de Pékin.  
Cette expédition n'atteindra pas le but recherché. Bogle reviendra bredouille. Mais son bref séjour au Tibet en aura fait un ami fervent de ce pays. Il épousera une parente du Panchen lama et deviendra ainsi l'intermédiaire obligé entre ce dernier et les Britanniques. La mission britannique indisposera fortement la Chine qui estime que les relations extérieures du Tibet sont de son ressort, en vertu des traités. S'il faut en croireTurner, le Tibet était alors sous la dépendance de l'Empire du Milieu. Le Panchen lama, qui dirigeait le pays pendant la minorité du Dalaï lama, aurait d'ailleurs, d'après lui, été pro-chinois, ce qui est d'ailleurs habituel; mais la tutelle de la Chine était encore très légère. Ces assertions ne sont pas totalement compatibles avec celles de Bogle et, à la lecture des témoignages anglais, il est difficile de se faire une opinion définitive sur les rapports qui règnent entre le Tibet et la Chine à cette époque (une analyse détaillée du voyage de Bogle est ici).
1775: Construction d’une maison et d’un temple pour les pèlerins tibétains de passage à Calcutta. Hamilton, qui accompagna Bogle au Tibet, entreprend, sous l'égide de Warren Hastings, une série de plusieurs missions au Bouthan afin de préparer éventuellement une voie d'accès commerciale vers le Royaume des Neiges. 
Accord entre le Tibet et le nouveau maître du Népal. Il est décidé que la monnaie de mauvais aloi en provenance de ce pays sera échangée; cet accord ne sera jamais suivi d’effet. Les relations entre les deux pays vont se détériorer. Il est probable que le maître du Népal ne voit pas d'un bon oeil l'amorce de relations tentées entre les Britanniques et le Panchen lama, lesquelles risquent de menacer le monopole commercial du royaume himalayen entre le Tibet et les Indes. (Voir ci-dessus 1645 ). Au cours du siècle, le Népal va mettre la main sur le petit royaume du Mustang, dont la population est tibétaine, et qui était jusqu'alors sous la tutelle de Lhassa.
1777: Le 8ème Dalaï lama refuse d'assumer le pouvoir temporel qui reste provisoirement aux mains du régent.
1779: Ayant appris que le Panchen lama avait été convié à se rendre à Pékin, les Anglais décident d'envoyer Bogle le rejoindre dans la capitale chinoise. Ils espèrent en effet que le dignitaire bouddhiste pourrait utilement servir d'intermédiaire entre l'empereur de chine et leur émissaire. Malheureusement, le Panchen lama meurt de la variole quelques temps plus tard et cette nouvelle tentative de pénétration britannique n'a pas plus de succès que les précédentes. Bogle décède d'ailleurs lui aussi en novembre 1782. 
1780: Les frères du Panchen lama, dont l'un est le 10ème Sharmapa, de la lignée des régents karmapas, se disputent la fortune du monastère de Tashilhunpo (Shigatse). Les Panchem lamas, proches de Pékin, ont accru leur influence politique.
Mort du docteur Hamilton.
1781: Le 8ème Dalaï lama accepte enfin d'assumer l'intégralité de ses fonctions; après lui, pendant un siècle, aucun autre Dalaï lama n'exercera plus le pouvoir; les régents vont devenir tout puissants. La construction du palais d'été (Norbulingka) est entreprise.
1782: Découverte de la réincarnation du Panchen Lama dans la famille du Dalaï lama. Le 10ème Sharmapa s'enfuit au Népal. D'après Turner, il soupçonne les Chinois d'avoir tué son frère le Panchen lama et craint d'être la prochaine victime. 
1783: Trois Anglais, Turner, Saunders et Davis, accompagnés de serviteurs, se rendent à Tashilhunpo pour féliciter le Panchen lama de sa réincarnation. Ce voyage, qui n'eut pas d'autre résultat que protocolaire, fit l'objet d'un récit publié à Londres, en 1800, (Ambassade au Tibet et au Bouthan). On y apprend que la mère du Panchen lama chantait bien et qu'elle se plaignait de ne pas pouvoir manger de viande, ni boire d’alcool, tant qu'elle allaitait son fils.
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Le pont à chaînes de Chouca tel que Turner l'a vu (source: B. N.)
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Voici dans quelles conditions s'effectua le périple. Samuel Turner était au service de la Compagnie des Indes lorsque le gouverneur général du Bengale, Warren Hastings, son cousin, lui confia cette mission. Turner arriva le 1er juin à Tassisudon (Thimphu), capitale du Boutan. Il obtint l'autorisation de franchir la frontière et parvint le 19 septembre à Tashilumpo, résidence du Panchen lama, où il rencontra le régent. Il fut présenté au jeune lama, au monastère de Terpaling, au début de décembre. Ensuite, il retourna à Calcutta où il arriva, en mars 1784, avec un accord commercial en poche qui ne fut jamais vraiment appliqué en raison des réticences chinoises (un résumé plus complet de ce voyage est ici).  
1784: Herder, dans "Idées sur la philosophie de l'histoire de l'humanité", émet l'hypothèse que la religion du Tibet n'a pas pu naître dans un environnement aussi rude et qu'elle provient certainement d'un climat plus favorable. Il conclut: "Si une religion sur terre doit mériter les qualificatifs de monstrueux et d'incohérent, c'est la religion du Tibet."
1785: Le gouverneur du Bengale envoie au Tibet un nouvel émissaire en la personne d'un religieux hidou nommé Pourungir qui en ramènera le récit de l'intronisation du Panchen lama (voir le récit de Pourungir ici). Mais l'empire des Indes perd bientôt son premier gouverneur-général, Warren Hastings. Les tentatives de pénétration anglaise au Tibet vont être mises en sommeil par ses successeurs qui ont d'ailleurs d'autres sujets de préoccupation plus pressants au cours des décennies suivantes, leur domination sur le sous-continent étant mise en cause par des rébellions. Bogle a bien laissé derrière lui un partisan du commerce avec l'Angleterre, dans l'entourage du Panchen lama, mais, après le décès de ce dernier, ce personnage est écarté de la scène politique tibétaine.
1788: Les Gurkhas du Népal pénètrent au Tibet. Par l'entremise du Sharmapa, un accord est trouvé entre les belligérants. Il impose au Tibet une lourde indemnité de guerre (11 tonnes d'argent par an); le Tibet n'honorera pas sa signature et ce sera une nouvelle cause de conflit. Le protecteur chinois s'est montré pusillanime et a incité ses protégés tibétains à faire preuve de souplesse face aux exigences népalaises; ce premier signe de faiblesse de l'empire chinois en annonce d'autres. 
1791: Début de la régence de Lobsang Tenpei Goeunpo du monastère de Kundeling. 
Les Gurkhas envahissent à nouveau le Tibet pour l'obliger à tenir ses engagements. Tashilhunpo, dont les richesses sont l’objet de leur convoitise, est pillé. Le Dalaï lama s’apprête à fuir de Lhassa. 
L'empereur mandchou Qianlong dépêche une armée de 15000 hommes qui aide les troupes tibétaines à refouler les envahisseurs jusqu'à Katmandou. La victoire tibéto-chinoise, et la présence militaire mandchoue sur les hauts plateaux, donnent à l'empereur l'occasion de renforcer sa tutelle sur le Tibet. D'après Turner, le Sikkim demande même à bénéficier aussi du protectorat chinois. L'Angleterre, qui avait entrouvert une porte, la voit se refermer d'autant plus hermétiquement que les Chinois la suspecte d'être derrière les entreprises des Gurkhas. L'armée chinoise, supérieure en nombre, a écrasé ces derniers. Pour ce faire, elle s'est servi de canons en cuir rapidement hors d'usage mais plus faciles à transporter à travers les montagnes. On dit que son général n'a pas hésité à faire tirer de l'arrière sur ses propres troupes pour les inciter à avancer plus vite. 
Quoi qu'il en soit, les Anglais, tirant les conséquences de la nouvelle situation, reportent leur intérêt sur le Népal, pour contenir et refouler les belliqueux Gurkhas, et sur le Sikkim ainsi que le Bouthan, ce dernier pays étant travaillé par des dissensions internes; il en résulte une longue suite de conflits et de rectifications de frontières au profit de l'empire des Indes. Les Anglais considèrent le Sikkim et le Bouthan, toujours tributaires du Tibet, comme des pays à demi sauvages où l'esclavage est pratiqué.   
1792: Décès du 10ème Sharmapa (suicidé ou empoisonné?). On le soupçonnait d'être l'instigateur du pillage de Tashilumpo. L'invasion des Gurkhas était perçue comme une vengeance du Sharmapa contre les Dalaï lamas coupables d'avoir profité des crimes commis par les Mongols de Gushri khan pour évincer les Kaguypas. La lignée du Sharmapa est supprimée.
Pour commémorer la victoire sur les Gurkhas, le temple Guan Yu est édifié sur la colline Mopan, au centre de Lhassa, en l'honneur de l'armée envoyée par l'empereur de Chine.
Qianlong rédige ses "Déclarations sur les lamas". Il y expose que son soutien à l'école gelugpa vise uniquement à maintenir la paix parmi les peuples des steppes mais qu'il n'est pas disposé à aduler les prêtres tibétains comme ses devanciers mongols. La relation traditionnelle qui existait entre l'empereur et le Dalaï lama n'est donc plus, aux yeux de l'empereur mandchou, qu'un élément de sa stratégie politique. Par ailleurs, l'empereur de Chine s'oppose avec fermeté aux tentatives anglaises qui souhaiteraient nouer des relations commerciales avec l'empire du milieu: ce dernier n'a pas besoin des produits de l'étranger! La Chine reste fermée à l'Occident et, par voie de conséquence, le Tibet aussi puisque, pour Qianlong, il fait partie de la Chine.
1793: La frappe des pièces tibétaines est retirée au Népal. La monnaie du Tibet sera désormais fabriquée à Lhassa. 
Une nouvelle constitution est imposée par la Chine au Tibet. Le Pays des Neiges est soumis à une forme de protectorat. La nouvelle constitution s'étend même aux affaires religieuses. Elle réforme le mode de désignation des réincarnations de façon à ce que la sélection échappe aux luttes de clans. L’empereur de Chine, qui s'étonne que les tulkou soient toujours trouvés dans les mêmes familles nobles, souhaite que le choix s'effectue par tirage au sort et qu'il lui soit soumis pour approbation. Mais ces changements resteront lettre morte. Pékin est trop loin et la Chine n'est pas assez puissante pour faire triompher ses vues.
Qianlong a été initié au Kalachakra. Les empereurs mandchous suivront sa voie et se considéreront comme les chefs du bouddhisme en Chine se plaçant ainsi en concurrents directs des Dalaï lamas. 
Le frère d’un favori de Qianlong devient amban. Il nommera et destituera les notables de l’État. Le Dalaï lama et le Panchen lama devront passer par son intermédiaire pour s’adresser à l’empereur.
Les étrangers qui entreront au Tibet devront être munis de passeports délivrés aux frontières par les autorités chinoises.
Ces réformes visent moins à réduire les pouvoirs des pontifes et de leurs ministres qu’à affaiblir l’influence d’une puissante famille tibétaine qui cumule postes et honneur, même au-delà des frontières puisque l’un de ses membres est devenu Kutuktu en Mongolie. Le Fils du Ciel redoute qu’une alliance entre les peuples des steppes ne menace encore une fois son empire.
La Chine voudrait également mettre fin aux pratiques tibétaines en matière de funérailles qu’elle juge bestiales. Elle souhaiterait généraliser l’enterrement. Cette réforme se heurte à une franche hostilité de la population qui regarde comme une profanation le fait d’enfouir des cadavres dans le territoire des divinités chthoniennes. Elle ne sera jamais appliquée.
1794: Délimitation des frontières entre le Tibet, le Népal, le Bouthan et le Sikkim.
1795-1796 (an 4): publication en France des Voyages au Tibet, faits en 1625 et 1626, par le père d'Andrade, et en 1774, 1784 et 1785, par Bogle, Turner et Pourunguir, traduits par J. P. Parraud et J. B. Billecocq (cet ouvrage est consultable ici).
1796: Abdication de Qianlong. Il a porté la puissance de l’empire chinois à son apogée. Jiaqing lui succède.
L’empire ne va pas tarder à entrer en crise. Une révolte des Miaos éclate au Sichuan, au Hunan et au Guizhou. La secte du Lotus blanc ensanglante le Sichuan, le Henan et le Shanxi. La Chine ne va bientôt plus être en mesure d'assurer le protectorat du Tibet.
1798-1799: Guerre du Mysore. L’empire britannique est contesté en Inde. 
1803: Guerre des Marathes, toujours contre les Britanniques, en Inde. 
1804: Mort du 8ème Dalaï lama, au Potala (Lhassa). On a vu le peu d'intérêt qu'il manifestait pour le gouvernement du Tibet. Le régent devient le plus haut dignitaire politique du pays.
1805: Naissance du 9ème Dalaï lama, à Dokam Danchu Khor. 
Le fils d’un ministre évincé lors de la guerre contre les Gurkhas accède à son tour au ministère, sous la pression d’un nouvel amban. Une enquête, diligentée à la demande de Jiaqing, révèle que la protection de l’amban a été achetée. Les coupables et leurs proches sont punis.
1807: Le Traité de Tilsitt, qui concrétise le renversement des alliances en Europe, transforme la Russie et l'Angleterre en rivales en Afghanistan amorçant ce que l'on appellera Le Grand Jeu, expression qui symbolise l'opposition des deux puissances en Asie.
1808: Le nouveau Dalaï lama est intronisé.
Le régent administre le Tibet au mieux de ses possibilités. Il fait face à des insurrections à la frontière est du pays, dans des zones passées sous contrôle chinois au début du siècle précédent. Les troubles intérieurs qui divisent la Chine interdisent à l’empereur toute possibilité d’intervention sérieuse au Tibet. Ce pays recouvre partiellement son indépendance.
J. Reuilly, auditeur au Conseil d'État, membre de la Légion d'Honneur, sous-préfet de Soissons, correspondant de l'Institut, publie une Description du Tibet inspirée de conversations en Crimée et de la traduction d'un ouvrage en allemand rédigé par Pallas (voir ci-dessus) qui tenait ses informations de lamas tangoutes assimilés à des Tibétains*. A côté de renseignements assez exactes, on trouve dans cet ouvrage de seconde main beaucoup d'erreurs et d'approximations. Les Occidentaux résistent difficilement au penchant naturel qui les conduit à analyser les religions des peuples orientaux à partir des croyances et des rites chrétiens. On retiendra de ce livre l'existence du Kutuktu, Bogdo-Gegheen de Mongolie et du Dalaï lama, du Potala, du Jokhang, de Drepung et de Sera, affublés de noms fantaisistes. Les excréments et l'urine du Dalaï lama sont soigneusement recueillis pour fabriquer des médicaments ce que d'autres sources confirment. Le rite de la bénédiction par le Dalaï lama semble décrit assez fidèlement. Le Tibet est présenté comme un pays loin d'être dépourvu de ressources, notamment minières (or et argent), ce qui est vérifié. Ce pays est réputé placé sous la tutelle chinoise depuis très longtemps, à une date qui remonterait au 12ème siècle, à l'exception du sud qui jouirait d'une plus grande autonomie. Les empereurs de Chine auraient accordé des titres à des lamas au cours des siècles; il leur est arrivé de mander en Chine le Dalaï lama pour exercer sur lui de fortes pressions et même de susciter de faux Dalaï lamas pour intervenir dans les affaires politiques et religieuses du Tibet, en accord avec des factions de ce pays (ce qui n'est pas totalement faux). On soupçonne l'empereur Qianlong d'avoir assassiné le Panchen lama parce qu'il se montrait trop favorable au Anglais (Turner le laisse aussi entendre). Le Dalaï lama aurait décidé de ne pas se réincarner après sa mort. La description de la vie monastique comporte des traits véridiques (rosaires, moulins à prière, existence d'ermites, de moines mariés et de moines voués au célibat sans que l'auteur n'explicite cependant pourquoi...). Les fêtes qui rythment l'année sont rapportées rapidement mais assez fidèlement. La cérémonie du mariage est décrite succinctement mais de manière réaliste le futur époux allant chercher sa promise chez ses parents en cortège. Mais l'ondoiement à la naissance est assimilé à une sorte de baptême et la présentation des divers types de funérailles est confuse et visiblement incomprise, sans parler des messes dites par les lamas pour le repos des âmes! La polyandrie est présentée comme une déviance, ce qui est faux. Le Dalaï lama enverrait, dans les pays soumis à son influence religieuse, des indulgences rédigées dans les trois langues: chinoise, mongole et tangoute, c'est-à-dire tibétaine, selon la confusion entretenue par l'auteur de l'ouvrage; en échange de cadeaux, ces indulgences apporteraient à leurs bénéficiaires le bonheur dans cette vie et le salut dans l'autre, concepts chrétiens qui n'ont que de lointains rapports avec ceux du bouddhisme. L'ouvrage décrit ensuite d'interminables et somptueuses festivités qui se tinrent à Ourga, en Mongolie, en présence du Kutuktu, dont on retiendra seulement les joutes de lutteurs et de tireurs à l'arc ainsi que les courses de chevaux. Le livre se termine sur une Description géographique du cours du fleuve Anadyr et des ruisseaux qui s'y jettent. Bref, cette Description du Tibet, rédigée par une personne qui n'y est pas allée, si elle n'est pas complètement dépourvue d'intérêt, doit être utilisée avec précaution. Elle a au moins le mérite de montrer quelle image on avait du Royaume des Neiges en France sous l'Empire.
* Une remarque: d'après Markham, les Tibétains appelaient la région qu'ils habitaient le pays de Bod; ce sont les Occidentaux qui lui auraient donné successivement les noms de Tangut puis de Tibet.
1810: Un nouveau régent, Thoubten Djigmé Gyamtso, entre en scène. Il remet en cause les règlements de 1793. Aucune marchandise étrangère ne peut plus pénétrer au Tibet.
1811: Un scientifique anglais, Thomas Manning, tour à tour mathématicien, ingénieur et médecin, se met en tête de se rendre en Chine après en avoir appris la langue. Comme l'entrée du pays lui est interdite, l'idée lui vient de passer par le Tibet, où on ne l'attendra pas. Grâce à ses connaissances en médecine, il se lie d'amitié avec un général chinois, ce qui facilite grandement son équipée.  
La peinture qu'il donne du Tibet est intéressante à plus d'un titre. D'abord, il insiste sur la malpropreté des Tibétains. Ensuite, il met en exergue l'omniprésence des Chinois. Dans chaque ville réside un mandarin et une garnison de soldats chinois. Les relais de poste sont chinois. Les mariages mixtes sont nombreux. Les Chinois se comportent au Tibet comme en pays conquis. Mais cela ne gêne que très peu Manning, admirateur de la civilisation chinoise, qui apprécie peu les Tibétains.  
Sa description de Lhassa n'est pas enthousiaste, loin de là. Le Potala lui est apparu imposant, mais quelque peu délabré. La route grouille de moines et de mendiants. La ville, de dimension médiocre, est noire de suie et de crasse. Ses rues sont pleines de chiens mâchonnant de vieilles peaux qui dégagent une odeur de charnier. Beaucoup sont malades ou boiteux. Les rires de la population ont quelque chose d'hallucinant.  
Manning rencontre le jeune Dalaï lama et son régent; il leur offre des chandeliers et une bouteille d'eau de Cologne bon marché; mais la bouteille se brise inopportunément. Notre Anglais fait état d'une rixe ayant dégénéré en émeute anti-chinoise qui s'est produite avant son arrivée à Lhassa; cet événement n'a pas été rapporté fidèlement à Pékin et un mandarin a même été exécuté pour avoir refusé de contresigner le rapport mensonger rédigé par ses collègues. Manning exerce la médecine; il a la chance de soigner deux jeunes femmes tibétaines si belles qu'il en a le pouls déréglé! Un de ses patients étant malencontreusement décédé, les affaires tournent mal pour lui. Il se trouve à court d'argent et en est réduit à vendre une partie de ses bagages. La fatalité s'acharne sur notre explorateur. Il se sent abandonné par la fortune et craint d'être exécuté par les Chinois qui le soupçonnent de cacher ses véritables desseins. Finalement, il s'en tire et, pour garder sa tête sur ses épaules, après quelques mois seulement de séjour sur le Toit du Monde, il regagne les Indes au lieu de se rendre à Canton en traversant la Chine, but de son voyage. Son journal sera publié en 1876.
L'équipée de Manning montre au moins que, si la frontière du Tibet est toujours officiellement fermée aux étrangers, un individu entreprenant peut tout de même pénétrer dans le pays et même arriver jusqu'à sa capitale, à condition de parler chinois (Une analyse plus détaillée du voyage de Manning est ici).  
1811 (ou 1812): Un vétérinaire anglais, Moorcroft, un officier de l'armée du Bengale et un pandit, accompagnés de 50 coolies, franchissent l'Himalaya, vers la lac Manasarovar et le mont Kailash. Moorcroft ne perd aucune occasion de lutiner les bergères locales. Il est vrai que, pour tromper la vigilance des gardes-frontières, il se déguise lui même en berger ou en pèlerin. Cette supercherie ne sert à rien. Arrêtés par les Tibétains, lui et ses compagnons sont détenus au Dava Dzong, près du fleuve Sutlej. Grâce à l'appui d'une tribu, celle des Bhotia, ils finissent par trouver le moyen de s'enfuir en Inde. L'Anglais poursuit bien sûr d'autres buts que la seule satisfaction de ses appétits sexuels. Il cherche à ouvrir une voie commerciale entre l'Inde et le Tibet. Chemin faisant, il s'est rendu compte que les Russes s'intéressaient eux aussi au Tibet, et peut-être également aux Indes. Mais ses avertissements aux autorités britanniques resteront pour le moment sans suite.
1813: Nouveau soulèvement de la secte du Lotus (ou nénuphar) blanc dont les affidés parviennent jusqu’aux portes de Pékin. 
1814: Guerre entre le Népal et la Grande-Bretagne. Les Britanniques chassent les Gurkhas du Sikkim, territoire sous la tutelle du Tibet et par conséquent vassal de la Chine. L'Angleterre va obtenir la nomination d'un résident au Népal. Hodgson occupera ce poste de 1816 à 1829. Il réussira à nouer des relations épistolaires avec le Dalaï lama et en obtiendra de précieux documents sur les missions chrétiennes à Lhassa au cours du siècle précédent.  
1815: Mort du 9ème Dalaï lama, au Potala, d’une pneumonie. A peine âgé de 10 ans, il n'a pas eu le temps de régner.
1816: Naissance du 10ème Dalaï lama, à Pobor Gang.
Plusieurs tulkou étant candidats à la succession du pontife décédé, l’empereur de Chine, dans un sursaut d’autorité, exige que son choix résulte du tirage au sort.
1817: Manning, sur le chemin du retour en Angleterre, s'arrête à Sainte-Hélène où il rencontre Napoléon; il se souvient que l'Empereur déchu l'a autorisé à rentrer en Angleterre après la rupture de la paix d'Amiens.
1819: Un nouveau régent, Tsomeuling Ngawang Djampel Tsultrim, fait son apparition. Il est affecté par des crises de folie passagères. Le pouvoir passe partiellement entre les main d’un ministre influent, Shatra Teundroup Dordje, qui est aussi chef de guerre.
Moorcroft repart, cette fois pour une mission d'espionnage, dans les pays qui bornent le Tibet du côté de l'ouest.  
Chemin faisant, il rencontre un Hongrois, Alexandre Csoma. Ce dernier est dans la région pour y étudier les langues orientales. Il espère remonter jusqu’aux origines de sa langue maternelle. Il va se fixer dans la région et y mourra en 1842, sans être parvenu à Lhassa. Entre temps, vivant comme un ermite, il se plonge dans l'étude et la traduction des textes tibétains. Ayant fait la connaissance d'un collectionneur érudit anglais, Brian Hodgson, il obtient un emploi de bibliothécaire à Calcutta et publie, en 1834, deux ouvrages importants: un "Essai d'un dictionnaire tibétain-anglais" et une "Grammaire de la langue tibétaine". Csoma n'a jamais visité le Tibet et il est pourtant, parmi les Occidentaux, celui qui l'a sans doute le mieux connu. 
1820: Disparition de l’empereur Jiaqing.
Dans son "Abrégé de l'Histoire Générale des Voyages", Laharpe consacre un chapitre relativement long au Tibet. Il distingue trois Tibet, à savoir le Ladakh, le Bouthan et le Tibet proprement dit. On trouve dans cette narration beaucoup de traits piquants, dont certains sont exacts et d'autres plus ou moins sujets à caution. Le caractère sacré des excréments et de l'urine du Dalaï lama y est une nouvelle fois rapporté (voir ci-dessus 1667et 1741). Mais, l'auteur n'ayant jamais mis les pieds au Tibet, son texte n'est qu'une compilation de récits des voyageurs, missionnaires ou émissaires des puissances européennes, qui se sont rendus sur le Toit du Monde et dont la plupart ont été présentés ci-dessus (Marco Polo, Andrade, Grueber, della Penna, Desideri, Pallas, Bogle, Turner...).
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Lhassa au début du 19ème siècle 
D'après Nikita Yakovlevich Bichurin, un missionnaire sinologue russe
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1821: Daoguang devient empereur de Chine. 
Sous la Restauration, un industriel, Ternaux, tente d'introduire en France la chèvre du Tibet pour se procurer à bon compte la matière première nécessaire à la confection des châles du Cachemire.
1827: Une réforme de la fiscalité de Pholhane est entreprise. Elle vise à soumettre à l’impôt les nouvelles terres mises en culture. Les notables, qui garnissent les rangs de l’administration et de l’armée, sont dégrevés. Les inégalités sociales en sortent renforcées.
1828: Shatra Teundroup Dordje se rend à l’ouest du Tibet et au Ladakh pour y contenir la révolte d’un chef mongol.
1830: Kanam Depa, roitelet tributaire du Tibet, refuse de payer sa redevance. Son pays est à la frontière de la Chine et de l’Assam britannique. Le risque d’extension du conflit est donc loin d’être négligeable.
1832: Victor Jacquemont écrit, dans une correspondance, à propos des traductions de Csoma: "C'est à dormir debout: il y a une vingtaine de chapitres sur la chaussure qu'il convient aux lamas de porter. Entre autres platitudes extravagantes dont ces livres sont remplis, il est défendu aux prêtres de prendre la queue d'une vache pour s'aider à passer à gué une rivière rapide. Il ne manque pas de dissertations profondes sur les propriétés de la chair des griffons, des dragons ou des licornes, et sur les vertus admirables de la corne des chevaux ailés. A juger de ce peuple par ce que j'en ai vu, et par ce que les traductions de M. Csoma en font connaître, on dirait un peuple de fous ou d'idiots.
1834: Fondation du monastère bönpo de Yundrung Ling au Tibet central.
Les Drogpas, inféodés aux dirigeants de l’État que les Sikhs ont constitué au Cachemire, au Penjab et au Jammu, entrent au Ladakh, conduits par Zorawar Singh. Des milliers de réfugiés affluent au Tibet. Une guerre cruelle, qui coûtera la vie à 15000 sujets du roi descendant des anciens empereurs du Tibet, se déroulera jusqu'en 1842. Le monarque vaincu sera déposé et placé en résidence surveillée, à proximité de sa capitale. Les trois quart des moines seront contraints de s'exiler au Tibet par les nouveaux maîtres du pays qui pensent ainsi assujettir la population du royaume.
Tension entre le Sikkim, dominé par l'école des coiffes rouges, et le Tibet, son tuteur, dirigé par l'école des coiffes jaunes. Les britanniques servent de médiateurs.
1835: Une armée tibétaine de plusieurs milliers d’homme, aidée par l’amban, entre en lice contre Kanam Depa.
Mort à Paris de Julius Klaproth, cet Allemand, qui accompagna un ambassadeur de Russie à Pékin en 1805, a laissé une traduction d'un dictionnaire historique et géographique de Chine dans laquelle sont décrites des régions du Tibet.
1837: Mort du 10ème Dalaï lama, au Potala (Lhassa). Il décède peu après avoir atteint sa majorité, dans des circonstances suspectes; le régent est soupçonné d’assassinat; d'après Markham, il pourrait être à l'origine de la mort des trois derniers Dalaï lamas. Ce personnage trouble, soutenu néanmoins par une grande partie du clergé tibétain, aurait été originaire du Gansu. Tous les pouvoirs reposent désormais sur sa tête fragile.
1838: Naissance du 11ème Dalaï lama (1838-1855), à Domie Garther. Son choix s'effectuera uniquement par tirage au sort, selon la volonté de la Chine, et l'on murmurera qu'il n'y avait que son nom dans l'urne d'or qui servit à la cérémonie. Le régent attendra quatre ans avant d'annoncer cet heureux avènement.
Mort de Kanam Depa. Le Tibet recouvre la tutelle de son fief.
1839: Début de la première guerre de l’opium. Au nom du libre échange, l’Angleterre entend imposer à la Chine l’achat de l’opium provenant de ses colonies de l’Inde. La Chine refuse de se soumettre à une exigence qui se traduirait par l’intoxication de sa population, sa dégénérescence et qui, au final, entraînerait sa soumission aux puissances occidentales.

Le Bouthan enlève une douzaine de ressortissants anglais.
1841: Les Drogpas, qui ont envahi le Ladakh, pénètrent à l’ouest du Tibet. Les Tibétains doivent faire face sans le secours des Chinois. Ils finissent par triompher mais leur adversaire, Zorawar Singh, qui a péri dans les combats, entre dans la légende. Ses prouesses vont être colportées à travers la région jusqu’au 20ème siècle. Le succès des troupes tibétaines va être à l'origine de la fortune politique de Shatra Wantchoung Gyelpo.
Le Bouthan saisit cinq villages de l'empire des Indes. 
1842: Intronisation du nouveau Dalaï lama par le Panchen lama qui fut rencontré enfant par Turner; ce dignitaire religieux tibétain jouit d'une grande popularité qui s'étend jusqu'en Mongolie.
Les Tibétains prennent l’offensive au Ladakh. Ils se heurtent à des troupes armées de fusils et de canons britanniques. Leurs épées, leurs lances, leurs mousquets à mèche et leurs incantations ne font plus le poids; ils doivent se replier. Mais la leçon ne sera pas retenue. Le Tibet règle seul son différend avec les Drogpas. La compétence chinoise, en matière d’affaires étrangères, est purement et simplement ignorée. La Chine, qui sort avec difficultés de la guerre de l’opium, garde le silence. Les frontières du traité de 1684 sont confirmées.
Les Anglais essuyent une terrible défaite en Afghanistan qui met provisoirement un terme à leur velléités d'expansion en Asie centrale. De nouvelles incursions bouthanaises ont lieu au Bengale; elles dureront jusqu'en 1856.
Le Traité de Nankin met fin à la première guerre de l’opium. La France et les États-Unis exigent leur part du gâteau. La Chine, vaincue, doit s’incliner. Des concessions sont attribuées aux puissances occidentales qui prennent pied dans l’empire du milieu. C’est le début d’une colonisation qui n’ose pas encore dire son nom. La population rend la dynastie mandchoue responsable de cette situation. Des troubles vont déchirer l’empire du milieu jusqu’à la victoire des communistes en 1949.
1843: Publication par Isaac Jacob Schmidt d'une traduction en français du "Sûtra du sage et du fou".  
1844: Le régent du Tibet, qui a pris goût au pouvoir, affiche une attitude de plus en plus provocante. Il ne se déplace plus qu’accompagné du faste réservé au Dalaï lama. La population de Lhassa est choquée. Il favorise le monastère de Sera au détriment de Drepung et de Ganden. Les grands monastères se révoltent et sollicitent l’arbitrage de l’empereur de Chine. Celui-ci délègue un nouvel amban: Qishan; Qishan est, en fait, éloigné de la cour pour lui permetre de se racheter car il est tenu pour responsable des conséquences désastreuses de la guerre de l'opium. Il dépose le régent qui est exilé après avoir reconnu ses crimes sous la torture. Sera entre en rébellion. La révolte est mâtée par les troupes sino-tibétaines. Comme il n’y a plus de régent et que le Dalaï lama est encore mineur, l’amban demande au Panchen lama d’exercer le pouvoir. Ce dernier accepte, non sans réticence, pour restaurer la cohésion des Gelugpas. Le choix des régents passe des monastères d'où ils étaient jusqu'alors issus aux monatères réputés favorable à la Chine. 
Signature du  traité de Whampoa entre la France et la Chine. Ce traité permet aux Français de commercer avec les Chinois dans cinq ports différents. Il favorise aussi les missions chrétiennes. La religion catholique est désormais tolérée en Chine. C’est une des conséquences de la guerre de l’opium. 
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Le père Huc déguisé en Chinois
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Deux missionnaires Français, les pères Huc et Gabet, se dirigent vers le Tibet, déguisés en moines gelugpas, dans l'idée d'aller frapper le bouddhisme à sa source, c'est-à-dire à Lhassa résidence de son pape. Partis de Mongolie, ils assistent, médusés, à la fête des fleurs au monastère de Kumbum. L'affluence des pèlerins les impressionne vivement. Huc croit découvrir, dans l'habillement des moines et certains détails du rituel bouddhique, des éléments qui font penser au christianisme. Toutefois, la religion tibétaine ne peut être que diabolique aux yeux d’un chrétien. Les deux hommes traversent l'Amdo en compagnie de la caravane envoyée par le Dalaï lama à Pékin, avec des cadeaux destinés à l'empereur, laquelle revient dans son pays. Cette caravane est attaquée par des brigands. Ces derniers se contentent de l'intimider. Ils respectent les présents destinés au Dalaï lama et ne pillent que ceux qui s'en vont à Pékin. Il n'y a pourtant pas de quoi être rassuré. Ne dit-on pas que les Goloks dévorent le coeur de leurs victimes? Gabet tombe malade et il faut l'attacher à sa monture. (L'itinéraire du père Huc est ici ). 
A l'est du Bouthan, les Anglais passent un accord avec la tribu des Tawang Butheas, vassale du Tibet, qui renonce à ses prétentions sur une partie de l'Assam en échange du versement d'une pension annuelle.
1845: Un nouveau régent est nommé: Ngawang Yeshe Tsultrim Gyaltsem du monastère de Reting. L’homme fort du pays est Shatra Wantchoung Gyelpo, auréolé de gloire après le semblant de victoire remporté sur les Drogpas. 
1846: L’autorité de Gulâb Singh sur le Cachemire et le Jammu est reconnue par les Britanniques. Il dirige un État à demi indépendant. 
Après bien des péripéties, Huc et Gabet arrivent mal en point dans la capitale du Tibet. Les missionnaires s'y installent comme ils peuvent. La description que le père Huc donne de la cité n'est pas très éloignée de celle de Thomas Manning. Les rues sont larges et bien alignées, mais deviennent boueuses dès qu'il pleut. Il n'y a pas d'égouts. Les fenêtres sont en forme de trapèze. Les murs sont chaulés. L'intérieur des maisons est extrêmement sale. Il y règne une odeur de fumée, de bouse, d'excréments humains et de pourriture. Pendant le jour, les rues grouillent d'une foule composite, de Tibétains et d'étrangers, où abondent mendiants et moines. Les femmes portent des bijoux et sont barbouillées de graisse noire, pour se protéger du soleil. Les Cachemiriens musulmans sont commerçants. Les Chinois sont commerçants, fonctionnaires ou soldats. Les Tibétains les méprisent mais leur tirent toutefois la langue, en signe de respect, lorsqu'ils les croisent. Huc reconnaît tout de même que le Potala mérite son renom. Les grandes sculptures colorées, en beurre de yack, détruites sitôt finie la cérémonie pour laquelle elles ont été réalisées, suscitent son admiration. 
Enregistrés à la police, Huc et Gabet sont bientôt reçus affablement par Shatra Wangtchoug Gyelpo. Ils se préparent donc à convertir les âmes. Mais quelques jours plus tard, ils reçoivent, à plusieurs reprises, la visite d'individus visiblement chargés de les espionner. Ils finissent par être convoqués chez l'amban Qishan qui les interroge et les place sous surveillance jusqu'au lendemain. Ils sont alors reconduits chez eux par les officiels chinois et tibétains. Un officier à cheval et en armes les précède. Une foule de badauds les accompagne. Leurs bagages sont emmenés jusqu'au tribunal où on les fouille pour en examiner le contenu. La découverte de petites cartes imprimées aurait pu leur être fatale. Le représentant du pouvoir chinois soupçonne en effet les Français de se livrer à des activités d'espionnage et de procéder à des relevés topographiques pour préparer une invasion. Mais Huc a l'idée de flatter la vanité de l'amban: une personne aussi instruite que lui ne peut pas se méprendre et confondre des cartes imprimées à l'étranger avec des dessins réalisés au Tibet. La ruse du père Huc réussit et les deux lamas du Seigneur des cieux d'occident en sont quittes pour la peur. Ils commencent à évangéliser. Mais les quelques succès qu'ils remportent auprès des Tibétains sont dus à la faconde du père Huc et à son art de décrire les merveilles techniques européennes plutôt qu'à la religion. Leur répit n'est d'ailleurs que de courte durée. A quelque temps de là, définitivement convaincus d'espionnage, ils sont expulsés du Tibet, sur ordre de Qishan. Le voyage du retour, par la route du sud, est particulièrement périlleux. Des bêtes de trait et des hommes y laissent la vie. De plus, une fois éloignés des lieux les plus fréquentés, les Tibétains ne se gênent plus pour manifester leur animosité à l'encontre des deux religieux et de leur escorte; les soldats chinois, pourtant fortement armés, ne sont pas tranquilles.  
Revenu à Macao, son point de départ, Huc rédige le récit de son voyage qui paraît en France en 1850 sous le titre "Souvenir d'un voyage dans la Tartarie, le Tibet et la Chine pendant les années 1844-1845". Cet ouvrage se lit encore avec intérêt malgré les préjugés chrétiens qui s'y manifestent (une version électronique de ce texte est  ici). Un second ouvrage "Le christianisme en Chine, en Tartarie et au Thibet" le complétera quelques années plus tard. De ces deux ouvrages ont peut tirer les enseignements suivants: 1°)- Tout d'abord, le Tibet n'est pas la Chine, mais le représentant de ce dernier pays, protecteur du Tibet, n'en exerce pas moins une influence prépondérante au Pays des Neiges; c'est lui qui obtient le départ des deux missionnaires français contre la volonté du régent qui dirige le gouvernement tibétain. 2°)- Les lamas rencontrés par Huc et Gabet, au cours de leur voyage, font preuve d'une grande tolérance à l'égard du catholicisme; ils invitent leurs interlocuteurs à ne pas fonder leur jugement du bouddhisme tibétain sur les superstitions qui ont cours parmi le menu peuple; quant à eux, ils trouvent beaucoup de points communs entre leur religion et celle colportée par les lamas des cieux d'Occident; ils se disent prêts à considérer les mérites respectifs des deux religions afin d'adopter la meilleure; cette attitude renforce l'opinion du père Huc selon laquelle le bouddhisme tibétain n'est qu'une version dégénérée du christianisme. Les deux missionnaires français réussissent à convertir quelques personnes, dont un médecin chinois; c'est bien peu. Mais, si les résultats du voyage des pères Huc et Gabet sont maigres, ils n'en suscitent pas moins des espérances qui amènent le pape à ériger le Tibet en vicariat apostolique. Un point mérite enfin d’être souligné: les Tibétains ne sont pas fondamentalement hostiles aux étrangers; ils se montrent même plutôt ouverts et accueillants. Si le pays est fermé, ce n’est donc pas du fait de sa population. 
Profitons de l'équipée des deux missionnaires français pour faire le point sur l'image du Tibet qui prévaut alors en Occident. Au cours du 19ème siècle, de nombreux ouvrages évoqueront ce pays. Ils sont trop nombreux pour les analyser tous. Pour l'essentiel, voici ce qui en ressort. Pour nombre de catholiques, si le bouddhisme tibétain, on l'a vu, n'est qu'un christianisme abâtardi, on ne s'accorde pas sur l'origine des influences chrétiennes sur ce culte: séjour de Jésus dans l'Himalaya, contacts avec le nestorianisme... On pense même que Tsongkhapa a pu être incomplètement évangélisé par un missionnaire catholique mort trop tôt pour avoir entièrement converti son disciple; c'est d'ailleurs ce que pense le père Huc. Pour les protestants, Bouddha est un réformateur du brahmanisme, en quelque sorte un protestant avant la lettre! Mais le bouddhisme du Pays des Neiges ne respecte plus les préceptes de son fondateur; il s'est perverti pour verser dans une variante orientale du papisme. Bref, l'image globale du Tibet en Occident est largement négative et fournira une justification idéologique aux tentatives de colonisation de la fin du siècle.
Le pape Grégoire XVI accorde à la société des Missions étrangères de Paris le monopole de l'évangélisation du Tibet. 
Par le traité de Lahore, le Ladakh est réuni aux Indes. La Grande-Bretagne empiète sur les domaines du Tibet. 
1847: Conflits entre monastères à la frontière du Tibet et du Sichuan. L’armée tibétaine, avec Shatra à sa tête, est dépêchée sur place pour rétablir l'ordre.
Le père Renou, un missionnaire Français, pénètre à l’est du Tibet sous un déguisement. Il s’installe à Chamdo (Kham).
Publication par Philippe Édouard Foucaux d'une version française d'un texte tibétain traduit du sanscrit relatant la vie du Bouddha: le "Lalitavistara". 
1848: Expulsion du père Renou qui s'est montré trop zélé pour convertir les âmes. La France proteste auprès de la Chine, reconnaissant ainsi implicitement que le Tibet est sous l'autorité de Pékin. Mais les autorités chinoises, tirant profit de l'ambiguïté des relations entre la Chine et le Tibet, prétendent que ce dernier est souverain et qu'elles sont impuissantes à lui imposer leur loi. 
Développement du mouvement religieux Rime (La Voie impartiale) qui réunit des Kagyupas et des Nyingmapas. Ce mouvement, créé à l'initiative de Djamgon Kontrul, a pour but de surmonter les divisions entre écoles afin de préserver  les grands textes et la tradition contemplative, mais aussi de rappeler à leur véritable mission certains religieux devenus plus soucieux de couvrir d'or le toit de leur monastère que de se livrer à l'étude et à la méditation.
A la fin de la décennie 1840, plusieurs expéditions britanniques (Hooker)  explorent les cols qui permettent de pénétrer au Tibet via les royaumes himalayens.
1850: Début de la révolte des Taiping (Grande Pureté) en Chine. Cette secte s’en prend à la dynastie mandchoue qu’elle veut remplacer par une dynastie Han. Elle exige la suppression de la natte, symbole de soumission et d’arriération. Elle a pour doctrine un mélange de confucianisme et de christianisme. 
Cette révolte, d’origine paysanne, prône une répartition plus égalitaire des richesses, le partage des terres et l’émancipation des femmes. On y trouve, par anticipation, comme un écho des préoccupations qui seront celles de Mao Tsé Toung un siècle plus tard. Elle durera de longues années, embrasera tout le pays et les autorités chinoises n’en viendront à bout qu’avec l’aide des puissances occidentales dont les concessions sont menacées. Elle causera la mort d’au moins 20 millions de personnes soit 7% de la population! Cette proportion impressionnante mérite d’être soulignée. Elle montre que les hécatombes du 20ème siècle ne seront pas plus terribles que celles du siècle précédent.
1851: Xianfeng devient empereur de Chine.
Un missionnaire français, Nicolas Krick, arrive au Bouthan avec le dessein de se rendre au Tibet, en compagnie de son chien Lorrain. Les militaires Anglais lui procurent quelques instruments utiles pour son voyages. Dans un pittoresque accoutrement "de gros souliers-bottines, un pantalon en étoffe d'Assam, une blouse de coton à franges noires, fabriqués chez les sauvages Naga, une gibecière sur le dos, fusil en bandoulière, chapeau à la tyrolienne qui me tombait sur les épaules et ne laissait voir que ma barbe; ma croix de missionnaire faisant sur le tout un singulier contraste...", le voilà parti avec dix-sept compagnons, en comptant le chien. La caravane suit d'abord le lit du Brahmapoutre, dans une épaisse forêt où il faut se frayer son chemin à coups de sabre. Puis, on gravit, on monte, on monte encore et toujours, avec la mort comme perspective. Au fur et à mesure de la progression, la fatigue augmente et les dangers s'accumulent. Trahi par ses gens, Krick tombe aux mains des sauvages Michemis qui le pillent avant de le menacer d'assassinat. Un providentiel coup de fusil disperse la tribu qui s'enfuit. Notre missionnaire tombe enfin à genoux à la vue du premier village tibétain. Mais les villageois, après s'être attroupés autour de lui par curiosité, disparaissent et le voilà obligé de poursuivre son chemin. Après deux jours de marche, il atteint le bourg de Sommeu, où on l'examine, on le palpe, on compte ses dents, on s'étonne de la couleur de ses yeux... bref on le traite comme une bête curieuse d'une espèce inconnue. Le gouverneur de la province le soumet à un interrogatoire serré, le prenant pour un espion chargé de préparer une invasion. On l'invite à retourner d'où il vient car une guerre menace et il risque de se faire tuer. On lui propose de lui fournir des vivres pour retourner dans un village frontière où il pourra attendre la fin des hostilités avant de revenir. De crainte de lasser son interlocuteur, Krick finit par accepter cette transaction. Il obtient ainsi de rester quelques jours sur place dans des conditions précaires se nourrissant des grains de riz tombés par terre des sacs des marchands. Sur le chemin du retour, il rencontre à nouveau les brigands qui l'ont dépouillé à l'aller; leur chef le condamne à être égorgé s'il ne parvient pas à guérir sous trois jours un blessé dont le pied pourrit. L'expérience acquise à l'hôpital Necker, avant son départ en mission, vient à son secours et, contre toute attente, il sauve la vie de son patient. C'est une sorte de miracle accueilli comme tel par la tribu. Il peut continuer sa route et retrouver le monde civilisé avant de repartir vers de nouvelles aventures.
Mort du docteur Gutzlaff, natif de Stettin, missionnaire en Chine à partir de 1830, auteur de l'ouvrage "La Chine ouverte" dans lequel on trouve quelques informations sur l'histoire et la géographie du Tibet.
1852: Nouveau traité entre le Tibet et le Ladakh. Un accord commercial est signé.
Shatra doit calmer le jeu au sujet d’une querelle intervenue entre Drepung et les autorités britanniques de l’Assam.
Publication posthume de la traduction par Eugène Burnouf de "Sûtra du lotus" en français. 
1853-1859: Publication de la traduction en français du manuscrit des "Mémoires sur les contrées occidentales". Il raconte le voyage que fit le moine pèlerin chinois Hiuan-tsang au monastère université de Nalanda, de 630 à 644.
1853: Installation d'une mission de frères moraves à Kaelang (Lahaul britannique, à la frontière du Tibet). Ces frères, établis depuis 1765, sur les bords de la Volga, y ont noué des relations avec les peuples d'Asie centrale. Souhaitant se rendre en Mongolie, ils se sont heurtés à l'opposition de la Russie et de la Chine et, finalement, leurs supérieurs leur ont donné l'ordre de s'établir parmi les Tibétains. 
1854: Le père Renou récidive. Cette fois, il achète un vaste domaine à Bonga, dans le Tsarong (Kham). Il s’y livre à des activités caritatives qui attirent les habitants. Les pères Krick et Boury, qui tentent de pénétrer à l'est du Tibet en venant des Indes, sont massacrés à Rima; cette fois-ci, Nicolas Krick n'a pas réussi à échapper à la vindicte des Michemis; une expédition militaire anglaise sera montée pour châtier les coupables. 
1855: Le Dalaï lama accède au pouvoir à l’âge de 17 ans. Les fonctions du régent prennent fin. 
Mort mystérieuse du 11ème Dalaï lama, au Potala (Lhassa). Il n’aura pas eu le temps de régner longtemps! Le régent reprend les rênes. 

Le Népal adresse un ultimatum à Lhassa pour obtenir des concessions territoriales. Shatra est impuissant à contenir l’invasion népalaise. 
1856: Naissance du 12ème Dalaï lama, dans le sud du Tibet. Le régent impose le tirage au sort pour départager les trois candidats à la succession du défunt pontife. 
Le Tibet doit se reconnaître tributaire du Népal. Un bahadar, rival népalais de l’amban, va résider à Lhassa. La Chine, en proie à la guerre civile, n'est pas en mesure de relever l'affront. Il est vrai qu'en contrepartie le Népal reconnaît, comme le Tibet, la suzeraineté de l'empire du milieu, ce qui n'empêchera pas le représentant du Népal de monter les Tibétains contre la Chine afin de les priver du secours des troupes chinoises dans l'hypothèse d'un nouveau conflit entre le Tibet et son pays.
Les frères Schlagintweit franchissent la passe du Karakorum et rapportent en Europe 340 caisses de documents! Les Russes Semionov et Fedchenko explorent le nord de l'Himalaya, le premier le Tianshan et le second le Pamir.
1857: Le pape Pie IX nomme Monseigneur Thomine-Desmazures premier évêque du Tibet. Mais cet acte restera purement formel. 
1858: Le nom du candidat de l’opposition sort de l’urne pour désigner le nouveau Dalaï lama. Shatra entre en conflit avec le régent.
Début de la seconde guerre de l’opium. Les premières concessions n’ont pas calmé les appétits occidentaux. La Chine, toujours en proie à la guerre civile, doit faire face également à une guerre étrangère. 
1859: Première attaque contre l’établissement de Renou à Bonga.  
Deux explorateurs britanniques sont séquestrés au Sikkim. Les Anglais interviennent à nouveau militairement dans ce petit pays sous tutelle tibétaine
1860: Une Assemblée Nationale Tibétaine (Tsongdu) est créée. Non élue, elle se compose principalement de nobles, de représentants des plus grands monastères et de hauts fonctionnaires. Ses décisions sont prises par consensus.
Fin de la seconde guerre de l’opium. Par le traité de Tientsin, les missionnaires se voient autorisés à prêcher et circuler dans tout l’empire chinois. Le traité est placardé à Lhassa.  
Un roitelet du Nyarong (Kham), sous tutelle directe de la Chine depuis 1728, Goeunpo Namgyal, conquiert les territoires avoisinants. Les vaincus font appel à la Chine. Cette puissance, encore en proie à la guerre civile, n’est pas en mesure de leur porter secours. Ils se tournent alors vers Lhassa. Goeunpo Namgyal et sa famille vont périr brûlés vifs dans leur citadelle assiégée. Prudemment, les Tibétains proposeront aux Chinois le retour au statu quo de 1728, contre une indemnisation des frais qu’ils ont engagés pour châtier le trublion.
Le Bouthan empiète une fois de plus sur le territoire de l'empire des Indes. Le Nepal impose des droits de douane prohibitifs à ses frontières; pour Markham, ce pays est à cette époque davantage vassal de la Chine que de l'empire britannique. Les Anglais tournent donc leur regard vers le Ladakh, le Sikkim et la tribu des Tawang Butheas, en bordure de l'Assam, pour trouver des voies d'accès vers le Tibet. 
1861: Shatra, accusé de trahison, est emprisonné.
Un nouvel empereur, Tongzhi, monte sur le trône de Chine. 
Plusieurs missions catholiques s’installent en Chine à proximité du Tibet. 
Le traité de Tumlong fait passer le Sikkim sous protectorat anglais. C’est un nouvel empiètement britannique sur les terres tibétaines.  
1862: Du monastère où il est relégué, Shatra profite d’une révolte de Drepung pour inciter d’autres lamaseries à renverser le régent. Malgré le soutien de Sera, ce dernier doit fuir à Pékin où il sollicite en vain des secours. L’opinion publique lui est hostile. Shatra, libéré, est nommé régent. Il sera le seul régent laïc jusqu’en 1959.
Sera refuse de se soumettre et se révolte contre le nouveau régent. Un des chefs de la révolte est tué et le monastère doit rendre les armes. Son abbé est condamné à mort. Sera est puni par son éviction de l’Assemblée.
L’impératrice douairière Tseu Hi (Cixi) s’empare du pouvoir en Chine. Les empereurs en bas âge n’ont plus qu’un rôle de représentation.
Une révolte antichinoise éclate au Sinkiang. Elle reçoit le soutien de la Russie et de la Grande-Bretagne.
1863: Un émissaire anglais, Eden, est envoyé au Bouthan afin de régler les problèmes avec de royaume pour lors en proie à une guerre civile. 
1864: Fin de la révolte des Taiping. Cent mille d’entre eux sont passés au fil de l’épée. 
Un nouveau régent, Khyenrab Wantchoung remplace Shatra après sa mort. Un personnage presque aveugle devient, grâce à la faveur du Dalaï lama, le véritable détenteur du pouvoir. Il s’agit d’un homme autoritaire et cruel, Palden Teundroup. Il a pour coutume de faire placer devant sa porte la peau d’un yack fraîchement tué dans laquelle il fait coudre tout ceux qui n’ont pas l’heur de lui plaire!
Monseigneur Chauveau devient évêque du Tibet. 
Eden est insulté par les autorités bouthanaises. 
1865: Lhassa crée la fonction de gouverneur du Nyarong. Le Tibet grignote les positions chinoises dans le Kham.
Les missions catholiques sont attaquées. L’établissement de Bonga est détruit. Le père Desgodins, qui y avait bâti une cabane, est chassé de Khieumaton, par les moines tibétains qui dominent alors cette région proche de la Birmanie, au pays des Loutzes, une ethnie non tibétaine.
Le colonel anglais Montgomerie rencontre le Panchen lama successeur de celui dont l'avènement a été salué par Turner à Tashilumpo. Le nouveau dignitaire tibétain est âgé de onze ans. 
Au Bouthan, les Anglais lavent l'outrage essuyé par Eden en entrant en guerre. Le royaume himalayen va tomber dans l’escarcelle de l’empire des Indes. Mais, cette fois, Lhassa regimbe et, sous la pression du Tibet tout est remis en cause. 
1867, 1870, 1879-1880, 1887-1888: Nicolaï Mikhaïlovitch Prjevalski entreprend plusieurs expéditions dans le nord du Tibet afin de prouver que les père Huc et Gabet sont des imposteurs et qu'ils ne sont jamais allés à Lhassa. Et aussi sans doute avec des visées impérialistes. On donnera son nom à un cheval des steppes.
A la même époque, sous l'impulsion du colonel Montgomerie, plusieurs expéditions anglaises se rendent au Tibet. Les personnes qui en font partie ne sont parfois connues que sous un numéro ou sous une lettre, ce qui leur confère un parfum de mystère. Elles vont ou non jusqu'à Lhassa. Elles s'intéressent aux mines d'or et certaines s'aventurent dans des régions si difficiles d'accès qu'elles doivent utiliser des moutons comme animaux de bât, le sol étant trop caillouteux pour les yacks et la température trop froide pour les ânes! L'un des explorateurs, un Pandit, donne d'intéressantes précisions sur la population des villes traversées et des monastères rencontrés: Shigatse (9000 habitants - 100 soldats chinois et 400 miliciens tibétains), Tashilumpo (3300 moines);  Lhassa (15000 habitants dont 9000 femmes - 500 soldats chinois et 1000 miliciens tibétains), Sera (5500 moines), Drepung (7700 moines); la ville de Lhassa fourmille de commerçants tibétains, népalais, cachemiris, ladakis et chinois; les ambans ne semblent pas interférer dans les affaires intérieures d'un pays qui reste très peu peuplé et où le déséquilibre est manifeste entre la population féminine et la population masculine, déséquilibre induit par le nombre élevé des moines; la présence militaire chinoise n'est pas négligeable, même si les militaires tibétains sont plus nombreux.
1868. Le frère morave H. A. Jaschke, de la mission de Kaelang, revient en Allemagne où il rapporte d'importantes information sur le langage tibétain.
1870: Le sentiment antioccidental augmente en Chine et au Tibet. Les missionnaires y sont dans une situation très critique.   
Le sentiment d’appartenance au Tibet des populations des marches de l’est est renforcé par la découverte sur leurs terres de trois Dalaï lamas successifs.
1871: Palden Teundroup cherche à évincer le Dalaï lama pour assumer seul la direction du pays. Le régent dénonce le complot. Palden Teundroup et ses complices prennent la fuite et se réfugient à Ganden. Le monastère est assiégé par les troupes gouvernementales. Palden Teundroup se suicide; ses acolytes sont exilés ou emprisonnés. Une nouvelle Assemblée élargie est mise en place. Sera y retrouve son siège. Un subtil équilibre des pouvoirs est instauré entre laïcs et religieux.
W. T. Blanford, un géologue anglais, et le capitaine Elwes explorent la haute vallée de la Tista, au Sikkim, sur les traces de Hooker, à la recherche de voies d'accès vers le Tibet.
1872: Mort du régent Khyenrab Wantchoug. Le Dalaï lama décide d’exercer le pouvoir. 
1873: Un Hindou, Nain Singh, pénètre au Tibet avec la mission de dresser des cartes des lieux qu'il traverse pour l'Institut britannique de topographie. Il s'est déjà rendu précédemment sur le Toit du Monde et en a ramené une carte de l'itinéraire de Katmandou à Lhassa, en passant par le lac Manasarovar, dont ses commanditaires anglais se sont montrés satisfaits. Cette fois, il se déguise en moine et ses compagnons d'équipée en bergers pour déjouer la surveillance policière des autorités tibétaines. Ils poussent devant eux un troupeau de moutons qui transportent leurs maigres baluchons. Ils rencontrent des chercheurs d'or, qui dorment dans des grottes creusées dans le sol, pour échapper aux brigands. Les rares nomades qu'ils croisent ne sont établis que depuis peu de temps dans la région désertique du Chang Thang. Les relevés de Nain Singh seront utilisés par les Britanniques lorsqu'ils envahiront le Tibet en 1904.
Le Sikkim assure les autorités britanniques que les Tibétains sont favorables au commerce avec l'empire des Indes et que seul le refus de Pékin s'y oppose. C'est aussi le sentiment de l'explorateur G. J. Ware Edgar lui aussi à la recherche de voies d'accès vers le Tibet via le Sikkim (Markham).
La mission des frères moraves, dirigées maintenant par Heyde et Eedslob, compte une vingtaine de fidèles et elle caresse l'espoir de franchir la frontière chinoise et de pénétrer au Tibet.
Le 21 décembre 1873, Francis Garnier est décapité par les Pavillons noirs qu'il est venu combattre au Tonkin. Il s'apprêtait à se rendre au Tibet dans le but de trouver les sources des grands fleuves asiatiques qui naissent sur les hauts plateaux de ce pays.
1874: Ouverture à Darjeeling d'une école destinée à former, parmi les jeunes autochtones, de futurs auxiliaires de la pénétration britannique au Tibet. Sarat Chandra Das en est le premier directeur. Le professeur de tibétain Ugyen Gyatso, un lama tibéto-sikkimais, y officie (pour l'activité ultérieure de ces personnages, voir ci-après 1879). 
1875: Mort de maladie du 12ème Dalaï lama, au Potala (Lhassa), à 19 ans. Un nouveau régent est choisi par l’Assemblée: Ngawang Palden Tcheukyi Gyaltsen de Kundeling. 
Comme on vient de le voir, au 19ème siècle, les Dalaï lamas n'ont pas vécu assez longtemps pour exercer vraiment le pouvoir. Celui-ci est entre les mains des régents, dans une atmosphère trouble de querelles internes, d'animosité feutrée, d’ambition généralisée et de soupçons d'assassinats. Les 9ème, 10ème, 11ème et 12ème  Dalaï  lamas meurent jeunes, certains peut-être éliminés par des régents soucieux de conserver le pouvoir au profit de leur coterie*. Selon certains auteurs, ces Dalaï lamas morts prématurément pourraient avoir été victimes du culte rendu à Palden Lhamo, leur protectrice; amenés encore jeunes dans un temple emplis de scènes particulièrement horribles, en phase avec l'aspect terrifiant de cette divinité, ils auraient pu en être profondément affectés. Le Tibet entre en décadence. Autour de lui, le monde bouge. L'expansion coloniale amène l'Occident à ses portes. Mais ses dirigeants, à l'abri derrière leurs montagnes, ignorent ces évolutions et ne sont préoccupés que de leurs luttes intestines. Ils sont tellement imbus de leur supériorité, qu'à la fin du siècle, ils estiment que le roi d'Angleterre devrait rendre hommage à leur souverain! La tutelle chinoise est ressentie durement à Lhassa mais vue plus favorablement à Shigatse; faute de pouvoir s'en débarrasser, on exhume des textes cachés (termas), attribués à Padmasambhava, qui prophétisent que le Tibet tombera inexorablement sous un joug chinois odieux avant de recouvrer son indépendance. 
Markham accuse clairement les régents d'avoir assassiné les 8ème, 9ème et 10ème Dalaï lamas. Mais il semble qu'il faille décaler cette série car cet auteur anglais paraît confondre les 6ème et 7ème Dalaï lamas. Ce seraient donc les 9ème, 10ème et 11ème pontifes tibétains qui, selon lui, auraient été les victimes de leurs ambitieux régents. 
Guangxu devient empereur de Chine (sous la tutelle de Tseu Hi).
Helena Petrovna Blavatsky, une grande voyageuse d'origine russe, fonde la Théosophie à New York. Cette doctrine, qui donne un sens nouveau à la vie et à la mort, en distinguant l'éphémère de l'impérissable dans l'homme, offre une base rationnelle à une éthique globale, seul fondement possible, à ses yeux, du progrès collectif et du salut de la planète. Elle tente de réconcilier la religion avec la science. Elle distingue, dans les religions, l'exotérisme de l'ésotérisme. L'exotérisme seul varierait d'une religion à l'autre. L'ésotérisme serait identique. L'ésotérisme de la Théosophie permettrait d'aborder l'Occultisme sans danger de confusion entre psychisme et spiritualité. Les Maîtres dont elle se réclame sont les Grands Initiés de tous les temps. Mme Blavatsky, férue de spiritisme, prétend être en communication avec des Initiés, les Mahatmas, qui résident, à l'écart du monde dont ils détiennent la sagesse, au Tibet.



hibou ecrit Cette petite Emma est autiste mais a une voix merveilleuse

Le Treizième Dalaï lama 
Au début de cette période, les Européens qui s'intéressent au Tibet sont de plus en plus nombreux. Mais l'image qu'ils véhiculent est souvent entachée de préjugés occidentaux. Des explorateurs sillonnent le toit du monde. Tous ne sont pas désintéressés. La rivalité entre la Russie et la Grande-Bretagne se poursuit. Elle se terminera par le retrait de l'empire des tsars, après sa défaite face au Japon. La Chine continue d'être en proie à des troubles internes qui motivent les interventions étrangères. Dès qu'il est en âge de le faire, le Dalaï lama décide d'exercer le pouvoir. Il échappe à un attentat de son ancien régent. Ses velléités d'indépendance lui valent une invasion des troupes britanniques en 1904; il doit fuir en Mongolie. Quelques années plus tard, les troupes chinoises entrent à Lhassa dans le dessein de l'arrêter; il part à nouveau pour l'exil, cette fois en Inde. Il profite de la Révolution chinoise de 1911, et des troubles consécutifs, pour proclamer l'indépendance de son pays. Mais celui-ci reste soumis à la tutelle de l'Angleterre, qui interdit l'accès des étrangers au Pays des Neiges. De plus, pour que cette proclamation d'indépendance puisse un jour être invoquée avec quelque chance de succès dans l'arène internationale, il serait nécessaire que le nouvel État obtienne la reconnaissance de quelques grandes nations. C'est d'autant plus impossible que la Grande-Bretagne, qui a reconnu la suzeraineté de la Chine, s'y opposerait et qu'elle est en droit de le faire en vertu des traités. Le maître du Tibet entreprend de transformer son pays, notamment en le dotant d'une armée moderne. Il est appuyé par les éléments progressistes, mais se heurte à l'hostilité d'une partie importante de l'opinion publique conduite par les abbés des principaux monastères gelugpas. La révolution de 1917 en Russie, puis l'évolution de la situation en Mongolie, qui devient un État communiste, l'incitent à se rapprocher prudemment du clergé conservateur. Il meurt sans avoir accompli la tâche qu'il s'était fixée. Le mythe du Shangrila est en train de naître. Il donnera du Tibet une image idyllique largement fantaisiste.
1876: Naissance du 13ème Dalaï lama, à Thakpo Langdun. La dynastie mandchoue, en déclin, ne maintient plus qu'une présence nominale au Tibet. Ce Dalaï lama connaîtra une existence longue et mouvementée.
Clements R. Markham, employé au Geographical Department de l'India Office, publie la Relation de la Mission de George Bogle au Tibet ainsi que le Voyage de Thomas Manning à Lhassa accompagnés de documents sur les autres voyages entrepris par des Européens au Royaume des Neiges et d'aperçus concernant la géographie et l'histoire de cette contrée. Un siècle s'est écoulé depuis la mission de Bogle et, si cette dernière n'a pas rendu d'emblée les fruits escomptés, en grande partie à cause des carence de l'administration coloniale, la publication de Markham montre que les Anglais n'ont jamais renoncé à l'idée de nouer d'étroites relations commerciales avec le Tibet. D'après cet auteur, le commerce du Tibet avec l'extérieur est loin d'être négligeable, comme le montre la présence de commerçants étrangers à  Lhassa. Le Royaume des Neiges importe des produits variés et exporte des métaux précieux (or et argent), de la laine et quelques autres denrées. Mais les Tibétains continuent de redouter un invasion des Gurkhas du Népal et les Chinois sont hostiles à un développement incontrôlé des relations extérieures. Au moins quatre mille soldats chinois occupent le Tibet et les ambans de Lhassa contrôlent fermement les frontières. Le souhait des Britanniques de pénétrer sur le Toit du Monde se heurtera donc inévitablement aux réticences chinoises, comme par le passé. Mais il y a sans doute moyen d'entrebâiller la porte, d'abord en offrant des garanties au Tibet contre les Gurkhas, ensuite en faisant pression sur Pékin pour obtenir une présence britannique à Lhassa; la Russie ayant obtenu celle d'un représentant auprès du Kutuktu en Mongolie, l'Angleterre pourrait, en compensation, négocier avec la Chine l'envoi du sien auprès du Dalaï lama.  
Par la Convention sino-britannique de Zhifu, cinq nouveaux ports sont ouverts aux Britanniques et la Chine s'engage à fournir des passeports aux ressortissants anglais pour se rendre au Tibet; les voyageurs de l'Inde qui souhaitent se rendre en Chine pourront passer par le Toit du Monde; l'Angleterre reconnaît ainsi la tutelle chinoise sur le Tibet sans demander leur avis aux Tibétains.
De 1876 à 1880, un Russe, Prjevalsky, tente de pénétrer au Tibet à partir de la Chine septentrionale. Il parviendra jusqu'aux sources du Huang-Ho (Fleuve jaune).
1879: Le Panchen lama intronise le nouveau Dalaï lama.
Sarat Chandra Das et Ugyen Gyatso entreprennent une série de voyages au Tibet, sous divers  déguisements (lamas, marchands népalais...) pour le compte des services secrets britanniques. Au monastère de Tashilumpo, ils initient un tulkou, Sengchen, premier ministre du Panchen lama, à l'art de la photographie et de la lanterne magique. Ces relations compromettantes vont coûter la vie au Tibétain (voir ci-après 1887) ainsi qu'à bien d'autres personnes, s'il faut en croire le récit du moine japonais Kawaguchi, sans parler de celles qui seront emprisonnées ou privés de leurs biens. 
1880: Un édit du régent et des abbés de Drepung, Sera et Ganden interdit la religion catholique. 
1881: Assassinat du père Brieux, un missionnaire français. 
Krishna, un pandit hindou, pénètre au sud-est du Tibet, muni d'instruments de géodésie dissimulés dans un moulin à prière. Découvert, il est vendu comme esclave, s'échappe, ne parvient pas à franchir l'Himalaya et finit par regagner la Chine.
Un explorateur d'origine austro-hongroise qui travaille pour la France, Charles-Eugène Ujfalvy de Mezökövesd, et son épouse française, Marie Bourdon, tentent de se rendre au Tibet. Ils ne dépasseront pas le Cachemire d'où ils rapporteront de précieux renseignements et une collection d'objets rares qu'ils donneront aux Musée d'ethnographie du Trocadéro. 
La Russie obtient le droit de libre circulation pour ses négociants en Mongolie chinoise. 
1885: Guerre civile au Bouthan. Le Tibet intervient pour rétablir l’ordre. 
Les Anglais laissent faire. Mais ils ne se désintéressent nullement du Pays des Neiges. Grâce aux espions qu’ils y entretiennent, ils sont tenus parfaitement au courant de ce qui s’y passe et font dresser des cartes pour préparer une éventuelle invasion. Pour ce faire, ils n’ont pas besoin de se mettre en première ligne, les ressources de l’empire leur permettent de déléguer des indigènes qui passent facilement inaperçus. Ce sont les fameux pundits qui mesurent les distances en feignant d'égrener un chapelet, déterminent l'altitude avec un thermomètre et les azimuts grâce aux étoiles. Ils jettent des débris de bois dans les rivières surveillées en aval, aux Indes, pour vérifier qu'il s'agit bien des mêmes!  
Ils se décident toutefois à envoyer à Lhassa une mission officielle dirigée par un citoyen britannique, Macaulay. C’est une levée de bouclier au Royaume des Neiges! La mission est abandonnée. Mais l’Angleterre réclame à la Chine un dédommagement en raison du non respect de la convention de Zhifu. 
Lhassa envoie au Kham des instructions pour interdire l’entrée aux missionnaires français.  
1886: Des soldats tibétains pénètrent au Sikkim, sous contrôle britannique depuis 1861. Lhassa, qui a fortifié sa frontière avec les Indes, entend recouvrer sa tutelle sur le petit royaume.
1887: Sengchen est brutalement noyé dans le Brahmapoutre. Après la découverte des activités d'espionnage de Sarat Chandra Das et Ugyen Gyatso, il a été arrêté, emprisonné et flagellé en public à Lhassa. Voici comment Kawaguchi décrit, par ouï dire, la triste fin de ce lama: lié de cordes, une grosse pierre attachée à son dos, il est précipité à la rivière, devant la foule de ses fidèles, par trois fois retiré de l'eau, encore vivant, avant d'y être replongé, la dernière fois à sa demande, la foule exhortant les bourreaux à lui faire grâce, ensuite de quoi le cadavre est dépecé pour être offert en pâture aux bêtes sauvages, selon le rite des funérailles célestes; cet événement se déroule en juin.  
La mission française de Batang est dévastée, sa chapelle détruite et les chrétiens dispersés. 
Un Anglais, le capitaine H. Deasy, prend la tête d'une expédition pour explorer le Chang Thang par le nord. Malade, il doit rebrousser chemin, non sans avoir enterré les vivres qui lui restent.
1888: Les Anglais expulsent sans ménagement les Tibétains du Sikkim. Il prennent le contrôle du col qui permet d’envahir le Tibet. 
Une émeute contre les commerçants népalais éclate à Lhassa. Les échoppes sont pillées et leurs propriétaires sont molestés. Une grave crise risque d’opposer le Népal au Tibet; Lhassa accepte le paiement d’une indemnité pour éviter la guerre.
Un moine bouriate nommé Dordjieff entre dans l’intimité du Dalaï lama. Il intrigue pour la Russie. Ce curieux personnage réussit à persuader les Tibétains que l’empire russe est en fait le Shambala. Il invite le Dalaï lama à se rendre à Moscou en visite officielle; pour différentes raisons, le voyage n'aura jamais lieu. D'après certains auteurs, Dordjieff signifierait "coup de tonnerre" en tibétain.
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Dordjieff
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1889: Une révolte éclate au Nyarong (Kham). Malgré la présence sur place d’un représentant de Lhassa, depuis 1865, le prince du Nyarong sollicite l’aide du gouverneur du Sichuan, pour venir à bout des rebelles. 
Deux Anglais, le capitaine Welby et le lieutenant Malcolm, de l'armée des Indes, tentent la traversée du Chang Thang, du Ladakh à la Chine. Leurs bêtes et leurs gens meurent les uns après les autres. Certains sont empoisonnés par l'eau qu'ils boivent. Celle-ci est si rare qu'il faut creuser des puits pour s'en procurer. Des membres de l'expédition s'égarent. Ils seront retrouvés plus tard en guenilles par Sven Hedin. Sur dix hommes, quatre seulement atteindront la Chine. Encore ont-ils eu la chance de rencontrer sur leur chemin un marchand tibétain qui leur a permis de gagner la capitale de l'Amdo. 
1889: Le prince Henri d'Orléans et P. G. Bonvalot se mettent en route pour rallier le Tonkin, à partir de Paris, en passant par la Russie, l'Asie centrale, le Tibet et la Chine. Les explorateurs envisagent de suivre le chemin tracé par Prjevalski et par les pères Huc et Gabet. Mais Bonvalot, visiblement fasciné par le Tibet, rêve de se rendre à Lhassa, en suivant une piste utilisée par les caravaniers mongols. Les deux hommes ne parviendront pas jusqu'à la cité sainte mais le récit de Bonvalot, publié en 1892 (De Paris au Tonkin à travers le Tibet inconnu), prouvera la véracité de la relation du père Huc. Pendant la traversée du Chang Thang, les explorateurs ont la surprise de découvrir que des singes, à queue courte, à pelage roux et petite tête, y vivent, pas très loin d'une source d'eau chaude, à une altitude et dans une région presque dépourvue de végétation où on ne les attendrait pas. Cette découverte ne sera pas prise au sérieux. Leurs détracteurs iront jusqu'à prétendre que les Français ont confondu les marmottes avec des singes! Pour autant qu'il soit possible d'en reconstituer la route, l'expédition doit avoir pénétré sur les hauts plateaux à l'est du Lop Nor, a traversé le Chang Thang, une partie du Qinghai, avant de pénétrer dans l'U-Tsang, puis de revenir vers le Kham pour se terminer au Sichuan d'où elle atteindra le Tonkin (on peut lire un résumé du récit de ce voyage en cliquant ici).
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Gabriel Bonvalot (source: M. C. Prylli)De Paris au Tonkin (source: M. C. Prylli)
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1890: L’expansion russe se heurte aux appétits britanniques à la frontière de l’Afghanistan. L'établissement de la ligne Durand (1893-1895) réglera temporairement ce problème, qualifié de Grand Jeu, en définissant les limites respectives des zones d'influence des deux puissances européennes dans la région.  
La frontière entre le Sikkim et le Tibet est fixée à la conférence de Calcutta entre la Chine et l'Angleterre. Aucun représentant du Tibet ne participe à cette négociation pourtant cruciale. Les Tibétains perdent accès à certains pâturages.  
Lhassa considérant que Pékin n’a pas défendu assez vigoureusement ses intérêts suspend l’envoi des offrandes à l’empereur.
Le traité de Calcutta, qui semble anodin, est lourd de conséquence pour l’avenir. L’Angleterre se voit confirmer la possession du Sikkim. En contrepartie, en traitant avec Pékin sans Lhassa, elle entérine en droit international la suzeraineté de la Chine sur le Tibet. 
1891: Un baroudeur américain, William Woodville Rockhill, ancien de Saint-Cyr et de la Légion étrangère, essaye d'atteindre Lhassa. Après bien des péripéties, au cours desquelles il est amené à se nourrir de saucisses confectionnées avec le foie, le coeur et les intestins, assaisonnés d'oignons sauvages, de deux moutons payés à des nomades un prix exorbitant, son voyage est interrompu par la rencontre de soldats tibétains. Des palabres s'engagent avec l'officier qui les commande, puis avec le chef de district et même avec des envoyés de Lhassa, ensuite de quoi notre Américain est reconduit hors de la région. Mais il est tout de même parvenu à distraire les sbires qui l'expulsent assez longtemps pour qu'un moinillon de ses compagnons parvienne à se faufiler dans une foule de pèlerins en route pour la cité sainte. L'idée que le jeune homme verra la capitale le console de son échec.
A la même époque, les français Dutreuil de Rhins et Grenard entreprennent une série de voyages de découvertes à partir du Sinkiang, avec le projet de traverser le Tibet pour se rendre à Xining. Ces voyages sont conçus de manière à s'enchaîner les uns aux autres, les premiers constituant la préparation des suivants. Ils se dérouleront de 1891 à 1894 et seront émaillés d'incidents qui amèneront parfois les explorateurs à changer d'itinéraire. Grenard en a laissé le récit, dans "La dernière mission de Dutreuil de Rhins de Paris à Pékin". Il apporte un témoignage parfois amusant et frappé au coin des préjugés occidentaux sur les territoires parcourus et les habitants rencontrés (on peut lire un résumé du récit de ces voyages en cliquant ici). 
1892: Un espion britannique, le capitaine Bower, et son équipe traversent le Tibet septentrional (Chang Thang) d'est en ouest pour dresser des cartes de la région. 
Une missionnaire anglaise, Annie Taylor, qui a vécu en Chine et au Sikkim, entre au Tibet par le nord-est, accompagnée de quelques personnes, pour évangéliser le pays. Elle se joint à une caravane mongole qui tombe dans une embuscade de brigands tibétains. Les femmes et quelques hommes s'enfuient et rencontrent un camp de nomades. Ils y sont accueillis après quelques instants d'hésitation. Les nomades sont des rivaux des brigands; ils vont aider Annie Taylor et ses compagnons à récupérer une partie du butin volé. Une dissension éclate à propos d'une veste de fourrure entre deux accompagnateurs de la missionnaire. En fait, l'un des hommes est jaloux de l'attention qu'elle porte à l'autre. La petite équipe se sépare des nomades et reprend son chemin vers le sud. Un des hommes de l'expédition, de confession musulmane, meurt bientôt, malgré les soins qui lui sont prodigués. Les survivants continuent d'avancer, mais les vivres commencent à manquer. Les dissensions refont leur apparition. On ne sait comment se défaire du jaloux. Annie Taylor refuse qu'il soit tué, comme le propose l'un de ses compagnons. Le jaloux finit par partir de lui même, mais il emmène avec lui la tente, les bêtes et les provisions. Ceux qui restent sont totalement démunis, dans une nature hostile, alors que l'hiver est là. Cela n'empêche pas notre Anglaise de fêter Noël avec un pudding fabriqué grâce aux moyens du bord. A l'approche de Lhassa, ce qui reste de l'équipe est arrêté par la police, sur la dénonciation du jaloux. Nos aventuriers sont confrontés à leur dénonciateur. Les juges sont menaçants, mais l'Anglaise fait preuve d'audace et, d'accusée, elle se fait accusatrice; elle dénonce le vol dont elle a été la victime. Le jaloux perd la partie. Les juges tibétains se montrent cléments envers Annie Taylor et ses amis; ils sont autorisés à regagner la Chine. Le voyage de retour sera pénible mais s'achèvera heureusement au printemps (le moine japonaisKawaguchi a eu connaissance de cette équipée, lors de son séjour à Lhassa, voir  ici). 
1893: La conférence commerciale de Darjeeling complète le traité de Calcutta. Un projet d’ouverture d’une voie commerciale entre les Indes et le Tibet est élaboré. Les résidents anglais au Tibet ne seront soumis qu'aux seules lois britanniques. Le droit de pâture est défini pour donner un semblant de satisfaction aux Tibétains. Mais leurs envoyés présents aux négociations sont complètement négligés. Froissées, les autorités tibétaines ignoreront les résultats de la conférence et des incidents de frontière s'en suivront. Les Anglais comprennent bientôt que la suzeraineté chinoise est purement nominale et ils ne vont pas tarder à s'adresser directement à Lhassa pour tenter de prendre pied au Pays des Neiges.    
Deux moines kalmouks, qui sont en fait des émissaires de la Russie, parviennent dans la capitale du Tibet.
1894: L'expédition de Grenard et Dutreuil de Rhins perd dans les fondrières la trace de la piste qu'elle se proposait de suivre et s'égare. A Tom-Boumdo, où on finit par arriver, sous une pluie battante, après de longs et épuisants détours, toutes les portes se ferment. La caravane campe là quelques jours, dans un enclos qu'il a fallu faire ouvrir avec beaucoup d'insistance. Deux chevaux disparaissent et les traces montrent qu'ils ont été volés par un Tibétain. Pour obliger les habitants du village à les lui faire rendre et éviter aussi d'autres larcins, Dutreuil de Rhins en saisit lui aussi deux, comme gage, aux autochtones. Sans s'en douter, il vient de signer son arrêt de mort. Au moment où l'expédition quitte le village, le 5 juin, on commence à lui tirer dessus depuis les maisons. Comme les explorateurs cheminent sur une corniche exposée, Dutreuil de Rhins est blessé au ventre, alors qu'il vient de s'arrêter pour riposter aux assaillants, leur offrant ainsi une cible facile*. Grenard, sous une grêle de balles, le met à l'abri derrière un muret. On essaie en vain de parlementer et d'envoyer chercher des secours. Bientôt, la situation devient intenable; Grenard est contraint d'abandonner Dutreuil de Rhins; ce dernier a perdu connaissance et est probablement intransportable. Grenard, un moment à la merci de ses ennemis, leur échappe par miracle, non sans avoir été dépouillé de tout objet de valeur, puis accompagné à coups de pierres par des garnements. Recueilli par un fonctionnaire chinois, il reste près d'un mois à proximité de Tom-Boumdo, dans l'espoir de récupérer les papiers tombés aux mains des assaillants. Quant au corps de son chef, il n'y faut pas songer, il a été précipité dans une rivière au fond d'un ravin, sur l'ordre du lama du monastère voisin.
* Excellents tireurs sur des cibles fixes, les Tibétains se montrent maladroits lorsqu'ils visent des cibles mobiles, avec leurs vieux fusils à mèche.
La bourgade tibétaine de Yatung devient un comptoir anglais. La Grande-Bretagne pose un pied sur le Toit du Monde. 
1895: Le Dalaï lama décide d’exercer le pouvoir. Le régent Demo est mis à l’écart. 
Le Nyarong (Kham) est une nouvelle fois envahi par un de ses voisins. Cette fois, l’agresseur est le roitelet du Tchagla, un féal de Pékin. Les cavaliers du Nyarong triomphent de leurs adversaires, sans intervention de Lhassa ni de Pékin. 
Nouvelle expédition d'Henri d'Orléans au Tibet. 
Victoire militaire du Japon sur la Chine.
L. Austine Waddell, officier de l'armée des Indes, publie "Le Bouddhisme du Tibet". Il prétend qu'avant l'introduction du bouddhisme, les Tibétains étaient des sauvages rapaces et des cannibales notoires, sans langue écrite et adeptes d'une religion animiste qu'il rapproche du taoïsme chinois. L'introduction du bouddhisme aurait donc joué un rôle civilisateur. Mais le bouddhisme du Tibet aurait été profondément perverti par le culte des diables auquel s'adonnait le pays. Le lamaïsme serait recouvert d'une fine couche mal posée de vernis de symbolisme bouddhique sous laquelle transparaîtrait lugubrement la poussée sinistre des superstitions polydémonistes. La population subirait la tyrannie intolérable des moines et des croyances qu'ils lui ont imposées pour la dominer par la terreur. Mais tout n'est pas perdu; comme le christianisme, le lamaïsme pourrait être réformé. On ne peut s'empêcher de penser que, dans l'esprit de l'auteur, la colonisation du Tibet par une nation protestante, la sienne, contribuerait à cette régénération religieuse.
1896-1900: Un Suédois, Sven Hedin, explore l'Arka-tagh où les seuls sentiers sont ceux "tracés par les yacks, les ânes sauvages et les antilopes". Il découvre, au nord du Tibet, une Pompéi asiatique, Karadong. "De tous côtés, écrit-il,  de la surface ondulée du désert, émergent des vestiges d'habitation admirablement conservés. Des édifices, il ne reste que les colonnes en bois, hautes de 2 à 3 mètres. Nulle part, une pierre ou une brique. Le peuplier et les roseaux ont été ici les seuls matériaux employés. Ces ruines occupent une superficie de 3 à 4 kilomètres carrés." Les fouilles amènent la découverte de murs couverts de peintures représentant des femmes dans l'attitude de la prière, des hommes au type arien, vêtus comme les Persans de la fin du 19ème siècle, des chiens, des chevaux, un bateau bondissant sur les vagues. On met à jour des statues du Bouddha, des figurines en gypse. Et partout sortent des dunes des files de peupliers morts. Jadis s'épanouissait donc ici une ville active, dans le cadre d'une végétation luxuriante. De nombreux autres indices permettent d'aboutir à la conclusion  que, depuis des siècles, un processus de désertification est en cours dans la région. 
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Sven Hedin au Tibet
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Sven Hedin, invinciblement attiré par la cité interdite, se dirige vers le sud, en direction de Lhassa, déguisé en pèlerin mongol. Il est refoulé par les Tibétains. 
1897: Savage Landor, un personnage énigmatique, arrêté sur le chemin de Lhassa, est torturé au moyen d'une barre de fer rougie passée devant ses yeux pour le rendre aveugle; il est sauvé par un détail de son anatomie: sa main, palmée comme une coquille saint-jacques, prouve aux Tibétains qu'il est la réincarnation d'un lama. Cette anecdote inspirera un épisode de Michel Strogoff à Jules Verne.
1898: Le 13ème Dalaï lama abolit la peine de mort, sauf en cas de haute trahison.
Deux mandarins chinois sont massacrés à Sampheling (Xiangcheng) au Kham.
Début de l’insurrection nationaliste des Boxers en Chine. Les légations étrangères vont être assiégées, ce qui entraînera l’envoi d’un corps expéditionnaire occidental pour venir à bout de l’insurrection. La Chine est à nouveau à feu et à sang. 
Un couple de missionnaires protestants d'origine hollandaise, Petrus et Susie Carson Rijnhart, essaient eux aussi de se rendre à Lhassa. Leur équipée sera un véritable calvaire. Accompagnés de quelques Tibétains et portant avec eux leur enfant qui vient de naître, ils affrontent les hauts cols qu'ils doivent traverser. Ils se nourrissent de thé, de tsampa et d'oignons sauvages. Ils se chauffent à la bouse et à la corne de yack découpée en lamelles. Ils rencontrent sur leur chemin des cadavres d'animaux et aussi d'hommes abandonnés par les caravanes. Les guides fatigués leurs faussent compagnie, en emportant l'essentiel des provisions. En plein hiver, sous une tente battue par les vents, la jeune femme protège du froid comme elle peut son nouveau né. Mais celui-ci finit par mourir. Le couple se voit interdire l'accès à la ville sainte. Les deux missionnaires doivent retourner sur leurs pas. Des brigands les attaquent. Les nouveaux guides, dont un est blessé, s'enfuient à leur tour avec les montures. Petrus décide de partir à la rencontre de nomades aperçus de l'autre côté d'une rivière.  Il traverse l'eau. Arrivé sur l'autre rive, il salue de la main sa compagne, avant de disparaître derrière un rocher. Susie ne le verra jamais revenir. On ne sait par quel miracle, la jeune femme parvient tout de même à rejoindre en vie le Sichuan. Elle ramènera de son équipée une vision très négative du Tibet: "Rien ne saurait être plus éloigné de la vérité que la croyance, entretenue par de nombreux Occidentaux, que les lamas sont des êtres supérieurs, dotés de dons physiques et intellectuels transcendantaux. Au contraire, pour ce qui est du savoir, ce ne sont que des enfants soumis à des émotions superficielles. Pendant les quatre années qu'a duré notre séjour parmi les Tibétains de différentes tribus et de différents districts, nous n'avons pas rencontré un seul lama qui soit au courant des plus simples faits de la Nature... nous n'avons trouvé qu'en grande majorité les lamas étaient ignorants, stupides, superstitieux et intellectuellement atrophiés comme tout clergé qui n'a jamais été en contact avec l'influence éclairante et édifiante de l'éducation chrétienne. Ils vivent dans un obscur Moyen Âge et sont eux-mêmes tellement aveugles qu'ils n'ont pas conscience de l'obscurité qui les entoure." Comme le laissent supposer les dernières phrases, ce témoignage n'est sans doute pas exempt de préjugés chrétiens. On ne saurait pourtant l'écarter d'un simple revers de la main. D'autant qu'un autre voyageur, Kawaguchi, bouddhiste japonais, se montre, à la même époque, à peine moins critique à l'égard des aspects du bouddhisme tibétain qui le choquent. 
En octobre 1898, Ovché Narzounof est envoyé par Dordjieff à Lhassa chargé de cadeaux pour le Dalaï lama. Parvenu à destination, en mars 1899, Le Kalmouk est frappé par le rôle prépondérant des femmes dans la vie sociale et le commerce de la capitale tibétaine. Cette situation s'explique par le nombre élevé d'hommes qui embrassent la vie monastique et font voeu de célibat. Il en résulte une grande liberté de moeurs des femmes qui, ne trouvant pas de maris, n'hésitent pas à devenir concubines des marchands chinois pour les aider dans leurs affaires. Le commerce est très actif et l'on vend sur les marchés beaucoup d'articles provenant de Chine ou de l'Inde; on paie en or, qui est pesé, en roupie indienne, ou en tranka, la monnaie locale, qui peut être subdivisée en fragmentant les pièces! Les moines ont le monopole du commerce du thé qu'ils partagent avec celui des images pieuses. Beaucoup de restaurants sont tenus par des Chinois. Tous les ans, la montagne de la tête de Langdarma, persécuteur du bouddhisme, s'avance vers la ville pour l'ensevelir; une cérémonie est célébrée par les moines, au cours de laquelle des coups de canon sont tirées sur cette montagne, pour la faire reculer; d'autre part, une vache noire bien nourrie, offerte en sacrifice, est placée à son sommet. Les maisons sont petites; elles comportent ordinairement deux étages, celui du bas servant de boutique; leurs toits en terrasse sont constitués de poutres recouvertes de terre; le sol est de terre battue, sauf chez les riches qui ont adopté le ciment et s'enorgueillissent de posséder du mobilier chinois; les carreaux des fenêtres sont en papier huilé; on s'éclaire avec des lumignons antiques; on se chauffe à la bouse de yak et avec un arbuste qui ressemble à un chardon. Dès leur plus jeune âge, les enfants tibétains, apparemment peu enclins à fréquenter l'école, se livrent des combats à coups de pierres propulsées par des frondes, exercice qui développe la précision du geste et l'esprit guerrier. Les Tibétains sont généralement accueillants et affables; ils reçoivent l'étranger avec respect, en se vêtant de leurs plus beaux atours; les hommes portent des bijoux aussi bien que les femmes. 
1899: Début de la guerre des Boers en Afrique du Sud. Pendant trois ans, ce conflit calmera les ardeurs colonisatrices des Britanniques en Asie. Mais ce n’est que partie remise.  
Vers la fin du 19ème siècle, un marchand anglais, T. T. Cooper, se fait l'écho des remarques formulées six siècles plus tôt par Marco Polo. Dans une auberge, où il s'est arrêté pour manger, il croit être invité à une partie de campagne. Il s'agit en réalité des préliminaires d'une offrande particulière, celle d'une jeune fille de quinze ans. Cette dernière se met à pleurer lorsqu'elle constate que l'Anglais préfère fumer sa pipe plutôt que de profiter de ses charmes. Notre homme finit par céder à ses avances et paye aux parents la dot de la demoiselle. Cette dernière, devenue son épouse, ne le suivra que deux jours. Elle trouvera ensuite un prétexte pour retourner dans son village. 
1900: Tentative d’assassinat du Dalaï lama par le régent Demo. Son frère a offert à l’un des maîtres du pontife tibétain une paire de bottes enchantées; celui qui les porte tombe aussitôt malade. On découvre dans une des bottes un pentacle bön invoquant des puissances maléfiques. C’est sûr, le régent tente de reconquérir le pouvoir en se débarrassant du Dalaï lama par la magie! Demo et sa famille sont inculpés et privés de leurs biens. Un conspirateur, proche du régent, est précipité du haut du Potala, les biens et les épouses de sa famille sont distribués comme cadeaux aux favoris du Dalaï lama. Le régent se suicide en prison (le moine japonais Kawaguchi, alors présent à Lhassa, relate cette affaire, voir  ici). 
Le Dalaï lama fait murer la route de Yatung pour interdire l’arrivée au Tibet des marchandises britanniques.
Les pressions exercées sur la Chine, pour ramener le Tibet à la raison, et lui faire respecter les termes de l’accord de 1893, demeurant sans effet, la Grande-Bretagne essaie d'entrer directement en pourparlers avec le Dalaï lama en ignorant une suzeraineté chinoise devenue inopérante. Lhassa laisse sans réponse trois lettres qui lui sont adressées par lord Curzon, vice-roi des Indes, en 1899, 1900 et 1901. Les Tibétains poussent la forfanterie jusqu'à arracher les bornes qui marquent la frontière du Sikkim avec leur pays. Les Anglais soupçonnent les Russes d'armer les Tibétains pour menacer l'empire des Indes.
Le 10 janvier 1900, Narzounof est envoyé à Paris par Dordjieff pour y acquérir un certain nombre d'instruments (notamment des vases sacrés en acier, un télescope, un phonographe et des appareils électriques...) destinés au Dalaï lama. La Société impériale russe de Géographie charge le Kalmouk de ramener des photographies du Tibet. Notre homme prend le bateau pour les Indes. A Calcutta, il apprend que les autorités britanniques, peu disposées à favoriser les intrigues russes, s'apprêtent à l'arrêter. Il prend subrepticement le train pour Darjeeling; là, un concours de circonstances malheureuses amène la police à découvrir son identité; il est assigné en résidence surveillée chez un moine mongol. Quatre mois plus tard, il est ramené à Calcutta pour y être incarcéré; il y est détenu un peu plus d'un mois, après quoi il est rapatrié en Russie. Dans le courant de la même année, Dordjieff rencontre Nicolas II; l'idée d'un protectorat russe sur le Tibet fait son chemin. Un temple bouddhiste est édifié à Saint-Petersbourg. 
Fin de l’insurrection des Boxers.
Le général russe Kozlov explore le Kham. Il a pour guide Dja-lama (Tchegoun lama), un ancien moine bouddhiste d'origine russe, qui a séjourné à Drepung, où il aurait tué le moine qui partageait sa cellule au cours d'une dispute. Ce personnage violent et cruel prendra ultérieurement la tête d'une croisade mongole antichinoise; il consacrera ses bannières avec le sang des prisonniers dont il ouvrira les poitrines pour en arracher le coeur. L'idée de la reconstitution d'un empire mongol, aux limites imprécises, mais qui comprendrait la Mongolie intérieure et extérieure, le Tibet et une partie de l'Asie centrale, dont le Sinkiang, commence à germer dans certains esprits russes (Semenov, Dja-lama, Ungern).
Toujours en 1900, un Bouriate bouddhiste converti au christianisme, qui exerce la médecine tibétaine en Russie, sans diplôme mais avec un grand succès, y compris dans l'entourage du Tsar, Piotr Badmaev, publie "La Russie et la Chine", ouvrage dans lequel il défend l'idée d'un rapprochement entre la Russie, la Chine, la Mongolie et le Tibet. Mettant en pratique ses idées, il crée d'ailleurs une entreprise commerciale en vue de faciliter la pénétration russe en Extrême-Orient. Si ce projet grandiose réussissait, la Russie deviendrait, d'après lui, le pays le plus puissant du monde.

1901: En février, Dordjieff et Narzounof sont à nouveau à Lhassa. Le Kalmouk photographie les monuments du Tibet, en se cachant, car il est interdit d'enfermer des images du pays dans des boites noires pour les emmener en Occident*. Les descriptions qu'il donne des sites visités: le Jokhang, le Barkhor, Drepung, Sera... ainsi que des pèlerinages autour du Jokhang, sont exactes et proches de ce que l'on peut encore voir aujourd'hui. Quelques notes pittoresques: les fidèles jettent du riz dans les plis de la robe de la déesse des femmes en couche, les grains attirent les rats qu'il est interdit de tuer sous peine de mort; un peuplier est né d'un cheveu de Bouddha; le dépeçage des morts, au cours des funérailles célestes, est confié à des mendiants qui habitent dans des maisons de cornes de boeufs et de moutons qui empestent, ces étranges fossoyeurs sont d'une rare insolence; la montagne sur laquelle est adossé Sera renferme des mines d'argent, il y a là beaucoup d'ascètes qui habitent dans des cellules appelées ritodes dont certaines sont luxueuses, ces ascètes sont parfois accompagnés de domestiques; des pèlerins font le tour de Lhassa en le mesurant avec leurs corps, c'est-à-dire en se couchant par terre, puis en se relevant et en se couchant à nouveau, les pieds là où reposait la face, et ainsi de suite. Après avoir visité les environs de la capitale, Narzounof se rend à Shigatse pour voir Tashilumpo, où il rencontre le Panchen lama. Puis, en compagnie de Dordjieff, il s'en va au Népal, en prenant la précaution de cacher soigneusement ses clichés. De là, nos deux compères passent en Inde, en se faisant passer pour des Tibétains auprès de la police, qui leur dit se méfier des Russes mal intentionnés. D'Odessa, Dordjieff se rend directement à Saint-Petersbourg, à la tête de l'ambassade envoyée auprès du Tsar par le Dalaï lama.
* Certains Indiens d'Amérique du Nord s'opposent aussi à ce qu'on les photographie, par crainte que l'on ne soustrait ainsi une partie de leur personne.
Arrivée à Lhassa de l’agent russe Tsybikov. Les Anglais s’inquiètent mais il leur est impossible d’intervenir militairement tant que la question de l’Afrique du Sud n’est pas définitivement réglée. 
Mort de la reine Victoria. La disparition de l’impératrice des Indes, dont les Tibétains pensent qu’elle est une émanation de la déesse Vajravarahi, la laie adamantine, n’est pas de bon augure pour le Pays des Neiges. 
1902: Le représentant de Lhassa au Nyarong (Kham) est appelé à de plus hautes fonctions. Son autorité est transmise à l’abbé gelugpa du monastère de Litang, la capitale de ce petit pays. C’est une faute politique. En effet, les relations entre l’abbé, proche de Lhassa, et le prince, proche de Pékin, vont rapidement se détériorer et fournir un prétexte d’intervention à la Chine. 
Alliance entre la Grande-Bretagne et le Japon pour contrecarrer l’avancée russe en Asie.  
La Russie se rapproche de la Chine et lui rétrocède la Mandchourie. Un projet de condominium sino-russe sur le Tibet aurait été envisagé. Des troupes russes et chinoises pourraient s’installer sur le toit du monde, aux portes de l’empire des Indes. Le bruit en court à Londres. Mais il a été propagé en Inde par le moine japonais, Kawaguchi, de retour du Tibet, où il est allé étudier des textes sacrés. Le gouvernement japonais, qui se prépare à un conflit avec l'empire des tsars, n'est peut-être pas totalement étranger à cette rumeur (un résumé du récit de Kawaguchi est  ici). 
1903: Le Dalaï lama appelle les religieux du Nyarong (Kham) à prendre fait et cause pour l’abbé du monastère de Litang contre les prochinois. Les moines soulèvent la population contre le prince. Les missionnaires français, installés dans cette région, théoriquement sous administration chinoise, en vertu des traités, réclament la protection de Pékin. L’armée du prince, épaulée par un contingent chinois, écrase celle de l’abbé. 
Un Anglais, le capitaine Rawling, se rend au Chang Thang, sur les traces de Deasy et de Bower. A court de provisions, il cherche la cache où Deasy a enterré ses vivres et la trouve, dans la plaine des Antilopes. Un ouragan, qui arrache ses tentes, met fin à cette nouvelle campagne d'espionnage cartographique.
La guerre des Boers s'achève sur une victoire britannique.  
Pour en finir avec les intrigues russes au Tibet, les Anglais, inquiets pour l'empire des Indes, envoient une petite armée, sous les ordres du colonel Francis Younghusband, en direction de la frontière, afin d'imposer une négociation. Les négociateurs n'étant pas au rendez-vous, les troupes britanniques pénètrent plus avant dans la vallée de Gyantse. Les fortifications que les militaires britanniques rencontrent, au long de leur progression, leur donnent une piètre idée de la puissance tibétaine. "Ces gens-là, pensent-ils, ne sont que des sauvages superstitieux. 
Mécontents de la tournure que prennent les événements, les Tibétains soupçonnent quelque traîtrise dans leurs rangs. Quatre hauts dignitaires sont démis de leurs fonctions et emprisonnés, l’un pour trahison et les autres pour incompétence. 
  
1904: Les Tibétains s'opposent à la marche des envahisseurs. Younghusband décide de se rendre à leur camp pour prévenir un affrontement. Il est reçu par des adversaires sûrs d'eux et menaçants, qui rejettent toute négociation, avant le retrait des soldats anglais. Le combat est inévitable.  
La rencontre a lieu à Gourou, un endroit où les Tibétains ont élevé un mur, en travers de la route. A l'approche des Britanniques, le général de Lhassa leur intime à nouveau l'ordre de quitter le pays, faute de quoi ils s'attireront des ennuis. Les Anglais se préparent au combat en mettant en batterie leurs mitrailleuses. Dès les premières rafales, l'armée tibétaine, composée en grande partie de paysans, vêtus comme les soldats de Gengis khan, nombreuse mais dotée d'armes archaïques, est mise en déroute, malgré la valeur individuelle des soldats. C'est un massacre. Les chefs tibétains, qui se croyaient invulnérables, derrière leurs montagnes et sous la protection de leurs dieux, sont abasourdis.  
Les troupes britanniques arrivent dans les environs de Gyantse. La population les accueille bien. Les moines conduisent même les officiers britanniques vers des cellules où des ermites sont emmurés vivants. C'est au tour des Anglais d'être stupéfaits devant ce qu'ils considèrent comme une manifestation de barbarie. 
Les négociateurs attendus ne se présentent toujours pas. Des informations font état de la construction d'ouvrages défensifs sur la route de Lhassa. Younghusband envoie une colonne mobile en direction de la capitale. Un nouveau combat éclate et, cette fois, ce sont les Tibétains qui ont le dessus. Leurs troupes ne cessent d'ailleurs de se renforcer. Elles comptent bientôt une dizaine de milliers de combattants, c'est-à-dire plus du triple du corps expéditionnaire britannique. 
Une trève est acceptée. L'arrivée des envoyés du Dalaï lama permet enfin aux négociations de s'engager. Younghusband s'aperçoit rapidement que les Tibétains ne cherchent qu'à gagner du temps et à fatiguer leurs adversaires. Il décide alors de frapper un grand coup, en s'emparant de la citadelle qui surplombe Gyantse. L'artillerie britannique ouvre le feu. Une brèche est pratiquée. L'assaut ne durera qu'une demi-heure. Les pertes britanniques s'élèveront à quatre morts et trente-sept blessés. D'après les auteurs britanniques, les Tibétains auraient perdus 300 tués. Les Chinois prétendront que de nombreux défenseurs se suicidèrent plutôt que de se rendre; mais cette information est controversée.  
Après leur défaite, les Tibétains fuient Gyantse. La route de Lhassa est ouverte. Elle est parcourue sous la pluie. Les Tibétains résistent encore désespérément, pendant six heures, sur les lieux de leur dernière victoire. En vain. Ils vont encore laisser plusieurs centaines de morts sur le terrain. En tout, la guerre aura coûté au moins 2800 tués au Tibétains, toujours d'après les auteurs britanniques. Chemin faisant, les soldats anglais vivent sans ménagement aux frais des habitants.  
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YounghusbandLa fuite du Dalaï lama
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Les vainqueurs arrivent à proximité de la capitale le 1er août 1904. Les Anglais découvrent une ville à la fois magnifique et sordide. Le Potala les émerveille et les inquiète. L'ampleur des espaces verts qui ceinturent la cité les étonne. Mais les rues fangeuses sont encombrées d'immondices. D'énormes cochons, que les soldats doivent écarter à coups de baïonnette, y pataugent. La crasse des habitants et leur apathie consternent les vainqueurs. La disproportion entre le Potala et les taudis sans romantisme, dont se compose la cité, attire de leur part cette remarque: "C'est la manifestation de l'immense orgueil et de la volonté de puissance qui au Tibet sépare la caste sacerdotale des profondes vérités d'une religion qu'elle a prostituée". Younghusband restera néanmoins toute sa vie fasciné par la découverte de la culture tibétaine.   
Le Dalaï lama, cependant, s'est enfui vers Ourga (Mongolie) en compagnie de Dordjieff. Il est reçu avec empressement par le Kutuktu Bogdo Gegheen, chef religieux de Mongolie, et les représentants russes. Mais le Tsar, qui mène une guerre qu’il va perdre contre le Japon, ne peut pas voler au secours de ses amis tibétains, pour le moment. Le consul russe à Ourga, Shishmarev, n'en intrigue pas moins pour que le Dalaï lama se réfugie en Russie. Plusieurs habitants de Lhassa, effrayés par la réputation des Anglais, ont également déserté la capitale. Pékin destitue le Dalaï lama accusé de lâcheté. Ce dernier est parti sans laisser d'instruction. Younghusband reçoit l'ordre de faire sauter le Potala, si ses propositions ne sont pas rapidement acceptées. Heureusement, au bout de quelques jours, des plénipotentiaires se présentent.  
Les Tibétains vont composer avec l'occupant et lui ouvrir leur pays. Les accords antérieurs sont renouvelés. Trois centres commerciaux sont créés. Les Anglais recevront des dommages de guerre en soixante quinze versements annuels et occuperont la vallée du Tchumbi, tant que la somme convenue ne sera pas soldée. Le Tibet s'engage à ne pas céder ou louer une partie de son territoire sans l'accord de la Grande-Bretagne. Aucune puissance étrangère ne sera autorisée à envoyer des représentants officiels ou des personnes privées au Tibet, quels que soient les motifs de leur séjour, que ce soit pour construire des routes, des voies ferrées, installer le télégraphe, prospecter ou exploiter des mines, sans le consentement de Londres. L'accord est signé, avec apparat, dans la salle du trône du Potala, à la demande du chef de l'expédition britannique. Les troupes peuvent se retirer de Lhassa. Les Anglais vont occuper pendant 75 ans une partie du territoire tibétain. Cet accord, négocié sans la participation des Chinois, est parfois interprété comme une reconnaissance implicite de l'indépendance du Tibet par les Anglais; on verra que cette interprétation est néanmoins contredite par d'autres accords, dans lesquels la suzeraineté de la Chine sur le Royaume des Neiges est explicitement reconnue par le cabinet de Londres.  
Les termes de l'accord sont mal accueillis dans plusieurs capitales. La France propose un marché à l’empereur de Chine; il protège les missionnaires français au Tibet; en retour, ceux-ci maintiennent les fidèles dans leur devoir envers le souverain de Chine. La France reconnaît donc implicitement à son tour l’autorité de la Chine sur le Tibet. La Russie proteste énergiquement. La Chine refuse de reconnaître le traité. Les bouddhistes s’agitent à travers la steppe. Younghusband, loin d'être accueilli en héros, est désavoué par son gouvernement.
L'année de l'invasion, un Anglais, Perceval Landon décrit l'autorité du Dalaï-lama comme une machine d'oppression. À peu près au même moment, un autre voyageur de la même nation, le Capitaine W.F.T. O'Connor, observe que les grands propriétaires terriens et les prêtres exercent, chacun dans leur domaine respectif, un pouvoir despotique sans aucun appel, tandis que les simples gens sont opprimés par une fabrique de prêtres et de monachisme des plus monstrueuses.  
1905: La Chine entreprend la construction d’un télégraphe destiné à relier au Sichuan la ville de Chamdo (Kham), un important nœud de communications. Pékin envisage de coloniser la région et d’en exploiter les ressources minières. L’afflux de Chinois provoque un début de disette à Batang. Le nouvel envoyé de Pékin, Feng, qui vient d’y arriver, souhaite réduire le nombre des moines considérés comme des bouches inutiles. Il enjoint à la majeure partie d’entre eux (4700 sur 5000) de se défroquer sous peine de décapitation. Cette mesure déclenche une levée de boucliers. Feng ordonne alors la destruction du monastère de Batang. Sur le conseil du père Mussot, un missionnaire français, qui le juge militairement trop faible, il temporise, avant de quitter Batang pour Chamdo. A peine Feng a-t-il tourné les talons qu’une multitude de guerriers tibétains font irruption dans la bourgade et massacrent les Chinois. Feng lui-même est tué sur la route avec les soldats de son escorte.
Animée par les monastères gelugpas, qui menacent de mort tous ceux qui aideraient les Chinois, le soulèvement gagne toutes les régions du Kham. Les missions françaises, trop sectaires pour bien s’implanter en milieu bouddhiste, tombent sous les coups des révoltés. Elles ont ostensiblement fait le jeu de Pékin. Les missionnaires et les quelques convertis vont payer le prix fort. Les pères Mussot, Soulié, Bourdonnec et Dubernard  deviennent des martyrs de la foi. Les moines de Tchamoutong, au sud-est du Tibet, brûlent l'église du père Génestier, qui ne doit son salut qu'à une fuite accompagnée de coups de fusils; il tue même un adversaire qui le vise, d'une balle entre les deux yeux! La mission est pillée; un Tibétain, rendu fou par la sonnerie du réveil-matin qu'il vient de voler, se précipite dans un ravin où il perd la vie. L’ambassadeur de France réclame auprès du gouvernement impérial le respect des traités et la protection de ses ressortissants. La réplique ne va pas se faire attendre.  
Le général mandchou Zhao Erh-Feng envahit l'est du Tibet avec une extrême brutalité. Ses troupes rasent les monastères, massacrent les moines, décapitent les fonctionnaires tibétains et installent des Chinois à leur place, avec l’approbation des Français et aussi celle des Britanniques. L’éradication du bouddhisme tibétain et la colonisation du Kham sont les buts avoués de l’entreprise. Des paysans du Sichuan doivent remplacer les Khampas chassés de leur terre. Plus grands que les autres Tibétains, les Khampas ou habitants du Kham, sont d'une origine inconnue; certains pensent qu'ils pourraient descendre des anciens Tokhariens du Sinkiang, des Indo-Européens, on l'a déjà dit; quoi qu'il en soit, ces redoutables guerriers, quelque peu pillards, n'ont jamais été réellement soumis.
Zhao Erh-Feng met le siège devant Sampheling qui résiste quelques mois. Un grand nombre de défenseurs de la ville, coupable d’avoir tué deux mandarins quelques années plus tôt, seront massacrés. Le général chinois victorieux portera, devant l’histoire, le surnom de "boucher Zhao". Il se montrera impitoyable envers les vaincus. Il fera torturer pendant trente jours le prince soupçonné d'être l'instigateur du meurtre de l'amban de Batang, en prenant bien soin de le maintenir vivant; il lui fera désarticuler les rotules devant sa famille; finalement, il ordonnera de le mettre à mort, en lui arrachant le coeur, et la foule défilera devant le corps encore palpitant. 
Voici comment Bacot rapporte la prise de Sampheling. Le siège du monastère fortifié dura six mois; toute la contrée environnante s'était réfugiée au milieu des moines guerriers bien pourvus de vivres et d'eau venant de la montagne par des conduits souterrains. L'approche se fit par mines et contremines, les adversaires s'étranglant dans les boyaux souterrains. Les Chinois finirent par découvrir les conduites d'eau et en privèrent les assiégés qui continuèrent cependant à résister (peut-être en buvant leur urine?). Les Chinois manquaient de vivres; ce fut la guerre de la soif contre la faim; la désertion se mit dans les rangs des assiégeants; les chefs qui ne savaient plus se faire obéir furent fusillés, les déserteurs coupés en morceaux, les blessés dans le dos exécutés. Le supérieur du monastère se pendit de désespoir; les moines guerriers ayant été décimés, les laïcs envoyèrent un émissaire réclamer des secours au monastère de Chontain, dont ils ignoraient la prise; l'homme tomba entre les mains des Chinois. Zhao Erh-feng pris son temps et usa de ruse; quelques-uns de ses soldats s'approchèrent de nuit des murailles, se faisant passer pour le renfort attendu; une fois les Chinois dans la place, une effroyable mêlée s'engagea, moines et laïcs tibétains déchirant à coups de dents leurs égorgeurs; dans la confusion, plusieurs assaillants s'entretuèrent. Le feu fut mis au grand temple qui contenait du fourrage et l'incendie troua de lueurs l'obscurité. Au matin, 80 moines, découverts dans un réduit secret, furent décapités un à un, au fur et à mesure qu'ils apparaissaient au grand jour.
Les adversaires font assaut de sauvagerie. Une cinquantaine de soldats chinois sont massacrés à coups de hache pendant leur sommeil, lors de l'investissement d'Atentze; leur officier est écorché vif et sa peau empaillée; plus tard, cette dépouille naturalisée est remise au vice-roi du Yunnan, comme pièce à conviction; le supplice favori des Tibétains est d'écorcher un homme vivant; ils ne dédaignent pas non plus de scier des soldats entre deux planches. Mais Bacot observe que même le meurtre chez eux prend un air innocent et paisible. 
Les événements rapportés ci-dessus sont certainement ceux qui ont été racontés à Marco Pallis en 1936, par un Khampa y ayant participé.
A la demande des Britanniques, le Panchen lama se rend en Inde. C’est une nouvelle carte que les Anglais espèrent mettre dans leur jeu. De son côté, le second hiérarque gelugpa compte se procurer des armes pour parer à toute éventualité. Il ne sortira rien de ce voyage au cours duquel le Panchen lama aura, pour la première fois, l’occasion de prendre le train. 
Une révolution, prologue de celle de 1917, secoue la Russie et fait vaciller le trône du Tsar. Les troubles sont la conséquence de la défaite russe face au Japon. La Russie va devoir renoncer à ses velléités d’expansion en Asie.  
1906: Le Dalaï lama quitte Ourga. Il est brouillé avec le Kutuktu Bogdo Gegheen dont il raillait la vie dissolue. Surtout, le Kutuktu a vu ses ressources fondre au profit du pontife tibétain qu'il doit nourrir et qui reçoit la plus grande partie des offrandes apportées par les pèlerins; il y a de quoi le rendre jaloux! 
Zhao, pacificateur du Kham, se taille, avec l’accord de Pékin, une manière de petit royaume. Le Tsarong et le Sagnen admettent la tutelle chinoise.
Les Chinois négocient avec les Britanniques le traité de Pékin. Echaudés par les déconvenues qu’ils viennent d’essuyer, affaiblis par la chute du ministère Balfour à Londres, les Anglais décident de se montrer conciliants avec la Chine. La convention de Lhassa est aménagée. Il n’y aura pas d’occupation anglaise du territoire tibétain. L’indemnité de guerre se règlera en trois fois. La suzeraineté de la Chine sur le Tibet est réaffirmée. Cette dernière puissance règle les sommes dues aux Anglais par les Tibétains.
Première expédition au Tibet de Jacques Bacot, à partir du Tonkin, suivant un itinéraire de pèlerinage qui le met en contact intime avec la vie religieuse des Tibétains. A son retour en France, il se consacre à l'étude du tibétain auprès de Sylvain Lévi. Voici quelques phrases de Bacot citées par Marco Pallis: "Les Tibétains s'imposent immédiatement par la dignité de leur personne. On les rencontre vêtus noblement, chevauchant dans les vastes espaces de leurs déserts... Dans tout le Tibet on aurait grand'peine à rencontrer un sot... Les Tibétains ne sont ni barbares, ni incultes, et leur pays ne l'est pas davantage. Ils cachent sous leur enveloppe rustique des raffinements qui nous font défaut, beaucoup de courtoisie et de philosophie, le besoin d'embellir les objets usuels quels qu'ils soient, une tente, un couteau... En outre, ils sont gais, ces Tibétains, et heureux, ce qui n'est pas le cas ailleurs aujourd'hui, plus heureux que nos pauvres ouvriers dans leurs tristes usines..." Ces appéciations, qui tranchent avec le ton critique et parfois méprisant d'autres explorateurs, méritent d'être soulignées.
Bacot arrive au Tibet, un pays "isolé du monde et si voisin du ciel que l'occupation naturelle de ses habitants est la prière" et où "les grandes cités sont les monastères dont les moines gouvernent, rendent la justice, lèvent l'impôt, impriment les livres, font le commerce, la banque et la guerre." Venu par le Yunnan jusqu'au Kham, pendant une période d'accalmie, "quelques têtes tombent encore, mais comme de grosses gouttes après l'orage", il narre des épisodes d'une guerre dont il n'a pas été témoin. Celle-ci débuta en 1905, par le meurtre du légat impérial (amban) de Batang. Les Tibétains envahirent Atentze, massacrèrent quatre missionnaires français, avec leurs ouailles indigènes, et incendièrent la ville. Le général chinois Zhao Erh-Feng répliqua en détruisant des monastères dont les moines s'étaient enfuis, tandis que ses lieutenants soumettaient la région; après quoi, ses troupes se dirigèrent vers le nord, à proximité du Nyarong, encore indépendant, où un envoyé de Lhassa et le supérieur d'un monastère se partageaient le pouvoir. Zhao Erh-Feng, si énergique au sud, parut alors temporiser. Au cours de son périple, l'explorateur français entend parler du royaume de Poyul ou Pomi. Ce royaume aurait été créé, au 13ème siècle, par des soldats chinois venus guerroyer au Tibet; ils auraient été séduits par la beauté du pays et y seraient demeurés; ses habitants, maintenant habiles dresseurs de chevaux, se livreraient au brigandage; ils seraient de religion bön; dans le nord de la région s'étendrait une forêt vierge peuplée de lions, d'aurochs et de licornes; on raconte que les hommes y portent une calotte de fer sur leur chevelure, que les maisons y sont faites de bouse séchée et d'os de yacks et bien d'autres choses encore. L'explorateur, intrigé, voudrait s'y rendre; il en est empêché par la vigilance des cerbères chinois, mais se promet de récidiver (voir ci-après ici).
Bacot ramena de ce voyage en France un Tibétain; ce dernier rédigea une relation naïve de son voyage qui mérite d'être connue et méditée, ne serait-ce que parce qu'il s'agit du seul témoignage d'un Tibétain de cette époque sur notre pays. On peut en lire un résumé ici
Le regain de violence contre les missionnaires occidentaux et la guerre sino tibétaine sont certainement des conséquences de l'équipée britannique à Lhassa; les Tibétains ne peuvent que voir d'un mauvais oeil ces étrangers qui les envahissent et les massacrent; par ailleurs, la Chine, incapable d'assurer la sécurité d'un pays qu'elle est censée protéger et se sentant elle-même menacée, se venge en accentuant son emprise sur le Pays des Neiges. Les rivalités des grandes puissances ont donc pour résultat un accroissement de la tutelle de la Chine qui avait tendance à s'affaiblir. Le Tibet est devenu le jouet d'enjeux qui le dépassent et qu'il ne peut pas maîtriser. L'étouffement dans le sang de la révolte des Khampas et la volonté affichée par la Chine impériale de coloniser la région, avec l'accord des Français et des Britanniques, marque un tournant dans l'histoire du pays. Au début du 20ème siècle, son avenir est en train de se décider.  
Sven Hedin  tente d'obtenir des Britanniques l'autorisation de se rendre à Lhassa. Il se heurte à un refus catégorique, malgré l'accueil cordial de son ami Younghusband. Les Anglais le soupçonnent d'être un agent tsariste. Il décide alors de passer outre et de se rendre à Shigatse, à partir du Ladakh qui dépend alors du Cachemire. Une expédition de vingt-cinq hommes et d'une centaine de chevaux et mulets est organisée. Elle doit surmonter des difficultés inouïes. La présence d'un Européen s'ébruite. L'explorateur, identifié, craint d'être refoulé, comme cinq ans plus tôt. Il parvient tout de même jusqu'à Shigatse, où le Panchen lama l'accueille favorablement et l'autorise à sortir du Tibet par le chemin des écoliers, lui offrant ainsi la possibilité de réaliser de nouvelles découvertes. Mais tout ceci est décidé à l'insu des Chinois. Sven Hedin observe que les Anglais, en envahissant le Tibet, ont travaillé pour l'empereur de Chine, dont la tutelle sur le Royaume des Neiges est plus affirmée que jamais. Il observe également que l'interdiction de tuer des animaux n'est pas respectée à la lettre par les adeptes du bouddhisme tibétain et suppose que certains rituels sanglants auxquels ils se livrent sont probablement une survivance du bön (un résumé du récit de l'explorateur suédois est ici).
Le Dalaï lama réside à Kumbum, en Amdo, jusqu’à 1908.
Pendant l'année 1906, le colonel Mannerheim, futur héros de l'indépendance finlandaise, est chargé par l'armée russe d'une mission d'exploration en Asie centrale. Il bénéficie de la couverture d'organisations scientifiques suédoises et finlandaises pour ne pas éveiller les soupçons. Il parcourra 7000 km à l'ouest de l'empire du milieu, notamment au Sinkiang et au Shanxi, dressant des cartes, prenant des photos et notant l'attitude des populations. Après un séjour à Pékin, son périple s'achève par une visite au Dalaï lama. Moscou n'a certainement pas abandonné tout espoir d'expansion à l'est.
1907: L’amban de Lhassa exige la destitution de Youthog Phuntsog Palden accusé d’être le responsable de l’ouverture des marchés britanniques au Tibet. Un programme de réforme est élaboré. Il prévoit la création à Lhassa d’un hôtel des monnaies, la mise sur pied d’une armée et la réduction des privilèges accordés aux religieux. Le recours à des mandarins est envisagé.
Trois des personnes écartées du pouvoir lors de l’invasion britanniques sont rappelées par le Dalaï lama. 
Zhao lance un train de réformes dans les territoires sous son contrôle. L'administration est partagée entre Chinois et Tibétains. L'influence des monastères est réduite par l'interdiction de s'agrandir et la réduction du nombre de leurs moines. Des écoles sont ouvertes. Le servage est aboli. Un état civil est créé. La fiscalité est modifiée. La monnaie mandchoue est seule admise, avec les lingots d'argent, comme moyen de paiement. L'hygiène corporelle et le port du pantalon sont imposés. Les colons chinois sont incités à s'installer dans la région. Leur mariage avec des Tibétaines est encouragé… Bref, la sinisation du pays est en marche. 
Mécontente de la concurrence commerciale que lui impose l’Angleterre au Tibet, la Chine interdit l'usage des roupies indiennes à l'ouest des terres sous son contrôle et envisage la création d'une banque à Lhassa. 

Un traité russo-japonais règle la question d’Extrême-Orient.

Le traité russo-britannique de Saint-Pétersbourg, qui consacre la volonté de paix des deux puissances en Asie, reconnaît la suzeraineté de la Chine sur le Tibet. Les grandes puissances tirent la leçon des événements.
De retour au Ladakh, Sven Hedin monte une nouvelle expédition pour parfaire ses connaissances sur le Tibet, en annonçant son départ pour Khotan, au Sinkiang, pour donner le change aux Tibétains. Mais le traité entre les Russes et les Anglais complique la situation puisque les deux puissances sont tombées d'accord pour n'autoriser aucune expédition scientifique au Tibet pendant trois ans sans leur accord préalable. Afin d'échapper à la surveillance des militaires, dont les postes ne vont pas manquer d'être multipliés aux frontières, l'explorateur se déguise en domestique musulman d'une caravane de marchands et s'abstient de se laver; plus tard, il prendra même les apparences du berger chargé de la garde des moutons de l'expédition. Mais, fatigué de jouer à cache cache avec les autorités et les mailles du filet se resserrant, il finira par se livrer et sera expulsé. On l'autorisera néanmoins à repartir en suivant un itinéraire inexploré (voir ici). 
1908: Le 13ème Dalaï lama s’installe au Wutai Shan (Shanxi). Il y reçoit de nombreux visiteurs étrangers et cherche à nouer des relations diplomatiques. Il souhaite se rapprocher de la France. A cette fin, il admet l’ouverture de missions catholiques au Tibet, à condition que les conflits qui les opposeraient aux monastères bouddhistes soient réglés par Lhassa. Ces tentatives resteront sans lendemain. Paris craint de mécontenter Londres, Saint-Pétersbourg et Pékin. La stabilité européenne milite pour une entente avec les deux premières capitales. Une brouille avec la Chine hypothèquerait la situation du Tonkin. Et puis, les contrats économiques proposés par la Chine sont beaucoup plus juteux que ceux du Tibet.
Le Tsarong et le Sagnen reviennent dans le giron de Lhassa.

Le pontife tibétain, après bien des hésitations, se rend à Pékin, où il est invité depuis longtemps par Tseu Hi pour discuter de la difficile question des convoitises européennes sur le Tibet et tenter de regagner les bonnes grâces du pouvoir central. Une délicate question de protocole se pose: lequel des deux potentats aura la prééminence sur l'autre? Une solution bâtarde est trouvée: le Dalaï lama se pliera au protocole imposé aux membres de la famille impériale; cette solution ne satisfait évidemment personne, chacun estimant être supérieur à l'autre! On oblige le Dalaï lama à fléchir le genou devant l'impératrice douairière pour marquer sa dépendance. On l'humilie par tous les moyens. Mais il ne se laisse pas intimider. L'impératrice décerne à son visiteur des titres honorifiques empoisonnés et, suprême humiliation, elle lui garantit le paiement d'une rente, comme à un haut fonctionnaire chinois. Un décret le rétablit dans ses fonctions de chapelain de la cour mandchoue mais la relation religieux-protecteur est visiblement tombée en désuétude et Pékin traite désormais le Dalaï lama en vassal.
Un second amban s’installe à Lhassa. La tentative de main mise chinoise se confirme.
Mort de l'empereur Guangxu. Mort de l'impératrice de Chine Tseu Hi (Cixi). Les Chinois voient dans ces deux décès inattendus une vengeance du Dalaï lama. Un enfant, Pouyi, monte sur le trône de Chine.
Nouveau traité sino-britannique signé à Calcutta. Après des débats houleux, la convention de 1893 est confirmée. La Chine est militairement garante de l’application de l’accord au Tibet. 
1909: Retour à Lhassa du Dalaï lama. Il se montre gracieux avec les Tibétains et ignore ostensiblement les Chinois. Le cœur des soldats chinois est noir de rage, selon l’expression de l’un d’entre eux.
Création par le Dalaï lama d’un Bureau des affaires étrangères, embryon d’un futur ministère.
"Le Journal indigène du Tibet" voit le jour. Mais il est imprimé en Chine. 
Après avoir temporisé deux ans à Batang, Zhao Erh-Feng bouscule l'armée tibétaine à Chamdo (Tsiamdo), puis descend vers la boucle du Brahmapoutre; une armée chinoise avance au Tibet, soit disant pour faire respecter les accords sino-britanniques; la Chine entend en réalité prendre sa revanche, suite à l'agression britannique, et affirmer son autorité sur le Pays des Neiges. Le second amban est destitué; il aurait tenté de négocier avec l'entourage du Dalaï lama. Le général Zhong est lancé en une marche foudroyante sur Lhassa, avec une poignée d'hommes gonflée par la propagande, sans s'inquiéter des poches rebelles du Tsarong et du Nyarong, ni des monastères révoltés de Sacha Gumba et Louzon, qui ne sont pas encore soumis. Des émeutes, orchestrées par les monastères de Ganden, Sera et Drepung, éclatent à Lhassa; mais, plutôt que d'organiser la résistance, les Tibétains massacrent les Chinois installés dans la capitale et brûlent la demeure des amban. Les moines agissent en ordre dispersé: certains protègent les Chinois pour se faire bien voir des envahisseurs, d'autres marchent à leur rencontre et se font battre; les survivants se déguisent en civils pour fuir. Le général Zhong s'empare de la ville; l'intention des Chinois est d'arrêter le Dalaï lama et de mettre à mort trois de ses ministres. Le Dalaï Lama est contraint de fuir une seconde fois; il quitte en catastrophe le Potala pour se réfugier aux Indes britanniques. Des unités de l’armée tibétaine se sacrifient pour arrêter ses poursuivants. L'armée chinoise entre dans une ville morte, après avoir supplicié les parlementaires envoyés au devant d'elle. Le Tibet est vaincu par ses querelles intestines et par sa naïve crédulité, plus que par la force de ses adversaires (Bacot dixit).
Zhong pille le Potala dont les trésors sont envoyés en Chine; au passage, une peinture sacrée est offerte en cadeau à Monseigneur Giraudeau, évêque des missions françaises au Sichuan, ancien zouave pontifical, qui a lutté contre les Prussiens dans l'armée de Bourbaki en 1870, et qui mourra presque centenaire, sans avoir jamais vu une automobile de sa vie. 
Dans une revue parisienne mensuelle, qui relate les exploits de Sven Hedin, le mystérieux Tibet est décrit comme un État dominé par une théocratie qui, pour se maintenir au pouvoir, ferme obstinément le pays aux influences extérieures. Lhassa est qualifiée de cité interdite. Des pans entiers de la région sont encore à découvrir. Les nomades sont des êtres primitifs à demi sauvages. Un peuple de barbares superstitieux, complètement coupés du reste du monde, voilà l'image des Tibétains propagée alors auprès de l'opinion publique française.
Nouveau voyage au Tibet de Jacques Bacot, au cours d'une période troublée. Il laissera le récit de ces voyages, "Dans les marches tibétaines - Le Tibet révolté". Cette fois-ci, il remonte du Yunnan jusqu'au Sichuan où il pénètre au Kham pour gagner le royaume de Poyul, où il ne parviendra pas; il se dirige vers le sud, traverse le Nyarong, puis passe par le Tsarong dans l'espoir de se rendre jusqu'au mythique pays de Pemakoe. Son voyage se heurte aux réticences des représentants locaux de l'autorité qui ne lui interdisent pas positivement de poursuivre sa route mais font tout ce qu'ils peuvent pour l'en dissuader. De ces pérégrinations dans les marches tibétaines, à la frontière du Yunnan, peuplées de nombreuses ethnies qui se détestent,  l'explorateur rapporte une foule de renseignements. Son voyage est finalement arrêté par les Tibétains et notre explorateur se voit contraint de revenir au Yunnan; mais il a découvert les sources de l'Irrawaddy, sans les avoir cherchées. L'abondance de ses observations empêche de les rapporter toutes ici; un résumé en est donné par ailleurs, quelques extraits figurent ci-après. 
Les missionnaires et les explorateurs avancent derrière les troupes chinoises qui écrasent les populations d'impôts et de corvées; les Tibétains soupçonnent les Européens d'être derrière les entreprises d'expansion chinoises; on soupçonne l'explorateur français d'être en reconnaissance pour le compte de la Chine, quand on ne le prend pas pour un mandarin. Les Chinois ne connaissent rien des pays où ils font la guerre; ils envoient d'abord des troupes insuffisantes qui sont battues et doivent ensuite revenir en nombre. Les troupes chinoises sont mal commandées et mal traitées, les officiers s'approprient la solde, l'expédition de Bacot croise une colonne chinoise dont les soldats sont décimés par la dysenterie. Les scellés sont mis sur les biens précieux des monastères occupés par les militaires chinois, mais cela n'empêche nullement certains officiers de vendre des objets à leur profit; les bâtiments conventuels, dévastés et mal entretenus, convertis en bureaux administratifs et en casernes, tombent en ruine. La sinisation du pays est en marche et elle commence d'abord par l'ouverture d'écoles où l'on apprend le mandarin. Lorsque les Chinois introduisent leur code au Tibet, ils ne font qu'y semer le désordre. Les Tibétains sont très courageux, mais la portée de leurs fusils à mèche est trop courte; ils doivent s'approcher très près de leurs adversaires pour espérer les atteindre; ils essuient donc des pertes sévères. L'esclavage subsiste au Tibet mais il y s'agit plutôt d'une forme de servage. Les prisons tibétaines sont des fosses profondes où le prisonnier est introduit, puis muré par la voûte; un regard au sommet permet de lui jeter de l'eau, de la nourriture et des ordures; il dort couché dans l'eau; Younghusband aurait retiré un vieillard d'une cellule de ce type dont les larmes avaient creusé des rigoles dans ses joues. Les Tibétains n'ont aucun sens de ce qu'est la nation; Bacot observe que, s'il n'avait pas volontairement renoncé à son entreprise, les Tibétains qui l'accompagnaient auraient fait la guerre à leurs compatriotes, qui tentaient de l'arrêter, sans l'ombre d'une hésitation; au Tibet, les tribus se battent entre elles depuis toujours; on y est fidèle à son maître, pas à une patrie. Voici un exemple des châtiments auxquels s'exposent les voleurs: un moine du Dergué, qui avait dérobé des objets sacrés, est chassé du monastère après qu'on lui ait prélevé des lanières de chair dans le dos et coupé un bout du nez; ailleurs, on se débarrasse d'un délinquant en le jetant dans une rivière cousu dans une peau de bête.
A la lecture du récit de Bacot, on est souvent amené à penser que le conflit du début du 20ème siècle n'est qu'une répétition anticipée de ce qui se produira cinquante ans plus tard. Une autre remarque vient à l'esprit; elle est inspirée par le regard porté par un lama karmapa sur les destructions de monastères commises par des soldats chinois, lors d'incidents de frontières, bien avant l'arrivée des communistes au pouvoir; le lama les interprète comme une leçon de non-attachement et une occasion de méditer sur l'impermanence des choses; cette attitude, peut être rapprochée de celle de Milarepa face à sa cruche cassée: les événements funestes sont nos maîtres; cette position me semble typiquement tibétaine, les Occidentaux peuvent la comprendre, mais elle ne leur viendrait pas spontanément à l'esprit et, surtout, elle ne motiverait pas leur comportement.
Parlons maintenant un peu du Pémakoe (ou Népémakö), second but du voyage de Bacot. Effrayés par les exactions commises par les troupes chinoises, des habitants du Kham méridional se sont jetés dans l'Himalaya, à la recherche de la vallée où se blottirait ce pays idéal, espérant y trouver la paix et l'abondance. La Terre promise des Tibétains aurait été découverte par Pen'ba tsan; cette région, demeure du monstre légendaire Chengui, se trouverait dans une boucle du Brahmapoutre et serait défendue par des lions. D'après une prophétie de Padmasambhava, le bouddhisme doit être un jour chassé du Tibet envahi par les Toro-napo, des hommes au vêtement court devant, long derrière (est-ce une vision de la queue de pie occidentale?) et qui se mettent à l'ombre derrière un crottin de cheval; alors, les arbres, de chaque côté du fleuve, s'inclineront les uns vers les autres et réuniront leurs cimes pour former un pont sur lequel passeront les derniers bouddhistes, dirigés par un grand lama; le lama domptera les bêtes féroces qui vivent au Pémakoe, lequel deviendra alors habitable; il serait très chaud, couvert de fleurs et si fertile qu'il suffirait de tendre les mains et de récolter les fruits pour s'y nourrir, sans avoir à travailler. Pendant l'expédition anglaise à Lhassa, le grand lama Song-gye Thomed (bouddha auquel rien ne résiste), s'y serait rendu et y aurait construit des monastères. Des milliers de familles tentent donc de rejoindre le fabuleux territoire pendant la guerre sino-tibétaine; la plupart de ces personnes, habituées au climat des altitudes, meurent de la fièvre, contractée dans un milieu chaud et humide, ou des morsures des serpents. La désillusion est à la mesure des espoirs: la vallée se révèle être une terre inhospitalière, habitée par des aborigènes à peu près inconnus qui se nourrissent de la chair des singes locaux; deux ans plus tard, un explorateur retrouvera les ossements de ces malheureux, morts de faim et d'épuisement, éparpillés le long du chemin de leur exil. Mais n'est-ce pas comme un écho anticipé du mythe de Shangrila?     
1910: Le Dalaï lama réclame l’aide de Saint-Pétersbourg. Les ambassadeurs du Japon, de la France, de la Russie et de la Grande-Bretagne à Pékin sont approchés par des émissaires tibétains. Le Japon s’interroge. Les autres puissances préfèrent privilégier leur alliance avec la Chine.
Zhao Erh-Feng entre à son tour à Lhassa. Pékin destitue le Dalaï lama en termes méprisants. Un gouvernement prochinois est constitué. Les biens de la famille Demo lui sont restitués. Londres proteste du bout des lèvres.
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Le 13ème Dalaï lama en exil en Inde
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Les démarches engagées par le Dalaï lama pour solliciter l'intervention des puissances étrangères demeurent lettre morte. Les Anglais reconnaissent le nouveau gouvernement tibétain installé par les Chinois*. La situation instable du sous-continent ne les incite pas à risquer une confrontation avec l'empire mandchou. Londres s'oppose même à un déplacement du pontife tibétain en Russie; tant qu'il sera sur leur territoire, il devra cantonner son action aux affaires religieuses. 
* Pour le tibétologue américain Robert Barnett, le Tibet devient à ce moment complètement chinois pour quelques mois. Avant, il n'était qu'une colonie ou un protectorat.
1911: Le Dalaï lama profite de son exil pour s’initier à la politique étrangère. L’idée de créer une armée nationale germe dans son esprit. Il entre secrètement en relation avec la résistance tibétaine et prépare une insurrection.  
L'officier britannique Charles Alfred Bell et son bras droit, un ressortissant du Sikkim qui parle anglais et tibétain, Laden La, déjà mêlé à l'invasion de 1904, servent de d'agents de liaison auprès du pontife tibétain. 
Le Panchen lama, resté au Tibet, refuse la proposition des Chinois de remplacer le Dalaï lama. Mais il n’entretient aucun contact avec la résistance intérieure.
Sun Yat Sen crée le Kuomintang, un parti nationaliste. Les troupes chinoises se soulèvent et renversent le jeune empereur. La Chine se transforme en république. Le général Yuan Shikai en sera le premier président. Il gouvernera le pays de manière dictatoriale mais ne parviendra pas à se faire proclamer empereur.  
Au Tibet, l'amban est déposé par les militaires révoltés. Des combats les opposent aux troupes restées fidèles à l'empereur déchu, notamment à Shigatse.
Zhao Erh-Feng est décapité par les révolutionnaires chinois à Chengdu.
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Zhao Erh-Feng décapité
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La Mongolie extérieure se soustrait à l'influence chinoise, se déclare indépendante et proclame empereur le Kutuktu (Bogdo-Gegheen), bouddha vivant, reflet mongol du Dalaï lama. Le Kutuktu cumule donc à son tour les pouvoirs spirituel et temporel.  
La Chine en décomposition n’intéresse plus l’Angleterre qui se rapproche du Dalaï lama et s’engage à lui fournir l’aide nécessaire pour chasser les Chinois de son pays le moment venu.
Dans sa brochure "L'Art tibétain", Jacques Bacot écrit: "Le seul but que je m'étais proposé... était de réhabiliter un peu les Tibétains, de réclamer pour eux, non pas de l'admiration, mais de l'indulgence et montrer qu'en somme ils ne sont pas tout à fait des barbares." Ces mots, en retrait par rapport aux appréciations élogieuses rapportées plus haut (1906), paraîtront extrêmement sévères aux lecteurs d'aujourd'hui. Mais ils s'adressaient à un public habitué à porter un regard largement négatif sur le Royaume des Neiges.
1912: Le Tibet profite de la révolution de 1911 pour remettre en cause la présence chinoise sur son territoire. Une insurrection éclate, d’abord au Kham, comme à l’accoutumée, puis elle se répand dans le reste du pays. De violents combats opposent les insurgés aux troupes chinoises. On compte les morts par milliers. A Lhassa, les Chinois se retranchent dans le monastère de Tengyeling. Les monastères de Sera et Ganden prennent part à la révolte, alors que celui de Drepung reste fidèle aux autorités en place. Finalement, celles-ci sont destituées. Les membres du gouvernement prochinois sont arrêtés et les plus marquants sont exécutés. Des troupes chinoises, venant du Sichuan et du Yunnan, commencent alors à pénétrer au Kham, pour rétablir l'ordre. Leur progression est rapidement stoppée sous la pression de Londres, qui menace de ne pas reconnaître la République de Chine. L'armée chinoise du Tibet ne peut plus compter sur des renforts. Elle se débande et doit être évacuée via l'Inde, avec l’accord des nouvelles autorités tibétaines; cet accord reste lettre morte; beaucoup de soldats, en butte à l'hostilité populaire, périssent en route. La persécution s'abat sur les partisans de la Chine. Le monastère de Tengyeling est rasé. Les épouses tibétaines de soldats chinois doivent fuir à l'étranger, pour éviter d'être lapidées ou mutilées. Le général Zhong, qui commandait les troupes chinoises à Lhassa, de retour en Chine, est arrêté par les autorités de Pékin, jugé puis exécuté.
Les Anglais obtiennent l’éloignement de Dordjieff qui est envoyé en Mongolie. 
Mandaté par le Dalaï lama, Dordjieff se rend en Russie pour obtenir la reconnaissance de l’indépendance du Tibet. La même démarche est entreprise auprès de la France et de l’Angleterre. Tous ces efforts resteront vains. La Chine étant hors jeu, les cartes vont être redistribuées en Asie et les nouvelles zones d’influence ne sont pas encore attribuées. Une reconnaissance prématurée de l’indépendance du Tibet serait de nature à réduire la marge de manœuvre des puissances coloniales, en le soustrayant par avance à leurs appétits. 
Accord sino-russe qui reconnaît la souveraineté de la Chine sur la Mongolie extérieure. Cette dernière obtient cependant l'autonomie et la Russie exercera sur elle une sorte de protectorat. 
Les nouvelles autorités chinoises élaborent la doctrine des cinq races. La Chine est un pays composé de Chinois, de Mongols, de Mandchous, de Musulmans et de Tibétains. Cette doctrine inspirera la politique chinoise jusqu’à nos jours. 
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Le drapeau de la République de Chine (1912-1928) symbolisant la doctrine des cinq races
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1913: Un accord de reconnaissance mutuelle d’indépendance est signé entre la Mongolie et le Tibet. Les relations établies entre les deux nations permettent l’acheminement d’armes japonaises du Japon vers le Tibet en transitant par la Mongolie.  
Le Dalaï lama revient à Lhassa avec une baignoire dans ses bagages. C’est la première baignoire introduite au Tibet! Le Dalaï lama est accompagné par Laden La qui dirigera un temps la police de Lhassa tout en continuant à servir les Britanniques. Le pontife tibétain proclame l'indépendance de son pays dans un discours resté célèbre. Il y note que le Tibet est indépendant pour la première fois depuis l’accession au pouvoir des dalaï lamas. Conscient des forces centrifuges qui le travaillent, il exhorte ses peuples à l’union sous sa bannière, celle de Songtsen Gampo dont il se veut l’héritier.
La déclaration d'indépendance du Tibet se base sur la vacance du trône de Chine et, par voie de conséquence, sur la nullité des allégeances antérieures, ce qui revient à reconnaître implicitement ces allégeances.L'indépendance ne s'entend d'ailleurs que vis-à-vis de la Chine. Les relations avec la Grande Bretagne ne sont pas remises en cause. Un point important en découle et mérite d'être souligné. Le souverain tibétain ne va pas nouer de relations diplomatiques avec l'étranger. Compte tenu du traité signé avec les Anglais, cela lui serait difficile. Ces derniers, toutefois, auraient pu reconnaître l'indépendance du nouvel État et procéder à un échange d'ambassadeurs; ils ne le font pas, on a vu plus haut pourquoi et l'on sait également que les autres puissances se montrent peu soucieuses de prendre parti prématurément. L'isolement diplomatique dans lequel le Pays des Neiges est maintenu jouera un rôle important dans le futur. Mais nul n'en a conscience pour le moment. 
Le traitement asymétrique des deux pays, éviction de la Chine d’un côté, maintien de la tutelle anglaise de l’autre, est interprété par les révolutionnaires chinois comme une manœuvre de l’empire britannique pour asseoir sa domination sur l’Asie. A leurs yeux, l'indépendance fictive du Tibet s'inscrit dans la continuité de la guerre de l'opium. Cette idée alimentera leur propagande. L'intérêt géostratégique du Toit du Monde n'échappe à personne. Dans cette forteresse naturelle naissent tous les grands fleuves d’Asie. Leurs vallées sont autant de voies d’invasions potentielles. Aucun pays asiatique ne peut se désintéresser de ce qui se passe au Tibet, la Chine moins qu’un autre.
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Le drapeau du Tibet indépendant
  
Le potentat tibétain va s'efforcer de redresser son pays et de promouvoir des réformes. Il abolira la corvée de transport. Il limitera les privilèges de la noblesse et s’entourera de roturiers progressistes. Il amènera l’électricité au Tibet. Il ouvrira une école anglaise à Gyantse et rêvera d'introduire dans son pays une instruction élémentaire obligatoire, mais les monastères s'y opposeront. Des timbres et une monnaie nationale verront le jour. Surtout, il tentera de doter son pays d'une armée moderne. Elle sera initialement formée par un officier japonais. Elle comportera une unité de moines guerriers, la guerre n'est pas incompatible avec les principes du bouddhisme tibétain, à condition d'être menée pour la défense et la propagation de la religion; le bouddhisme tibétain n'est, sur ce plan, guère différents des religions occidentales. L'armée ne dépassera jamais 17000 combattants pourvus d'armes souvent démodés. Ces réformes entraînent une hausse de la fiscalité qui soulève l'hostilité d'une partie de la population. Le clergé voit d’un mauvais œil la création d’une caste militaire formée à l’étranger qui risque de lui disputer le pouvoir. Bien des gens pensent que l’entretien d’une armée moderne constitue une dépense inutile et qu’il suffit, si besoin est, d’appeler les Mongols à la rescousse, comme autrefois!  
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Le bouddhisme et la guerre
Initialement non violent, le bouddhisme, on l'a déjà dit, fut obligé de se plier aux contraintes sociales dès qu'il cessa d'être une religion individuelle pour se fondre dans les institutions étatiques. Les exemples qui montrent qu'il s'est accommodé de cette renonciation à l'un de ses principes de base sont nombreux. Le régime fasciste japonais recruta ses adhérents les plus fervents dans le milieu bouddhiste aussi bien que chez les shintoïstes. En 2009, les bouddhistes du Sri Lanka ont applaudi sans état d'âme à l'écrasement sanglant de la rébellion tamoule. Le Tibet ne fait pas exception à cette règle; le bouddhisme tibétain compte d'ailleurs un dieu de la guerre d'origine mongole, Begtse, qui brandit une épée de la main droite et de la gauche un coeur humain; il figure sous un dais fabriqué de crânes humains et des diables rouges grouillent à ses pieds. Le coeur humain pourrait rappeler une coutume mongole; on dit en effet que les princes de cette nation arrachaient celui de leur ennemi pour le dévorer tout chaud.
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Le dieu de la guerre: Begtse
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Voici un extrait révélateur du discours d’indépendance: «Nous sommes une nation petite, religieuse, indépendante. Pour nous maintenir à la hauteur du reste du monde, nous devons défendre notre pays.» On ne peut pas mieux dire. Mais encore faut-il en avoir les moyens et ceux-ci lui sont chichement mesurés par son opinion publique!  
Nouveaux troubles au Nyarong (Kham). Le consul britannique de Chengdu, Sir Eric Teichman, réussit le tour de force de pacifier la région.
1914: La Russie, satisfaite du protectorat qu’elle exerce sur la Mongolie, n’entend plus se mêler des affaires du Pays des Neiges. La conférence de Simla (Inde) va donc se borner à un débat entre trois partenaires: le Tibet, la République de Chine et la Grande Bretagne. L'indépendance du Tibet y est admise, mais la Chine continue de posséder un droit de suzeraineté sur les hauts plateaux. Les frontières sont arrêtées entre les possessions des trois pays; celles du Tibet sont à peu près les mêmes que celles de la Région autonome qui sera instituée par le régime communiste un demi siècle plus tard. Des provinces du nord et de l'est du Tibet historique sont placées sous contrôle chinois. Une partie du versant sud de l’Himalaya tombe dans l’escarcelle des Britanniques. La Grande Bretagne, le Tibet et la République de Chine s'entendent pour fermer les frontières du Tibet aux Occidentaux. Seuls des Anglais (Charles Bell et Henry Mac Mahon en particulier) vont pouvoir y circuler librement.
Des dignitaires tibétains expriment à l'Anglais Charles Bell l'idée que c'est dans leur pays que se trouvent les racines de la Chine. Tous les fleuves de l'Asie y prennent leur source. Il est donc évident, depuis toujours, que l'histoire du Tibet et celle de la Chine sont étroitement liées. Les deux pays se prennent pour le centre du monde. L'influence culturelle de la Chine au Tibet est presque aussi importante que celle de l'Inde, comme le révèle en particulier l'architecture du Royaume des Neiges. D'après Gedun Chompel, le lion des neiges, symbole du Tibet, aurait d'ailleurs été inspiré par le lion chinois, lui-même venu de Perse. Quoi qu'il en soit, la doctrine de l'Angleterre et désormais arrêtée et pour longtemps: le Tibet est indépendant de fait, sinon en droit, mais il continue d'être sous suzeraineté chinoise. Cette position sera celle du cabinet de Londres jusqu'en2008.  
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L'emblème du Tibet indépendant
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Malgré les avantages qu'il en retire, le gouvernement chinois fait la fine bouche et ne ratifiera jamais le traité. Il souhaiterait renouer le lien religieux-protecteur et trouve que les territoires qui lui sont accordés sont insuffisants, compte tenu des conquêtes de Zhao Erh-Feng. Tous les termes de l’accord ne seront donc pas appliqués. Le Tibet en tire argument pour dénoncer la clause reconnaissant la suzeraineté de la Chine. Le point de vue des Tibétains est partagé par certains analystes, dont les membres d'une commission internationale de juristes commanditée par l’ONU après 1959; il convient cependant d'observer que, si l'on admet que la non ratification par la Chine de la convention de Simla rend celle-ci sans effet, on en revient à la situation antérieure; la suzeraineté de la Chine sur le Tibet cesse d'être reconnue par la Grande-Bretagne, mais l'existence d'un État tibétain indépendant n'est pas acquise pour autant puisque celui-ci n'a été reconnu par aucun grand pays avant Simla. Par ailleurs, prétendre que la reconnaissance de la Grande-Bretagne suffit pour légitimer l'indépendance du Tibet sur l'arène internationale revient à dire que l'Angleterre dicte le droit en matière internationale. La Chine y trouve évidemment des arguments pour dénoncer un complot colonialiste. 
La première guerre mondiale met à mal cet édifice laborieusement élaboré. L’Angleterre est trop occupée sur les champs de bataille européens pour intervenir en Asie. Le Japon s’empare de la colonie que les Allemands possédaient en Chine. 
Un explorateur allemand, Albert Tafel, publie un récit de voyage dans lequel il fait état du royaume de Nangchen. Ce royaume, situé au nord du Tibet, aurait été fondé au 8ème siècle de notre ère. Il faisait partie des nombreuses principautés féodales dont se composait l'éphémère empire tibétain.
Révolte à Batang (Tibet oriental). Un accord entre la Chine et le Tibet empêche l’affaire de dégénérer en une confrontation entre les deux pays. L’armée tibétaine ne serait pas en mesure de résister à une attaque chinoise. Le Dalaï lama est contraint d’accepter la présence à Lhassa d’un représentant de Pékin. Mais, dans l’esprit des Tibétains, il ne s’agit que d’une trêve qui leur permettra de renforcer leur armée. Un millier de soldats tibétains sont mis à la disposition de Londres, pour lutter aux côtés des soldats britanniques contre les empires centraux. Quatre jeunes nobles sont envoyés à Londres pour y étudier l’art de la guerre.
1915: Une mission tibétaine se rend en Inde pour obtenir des armes et une augmentation des taxes frontalières, en vue de financer l’effort d’armement. Elle n’obtient pas satisfaction. 
Des troupes chinoises se révoltent un peu partout sur fond de xénophobie. Sur les marches du Tibet, elles font appel à Lhassa. Un missionnaire est massacré.  
Le Japon entre en lice. Il voudrait imposer son protectorat à la Chine.
1916: Mort de Yuan Shikai. Plusieurs provinces chinoises proclament leur indépendance. Le règne des seigneurs de la guerre commence. 
Révolte des Tibétains du Sichuan.
Alexandra David Néel, qui s'est rendue à Shigatse, à partir du Sikkim, reçoit une lettre du résident britannique lui enjoignant de quitter le sol tibétain (à une date imprécise, mais pendant la Première Guerre mondiale). Cette lettre est accompagnée d'une expulsion du Sikkim. L'entrée des étrangers au Tibet est étroitement surveillée par les Anglais.  
1917: Le Potala interdit au monastère de Tashilumpo l’usage des corvées. Le Dalaï lama reproche au Panchen lama son inertie lors des événements de 1904.
Au Tibet intérieur (région sous contrôle chinois), l’anarchie grandissante et les exactions des militaires, dont les officiers ne pensent qu’à s’enrichir, réduisent la population au désespoir.
La Grande Bretagne, malgré la guerre en Europe, profite de la décomposition de la Chine pour tenter de s’imposer comme seule puissance jouissant d’un statut privilégié au Tibet.  
Un religieux du monastère de Pakio, se croyant prédestiné, déclenche une rébellion armée contre les Chinois dans les territoires qu’ils occupent. Il ambitionne rien de moins que la conquête de toute la Chine! Après quelques succès éphémères, l’équipée s’achève par une déconfiture totale. Mais la trêve entre la Chine et le Tibet est rompue.
Révolution en Russie. Lénine et le parti communiste bolchevique accèdent au pouvoir.
Dans "La main de Fu Manchu", Sax Rohmer situe au Tibet le quartier général de la sinistre conspiration du docteur pour dominer le monde, "un mystère caché derrière le voile du lamaïsme". Le thème de cet ouvrage ne manque pas de saveur à une époque où la quasi totalité de la planète est enchaînée à l'Europe comme Omphale à son rouet! Ne pourrait-on pas y voir le miroir où l'Occident apercevrait, non sans une certaine crainte, le reflet de sa propre image? 
1918: Tentative d'invasion du Tibet par les troupes chinoises sous les ordres d'un seigneur de la guerre, le général Peng. L’armée tibétaine modernisée, aidée par la population, met les Chinois en déroute. De nombreux prisonniers chinois ne rentreront jamais chez eux. Ils sont noyés par groupes de plusieurs dizaines d’hommes. Les autres subissent un véritable calvaire. On les fait défiler dans Lhassa, derrière les cadavres mutilés de leurs camarades morts sur la route. La modernisation n’a pas effacé l’antique barbarie.
Pékin doit faire appel aux Britanniques pour obtenir d’abord un cessez-le-feu, ensuite une garantie de son intégrité territoriale.  
Les frontières orientales du Tibet avec la Chine sont repoussées vers l’est à la suite de l'armistice de Rongbatsa (Tibet oriental). Les Anglais interviennent cependant afin de modérer les exigences tibétaines. La France s’inquiète pour ses missionnaires des conséquences du passage sous l’administration de Lhassa des lieux où ils évangélisent. Au sortir de la Première Guerre mondiale, les territoires contrôlés par Lhassa recouvrent à peu près ce que sera ultérieurement la Région Autonome du Tibet (RAT). Le reste du Tibet historique, non encore juridiquement intégré à des provinces chinoises, est sous le contrôle des seigneurs de la guerre. 
Théodore Monod écrit dans son Journal: «Le Tibet, en ce moment, me fascine. C’est un pays immense, et à peu près inconnu… et quel mystère enveloppe ces déserts retirés, parcourus seulement par des chevaux sauvages, des oiseaux et des chacals, semés de villes mortes, témoins d’une civilisation qui dut être avancée. J’ai envie d’apprendre le tibétain… Le Tibet aux Tibétains, voilà la justice… Il serait beau qu’il se fondât un "État autonome tibétain", mais d’où les Anglais et les Russes seraient à déloger, aussi bien que les Chinois.» 
1919: La Grande Bretagne, qui avait songé un moment à porter la question du Tibet devant  la conférence de la paix à Versailles, y renonce en raison des exigences japonaises. La question des frontières tibéto-chinoises se traitera par des négociations à Pékin.  
Des troubles antioccidentaux agitent la Chine. Les ressortissants de ce pays refusent la clause du traité de Versailles qui ouvre sur leur pays une porte au Japon. Cette puissance asiatique montante figure parmi les vainqueurs de la première guerre mondiale. Les Japonais accréditent auprès des Chinois l’idée que la politique de Londres vise à les évincer du Tibet. Les négociations de Pékin échouent. 
Les territoires du Kham, provisoirement repris à la Chine, sont en voie de pacification.
La Chine abroge l'accord sino-russe de 1912 relatif à la Mongolie extérieure. Elle va profiter des troubles consécutifs à la révolution bolchevique pour tenter de reprendre pied dans ce pays.
1920: Mise en route d’une réforme fiscale pour financer la modernisation du Tibet et de son armée. Celle-ci dépouille la noblesse et le clergé monastique d’une partie de leurs prérogatives. Les impôts qu’ils prélevaient jusqu’à présent remonteront partiellement au pouvoir central. Le Panchen lama devra solder les frais d’entretien du quart de l’armée nationale, perspective qui n'enchante guère l'abbé de Tashilumpo.
Sous l’influence des idées de la révolution française, qui commencent à pénétrer au Tibet, la transmission héréditaire des charges est supprimée. Le mérite prend la place de la naissance.
Le commandant en chef des troupes tibétaines, Tsarong Shape, qui porte un uniforme européen, affiche des opinions très favorables à l’évolution en cours, qu’il souhaite appuyer sur l’armée. Face à lui se dresse l’opposition conservatrice des religieux, avec à sa tête les abbés de Sera, Drepung et Ganden, qui estiment que l’ouverture sur l’étranger va détruire la religion. Une partie des notables accepte les réformes mais sans aller jusqu’à un bouleversement complet de la société. Religieux et nobles refusent une nouvelle ponction sur leurs revenus fiscaux pour alimenter des projets de modernisation dont ils contestent le bien fondé. 
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Tsarong Shape au milieu de ses officiers
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Fondation du Parti populaire mongol inspiré par la révolution bolchevique. Curieusement, Dordjieff continue de servir les intérêts russes, malgré l'athéisme militant du nouveau régime. Il estime que le communisme est compatible avec une religion athée telle que le bouddhisme et il n'est pas loin de croire que Lénine est une réincarnation de Sakyamuni. Par ailleurs, il pense que le mythe de Shambala est d'origine russe.   
Mission de Charles Bell, accompagné de Laden La, à Lhassa. Les Anglais vont former les officiers de la nouvelle armée tibétaine et lui procurer des armes. Il s’agit maintenant d’empêcher le communisme soviétique de pénétrer sur le toit du monde.  
1921: Les moines de Ganden, Sera et Drepung profitent de la fête du Monlam Chenmo pour manifester leurs sentiments anti-britanniques.
Tsarong Shape et de jeunes officiers interrompent une réunion de l’Assemblée de Lhassa pour réclamer de nouveaux impôts contre les nobles et une représentation de l’armée. Les moines se mobilisent pour s’opposer à un éventuel coup de force militaire; certains d’entre eux occupent le palais d’été, Norbulingka, où ils se livrent à des actes de vandalisme. Une guerre civile menace le Tibet. Le Dalaï lama frappe à droite et à gauche pour ramener le calme. Mais il est effrayé par le tour que prennent les événements. Il met en sommeil sa politique de réformes et se rapproche du clergé conservateur. Ce dernier réclame la fermeture de l'école anglaise de Gyantse et s'oppose à l'introduction des sports occidentaux. Le football est prohibé car, taper dans un ballon, c'est frapper la tête de Bouddha! Parallèlement à cette montée du conservatisme, le culte de Shugden, protecteur des Gelugpas et gardien de leur doctrine, bénéficie d'un regain de faveur.
Fondation du Parti communiste chinois à Shanghai. 
Le Kutuktu (Bogdo-Gegheen) proclame l'indépendance de la Mongolie extérieure. Avec son accord, un aventurier d'origine germanique, le baron Ungern von Sternberg, envahit le pays à la tête de militaires russes qui fuient la révolution bolchevique. Doté d'un indéniable charisme, ce personnage énigmatique est autoritaire et cruel. On l'appellera le loup des steppes. Il exige de ses soldats une soumission sans réserve et exécute lui-même les officiers récalcitrants en leur fracassant le crâne à coups de canne! Se prenant pour une réincarnation de Gengis khan, il rêve de reconstituer l'empire mongol; le nouvel État, placé sous le gouvernement nominal du Kutuktu, serait protégé par un ordre de chevalerie bouddhiste inspiré des Chevaliers Teutoniques. La Chine intrigue pour rétablir son influence. La guerre civile fait rage et les troupes d'Ungern font des incursions au Tibet.
Ungern von Sternberg
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1922: Un puissant ministre gelugpa impose son fils comme réincarnation du 15ème Karmapa, contre les voeux des membres de l'école. Le jeune tulkou meurt rapidement, en tombant du haut d'un bâtiment, et c'est un candidat de l'école qui le remplacera! 
Inauguration d’une ligne télégraphique entre Lhassa et les Indes britanniques. 
L’universitaire américain Joseph Rock, installé à Lijiang, au Yunnan, commence à écrire des articles pour le magazine américain National Geographic. Sa collaboration se poursuivra pendant plusieurs années. On pense que ces articles ont inspiré James Hamilton, l’auteur d’"Horizons Perdus". Rock explore les vallées du nord-ouest du Yunnan et s’aventure au Tibet. Il en rapporte des informations scientifiques et aussi de nombreuses photos très intéressantes. 
  
Défait et capturé par les soviétiques, le baron Ungern von Sternberg est fusillé. La Mongolie extérieure devient une monarchie parlementaire théocratique sous influence russe. La personne du Kutuktu n’est pas mise en cause par les soviétiques, en dépit de sa collusion avec le baron.
1923: Fuite en Mongolie du Panchen Lama qui redoute que le Dalaï Lama ne le fasse assassiner. Une querelle s'est élevée entre les deux hiérarques gelugpas au sujet des taxes imposées au Panchen lama. 
Naissance du 16ème Karmapa. 
Émeutes dans la région de Labrang (Amdo) où les Chinois tentent de pénétrer.
Alexandra David-Néel, se met dans la tête de se rendre à Lhassa, malgré les interdictions britanniques. Elle réside en Asie depuis 1911. Orientaliste, elle y a poursuivi ses études auprès de personnes distinguées. Elle s'est entretenue avec le Dalaï Lama au Sikkim et s'est rendue à Shigatse, en 1916. Elle en a été expulsée, suite à une intervention de Charles Bell, résident de la Grande-Bretagne au Sikkim. Ensuite, elle a visité plusieurs pays d'Asie, dont la Mongolie et le nord du Tibet. Mais la vigilance des Britanniques et de leurs sbires lui a jusqu'à présent fermé la porte de Lhassa.  
Le caractère dominant de cette femme est la volonté, une volonté qui confine à l'entêtement. Aucun obstacle ne la fera renoncer à son projet. Cette fois, accompagnée de son fils spirituel, un jeune lama, elle décide d'effectuer une nouvelle tentative à partir des montagnes du Yunnan. Pour déjouer les nombreux contrôles de police qui jalonnent la route, au passage des rivières ou dans la traversée des villages, elle se déguise en mendiante tibétaine faible d'esprit, qui se rend en pèlerinage, sur un lieu saint, accompagnée de son fils.  
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Alexandra David-Néel
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Le récit de ses aventures, "Le Voyage d'une Parisienne à Lhassa", est justement célèbre. On le lit avec beaucoup d'intérêt. Les péripéties de cette périlleuse équipée sont décrites avec précision, non sans humour, par une Européenne dont l'esprit rationnel ne s'en laisse pas facilement conter. Le réalisme y côtoie le merveilleux. L'image qu'elle donne des Tibétains est saisissante. Le peuple est fruste, pauvre, sale, ignorant et superstitieux. Il vit dans des conditions d'hygiène plus que précaires et mange une nourriture, que notre vagabonde refuse, mais que son fils est obligé d'accepter par politesse, malgré le dégoût que cette viande lui inspire: des abats faisandés dans une panse de brebis cousue! Pourtant, on la sent pleine de sympathie pour ces gens, hospitaliers et souriants au milieu de leur misère, même s'ils ne se laissent pas aisément deviner et si une première impression favorable est souvent suivie de déconvenue.   
Son fils se fera plusieurs fois passer sans difficulté pour un devin. Il exploitera ainsi la crédulité des personnes rencontrées pour en obtenir de menus services. Mais tous les deux savent bien que les prétendus pouvoirs du jeune lama ressortent davantage de l'habileté que d'un véritable don. Le long cheminement, à pied à travers de hautes montagnes, sur des sentiers escarpés, est pénible et dangereux. Un accident les retardera: le fils, lors d'un chute, se foule une cheville et il leur faut attendre sa guérison dans une grotte. La faculté, qu'elle tient de l'enseignement d'un gourou, de pouvoir accroître la température de son corps presque à volonté, lui permet de résister au froid des nuits en altitude (pour ce qui concerne cette précieuse faculté, voir  ici). Au franchissement des cols, on s'exclame: "les dieux ont triomphé; les démons sont vaincus", en bons Tibétains!  
On traverse des vallées suspendu à un câble au-dessus des fleuves. Il n'y a pas toujours de ponts et, lorsqu'il en existe, ils sont gardés aux deux extrémités par la police. A force de ruses, on parvient à échapper à la vigilance de la maréchaussée. Mais cela ne suffit pas. Un jour, Alexandra David-Néel est reconnue par un pèlerin qui l'a rencontrée en Chine. A partir de ce moment, elle vit dans l'angoisse d'une dénonciation qui la ramènerait à la frontière. Il lui arrive d'avoir à utiliser le pistolet qu'elle porte sur elle pour éloigner un importun. Un jour, son fils, qui marche derrière elle, est assailli par plusieurs voleurs qui le dépouillent de ses maigres ressources; les malfaiteurs sont trop nombreux pour qu'elle emploie l'arme; la vie de son fils serait en danger. Alors, l'idée lui vient de faire appel à son vocabulaire tibétain; elle couvre les agresseurs d'imprécations appelant sur leur tête la vengeance des dieux. Le ciel, jusqu'alors serein, se couvre opportunément; la forêt frémit. Les malfaiteurs deviennent verts de peur; sans doute ont-ils eu la malchance de s'en prendre à une redoutable magicienne; ils rendent l'argent et supplient la vieille mendiante de retirer ses malédictions. L'affaire est réglée! 
Notre couple finit par arriver à Lhassa où il s'établit dans une masure. La ville  est jugée médiocre. Sans le Potala, ce ne serait qu'une petite bourgade sans intérêt. L'imposant palais étagé sur la montagne est bâti sans génie. Décidément, les Tibétains ne sont pas des artistes!  Dans les magasins de la ville, en matière d'objets exotiques, on ne trouve guère que des casseroles en aluminium! La poussière de sable qui envahit les rues aveugle les passants. Mais notre aventurière a réalisé son pari. Elle a atteint la ville sainte malgré les interdictions de Londres! Elle y restera plusieurs mois.  
La visite du Potala faillit lui être fatale. Un moine, un affreux petit gnome, selon sa description, l'oblige à quitter son chapeau, à la stupéfaction de son fils, qui craint que cette atteinte portée à son déguisement ne dévoile sa véritable identité. Heureusement, il n'en est rien. On voit bien qu'elle n'est pas tibétaine, mais on la prend pour une Ladakhie. 
Elle assiste à des fêtes au cours desquelles elle aperçoit le Dalaï lama. L'une de ces fêtes est la version tibétaine du bouc émissaire. Périodiquement, un homme payé pour jouer ce rôle est chargé de toutes les fautes commises par les habitants de Lhassa. Il est chassé de la ville, au milieu des huées de la foule, venue assister à la cérémonie; l'affluence des pèlerins est immense. 
Le bouddhisme tibétain dépeint par Alexandra David-Néel est une religion imprégnée de magie et de sorcellerie, où l'influence du bön est indéniable. Les lamas se livrent masqués à des danses sacrées, accompagnées de musique et de chants admirables, qui comportent aussi quelque chose d'effrayant. Les masques portés par les officiants: têtes d'hommes grotesques, de démons ou d'animaux (cerfs, yaks...) font penser à un carnaval mystérieux qui aurait pu inspiré Jérôme Bosh ou James Ensor.  (Un site sur Alexandra David-Néel est  ici  et une vidéo est  ici )
1924: Construction de la première centrale hydro-électrique du Tibet. 
Mort du Kutuktu. Sa réincarnation n’est pas recherchée. Le régime parlementaire théocratique est aboli en Mongolie. Ce pays devient une République populaire sur le modèle soviétique. Son indépendance ne sera plus réellement remise en cause par la Chine. Mais cette puissance continuera cependant à entretenir le mythe de sa souveraineté sur un pays qui vient de lui échapper grâce à l'appui de la Russie. 
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Le dernier Kutuktu (Bogdo-Gegen)
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Le Panchen lama est contraint de chercher refuge en Chine. Une tentative de rapprochement avec le Dalaï lama échoue. 
1925: Les sentiments antimilitaristes d’une fraction de la population tibétaine sont exacerbés suite à l’amputation d’un soldat condamné pour avoir tué un policier au cours d’une rixe. Tsarong Shape est évincé de la tête de l’armée au profit d’un neveu opiomane du Dalaï lama. L’influence britannique est en perte de vitesse. L’école de Gyantse est fermée. L’ouverture du Tibet a fait long feu. Le pays se replie sur lui-même. Devenu prudent, le Dalaï lama aura désormais tendance à s’appuyer sur ses proches. On parlera de népotisme. La situation en Mongolie n’est certainement pas étrangère à la distance que le maître du Tibet prend désormais avec des idées nouvelles dont les conséquences l’effrayent. 
Tchang Kaï Chek contrôle le Kuomintang. Il parviendra, tant bien que mal, par la force et la négociation, à mettre au pas les seigneurs de la guerre.
Le Panchen lama est représenté à la conférence de réorganisation de la Chine organisée par un chef projaponais.
Antonin Artaud publie son "Adresse au Dalaï lama": "Nous sommes environnés de papes rugueux, de littérateurs, de critiques, de chiens, notre Esprit est parmi les chiens, qui pensent immédiatement avec la terre, qui pensent indécrottablement dans le présent... Car tu sais bien à quelle libération transparente des âmes, à quelle liberté de l'Esprit dans l'Esprit, ô Pape acceptable, ô Pape en l'esprit véritable, nous faisons allusion." Appel d'un déçu du mysticisme occidental à une autorité religieuse orientale afin de remplacer l'hôte du Vatican par celui du Potala ou provocation dans le goût surréaliste? En tous cas, une des premières manifestations de l'engouement qui portera les Occidentaux, quelques décennies plus tard, vers les religions de l'Orient mystérieux. 
1926: Fondation du Melong (Le Miroir), premier journal tibétain. D’abord ronéotypé, il est encouragé par le Dalaï lama et le Panchen lama. Il publie de nombreux articles ouverts sur le monde et s’inscrit dans le courant moderniste. Son audience restera toutefois limitée. Un article qu’il insère pour combattre l’ivrognerie, endémique au Tibet, ne contribue pas à élargir le cercle de ses lecteurs.
1927: Début de la répression anticommuniste en Chine. Le mouvement communiste est provisoirement vaincu. Les survivants entreprendront la longue marche qui les conduira au Shaanxi (1934). 
Participation du Dalaï lama et du Panchen lama à la formation du gouvernement national de Chine à Nankin.
Troubles à la frontière orientale du Tibet. Deux seigneurs de la guerre chinois, l’un étant le neveu de l’autre, les Liu, en sont venus aux mains.
Une mission communiste bouriate approche le Dalaï lama. A cette époque, le bouddhisme, présenté comme une religion athée, est jugé compatible avec le marxisme dans les sphères politiques de Moscou. 
Walter Evans-Wentz publie "Le Livre des morts tibétain". Cet ouvrage connaîtra un grand succès. Il sera plusieurs fois réédité et sera abondamment commenté à telle enseigne que, dans les éditions ultérieures, les commentaires occuperont davantage de pages que le texte lui-même. Jung en donnera une lecture psychanalytique. On oubliera souvent les origines et la fonction originelle du texte pour y projeter les fantasmes de l'Occident. 
1928: Le gouvernement de Nankin (Tchang Kaï Chek) crée un comité des Affaires mongoles et tibétaines. La volonté de colonisation du Tibet est réaffirmée.
Nouvelle mission communiste bouriate auprès du Dalaï lama. La Russie soviétique continue la politique extérieure tsariste. 
Un peintre orientaliste d’origine russe, Roerich, émigré aux États-Unis, parvient avec son fils, non sans difficultés, à pénétrer au cœur du Tibet. Il découvre que l’art animalier des nomades tibétains est très proche de celui des Scythes. Il étudie de nombreux monuments mégalithiques du sud du pays. Il ramène la collection complète du canon bönpo (300 volumes) qui sera déposée au musée qu’il a fondé à New York. 
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Le Tangla La sacré - Tableau de N. Roerich (1939)
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Au cours de ses pérégrinations, alors qu’il attend interminablement l’autorisation d’aller plus avant, Roerich rencontre le commissaire tibétain de Hor. Voici la description qu’il en donne. Ce «jeune homme de vingt-cinq ans, était assis sur une estrade couverte de peaux de léopard. Habillé à la chinoise d’une longue robe de soie jaune, il était coiffé d’un chapeau de fourrure surmonté d’une flèche d’or incrustée de pierres précieuses, insigne de son haut grade dans l’armée… Une bague en or massif, surmontée d’une grosse émeraude, ornait sa main. Devant lui, sur la table basse, étaient posés une tasse à thé, un encrier et tout ce qui est nécessaire pour écrire. L’étendard personnel du général et son sabre protégé d’un fourreau de cuir vert étaient suspendu au mât central de la tente.» Le commissaire se comporte en satrape oriental. Toute cette pompe est déployée au milieu d'un désert, où les nomades vivent dans la crasse et la pauvreté!   
1929: Lungshar devient chef de l’armée tibétaine. 
Tchang Kaï Chek envoie l’abbé du Temple Jaune de Pékin auprès du Dalaï lama. Ce dernier accepte un échange de représentants à condition que la Chine lui fournisse des armes. Les négociations tournent court.
  
1930: Conflit armé entre deux monastères du Kham dont l'un est soutenu par les troupes chinoises de l’un des Liu. Les Chinois sont repoussés et les guerriers khampas entrent au Sichuan. 
Tentative d’instauration d’un gouvernement soviétique au Kham oriental.
Mao Tsé Toung reconnaît aux minorités le droit de réclamer leur indépendance. 
La Chine propose au Panchen lama de lui fournir une escorte militaire pour regagner son pays. L’abbé de Tashilumpo refuse. Plusieurs tentatives de rapprochement ont lieu entre Pékin et Lhassa. Toutes échouent, le Tibet ne reconnaissant pas son inféodation à la Chine. 
1931: L’usage du tabac, réputé démoniaque, a été interdit au Tibet. Suite à la mort en prison d’un trafiquant arrêté dans la maison du bahadur, pendant népalais de l’amban chinois, une grave crise éclate entre le Népal et le Tibet. Seule l’intervention de la Grande Bretagne, qui mandate Laden La pour arranger l'affaire, permet d’éviter la guerre. Kunpela remplace Lungshar à la tête de l’armée.
Le roi du Pol, un État semi-indépendant, vestige des temps de troubles, refuse de payer son tribut à Lhassa. Il est chassé de son royaume qui est intégré au Tibet.
Apparition du cinéma et des premières automobiles à Lhassa. Le Dalaï Lama en fait venir trois qu'il n'utilisera que très peu, faute de routes et de carburant. Ce nouveau moyen de transport est mal accueilli par la population qui redoute que les gaz d’échappement n’irritent les divinités aériennes. De plus, il constitue une menace économique pour les caravaniers. Par ailleurs, la construction des routes mobiliserait les paysans au détriment de la production vivrière. Dans un premier temps, la modernisation entraînerait l’appauvrissement du pays; c'est ce qui se produira une trentaine d'années plus tard.
Le Panchen lama occupe une place d’honneur à la conférence de révision de la constitution chinoise. La suzeraineté de la Chine sur la Mongolie et sur le Tibet y est rappelée.
Le Japon s’empare de la Mandchourie.
Dans son ouvrage "La Religion du Tibet", l'Anglais Charles Bell écrit: "L'air sec, froid et pur stimule l'intellect mais l'isolement par rapport aux cités humaines et aux autres nations prive le Tibétain des sujets qui pourraient nourrir son cerveau. Son esprit se tourne alors vers l'intérieur et, aidé par la monotonie de sa vie et l'effroi que lui inspire l'échelle démesurée de la Nature qui l'entoure, il s'adonne à la contemplation religieuse... C'est là toute la différence entre l'attitude dévote et religieuse au Tibet et le matérialisme philosophique dans la Chine agricole.L'influence de l'environnement naturel sur l'orientation religieuse n'est pas une idée nouvelle. Renan n'a-t-il pas déjà émis l'hypothèse que le monothéisme est un produit du désert? 
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Le 9ème Panchen lama avec les dirigeants nationalistes chinois
(source: documentation chinoise)
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1932: Nouvelle tentative d'invasion chinoise au Kham à l'initiative d’un Liu. Les territoires perdus face aux Tibétains sont récupérés. 
Le Panchen lama, nommé par la Chine commissaire pacificateur des provinces frontières de l’ouest, est courtisé par les factions chinoises. Une nouvelle tentative de rapprochement du Dalaï lama avec lui échoue. L’abbé de Tashilumpo a choisi la carte chinoise. Un projet d'invasion du Tibet par 10000 Chinois, sous les ordres du Panchen lama, est élaboré.
Laden La, qui correspond avec les deux éminents religieux tibétains, pourrait servir d'intermédiaire.
Démarches diplomatiques du Potala tous azimuts, y compris auprès de la SDN, pourtant perçue comme une machine de guerre occidentale. Sans résultat. Ouverture de négociations avec la Chine pour régler le problème frontalier. Le Dalaï lama accepte de reconnaître la suzeraineté de la Chine. Mais l’affaire se complique. Un général tibétain poursuit les hostilités et un général chinois fait sécession pour se tailler un royaume personnel; ce dernier tient son charisme de la possession d’un poste de radio qu’il présente comme un moyen d’entrer en communication avec les dieux! Un accord est cependant signé. Le sort des populations concernées est loin d’être enviable. Du côté tibétain, la langue de Lhassa est imposée, les impôts sont démesurés, beaucoup de personnes s’enfuient au Yunnan. Du côté chinois, la pression fiscale est accrue au profit des militaires. La faiblesse du pouvoir central, tant en Chine qu’au Tibet, favorise le brigandage.
1933: Mort du 13ème  Dalaï lama. Déçu d’avoir échoué dans sa tentative de modernisation et de restauration de l’empire, il aurait décidé de quitter la vie, non en se suicidant, mais en choisissant le moment de sa mort, comme le peuvent les tulkou.
Voici quelques lignes prémonitoires extraites de son testament écrit alors que la Mongolie est devenue une république populaire : «Il se peut qu’un jour, ici, au cœur du Tibet, la religion et l’administration soient attaquées simultanément, du dehors et du dedans. A moins de sauvegarder nous-mêmes notre royaume, il arrivera que les Dalaï lamas et les Panchen lamas, le père et le fils, les dépositaires de la Foi, les glorieuses Réincarnations soient jetés à terre et leurs noms voués à l’oubli. Les communautés monastiques et le clergé verront leurs monastères détruits… Les administrations des Trois Grands Rois Religieux* s’effriteront. Tous seront réduits en servitude par l’ennemi, et contraints d’errer, en vagabonds. Tous les êtres vivants sombreront dans la misère et la terreur, et la nuit tombera lentement sur la souffrance du monde.» Dans ce document, il insiste sur la nécessité d’entretenir de bonnes relations de voisinage avec l’Inde, dominée par les Anglais, et la Chine, encore nationaliste. Il exhorte laïcs et religieux à faire front contre les dangers qui menacent le pays. (Le testament peut être lu  ici).
*Le Dalaï lama, le Panchen lama et le Karmapa. 
Un tremblement de terre agite le Tibet. C’est de mauvais augure!
Au moment où disparaît le 13ème Dalaï lama, il n'est pas inutile de s'interroger sur l'idée que l'on se fait du statut du Tibet à l'étranger. Malgré la déclaration d'indépendance de 1913, ce pays est toujours considéré en Occident comme partie intégrante de la Chine, ainsi que le montrent les cartes imprimées entre les deux guerres mondiales.
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A titre d'exemple, une carte de Chine publiée en France vers 1920 est  ici
Un Anglais d'origine grecque, Marco Pallis, entreprend une série d'ascensions dans l'Himalaya. Bien qu'il n'aille pas jusque dans leur pays, il rencontre plusieurs Tibétains et tombe sous le charme de leur caractère. Il passe par le village où étudia Csoma et croise le chemin d'un érudit italien, Guiseppe Tucci, qui négocie l'achat d'un tablier rituel confectionné avec des fragments d'os humains. Notre alpiniste note que, lorsque un mani(pierre portant un mantra gravé) se trouve au bord d'un chemin, celui-ci se sépare en deux afin que les bouddhistes puissent toujours avoir l'inscription sur leur droite lorsqu'ils passent devant elle, quel que soit le sens de leur marche, ce qui me semble symbolique de l'importance que les Tibétains accordent au respect de leurs rites, mêmes dans les circonstances ordinaires de la vie. 
A la même époque, le succès du roman de James Hilton, "Horizons perdus" accrédite dans l'esprit du public occidental l'image d'une région du monde, située dans l'Himalaya, où règnent la paix, la prospérité et la tolérance, à l'abri des montagnes couvertes de neige qui séparent cet oasis du reste d'un monde en proie à la guerre et aux bouleversement sociaux. Le mythe de Shangrila est en train de naître. Il propagera, dans l'esprit du public occidental, l'image fausse d'un havre de paix et de tolérance dans les vallées himalayennes où l'on vit très vieux, à condition de n'en jamais sortir, sous peine de retrouver immédiatement les misères inhérentes à son âge. La parenté de ce lieu idyllique avec le royaume de Shambala (et aussi avec la vallée de Pemakoe) est évidente. Dans l'un comme dans l'autre cas, il s'agit d'un univers idéal qui, comme la plupart des utopies, est aussi une prison. Mais, il convient de le noter, cet oasis de félicité ne doit pas grand chose aux autochtones. Il est, au contraire, la création d'un missionnaire belge, le père Perrault, installé, depuis 1743 (!?), dans un ancien monastère tibétain désaffecté qui se dresse quelque part entre ciel et terre. Et, sauf rares exceptions, ce sont des Occidentaux qui y tiennent les premiers rôles. L'idéologie colonialiste n'a pas encore perdue ses droits!
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Caravanier filant sa laine en marchantCampement de nomades avec leurs tentes de feutre noir
Dessins de Léa Lafugie
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Une femme peintre, Léa Lafugie, entreprend plusieurs explorations au Tibet. L'entrée sur le Toit du monde est toujours aussi difficile et périlleuse. Son talent de dessinatrice est le sésame qui lui ouvre les portes; les moines sont remplis de curiosité devant cette courageuse occidentale qui reproduit si bien leurs traits. Voici quelques-unes de ses observations les plus notables: la polyandrie assure la présence d'un homme au foyer tandis que les autres gardent les troupeaux sur la montagne ou vont commercer au loin; les femmes accueillent dans leur couche les étrangers de passage; une jeune fille enceinte avant le mariage est certaine de ne pas manquer de prétendants*: c'est la preuve qu'elle n'est pas stérile; les enfants, qui ignorent qui est leur père, tiennent tous les maris pour leurs oncles; les caravaniers se régalent d'un brouet d'intestins de mouton bouillis sans avoir été lavés; il est impossible, en altitude, de cuire les légumes, l'eau bouillant à moins de 100°**; les Tibétains ignorent le savon; il goûtent même à l'eau mousseuse du bain de l'exploratrice.  
* Observation voisine chez Bacot.
** Même remarque de Bacot qui ajoute que les aliments ne prennent qu'un goût de fumée. 
Le second voyage de Léa Lafugie l'amène à Gyantse, via Darjeeling et le Sikkim. Dans la cité tibétaine, l'exploratrice croise des prisonniers hirsutes, vêtus de haillons, les chevilles passées dans une lourde barre de fer qui les oblige à marcher les jambes écartées; ces malheureux, lâchés à l'aube et repris au crépuscule, mendient leur pitance, l'administration pénitentiaire n'étant pas chargée de les nourrir. Les ouvriers d'une fabrique de tapis, hommes, femmes et enfants, sont logés et nourris mais ne touchent aucun salaire; ils sont donc sous la totale dépendance de leur maître (Marco Pallis rapporte à peu près la même chose).
Un troisième voyage est organisé pour rejoindre le Spiti via le Bushar. Cette expédition s'avère encore plus pénible et plus périlleuse que les précédentes. La vision des grottes exiguës creusées dans la montagne, où des hommes se laissent enfermer pour méditer pendant des années, sans échanger la moindre parole avec quiconque, pas même avec ceux qui leur apportent leur maigre pitance, l'émeut autant que quelques années plus tôt le furent les militaires anglais assistant à une scène comparable.
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Prisonnier mendiant aux chevilles entravéesFunérailles célestes (les deux personnages au premier plan découpent un cadavre sur une table de pierres)
Dessins de Léa Lafugie
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Finalement, au cours de ces trois voyages, Léa Lafugie n'a pas pénétré très avant au Tibet. Elle en rapporte néanmoins une moisson d'images évocatrices. Le chemin de Lhassa est de toute façon irrévocablement fermé (un résumé plus complet de son récit est ici). 
Un auteur français, Teddy Legrand (pseudonyme de Frédéric Causse alias Jean d'Agraives ou de Pierre Mariel?) publie un roman intitulé "Les Sept têtes du dragon vert". Il y promène ses personnages dans les milieux ésotériques et politiques de l'époque. La trame des événements historiques, révolution bolchevique en Russie, prise du pouvoir par Hitler en Allemagne... y cache une conjuration dont le but est la domination du monde. Le Tibet n'est pas absent de cette fresque pseudo historique dont un passage sera repris et développé par Louis Pauwels et Jacques Bergier dans "Le Matin des magiciens" (1960). Malgré la présence dans cet ouvrage de personnages réels qui lui confèrent des allures d'authenticité, il semble bien que les faits qui y sont rapportés ne relèvent que de la fiction.


hibou ecrit Cette petite Emma est autiste mais a une voix merveilleuse

Le quatorzième Dalaï lama 
L'avènement du nouveau Dalaï lama ne s'effectue pas sous d'heureux auspices. Il est né dans une province sous administration chinoise et le Panchen lama est toujours éloigné de Lhassa. La contestation moderniste prend des formes républicaines et socialistes. La seconde guerre mondiale menace. Même si les Tibétains se désintéressent de ces querelles étrangères, elles ne les épargneront pas totalement. Les alliés s'efforceront d'entraîner le Tibet dans la guerre et la Chine nationaliste envisagera d'ouvrir, par la force, une route à travers son territoire. La fin des hostilités est rapidement suivie par l'arrivée au pouvoir des communistes à Pékin. Ces derniers poursuivent la politique traditionnelle de leur pays. Pour eux, comme pour les nationalistes qu'ils viennent de battre, le Tibet fait partie de la Chine. Il n'a pu en être séparé que par les manoeuvres des pays colonialistes. Dès 1950, les troupes chinoises entrent au Tibet et imposent au Dalaï lama des accords qui ne pourront pas être respectés. Cette invasion ne soulève aucune opposition de la part des grandes puissances: elles ont d'autres chats à fouetter et la plupart d'ailleurs reconnaissent, ou ont reconnu, la suzeraineté chinoise sur le Tibet. Les réformes, d'abord acceptées dans certains milieux, sont rejetées ensuite, surtout à l'est du pays. Des révoltes éclatent. Une véritable guerre leur succède. La contagion gagne le centre du pays. En mars 1959, Lhassa se soulève. Le Dalaï lama quitte la capitale. Comme son prédécesseur, il se réfugie en Inde. Mais son exil durera plus longtemps. Sous l'impulsion de ces événements, l'image du Tibet s'améliore encore en Occident. 
1934: La mort du Dalaï lama paraît suspecte. Le bruit se répand d’un empoisonnement téléguidé par une puissance étrangère (Japon, Russie soviétique ou Angleterre).  Kumpela, représentant la faction progressiste du monde politique tibétain, est arrêté et mis aux fers. Son frère, son père, un de ses amis, Tashi Dondrub, et l’oracle d’État sont inquiétés par la police. L’affaire se terminera par des acquittements et l’exil des prévenus.
Le Tibet entre dans une phase de contestations civiles et militaires. 
Djampel Yeshe, tulkou de Reting, a été nommé régent par le défunt Dalaï lama. Tucci le dépeint comme un homme jeune et frivole, dépourvu d'expérience, qui se vend au plus offrant, et se trouve sous l'influence de Lungshar, ancien chef de l'armée tibétaine, un ambitieux aux idées avancées.
Le bruit court de l’arrestation d’un membre du clan des Pangda dans la capitale tibétaine. Le Kham se soulève sous la conduite de Rapgya et Topgyay Pangda Tsang, fils d'un riche marchand. Les Khampas luttent à la fois contre les Chinois et contre le pouvoir de Lhassa. Des affrontements ont lieu avec les troupes communistes qui, au cours de leur longue marche, ont pénétré sur le territoire tibétain.
Lungshar fonde le parti de l’Union Heureuse. Il remet en cause le pouvoir temporel du Dalaï lama. Convaincu de complot républicain, il est condamné pour haute trahison. On lui arrache les yeux! D'autres disent qu'on les lui crève. La différence n'est pas bien grande. Un jeune général, nommé Kapshopa, que nous retrouverons plus tard, joue un rôle dans cette affaire. Le pouvoir tombe aux mains des conservateurs qui font le ménage et se débarrassent des progressistes.
Kumpela est contraint à l’exil.
Gedun Chompel (ou Gedun Chophel) se rend en Inde. Né dans l’Amdo, cet érudit, d’abord nyingmapa, reconnu comme un bouddha vivant, étudie ensuite au monastère gelugpa de Drepung. D’esprit ouvert et frondeur, il aime l’alcool, le tabac et les femmes. Aussi prend-t-il ses distances avec le clergé de son pays qu’il juge rétrograde. Il poursuit sa formation tout en visitant les lieux saints du bouddhisme, en Inde mais aussi à Ceylan. Il souhaite voyager à travers le monde, y compris en Union soviétique. Il rencontre plusieurs personnes mêlées aux mouvements politiques et culturels qui agitent le sous-continent. Poète et peintre de talent, il produit de nombreuses œuvres. Il collabore au Melong. Rédacteur d’une histoire du Tibet, d’après les chroniques anciennes, tibétaines et chinoises, il démontre que des feuillets ont été inversés, dans un but de falsification favorable au bouddhisme. Il pense que l'introduction de cette religion au Tibet est peut-être à l'origine de sa décadence. Il révèle aussi que les traditions tibétaines sont altérées depuis longtemps du fait de l’influence chinoise. Il se moque enfin des contes de fées colportés sur son pays en Occident. Un Anglais n’a-t-il pas soutenu, devant lui, que les Tibétains vivaient plusieurs centaines d’années, grâce à leurs pouvoirs supra normaux, alors que l’espérance de vie au Tibet est l’une des plus faibles du monde? 
La Chine profite de la vacance du pouvoir pour renouer les négociations avec le Tibet. Les autorités tibétaines reconnaissent sa tutelle mais entendent que l'armée et les relations internationales demeurent en leur pouvoir. Le pouvoir nationaliste chinois serait disposé à reconnaître la juridiction de Lhassa sur l'ensemble du Tibet historique à condition que les Tibétains admettent que leur pays fait partie de la Chine. Les négociations échouent mais les dirigeants tibétains autorisent l'installation à Lhassa d'un radio chinois; jaloux, les Britanniques obtiennent la même concession.
Le Panchen lama accepte une escorte chinoise pour rentrer à Tashilumpo. On le soupçonne de vouloir supplanter le Dalaï lama.
La Russie soviétique commence à utiliser le Sinkiang comme base de départ pour approvisionner en armement les troupes chinoises en prévision d’un conflit avec le Japon.  
1935: Le 14ème Dalaï lama naît dans l'Amdo.
L’Angleterre s’oppose au retour du Panchen lama sous escorte chinoise: ce serait contraire aux accords de Simla. 
Une jeune femme suisse, Ella Maillart, reporter au Petit Parisien, et un journaliste anglais, Peter Fleming, du Times, frère de l’écrivain Ian Fleming, auteur de James Bond, traversent la Chine d’est en ouest jusqu’au Cachemire, en franchissant l'Himalaya par des cols muletiers. Ils passent par le plateau du Tsaïdam, le nord du Tibet et le Sinkiang. Ils traversent le pays des Tangoutes, des pillards sans pitié qui terrorisent les populations alentour. Il leur faut franchir des déserts de sable, de pierres, des hautes montagnes, et des régions en pleine effervescence où la vie humaine n'a pas la même valeur qu'en Occident. Au passage de cols très élevés, ils doivent saigner les chevaux aux naseaux pour leur permettre de respirer. Nos deux voyageurs n’en sont pas à leur coup d’essai. L’un et l’autre ont déjà bourlingué. Chacun apporte ses atouts dans l’association. Ils ont tous les deux l'habitude de se débrouiller seuls et de ne dépendre de personne. Peter manie habilement la carabine, ce qui permet d'étoffer les dîners souvent frugaux, il possède quelques rudiments de chinois et sait amadouer les fonctionnaires grâce à sa bonne humeur. Ella connaît bien la vie des nomades, parle russe, et son sens du contact facilite les relations avec les populations rencontrées. N’empêche, l’excursion ne sera pas une partie de plaisir! (L'itinéraire emprunté par Ella Maillart et Peter Fleming est ici ). 
1936: Le régent et le Panchen lama, oubliant leurs dissensions pour le bien de la religion, s’associent pour trouver le tulkou du Dalaï lama. Il est découvert dans une zone de l’Amdo sous administration chinoise. Les négociations avec la Chine dureront trois ans avant que l’enfant puisse regagner Lhassa (voir Harrer). 
Mission britannique dans la capitale tibétaine.
Marco Pallis entreprend une nouvelle ascension dans l'Himalaya qui échouera. Une autre expédition mène l'alpiniste anglais au Ladakh. Il y rencontre un lama qui s'intéresse davantage à la bière et aux femmes qu'à la doctrine; pour le moment, il demande à ses visiteurs de lui réparer quelques appareils occidentaux en panne qui n'ont manifestement aucune utilité ici! Même si Marco Pallis ne parvient pas juqu'au Tibet, il note des détails qui prouvent que, dès avant la seconde guerre mondiale, les influences extérieures commençaient à miner les traditions tibétaines, au moins au Ladakh (un résumé de son récit est ici).
Deux explorateurs français, Guibaut et Liotard se dirigent d'Indochine au Yunnan où ils vont suivre, pendant un moment, l'itinéraire de la Longue Marche des troupes de Mao. Ils souhaitent se rendre au Tibet dont l'entrée est interdite aux étrangers. Après bien des péripéties, ils hivernent dans une mission catholique, Bahang, à proximité des marches tibétaines, après avoir traversé le territoire des farouches Lissou qui vivent encore à l'âge de la préhistoire. Ils assistent aux obsèques du père Génestier, qui évangélisait le fusil sur l'épaule; des moines tibétains du monastère voisin participent à la cérémonie; ils paraissent n'avoir conservé aucune animosité à l'encontre du prêtre catholique défunt, qui a pourtant tué l'un des leurs d'une balle entre les deux yeux. Au printemps suivant, le mandarin chinois, acheté par le don d'un mousqueton, ferme les yeux sur leur équipée; ils pénètrent au Tibet. Ils ne vont pas loin; le responsable Tibétain de la frontière les oblige à revenir au Yunnan, sans les contraindre cependant à revenir sur leurs pas. Ils ont la bonne fortune de se faire admettre dans la caravane d'un seigneur tibétain, ce qui leur offre la possibilité d'allonger un peu leur périple au Tsarong (Kham). Voici quelques remarques notées par Guibaut: il interdit à ses serviteurs tibétains d'essuyer sa vaisselle après l'avoir lavée car il sait avec quels ignobles chiffons ils le feraient; une Tibétaine nettoie une tasse en la léchant avec sa langue avant de la lui tendre; d'après un prêtre de la mission où les deux explorateurs hibernent, ici tout le monde est voleur ou volé, ou les deux alternativement; les bourreaux vendent le foie des condamnés à mort sur pied pour être mangé comme médicament ou pour s'approprier des caractéristiques du défunt; des nourrices passent de porte en porte pour vendre leur lait, bu directement à la source par les malades; pendant la fête de l'Épiphanie, les homme boivent la bière d'orge deux à deux, joue contre joue, au même récipient; les danses et les chants des autochtones ont quelque chose d'occidental qui les éloignent des modèles chinois; les Tibétains soignent leurs chevaux malades en leur faisant manger du poulet bouilli; avec la nouvelle année, Tibétains et Chinois se mettent à arpenter les chemins, les premiers saluent en tirant la langue et en se grattant l'oreille; les Tibétains de qualité fouillent sans vergogne les bagages des étrangers; les Tibétaines, parées de bijoux et souvent plus fardées que des mannequins parisiens, ne sont pas prudes et elles n'ont pas froid aux yeux; tuer un vautour, cet auxiliaire des funérailles célestes, est considéré comme un crime au Royaume des Neiges... (un résumé plus complet du récit de Guibaut est ici).  
1937: Mort du Panchen lama en exil. Il a prédit qu'il se réincarnerait en Chine. Les trois enfants supposés être ses tulkou sont les proies d'intrigues de cour. Un des candidats est soutenu par la Chine et un autre par Lhassa. C'est le favori de la Chine, né au Qinghai, sous administration chinoise, qui est choisi; on le suppose plus perméable aux intérêts chinois. D'après Tucci, il a été désigné sous la pression des autorités chinoises, sans respecter les formes traditionnelles, qui requièrent l'intervention du Dalaï lama ou de son régent.
Publication dans le Melong de l’article de Gedun Chompel: «La terre est-elle ronde ou plate?» L’auteur y soutient qu’elle est ronde, hérésie monstrueuse pour les religieux tibétains!
Début de la guerre sino-japonaise qui s'achèvera par la défaite du Japon à la fin de la seconde guerre mondiale (1945). Ce conflit met en sommeil, pendant un temps, celui qui oppose nationalistes et communistes. Chaque camp mène indépendamment la lutte contre l'armée nippone. Les États-Unis vont même fournir une aide militaire aux communistes, qui deviendront leurs alliés temporaires, entre 1941 et 1945. Déchirée et envahie, la Chine n'est plus en mesure d'intervenir dans les régions périphériques.
Une version cinématographique, quelque peu saint-sulpicienne, du roman de James Hilton "Horizons Perdus", due à Frank Capra (1897-1991), est livrée au public. En voici le résumé. Tandis que la Chine sombre dans le chaos, un Anglais, Robert Conway, pressenti pour devenir ministre de sa majesté, tente d'évacuer les Occidentaux, par la voie des airs, tout en empêchant les autochtones d'embarquer. Il prend le dernier avion, avec son frère et trois autres Occidentaux, deux hommes et une femme, pas toujours en repos avec eux-mêmes. Leur avion est dérouté et finit par s'écraser dans les montagnes. Une étrange cohorte les récupère pour les emmener dans la vallée de Shangrila, cité du bonheur et de la paix éternelle, fondée par un missionnaire belge, le père Perrault. Robert y trouve l'amour et une quiétude qu'il avait toujours cherchée, sans parvenir à l'atteindre. Mais son frère George ne comprend pas cette volonté d'isolement du monde et, incité par une autre réfugiée, il le pousse à quitter Shangrila, à leurs risques et périls. 
Sherab Gyatso, un érudit gelugpa, maître de Gedun Chompel, est contraint à l’exil. Ses relations futures avec le communisme seront ambiguës et controversées. A cette époque, il admire Mao Tsé Toung.
Un idéologue nazi, J. Strunk, publie un ouvrage (Vers Juda et Rome - Le Tibet) qui est comme un écho de la conspiration de Fu Manchu "Après le judaïsme et Rome, le Tibet: leur lutte pour la domination du monde" où le bouddhisme tibétain est réuni au catholicisme et au judaïsme pour être l'objet d'une même réprobation (voir aussi ici). Cet ouvrage n'est pas isolé, on peut encore citer les titres de Fritz Wilhelmy (Asekha: la croisade des moines mendiants), de Luddendorff (Les prêtres d'Asie et d'Europe). Mais ces auteurs n'exercent qu'une influence réduite sur l'entourage du Führer. Pour Rosenberg, l'idéologue du régime nazi, le premier conflit historique fut celui des guerriers contre les prêtres et les religieux tibétains ne sont que des moines chrétiens décadents. 
Dordjieff, responsable d'un mouvement pan mongol, préparait secrètement une révolution au Tibet, probablement pour le compte des soviétiques; son arrestation, suivie de sa mort en prison, met un terme définitif à son action. 
1938: L'agression japonaise et des victoires communistes contraignent le gouvernement chinois à fuir au Sichuan. Des centaines de civils, effrayés par les exactions nippones, se réfugient à l’ouest de la Chine dans des territoires autrefois tibétains. Ceux-ci vont désormais être majoritairement peuplés de Chinois.
Le seigneur de la guerre musulman, Ma Bufeng, domine les populations de l’Amdo sur lesquelles il prélève des contributions.
Gedun Chompel revient pour quelques temps au Tibet. Il y rencontre plusieurs personnes aux idées avancées. Des moines, qui font preuve d’indépendance d’esprit, sont persécutés et chassés des monastères. Mais le tulkou d’un monastère nyingmapa partage les idées nouvelles. Le clergé n’est donc pas homogène. Certains de ses nouveaux amis incitent le savant à s’établir sur les lieux de sa naissance pour y ouvrir des écoles laïques. D’autres voudraient organiser la paysannerie. Les discussions montrent que Gedun Chompel professe des idéaux socialistes et qu’il pense qu’une profonde transformation du Tibet est nécessaire à son salut. Changer le gouvernement, réduire le pouvoir du clergé, éduquer le peuple, redistribuer les richesses, affirmer la position du Tibet au plan international, tout en sauvegardant d’une tradition déjà malmenée ce qui mérite de l’être, tel est le programme débattu avec ses protagonistes. Pour y parvenir, Gedun Chompel, qui s’est intéressé à l’histoire de la Révolution française, pense qu’il faudrait abattre de nombreuses têtes. Il ne se sent pas de taille à effectuer cette tâche et retourne en Inde.
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Dans l'ancien temps, même en Europe, on pensait que le monde était plat. Et quand quelques personnes intelligentes affirmaient le contraire, elles étaient exposées à bien des épreuves, comme d'être brûlées vives. Aujourd'hui, même dans les pays bouddhistes, tout le monde sait que le monde est rond. Cependant au Tibet, nous nous obstinons à dire qu'il est plat.
Gedun Chompel, Tibet Mirror, Kalimpong, 1938
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L'Allemagne nazie commence à s'intéresser au Tibet. Des scientifiques allemands rapportent des images de ce pays. Elles révèlent au public européen un plateau situé à 4000 mètres d’altitude, entouré de déserts et des plus hautes montagnes du monde. Dans cet univers clos, rien ne semble avoir changé depuis des siècles. Le régime féodal y est encore en vigueur. Le pouvoir est entre les mains des moines bouddhistes et de quelques seigneurs qui règnent sur une population de serfs. Au sommet de la pyramide sociale, un roi prêtre: le Dalaï lama qui, se réincarnant indéfiniment, cumule pouvoir spirituel et pouvoir temporel. Mais ce folklore ne doit pas occulter les mobiles réels de l'expédition. Celle-ci a été conduite par un biologiste nommé Ernst Schäfer. Ce personnage s'est déjà rendu deux fois au Tibet, en 1931 et en 1934, dans le cadre des expéditions américaines de Brooke Dolan II, pour s'y livrer à des recherches zoologiques. Ce troisième voyage a été initié par l'Ahnenerbe (Héritage ancestral ou Bureau pour l'étude de l'héritage héréditaire), une organisation qui dépend d'Heinrich Himmler. L'équipe comprend un anthropologue, un géophysicien et un cinéaste. Elle a pour objet principal la mensuration du crâne des autochtones, afin de vérifier si les Tibétains peuvent être considérés comme les ancêtres des Aryens. Si c'était le cas, les habitants du Toit du Monde, gardiens de la Tradition millénaire, pourraient permettre aux nazis de réaliser leur rêve de retour aux origines de la race. 
A moins d'y être entré en fraude, les Allemands n'ont pu se rendre au Pays des Neiges qu'avec l'accord des Britanniques. Pourquoi ceux-ci, qui ont refusé l'accès du Tibet à Sven Hedin, à Alexandra David-Néel et à bien d'autres candidats explorateurs, se sont-ils montrés bienveillants avec des ressortissants de l'Allemagne hitlérienne alors que la seconde guerre mondiale se profile à l'horizon? Mystère. Certes, les Allemands ont été invités par les autorités de Lhassa et, dans les milieux dirigeants de Londres, le régime nazi possède ses partisans qui comptent sur lui pour endiguer le communisme, mais était-ce une raison suffisante pour fléchir l'opposition anglaise à une pénétration étrangère au Tibet? Certainement pas si l'on considère que les Tibétains caressent probablement le projet d'opposer l'alliance nippo-germanique à la complicité sino-britannique. Selon un membre de l'expédition, les dirigeants tibétains sonderont même leurs visiteurs pour savoir si l'Allemagne serait disposée à leur fournir des armes. Partis le 19 avril 1938, les Allemands sont arrivés à Calcutta le 13 mai. La presse germanique a alors rompu le secret, jusque là bien gardé. Apprenant le patronage de la SS, les journaux indiens ont fait paraître des articles très hostiles à l'expédition. Schäfer n'en a pas moins obtenu le soutien du ministre des Affaires étrangères de l'empire des Indes et celui du vice-roi!  
Des extraits des films tournés par les Allemands aux cours de leur expédition sont accessibles ici (wmv) (Source: Youtube: "The nazis expedition to Tibet")
On notera la fascination que le Tibet exerce sur les dignitaires du nazisme. Ils y voient le berceau de la race indo-européenne et le refuge de Sages destinés à régir l'humanité. Les mythes de l'Atlantide et de Thulé se superposent à celui de Shambala en une délirante construction intellectuelle qui conduit les dirigeants allemands à lancer des expéditions à la recherche des survivants des cataclysmes passés. Ceux-ci, dotés de connaissances et de pouvoirs supra-normaux, sont jugés capables d'aider le troisième Reich à établir la suprématie de la race de surhommes dont il estime être l'embryon. On ne peut s'empêcher d'y voir une sorte de folle tentative de renouer avec un improbable âge d'or de l'humanité situé au-delà de la préhistoire! Le Toit du Monde, mais aussi le centre de la terre, accessible via un trou percé au pôle, seraient des endroits privilégiés servant de refuge aux héritiers des civilisations disparues! Tout cela est en phase avec le désir nazi d'un retour à la tradition germanique antérieure au christianisme. Ces divagations n'ont bien sûr qu'un lointain rapport avec le bouddhisme. On ne saurait rendre une religion responsable de l'attrait qu'elle exerce sur des esprits malades. Mais, historiquement parlant, on ne peut pas non plus passer sous silence des faits simplement parce qu'ils sont troublants. Les sympathies de Sven Hedin pour le mouvement nazi sont avérées; Hitler lui envoie même un télégramme de félicitations, à l'occasion de son 80ème anniversaire, en 1945, juste avant de se tirer une balle de revolver dans la bouche. Le Führer est végétarien; étrange contradiction, il répand à flots le sang des hommes et se montre soucieux d'épargner celui des animaux; les lois nazies offrent à ces derniers une protection inconnue dans les autres pays. Le recours aux sciences occultes est cultivé par des membres de l’entourage du maître de l'Allemagne. Enfin, la croix gammée est la version bönpo du svastika. Toutefois, il convient également de se souvenir que le bouddhisme tibétain est soupçonné par certains nazis de conspirer pour dominer le monde, comme le judaïsme et le catholicisme. 
1939: Création du Parti réformateur du Tibet occidental par Kumpela dont la doctrine s’appuie sur trois principes: nationalisme, souveraineté populaire, socialisme d’État.
La plus grande partie du Kham, qui était jusqu'alors un district administratif spécial de le République de Chine, devient la province du Xikang, capitale Kangding.
Réalisation en Allemagne du film "Le secret du Tibet", basé sur des documents ramenés par l'expédition de l'année précédente. Il met l'accent sur les aspects guerriers de la civilisation tibétaine à des fins de propagande. Cette oeuvre de circonstance sera projetée pendant la seconde guerre mondiale. Une anecdote pittoresque: on y décrit les vautours chargés des funérailles célestes comme des cercueils volants!
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Dissection d'un cadavre pour la préparation des funérailles célestes
Source: Mystiques et Magiciens du Thibet - A. David-Néel
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1940: Le 14ème Dalaï lama est enfin consacré dans sa capitale. Pour parvenir à l'y ramener, il a fallu payer une énorme rançon au seigneur de la guerre qui dirige l'Amdo: Ma Bufeng (voir Harrer). La cérémonie d'intronisation du nouveau pontife tibétain est présidée par un envoyé de la Chine nationaliste: Wu Zhongxin. Ce représentant de Tchang Kaï Chek ne jouera pratiquement aucun rôle politique, sauf celui de faciliter le retour à Shigatse de la dépouille mortelle du Panchen lama, ainsi que la création d'un Bureau du Kuomintang à Lhassa et l'installation d'un télégraphe. 
Le régent est un ami des arts et il est favorable à une modernisation du Tibet. Mais il se montre aussi de plus en plus autoritaire et vénal. Il fait fouetter en public et bannir un dignitaire qui, dans un souci de protection des biens publics, s’opposait à la mise à sa disposition d’une partie de ceux-ci.
Un envoyé anglais voit plusieurs personnes qui ont été privées d'un de leur membre en punition d'un vol. Les riches échappent à une condamnation pour meurtre en dédommageant la famille de la victime; l'assassinat d'un membre élevé du clergé est tarifé entre 8000 et 10000 $, pour un femme de basse condition, le paiement de 11 onces d'argent suffit! 
Rapgya Pangda Tsang est expulsé de Lhassa pour avoir traduit des extraits des oeuvres de Karl Marx et Sun Yat Sen. Cette version des faits est toutefois controversée. Il sera plus tard l'un des chefs de la résistance à l'invasion chinoise. 
Guibaut et Liotard entreprennent une nouvelle tentative de pénétration au Tibet par le Sichuan. Ils sont attaqués par les Goloks. Liotard est tué d'une balle en haut d'un col. En plein vingtième siècle, les chemins de l'Amdo sont toujours aussi périlleux. Le père Nussbaum, missionnaire à Yerkalo, unique paroisse catholique du Tibet, est assassiné à la même époque par des brigands (voir un résumé du récit de Guibaut ici).
Voici les souvenirs que l'Allemand Ernest Schäfer rapporte de ses rencontres avec les Goloks. A Dju-Gompa, le matriarcat primitif est encore en vigueur. Une reine toute puissante, réincarnation d'une divinité, règne sur six tribus gouvernées par des princes. Elle est supposée être l'épouse de tous les princes de la terre. Une garde de 7000 soldats la protège et elle porte le mousquet comme les hommes. Les Goloks sont réputés pour leur courage et aussi pour leur cruauté. Ils ont élaboré les méthodes les plus raffinées pour traiter leurs ennemis. Ils ne se contentent pas de leur couper les mains ou de mettre leur crâne en pièces, comme le font les autres, mais ils les cousent dans des peaux de yaks fraîchement tués et les exposent aux ardeurs du soleil ou bien ils les éventrent et dévident leurs entrailles comme des écheveaux. Dès que les troupeaux sont bien nourris, ils se livrent à leur activité favorite: des raids dans les contrées voisines pour s'y livrer au pillage. Ils sont la terreur des villageois et des marchands chinois.
Les Britanniques filment l’arrivée au Potala du nouveau Dalaï lama, un enfant de 5 ans. La Grande-Bretagne veille encore jalousement, depuis l’Inde, sur le Tibet qu’elle juge nécessaire de soustraire, pour le moment, aux appétits chinois. La Chine contrôle néanmoins ce que l’on appelle alors le Tibet intérieur, au nord et à l’est du pays, et son objectif reste l'extension de son influence à l'ensemble du territoire.
L'Italie s'intéresse aussi au Tibet. Déjà Giuseppe Tucci a tenté de combiner les valeurs fascistes avec le bouddhisme tibétain. Maintenant, Julius Evola (1898-1974), idéologue de Mussolini, recherche les rapports existant entre les rituels tantriques et le pouvoir politique à travers des exemples européens (Cathares, troubadours, Templiers, Alchimie...); pour lui, il est possible de transformer l'énergie sexuelle en puissance politique et les dictateurs modernes (Hitler et Mussolini) sont des préfigurations des êtres appelés un jour à dominer le monde; le Shambala n'est que la version asiatique du mythe européen du Graal et de son roi sauveur. 
1941: Démission du régent pour des raisons secrètes. Très impopulaire, sans doute redoute-t-il la montée de l’opposition. Il entreprend une retraite spirituelle au monastère de Reting. La régence échoit à un vieillard de 75 ans, bouddha vivant de Taktra, aux vues parfaitement orthodoxes. 
Tchang Kaï Chek se rend à Lhassa où il visite le monastère de Drepung.
A Pearl Harbour, l’aviation japonaise détruit la flotte américaine du Pacifique. Une mission militaire US arrive à Kunming (Yunnan).
1942: Création de l'office des affaires étrangères du Tibet.
La famille Pangda, du Kham, dont les enfants partagent les idées révolutionnaires, s'enrichit grâce au trafic d'armes. Elle sert d’intermédiaire aux troupes nationalistes chinoises en lutte contre le Japon.
Création par Heinrich Himmler de l'Institut Sven Hedin pour la Recherche sur l'Asie Centrale dépendant de l'Ahnenerbe. Dans les milieux nazis, on travaille à la formulation d'une nouvelle religion en partant du principe que le bouddhisme, les Védas, les Puranas, les Upanishads, la Bhagavad-Gîta, le yoga et le tantrisme sont les fragments d'une spiritualité originelle indo-aryenne et antisémite disparue. Des emprunts à la culture tibétaine, au Zen et à la tradition des Samouraïs japonais sont également envisagés. 
Envoi à Lhassa d'un émissaire américain de l'OSS (future CIA), Ilya Tolstoï, petit-fils de Léon Tolstoï. Il est muni d'une lettre de Roosevelt, d'une montre en or et d'un couple d'oiseaux chanteurs destinés à séduire le Dalaï lama, alors âgé de 7 ans. On s'adresse à lui comme chef spirituel, et non comme chef politique du Tibet, afin de ne pas indisposer la Chine nationaliste, alliée des États-Unis, qui revendique la souveraineté du Tibet. Il s'agit d'amener le Tibet à renoncer à sa neutralité pour permettre aux alliés d'alimenter en armes les armées chinoises en lutte contre le Japon. La mission ne remporte pas le succès espéré. Une foule de 10000 Tibétains aurait même jeté des pierres aux Américains coupables d'avoir survolé le Potala et ainsi regardé de haut le Dalaï lama. Le Tibet reste neutre et seul un relais radio y est installé au profit des alliés; ce relais sera un temps tenu par un caporal  anglais nommé Baker qui nous apprend qu'une garnison britannique tient toujours la forteresse de Gyantsé (un résumé des tribulations de Baker au Sikkim et au Tibet est ici). Au même moment des espions japonais essayent de s'assurer que des armes destinées à la Chine ne transitent pas par le Toit du Monde. Ils s'étonnent de la facilité à s'en procurer sur le marché du Barkhor, en plein Lhassa.  
1943: Un projet d’ouverture d’une route militaire d’approvisionnement entre l’Inde et la Chine via le Tibet inquiète Lhassa qui réplique en expulsant le représentant de la Chine. L'office tibétain des affaires étrangères prévient le gouvernement nationaliste chinois qu’il devra désormais s’adresser à lui. Une sorte de ministère des Affaires étrangères est ainsi créé à Lhassa.
Les troupes de Tchang Kaï Chek s’apprêtent à envahir le Tibet à partir du Sichuan pour construire la route. La Chine nationaliste exige aussi la fermeture de l'office tibétain des affaires étrangères. Les pressions de l’Angleterre ont raison de l’opiniâtreté tibétaine. Mais la question n’est pas réglée pour autant.  (Pour ce qui concerne les relations entre la République de Chine, l'Angleterre et le Tibet, voir le témoignage de Chen Xizhang, repésentant du gouvernement nationaliste au Tibet, ici ).
Le régent proscrit l'usage au Tibet des vélos et des motos sous le prétexte que les roues scarifient la terre de cicatrices. Il n'y a pratiquement pas de routes dans le pays. 
Un projet de voyage en Occident de Gedun Chompel échoue. En raison des hostilités, et peut-être aussi parce qu’il est soupçonné d’espionnage par les autorités britanniques, il lui est impossible d’obtenir un visa.  
Un avion américain s’écrase au Pays des Neiges. L’équipage loue l’hospitalité tibétaine.  
1944: Puntshog Wangyal crée à Lhassa une organisation secrète d’inspiration communiste: "L’Association des Jeunes Tibétains sous Serment."
Afin de soulager la misère des populations, le régent efface les arriérés des prêts sur les grains. Cette mesure n’est du goût ni de la noblesse ni des abbés. Dans certains endroits les serfs sont molestés et les intérêts sont prélevés par la force. Lhassa s’efforce de faire respecter son autorité. Un préfet est massacré. Le monastère de Sera est compromis. Deux abbés sont démis.
Conscient de l’impossibilité de maintenir son pays fermé, le régent accepte l’ouverture d’une école anglaise à Lhassa, pour la formation de techniciens en télégraphie et en électricité. Sous la pression des conservateurs religieux, elle fermera au bout de quelques mois.   
Les Tibétains voudraient obtenir des Anglais la participation de leur pays aux accords de paix qui mettront fin à la seconde guerre mondiale. Le cabinet de Londres ne se montre pas favorable à cette initiative.
Les Russes, implantés au Sinkiang voisin du Tibet, tentent d'opposer un nouveau Dalaï lama à celui de Lhassa; la manoeuvre échoue.
L'alpiniste autrichien Heinrich Harrer s'évade en avril du camp de prisonniers de guerre de Dehra Dun, au nord des Indes, au pied de l'Himalaya. 
Un rapprochement est tenté entre Tchang Kaï Check et Lhassa. Des émissaires sont échangés (cf le témoignage de Chen Xizhang). Les dirigeants chinois redoutent qu'une participation du Tibet aux négociations de paix n'entraînent la reconnaissance de son indépendance par les alliés et le gouvernement du Dalaï lama, qui sait à quoi s'en tenir sur l'appui britannique à ses thèses, craint de se retrouver en tête à tête avec la Chine, dans l'hypothèse de l'indépendance prévisible de l'empire des Indes. Les deux parties ont donc intérêt à calmer le jeu. Mais le contexte dans lequel s'effectue le rapprochement laisse supposer qu'il n'est sincère ni chez les uns ni chez les autres. Sherab Gyatso, est autorisé à revenir dans son pays, mais sans ses élèves chinois.
1945: Kapshopa entre au gouvernement. Sa place est, dit-on, achetée grâce à l’or du Kuomintang. La corruption s’est installée dans les allées du pouvoir tibétain. 
L’ancien régent, du monastère de Reting où il réside, noue une trame pour renverser son successeur et revenir au pouvoir. S'il faut en croire Chen Xizhang, la rivalité entre les deux régents reproduit celle qui oppose Chinois et Britanniques sur le Toit du Monde.
Les Tibétains affirment leur volonté d’indépendance. En violation des accords de Simla, ils exigent la possession de visas aux Chinois entrant sur leur territoire et prétendent régler le sort des populations du Kham et de l’Amdo sous administration chinoise.
Un différend frontalier oppose le Tibet à l’empire des Indes. Les discussions restent toutefois cordiales. 
Une fête organisée à Lhassa par les Britanniques, pour célébrer la victoire alliée, laisse les Tibétains de marbre. Ils se sont souciés de la seconde guerre mondiale comme d’une guigne! Les Anglais exposent des photos duTimes illustrant l’abomination des camps nazis. Peine perdue. Un Britannique exprime alors  l’opinion que, dans un pays où la flagellation publique est un événement courant et ou les victimes sont, sinon tuées tout de suite, du moins abandonnées à une mort lente, les atrocités commises en Allemagne ne peuvent pas soulever une grande émotion. En outre, des Tibétains auraient défendu jusqu'au bout, dans Berlin assiégée, le dernier repaire du Führer; mais ce sont les partisans des nazis qui l'affirment.  
1946: Heinrich Harrer arrive à Lhassa en janvier. Il a réussi à franchir l'Himalaya et à traverser les déserts du plateau central, en parcourant plus d'un millier de kilomètres et en franchissant des cols de plus de 5000 m, ce qui constitue un véritable exploit. Il restera 7 ans au Tibet. Il s'intègre à la bonne société, se rend utile et introduit sur le Toit du Monde des éléments de la technologie européenne. Il apprend aux Tibétains à "marcher sur des couteaux" (patiner), se fabrique des skis en bois de bouleau et "chevauche la neige" (skie) jusqu'à ce que les autorités le lui interdisent par peur de froisser les esprits de la montagne. Il organise des séances de cinéma pour le Dalaï lama et devient son ami; grâce à lui, le jeune homme s'initie à la culture occidentale; mais leurs relations étroites sont brèves; elles ne dépassent guère l'été 1950, d'après le récit de l'alpiniste autrichien. Lors de l'entrée des Chinois au Tibet, Harrer aurait comploté avec les Américains pour organiser la fuite du Dalaï lama, mais les dignitaires religieux, qui redoutaient les conséquences intérieures d'une fuite du chef spirituel et temporel du pays, n'auraient pas consenti à son départ.
On ne sait pas si l’expédition d’Harrer poursuivait des buts uniquement sportifs ou si, sous cette couverture, l’Allemagne nazie ne visait pas quelque autre objectif. Ce n’est pas le témoignage d’Harrer qui peut nous renseigner sur ce point. Si ses compagnons et lui ont été chargés d’une mission secrète, il a évidemment tout intérêt à la taire, dans le contexte de l’après-guerre, ne serait-ce que pour occulter son passé de militant nazi. Il a en effet appartenu aux SA puis aux SS.
A l'époque où Harrer parvient à Lhassa, au cours d'un interrogatoire par le Renseignement militaire américain, Schäfer déclare, qu'à son retour du Tibet, en août 1939, il a rencontré Himmler pour lui exposer le projet d'une expédition militaire: avec quelques hommes, il se rendrait au Tibet en avion, pour y mettre sur pied un mouvement de résistance en s'inspirant de l'action de Lawrence en Arabie pendant la première guerre mondiale. Ce projet toutefois resta sans suite. 
Antonin Artaud, reniant ses déclarations passées, rédige un nouveau pamphlet cette fois contre le clergé tibétain accusé de révoltante idiotie, de mysticisme hystérique, de drogués. 
Deux hommes sont durement fouettés, montés sur des bœufs et envoyés au Chang Thang (ouest du Tibet), un désert, pour y subir une condamnation à perpétuité.
Un faussaire, qui faisait passer de la poudre de cuivre pour de la poudre d’or, est exposé, pendant une semaine, dans plusieurs quartiers de Lhassa, enfermé debout dans une cage, sa tête seule à l’extérieur, sa main droite enserrée dans un gant de cuir vert empli de sel. Il est fortement fouetté puis condamné à perpétuité au bannissement au Chang Thang
Rapgya Pangda Tsang fonde en exil le Parti progressiste tibétain d’inspiration révolutionnaire. Le gouvernement tibétain cherche à mettre la main sur lui. Il n’y parviendra pas malgré son expulsion des Indes.
Gedun Chompel a dessiné l’emblème du Parti progressiste tibétain. Déçu de l’échec de son projet de voyage en Occident, il est rentré dans son pays. De nombreux Tibétains accourent à son domicile de Lhassa pour y recevoir son enseignement. Il ne se prive pas de donner son avis sur la situation politique, même devant des gens proches du pouvoir. Il est finalement arrêté comme faux-monnayeur, en compagnie d’un commerçant qui le fréquente. Il paraît que la femme de ce dernier possédait un bijou que voulait s’approprier Kapshopa. Peine perdue, le bijou sera volé avant que Kapshopa ne puisse mettre la main dessus! Sous la pression de Kapshopa, Gedun Chompel est soumis à la question extraordinaire. Cinquante coups de fouet lui sont appliqués. En vain. Il n’a rien à dire. Reconnu innocent, il est tout de même condamné à trois ans de prison. Quelle est la raison principale de son arrestation? On remarquera que, quelques temps avant, il a reçu une lettre de Rapgya qui estimait que l’introduction du communisme au Tibet était prématurée. Enfin, les Anglais accréditent le bruit que Gedun Chompel est le chef du Parti progressiste, ce qui est manifestement faux. Il s’est contenté d’en dessiner l’emblème et  n’y a jamais adhéré. Quoi qu’il en soit, son arrestation et sa condamnation sèment la panique chez les gens qui le fréquentaient; la peur qui s’empare d’eux fournit une image instructive de l’ambiance qui régnait alors dans la capitale tibétaine. 
Un premier attentat frappe dans les allées du pouvoir.
Des émissaires du Tibet se rendent à l’ouverture de l’Assemblée constituante de Chine. Ils vont s’y trouver aux côtés des représentants de l’Amdo et du Kham sous contrôle chinois. Ils quitteront l’Assemblée avant la fin des travaux pour ne pas avoir à signer l’acte d’allégeance à la Chine.
Publication de la "Grammaire du tibétain littéraire" de Jacques Bacot. Ce dernier, qui visita le Tibet au début du siècle, s'est consacré depuis à la recherche historique et philologique. Il est l'auteur de traductions et d'études de documents tibétains qui font autorité.
Le dessinateur belge Edgar P. Jacobs publie "Le Secret de l'Espadon", une bande dessinées dans laquelle l'empereur du Tibet, un potentat criminel, tente de conquérir le monde, après avoir réduit en cendres la plupart des capitales. Le mythe du péril jaune est en marche à partir de Lhassa! Le Royaume des Neiges n'est pas encore tout à fait devenu celui de la non violence dans l'imaginaire occidental; on sait que le mythe d'une conspiration du Tibet pour dominer le monde n'est pas nouveau (voir ici).
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Après la seconde guerre mondiale, un moine bouddhiste d'origine allemande, Anagarika Govinda, qui a déjà voyagé dans l'Himalaya, se rend à Tsaparang, à l'ouest du Tibet. Bien sûr, les déplacements de ce lama, n'ont aucun rapport avec les tentatives allemandes précédentes, bien qu'il ait pu rencontrer Harrer, dans le camp où ils ont été l'un et l'autre emprisonnés par les Anglais. La vieille ville qui accueillit Andrade est en ruines. Mais, dans les vestiges de la forteresse, Govinda découvre des fresques admirables, qu'il passera plusieurs semaines à recopier, à l'insu des gens du lieu qui s'y opposaient. Ce qu'il ignore, c'est que ces merveilles ont déjà été photographiées par l'Italien Giuseppe Tucci rencontré par Marco Pallis. Voici quelques notes tirées du récit qu'il a laissé de ses pérégrinations au Tibet. 
La lecture des visions d'un lama font perdre un moment la notion du temps. Il existe, dans les déserts de l'ouest du Tibet, des troupeaux de chevaux sauvages, d'une race propre au pays. Ces animaux sont caractérisés par leur petite taille et la grosseur de leur tête. Ils ne s'apprivoisent pas et meurent si on les capture.  
En principe, au Tibet, toute atteinte à la vie est interdite. Un chasseur est considéré comme un criminel. Un pêcheur est encore plus coupable puisque, compte tenu de la petite taille des poissons, il est amené à détruire davantage de vies qu'un chasseur. Le bois manquant, on se chauffe à la bouse de yack, laquelle est précieusement recueillie. Elle se consume sans produire beaucoup de fumée. Mais, l'utiliser pour se chauffer pose un problème car elle est susceptible de contenir de petits être vivants qui s'en nourrissent.  
Les ressources du Tibet étant limitées, on évite le partage des propriétés grâce à la polyandrie. Un enfant au moins par famille se retrouve dans un monastère. Le célibat étant imposé par la règle gelugpa, le nombre élevé de moines et nonnes de cette lignée constitue un moyen de contrôle des naissances. Dans une société nomade, la femme joue nécessairement un rôle important. Elle représente en effet un élément de stabilité au sein d'un foyer.  
Les moulins à prière doivent être animés dans le sens de la rotation des planètes autour du soleil pour rappeler l'intégration de l'homme au sein du cosmos. Le Tibétain qui prie ne s'adresse pas à un dieu mais à lui-même. On ne prend certaines décisions politiques qu'après la consultation des oracles. Le svastika serait la représentation d'une montagne tibétaine d'où partent les grands fleuves d'Asie. Cette montagne est située auprès de deux lacs sacrés, l'un en forme de soleil, l'autre en forme de lune. A proximité se dresse un sommet assimilé au mont Meru, le siège des dieux. Le svastika bönpo est à l'envers, comme la croix gammée nazie. Les bönpos tournent autour des temples et des statues dans le sens contraire des planètes autour du soleil. La religion bön est surtout présente à l'est du Tibet, dans le Kham.  
Les pèlerins traversent les fleuves suspendus à une poulie qui glisse sur un câble tendu de berge à berge où sur des passerelles vétustes qui parfois cèdent sous leur poids. On franchit d'immenses et profonds canyons où l'on aperçoit parfois des habitations troglodytiques creusées dans le roc.  
Une pépite de la grosseur d'un chien est un jour envoyée au Dalaï lama. Celui-ci la retourne à l'expéditeur pour qu'elle soit ensevelie au même endroit, afin de ne pas indisposer les divinités de la terre. Les mines métalliques (or, argent, cuivre...) abondent au Tibet. 
L'atmosphère y est si rare que, malgré le froid, l'effet des rayons du soleil est intense et que l'on ne s'y expose pas longtemps impunément. Il faut s'y protéger les yeux d'une poussière fine. Les précipitations sont rares. Les glaciers datent de la dernière glaciation. Les écarts de température sont la cause principale d'une érosion intense. Ils font éclater la pierre en menus fragments. Ils sont tels, dans certaines régions, que l'ombre interrompt temporairement l'écoulement des eaux. C'est ainsi que des gorges asséchées pendant la nuit se transforment en torrents furieux dès que les rayons du soleil raniment les glaciers. La pureté de l'atmosphère permet de distinguer les détails à une grande distance de sorte que les choses paraissent plus proches qu'elles ne le sont en réalité. 
Les forgerons ont la réputation d'avoir partie liée avec les forces obscures et sont soupçonnés de sorcellerie; cette situation découle peut-être du fait que, dans les sociétés primitives, cet artisanat est souvent associé au sol, c'est-à-dire aux enfers; d'ailleurs, les minerais métalliques sont extraits de la terre, parfois en y creusant d'obscures galeries.
La présence de fortifications sur les hauteurs laisse supposer que la région ne fut jamais le havre de paix que certains se plaisent à imaginer.  
Certains temples sont jalousement protégés contre la curiosité jugée déplacée des étrangers. On préfère qu'ils s'écroulent plutôt que de les laisser visiter de peur de déranger les dieux qu'ils abritent et de déclencher des catastrophes. 
1947: Le Karmapa voyage en Inde, au Népal et au Sikkim. Son pèlerinage passe par les hauts lieux de la vie du Bouddha. 
Le régent échappe à un second attentat. Une bombe éclate lors de l'ouverture d'un paquet par un de ses serviteurs. On accuse l'ancien régent retiré au monastère de Reting. On le soupçonne de conspirer avec le Panchen lama et les Chinois. Le père du Dalaï lama meurt prématurément, à 47 ans, au cours d'un repas; on soupçonne un empoisonnement lié à la querelle entre les régents; il aurait été pro chinois, comme l'ancien régent (cf le témoignage de Chen Xizhang). L'ancien régent est convoqué à Lhassa où il se rend. Ses partisans se soulèvent. Les garnisons loyalistes des monastères en révolte sont anéanties. L’abbé imposé par le gouvernement à Sera est massacré. Lhassa est placée en état de siège. Les communications avec l’extérieur sont coupées. L'armée est envoyée pour rétablir l'ordre. Le monastère de Reting est rasé et les moines sont dispersés. Le monastère de Sera est bombardé par l'artillerie tibétaine. Le Tibet vient de vivre sa première guerre civile moderne. Le régent, énergique malgré son âge, a triomphé par la force. Des moines rebelles sont arrêtés et sévèrement châtiés (200?), mais pas exécutés; d'autres s'enfuient en Chine; Sera est livré à la soldatesque, qui le pille (voir Harrer).
L’ancien régent, jugé coupable, est emprisonné. Il meurt, torturé à mort ou plus probablement empoisonné après ingestion d’une tasse de thé; on retrouve sa timbale retournée comme un gant. Ce mystérieux décès lui vaut un regain de popularité: on lui attribue des miracles. Un de ses fidèles de haut rang a les yeux arrachés.

Kapshopa, qui s’est acharné sur Gedun Chompel, est compromis dans le complot.
Au cours de travaux hydrauliques, Harrer découvre d’énormes blocs transportés par des êtres humains à une époque très éloignée. Aucun doute pour lui, ces hommes connaissaient l’usage de la roue. Comment et pourquoi s’est-elle perdue par la suite au Tibet? 
L'Inde obtient son indépendance et la Grande-Bretagne se désengage vis à vis de Lhassa. Le vice-roi des Indes annonce au gouvernement tibétain que les Britanniques ne sont plus en mesure de respecter les accords signés par ses prédécesseurs. Le gouvernement indien se considère comme l’héritier des accords passés par la puissance impériale. Lhassa se refuse à reconnaître les droits revendiqués par New Delhi. Les Tibétains viennent de s’attirer l’animosité de leur puissant voisin du sud.
Une mission est envoyée dans les grands pays du monde pour se procurer l’or nécessaire afin de gager la monnaie nationale tibétaine! Ce métal abonde sur les hauts plateaux, et l’on ne peut que s’étonner d’une telle démarche. Les moyens manquent-ils pour l’extraire et le transformer sur une large échelle? Probablement pas, mais les tabous religieux s’opposent à son exploitation. Grâce à cette mission, les autorités tibétaines espèrent également promouvoir les échanges des produits précieux de leur pays contre des monnaies de réserve (dollar ou livre sterling) et comptent sur les négociations pour obtenir une reconnaissance internationale de leur indépendance. Au passage par Nankin, la mission demande au gouvernement nationaliste de placer sous la juridiction du Tibet les régions peuplées de Tibétains des provinces chinoises du Xikang, du Qinghai et du Gansu; les autorités tibétaines profitent des difficultés du Kuomintang, aux prises avec l'insurrection communiste, pour ressortir cette ancienne revendication qui suscite évidemment le mécontentement des Chinois; ils retiennent la mission et celle-ci est obligée de quitter la Chine en catimini, via Hong Kong, avec la complicité des Anglais (voir Chen Xizhang). Les émissaires resteront deux ans absents; ils reviendront avec une jeep en pièces détachées dans leurs bagages, après un séjour aux États-Unis et en Europe; aux USA, ils rencontrent le ministre des Affaires étrangères, George Marshall, Ilya Tolstoï, Lowell Thomas, qui souhaite visiter le Royaume des Neiges, Dwight Eisenhower, alors président de l'université Columbia, ainsi que d'autres personnalités comme le prince Pierre de Grèce qui s'intéresse au Tibet et des représentants du commerce américain. Ils ont parcouru le monde moderne avec étonnement. Partout on les a pris pour des Chinois, des Birmans ou des Japonais, mais nulle part pour des Tibétains: le monde ignore l'existence d'un pays qui est resté fermé sur lui-même! (Voir Harrer). Leurs buts n'ont pas été atteints, personne ne souhaitant se brouiller avec la Chine. New Delhi, en particulier, ne veut pas entendre parler de discussions tant que le problème de l’héritage des accords passés avec la Grande-Bretagne n'est pas résolu. 
Les représentants du Tibet siégent avec leur drapeau parmi les délégations de trente deux nations à la conférence pan asiatique réunie à New-Delhi. Mais le drapeau sera retiré à la demande de la Chine.
Un mystérieux personnage, qui se fait appeler le prince Cherenzii Lind, apparaît subitement à Paris. Il se dit le pontife d'un royaume souterrain et le maître du monde. Il se présente comme le grand chef des Initiés de l'Agartha et comme le directeur de la Grande Fraternité Universelle, une union spirituelle qui a pour but de sauver le monde. Ce personnage, qui roule en voiture de luxe, n'a rien d'un ascète oriental. Il semble riche et mène joyeuse vie, mangeant copieusement, s'enivrant de bourgogne et fumant les meilleurs cigares. Il affirme être natif d'un lieu, situé au Tibet en 1902, date de sa naissance, puis réuni plus tard par les Anglais à l'empire des Indes. Il descendrait en ligne directe de Gengis khan. Mais son accent laisse plutôt soupçonner des origines belges. Il se dit la réincarnation du Kut Humi, fondateur de la Société Théosophique au 19ème siècle. Le Grand Conseil de l'Agartha, réuni en congrès au Tibet, lui aurait décerné le tire de Maha Chohan. La fondation de l'Agartha, remonterait à plus de 50000 ans. Ce royaume souterrain serait situé entre le Tibet et la Mongolie. Sa civilisation, uniquement spirituelle et mentale, serait infiniment plus évoluée que la nôtre. Le prince promet d'accomplir un miracle avant de quitter Paris, pour appuyer ses dires. Il disparaît cependant aussi mystérieusement qu'il est venu avant d'avoir concrétisé sa promesse. Des gens lui ont néanmoins accordé leur confiance et d'autres continuent à croire en l'existence d'un royaume souterrain où ils situent une cité nommée Shambala. Ce royaume souterrain, régi par la Synarchie ou gouvernement des Sages, serait accessible par des puits trouant les pôles, mais également en d'autres endroits du monde et, bien sûr, au Tibet. Une succession de grottes situées sous le Potala y conduirait. Une communication existerait aussi à Shigatse, sous le Tashilumpo. Roerich aurait réussi à pénétrer jusqu'à ce royaume interdit et, ce qui est encore plus extraordinaire, en serait revenu porteur de prodigieux secrets. Il est inutile de préciser que la moindre preuve n'est jamais venue étayer ces élucubrations symptomatiques de l'image qui agite encore aujourd'hui nombre d'esprits occidentaux lorsqu'ils évoquent le Tibet.
La thèse d'un royaume souterrain gouverné par des sages a été soutenue par d'autres auteurs qui le situent aux Indes (Saint-Yves d'Alveydre) ou en Mongolie (Ossendowski) (On peut consulter des notes relatives à l'Agartha en cliquant  ici  et des sites sur le même sujet en cliquant  ici  et  ici).   
1948: Projet de révolution au Kham et dans l’Amdo. Les frères Pangda Tsang en font partie. Leur objectif ultime est la création d’un Tibet révolutionnaire uni capable de tenir tête à la Chine.
Les délégués tibétains venus présenter leurs félicitations à Tchang Kaï Chek, à l’occasion de sa réélection, se heurtent à des difficultés en Chine.
La mission d’achat d’or à l’étranger ne rencontre pas le succès escompté. Les États-Unis, qui reconnaissent la souveraineté chinoise sur le Tibet, soulèvent des difficultés. Truman refuse de recevoir les délégués. A Londres, la Grande-Bretagne fait preuve de la plus extrême prudence. A New Delhi, moyennant la reconnaissance du transfert à l’Inde des droits anglais sur le Tibet, les délégués grappillent quelques ressources.
Julius Evola, une penseur radical italien d'extrême-droite, rentre à Rome, après avoir été soigné en Autriche d'une blessure reçue en 1945. Il publiera plusieurs ouvrages critiques d'un monde moderne jugé décadent. Selon lui, le Shambala serait le centre ésotérique d'une caste de guerriers sacrés dont le chef résiderait dans un palais en forme de svastika.
1949: Kapshopa est dégradé, condamné à la peine du fouet et banni, vêtu de blanc, à Neudong.
Le premier dictionnaire tibétain est publié. Il est l’œuvre de Chodrag, un ami de Gedun Chompel.
Dans l'Amdo, les Goloks massacrent un détachement de l'armée nationaliste chinoise qui s'y était réfugié pour fuir les troupes communistes.
Un missionnaire valaisan, le père Tornay, du Grand-Saint-Bernard, successeur des pères Nussbaum et Burdin à Yerkalo, d'où il a été chassé par les Tibétains, est massacré à proximité du col de Choula; il avait eu l'idée d'aller plaider la cause de sa paroisse à Lhassa; refoulé, il regagnait le Yunnan lorsque des Tibétains l'ont attaqué. Depuis 1846, plus d'une dizaine de membres des missions ont subi le même sort (voir le résumé du récit de Guibaut ici). 
Mao Tse Toung triomphe en Chine continentale. Tchang Kaï Chek et les nationalistes s'enfuient à Taïwan. La Chine devient une république populaire. Le nouveau Panchen lama, découvert depuis des années, a été officiellement proclamé, peu de temps avant l'effondrement du régime nationaliste chinois.
Dans un mémorandum du Département américain on lit ces mots non dépourvus d'un certain cynisme: "Si le Tibet a le cran de résister à l’infiltration communiste…il serait de notre intérêt de le traiter en pays indépendant, plutôt que de le considérer comme faisant partie d’une Chine devenue communiste…" Ce mémorandum est instructif: il montre que les Américains sont moins guidés par le souci de défendre les droits du Tibet que par la volonté d'endiguer le communisme; on peut d'ores et déjà prévoir qu'ils abandonneront le Pays des Neiges à son sort dès que son soutien s'avérera incompatible avec la politique étrangère des États-Unis. En attendant, une reconnaissance explicite de l'indépendance du Tibet est envisagée et la décision est prise de fournir une aide militaire aux Tibétains susceptibles de s'opposer à l'expansion communiste en Asie. Un  officier de la CIA, Douglas Mackiernan, envoyé au Tibet, en mission secrète afin de ne pas motiver une intervention chinoise, est malencontreusement tué par un garde-frontière tibétain qui avait reçu pour consigne d'abattre tout étranger tentant de franchir la frontière. Le nouveau pouvoir chinois peut difficilement ignorer les velléités d'intervention militaire américaines sur le Toit du Monde.
Dans le droit fil de la tradition impériale, la République populaire de Chine va considérer les peuples des minorités comme des barbares. Elle se sentira investie d'une mission civilisatrice à leur égard et mettra en oeuvre une politique qui, phraséologie marxiste mise à part, comportera bien des traits du colonialisme classique. En fait, son nationalisme ne fait que reproduire la tendance observée dans tous les pays devenus récemment indépendants; on peut penser qu'il s'agit d'une réaction inévitable aux humiliations infligées par les puissances occidentales.  
Dans une première période, cette politique sera conduite avec une grande prudence. Les langues des minorités nationales seront préservées. Mais, dans un second temps, le pouvoir central s'efforcera d'estomper les particularismes locaux, afin de favoriser un développement économique homogène. Les transferts de population seront favorisés de sorte que les minorités nationales seront, sur leur propre territoire, noyées au milieu d'une population d'origine han. La civilisation chinoise sera montrée en exemple; les cultures des autres peuples seront marginalisées; l'apprentissage du chinois se généralisera. 
Au Tibet, cette politique se traduira par un afflux de colons chinois. Elle aura aussi pour conséquence la déportation d'enfants tibétains dans la région de Pékin, en vue de les initier à la culture han. Cependant, alors que les Tibétains en exil insistent sur le grand nombre de Chinois installés au Tibet, les autorités chinoises affirment, qu'en raison des conditions climatiques très défavorables, les Han n'ont jamais dépassé 5% de la population. 
Dans la vie des nations, les tendances lourdes prédominent sur les péripéties révolutionnaires. La politique étrangère est l’une de ces tendances. Mao ne va pas ramener le Tibet dans le giron de la "mère patrie" parce qu’il est plus brutal que ses devanciers mais parce qu’il est parvenu à unifier la Chine continentale sous sa houlette; c’est le facteur le plus important. Communiste ou non, une Chine unie aurait mené la même politique à l’égard du Pays des Neiges, aux différences idéologiques près; jusqu’à présent, seuls les moyens lui ont manqué pour le faire. 
Au moment où ces événements se préparent, quelle est la situation au Tibet. Celle-ci n'a guère variée depuis Gengis khan, malgré les timides tentatives de réformes du 13ème Dalaï lama. L'électricité et la traction mécanique ont certes fait leur apparition mais le pays reste encore fermé sur lui même et profondément archaïque à telle enseigne que l'on a pu dire qu'il n'en était pas au Moyen Âge mais à la Grèce d'Homère. 
Au point de vue politique, la théocratie tibétaine est un anachronisme dans un monde où progressent les idées démocratiques et l'utopie communiste. On a vu que ces idées ont commencé à y pénétrer. Il faut cependant insister sur le fait que leurs propagandistes sont aussi de fervents nationalistes. Certes, le respect dû au Dalaï lama n'est pas mis en cause par les fidèles. Mais la confusion des fonctions spirituelles et politiques ne fait plus l’unanimité. D’autant que le pouvoir est presque toujours exercé par des régents contestés. Le pays est loin d'être un État au sens où on l'entend en Occident. Le sentiment d'identité nationale n'est qu'embryonnaire; les régions périphériques, notamment le Kham et l'Amdo, qui n'ont jamais été totalement pacifiées et qui ont déjà été rattachées, au moins partiellement, à la Chine, manifestent une méfiance instinctive à l'encontre du pouvoir central; les anciens gyalpo continuent d'exercer une grande influence sur leur clan; la population manque d'homogénéité et le langage parlé n'est pas unifié; bref, le Tibet est davantage une communauté spirituelle qu'une nation. 
Au point de vue économique, les moyens de production sont artisanaux et les voies de communications peu nombreuses. On retourne encore la terre avec des araires au soc de bois; en certains endroits, on sème encore les grains, comme à l'époque néolithique, en creusant dans la terre des trous avec un pieu de bois (Harrer dixit). La propriété foncière appartient en majeure partie à l'État et aux monastères depuis des temps immémoriaux; elle est louée à ceux qui la travaillent moyennant une redevance en nature; en contrepartie, la puissance publique protège les denrées dans des greniers pour faire face aux périodes de mauvaises récoltes. Un grand nombre de paysans sont sédentaires, mais le nomadisme existe toujours sur les pentes et les plateaux où l'on pratique l'élevage, la culture y étant devenue impossible; les nomades jouissent d'une assez grande liberté vis-à-vis des autorités politiques et monastiques; ils ont le droit de tuer les animaux qu'ils consomment. En dépit des importantes ressources minières, l'industrie métallurgique est inexistante. Elle ne dépasse pas le stade du forgeron. Il faut importer le cuivre de l'Inde pour battre monnaie et aller quémander de l'or à l'étranger! Si la roue est connue, on n'en fait pas usage et les marchandises sont transportées à dos d'homme ou d'animal.  
Au point de vue social, la population se divise en nobles, descendants de princes ou familles de tulkou, possesseurs de fiefs; en petits propriétaires; en fermiers qui doivent une partie de la récolte au bailleur et sont, en outre, soumis à la corvée de l'État; en serfs attachés héréditairement à leur maître; en parias exerçant des métiers impurs (forgerons, fossoyeurs, bouchers). On compte aussi de nombreux commerçants et artisans ainsi que des baladins (conteurs, musiciens, artistes) et beaucoup de mendiants. Les serfs représentent une proportion importante de la population; leur sort n'est peut-être pas aussi terrible que le terme pourrait le laisser supposer; mais ils ne sont pas libres de quitter leur maître ni même de se marier sans son autorisation. Si elle n'est pas totalement impossible, l'ascension sociale est très difficile. Une foule de moines, entre le cinquième et le tiers de la population, vit au sein des monastères dans la méditation et la prière; les inégalités sociales s'y reproduisent, les moines issus des couches populaires sont généralement moins bien considérés que les fils de notables. Les monastères sont gérés comme des entreprises privées, dans le but d'obtenir le plus grand profit possible, au bénéfice de leurs réincarnations, en vendant des objets pieux, des services religieux, médicaux ou magiques, en louant les cellules aux moines ou en mendiant à travers les campagnes. Les moines consacrent une grande partie de leur temps et de leur énergie à la recherche d'un pouvoir maximum et aux intrigues, non sans avoir parfois recours à des activités répréhensibles (usage du poison ou des enchantements). La monogamie est généralement la règle dans les classes inférieures; mais on rencontre encore la polyandrie chez les nomades, pour des raisons économiques, et la polygamie dans la noblesse, pour des motifs de prestige. L'armée, malgré sa réorganisation, est insuffisante face à celles des puissances voisines. De profonds facteurs de dissolution agitent la société tibétaine: moines errants, survivances du chamanisme, querelles entre écoles, tradition de pillage de certaines tribus... La criminalité reste élevée malgré l'extrême sévérité des peines.
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D'après une source d'information chinoise, évidemment sujette à caution, voici un aperçu du sort des femmes dans l'ancien Tibet. Si un mari mourait sans enfant, sa femme appartenait à son beau-père. A défaut de beau-père à l'un de ses beaux-frères ou la femme et la moitié du bétail et des biens revenaient à l'un des proches parents. Une personne sauvée d'un yack devait donner sa fille au sauveteur; à défaut de fille, sa soeur, à défaut de soeur, 200 taels d'argent. Une femme était traitée comme le bétail et les biens; elle pouvait être offerte en cadeau. D'après une enquête dans la préfecture de Nagqu en Amdo, les personnes de sexe féminin non membres de la famille ne pouvaient pas entrer sous la tente, ni aller derrière la tente, à l'endroit où on suspendait les bannières religieuses. Les femmes ne pouvaient pas parler à haute voix après le coucher du soleil, ni accoucher sous la tente familiale. L'accouchée ne pouvait toucher le fourneau les trois premiers jours suivant l'accouchement, ni recevoir de visiteurs.
Cent ans de témoignages sur le Tibet - Reportages de témoins de l'histoire du Tibet - Jianguo Li - China Intercontinental Press
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Il y a bien un Institut de médecine tibétaine à Lhassa mais très peu d'écoles qui sont presque toutes privées; la volonté du 13ème Dalaï lama de développer un système d'éductation s'est heurté aux réticences du clergé. Les écoles de de Gyantse et de Lhassa n’ont connu qu’une existence éphémère*. L'essentiel de l'enseignement est dispensé dans les monastères. Chaque famille y envoie l'un de ses enfants. C'est un moyen de promotion sociale qui permet d'instruire au moins l'un des membres de la famille. L’enseignement qui y est dispensé n’a pas évolué depuis des siècles. Les découvertes scientifiques occidentales y sont inconnues. On continue à croire que la terre est plate et quiconque dit le contraire est taxé d’hérésie. L'enseignement, qui fait penser à la scholastique de notre Moyen Âge, repose pour l'essentiel sur la mémorisation des textes. On confie aux novices les moins doués des taches matérielles et leur niveau d'études s'en ressent évidemment. Pour ceux qui poursuivent un cursus normal, une bonne quinzaine d'années d'efforts sont nécessaires pour obtenir le grade ultime, celui de geshe. La discipline est sévère; des châtiments corporels brutaux font partie des méthodes d'enseignement, y compris pour les réincarnations appelées plus tard à diriger les monastères. Le moindre écart est puni à coups de bâtons ou de rosaires; le crâne rasé de plus d'un moine en portera définitivement la cicatrice; un maître n'affirme-t-il pas à son jeune élève, avant de le punir, qu'une sculpture réussie exige de nombreux coups de marteau! Les connaissances des paysans se limitent au minimum indispensable pour vivre de l'agriculture.  

Harrer parle d'une école de Lhassa fréquentée par les enfants des nobles chez qui il logeait, tout en ajoutant, un peu plus loin, qu'un instituteur britannique, bien qu'autorisé à ouvrir une école, a dû y renoncer et quitter le pays sous la pression du clergé.
Les villes sont petites et peu peuplées. Un certain progrès y a pénétré; depuis les années vingt, les automobiles ont fait leur apparition à Lhassa et les élégantes préfèrent employer une crème solaire plutôt que de se barbouiller le visage de beurre mêlé de suie, comme les paysannes, pour protéger du soleil leur peau délicate. Mais ces bribes de modernisme ne touchent qu'une infime proportion de la population.  
Pour l'essentiel, les Tibétains vivent à la campagne et certains d'entre eux sont nomades. Les principes élémentaires de l'hygiène y sont inconnus. On ne se lave que très épisodiquement. Pour soigner une maladie, on fait confiance au Bouddha de la médecine et aux lamas. Les pratiques superstitieuses demeurent vivaces. Pour éloigner la grêle, fréquente et dévastatrice dans les vallées montagneuses, on a recours à la magie des moines exorciseurs. Ils vivent dans une tour de guet, au flanc des pentes, et perçoivent une taxe payée par les cultivateurs*. On consulte les astrologues pour fixer la date de la moisson.
* Ces pratiques font penser à celles qui avaient cours en France à l'époque carolingienne pour écarter les maléfices des "tempestaires" (voir  ici). 
S'il faut en croire un Tibétain en exil, la différence entre riches et pauvres est telle qu’on pourrait croire qu’il s’agit de personnes de races différentes. Voici comment s'exprime un autre exilé tibétain, Dawa Norbu: "Nous, Tibétains, sommes responsables en grande partie de notre tragédie. Il serait injuste de condamner individuellement les lamas, les monastères ou les aristocrates. Le système entier était pourri jusqu'au coeur et ne pouvait résister aux pressions du 20ème siècle. Il était prêt à s'écrouler et il s'est écroulé d'une manière désastreuse."
Certains penseront peut-être que ces propos sont exagérés. Mais aucune personne sensée ne peut prétendre de bonne foi que la situation qui prévalait dans l'ancien Tibet pouvait encore durer des siècles dans le monde où nous vivons. Des ferments de transformation agitaient d’ailleurs, on l’a vu, la société tibétaine. Sans exagérer leur importance, comme Roerich, qui affirmait qu’aucune puissance au monde ne pourrait empêcher le Tibet de devenir communiste, on peut supposer qu’il ne s’agissait pas seulement d’une poussée de fièvre sans lendemain.  
Alors, plusieurs questions viennent à l’esprit. Sans l’intervention de la Chine, les jeunes progressistes seraient-ils parvenus à leurs fins? Probablement, tôt ou tard. Le Tibet aurait-il alors fait l’économie d’une révolution violente? Ce que l’on sait de son histoire plaide plutôt pour une réponse négative. Les pertes en vies humaines et les destructions auraient-elles été moindres? Nul ne peut l’affirmer, tant les conséquences des soubresauts révolutionnaires sont imprévisibles. La Chine aurait-elle renoncé à revendiquer un Tibet socialiste? Presque sûrement non. La volonté d’absorber le Tibet était trop profondément ancrée dans la classe politique chinoise pour oser l’espérer. Les nationalistes, qui pensaient que des changements révolutionnaires sauveraient leur pays, s’illusionnaient donc certainement. Mais il eût été préférable qu’ils assurent eux-mêmes, de l’intérieur et selon le génie propre à leur race, la modernisation sociale et politique dont ils rêvaient.
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Pour une vision encore plus complète du Tibet à cette époque, voir Tucci et aussi Harrer
Encouragés par l’arrivée au pouvoir de Mao en Chine, Puntshog Wangyal et son "Association des Jeunes Tibétains sous Serment" réclament un changement de gouvernement et l’avènement d’une société moderne et démocratique. 
Le pouvoir de Lhassa réplique en décidant l’expulsion de tous les Chinois et des signataires de la pétition. Les relations avec les autorités chinoises sont rompues. Une levée de boucliers et des bruits de bottes intempestifs accompagnent ces mesures. Le Tibet fait acte de candidature à l’ONU. Mais il est diplomatiquement isolé. Personne ne le soutiendra. De plus, cette candidature se heurterait au veto de l’URSS. 
Pékin proteste contre le traitement infligé à des Chinois qui n’étaient même pas communistes. Parmi les expulsés, figurent les émissaires du Kuomintang! La Chine annonce la création d’un gouvernement révolutionnaire au Tibet oriental.
Le Panchen lama se rallie au gouvernement communiste chinois. Les religieux qui lui sont fidèles lancent un appel enflammé à Mao Tsé Toung. A les en croire, des milliers de patriotes tibétains persécutés attendent la venue des troupes chinoises pour chasser les traîtres et libérer le peuple du joug des conservateurs et des agresseurs étrangers! Il n’y a presque plus d’étrangers au Tibet, mais la phraséologie reste marquée par les interventions colonialistes du siècle précédent.
En octobre 1949, l'Armée Populaire de Libération pénètre en Amdo.
1950: Gedun Chompel recouvre la liberté. Profondément affecté par les années qu’il vient de passer en prison, il sombre dans l’alcoolisme.
En août, un tremblement de terre aux allures de fin du monde dévaste le Tibet. Des dizaines de villages sont engloutis; des vallées et des montagnes sont déplacées; le Brahmapoutre (Tsangpo) voit son cours modifié. Le séisme est interprété comme un mauvais présage par la population. Bien d'autres signes négatifs sont notés. Alors qu'il médite au monastère de Ganden, le Dalaï lama voit la statue de Yamantaka hocher la tête et regarder avec une expression farouche dans la direction de l'est. Une sécheresse inusitée désole la contrée. Des femmes et des bêtes donnent le jour à des monstres. Une comète traverse le ciel et des pierres tombent des murs des temples sur le sol. 
Le Qamdo, à l'ouest du Yang Tsé Kiang, est séparé du Xikang, à l'est de ce fleuve, pour former une entité administrative distincte.
Début de la guerre de Corée. La Chine va se trouver directement confrontée à la puissance militaire américaine, qui combat le communisme sous le drapeau de l’ONU. Dans ce contexte, le Tibet, d’où partent les vallées des principaux fleuves d’Asie, présente évidemment un intérêt majeur. Sa possession par une puissance occidentale ferait peser une menace mortelle sur le jeune pouvoir en place à Pékin. Cette crainte est d’autant plus légitime que des troupes nationalistes sont toujours présentes dans le triangle de l’opium, à la frontière de la Birmanie, de la Thaïlande et du Laos. De plus, Pékin redoute également les intrigues soviétiques au Turkestan; la possession du Royaume des Neiges protégerait le corridor du Gansu, ancien passage de la Route de la Soie. Alors, l'occupation du Tibet a-t-elle été motivée par des considérations stratégiques? C'est difficile à dire, cet argument n'ayant jamais été clairement invoqué. 
On se contentera de rappeler, sans insister, que, pour quelques commentateurs occidentaux, Mao Tsé Toung serait la réincarnation de Vajrapani (boddisattva du pouvoir) et qu'il aurait conquis le Pays des Neiges pour ramener les dignitaires de ce pays au respect des vrais principes bouddhistes et aussi afin de permettre l'essaimage de sa religion à travers le monde! Ce point de vue osé, évidemment combattu par le Dalaï lama, peut prêter à sourire. Mais il doit être considéré à la lumière de la mentalité asiatique. Les Tibétains n'ont-ils pas déjà assimilé la reine d'Angleterre à la laie adamantine et tout détenteur du pouvoir n'est-il pas obligatoirement plus qu'un homme normal, une sorte de demi-dieu? Mao a bel est bien quasiment été divinisé en Chine. Les gens qui lui avaient serré la main ne se lavaient pas de plusieurs jours et se déplaçaient à travers le pays pour serrer d'autres mains et diffuser ainsi l'énergie du grand timonier. On prétend que Mao se livra à des pratiques tantriques taoïstes et maintint toute sa vie une intense activité sexuelle pour accroître son énergie vitale. En dépit du retour à l'économie de marché on continue de rendre à sa dépouille mortelle, place Tien An Men, un culte presque religieux.

Quoi qu’il en soit, les troupes communistes chinoises commencent à envahir les régions frontalières du Tibet en octobre 1950, comme les troupes impériales l'avaient déjà fait 45 ans plus tôt. La petite armée tibétaine résiste courageusement par endroit et s'effondre ailleurs. Quarante mille soldats chinois attaquent les huit mille soldats tibétains du Chamdo. Le gouverneur, Ngabo, sollicite des instructions de la part du gouvernement central. Celui-ci, qui célèbre une fête annuelle dans les jardins du Norbulingka, ne soupçonne pas la gravité de la situation; il laisse le message sans réponse. Le gouverneur prend la fuite. Il deviendra par la suite un des plus fervents adeptes de la soumission du Tibet à la Chine et sera soupçonné de trahison. 
Les missionnaires français des marches sichuanaises sont arrêtés.
Des dissensions se font jour dans la résistance. Beaucoup de Khampas refusent de s'enrôler sous les bannières du pouvoir de Lhassa qu'ils abhorrent; des tribus khampas ne supportent plus l'arbitraire des gouverneurs envoyés par le pouvoir central; les frères Pangda rejoignent même les rangs de l’Armée populaire de libération chinoise. Les guerriers du royaume de Nangchen se joignent également aux troupes chinoises pour libérer l'Amdo de la présence de Ma Bufeng qui s'enfuit au Caire avec ses femmes; il y vivra jusqu'à sa mort du produit de ses rapines. Le clergé gelugpa est divisé; les fidèles du Panchen lama font des voeux pour le triomphe des Chinois; d’autres conseillent au Dalaï lama de se soumettre. Le découragement gagne nombre d'officiels tibétains. Une première conférence se déroule au Chamdo entre des émissaires chinois et Ngabo.  
Le Tibet ne peut compter sur aucune aide: son existence n'est pas officiellement reconnue; il n'entretient aucune relation diplomatique avec l'extérieur; l'Angleterre n'a plus à défendre un empire des Indes devenu indépendant; la Russie est alliée à la Chine; Les États-Unis soutiennent Taïwan qui défend la thèse de l'appartenance du Tibet à la Chine*; la France n’a jamais eu à se louer du comportement des dirigeants de Lhassa à l’égard de ses ressortissants, de plus elle doit faire face à une rébellion indépendantiste en Indochine; la guerre de Corée bat son plein et les grandes puissances ont d'autres chats à fouetter; les voisins du sud (Népal, Inde, Cachemire...) ne s'entendent que sur un point: ne pas s'attirer les foudres des nouvelles autorités de Pékin. Le Népal est d’ailleurs agité par des troubles; le roi doit même temporairement se réfugier en Inde; le parti communiste népalais voit son audience augmenter et Katmandou préfère garder profil bas, afin que la Chine feigne d’ignorer qu’une partie du territoire tibétain a été conquise par les Gurkhas au 19ème siècle. Le recours à l'ONU n'éveille aucun écho, ou presque: celui du Salvador, un peu plus tard! L'Inde proteste cependant mollement; Pékin réplique qu'il s'agit d'une affaire intérieure qui ne regarde pas les étrangers.
* Pour l'Amérique, après la seconde guerre mondiale, le Tibet fait  partie intégrante de la Chine, comme le montre une carte de National Geographic de 1945 accessible ici.  
Enfin, la pénétration chinoise au Tibet est facilitée par l'excellente tenue des soldats communistes qui tranche avec la brutalité exercée dans le passé. Les populations et les monastères sont respectés. Aucune spoliation n'est autorisée. On paie rigoureusement tous les biens nécessaires à l'alimentation et à l'entretien des troupes. Les Tibétains ont l'impression d'être envahis par une armée de bouddhas! 
Le 14ème Dalaï lama, âgé d'à peine 16 ans, n'a pas encore atteint sa majorité. Après consultation de l’oracle, il est intronisé par anticipation pour mettre l'envahisseur devant le fait accompli et l’empêcher de placer le Panchen lama à la tête du Tibet. On rapproche prudemment le souverain tibétain de la frontière indienne; il se réfugie au monastère de Tungkar, afin de parer à toute éventualité. Cinq millions de dollars américains, en or et en argent, traversent l'Himalaya à dos de mulet. Ils constitueront le trésor de guerre du futur exilé. 
1951: Des délégués envoyés auprès des Nations Unis ne dépassent pas l’Inde. Aucun État important n’est disposé à soutenir le Tibet devant l’organisation internationale. Pourtant, l'invasion de ce pays va rappeler son existence dans l'arène internationale et lui gagner la sympathie de beaucoup de gens, en premier lieu, bien sûr, de ceux qui sont anticommunistes. Les grandes puissances, quant à elles, continuent de mener la politique prudente qui fut la leur un demi siècle plus tôt.
Ngabo et d'autres émissaires tibétains partent pour Pékin; le Dalaï lama adresse un cable à Mao lui promettant d'oeuvrer pour la pacification du Tibet et sa coopération avec la Chine. Dans la capitale chinoise, les envoyés du Tibet sont reçus par Chou En Lai lui-même, ce qui prouve l’intérêt que la Chine accorde à la question tibétaine. Un accord en 17 points (il est  ici) est négocié (ou plutôt imposé), avec la participation du Panchen lama. Ce texte admet la souveraineté de la Chine sur le Tibet. Il valide l'entrée des forces armées chinoises et donne compétence au gouvernement chinois en matière de relations extérieures. En compensation, la Chine s'engage à ne remettre en cause ni la religion, ni le gouvernement du pays. Les réformes ne seront introduites qu'après consultation des dirigeants tibétains et sans faire usage de la contrainte. La révolution au Tibet est renvoyée aux calendes grecques, ce qui montre que les visées de Pékin sont surtout territoriales.
Le premier dessein du Dalaï lama est de dénoncer rapidement ce texte. Washington, faisant volte face, l’encourage en ce sens. Le gouvernement américain l’incite à fuir en Inde puis à se réfugier aux États-Unis. L’armée chinoise ne lui en laisse pas le temps. Elle déferle sur le pays et parvient à Lhassa avant que les malles ne soient bouclées. Le Dalaï lama ne peut que s’incliner et entériner l’accord. Les réformes envisagées dans l’urgence, pour améliorer le sort de la paysannerie et couper l’herbe sous les pieds de la propagande communiste, sont venues trop tard. Elles n’entreront jamais en application. 
Pendant une dizaine d'années, le Parti communiste chinois va cohabiter avec l'une des dernières théocraties féodales du monde. Beaucoup de Tibétains des classes supérieures, qui admettent la nécessité de réformes, adhèrent à ce pacte. A condition de conserver leurs privilèges, ils paraissent disposés à collaborer avec le nouveau régime chinois pour construire des routes, des hôpitaux et des écoles dont bénéficieront leurs compatriotes. La création d'un réseau routier, rapidement entreprise, désenclavera le Tibet et facilitera la pénétration étrangère. Des milliers de paysans sont forcés de quitter leurs champs pour participer à cette oeuvre collective qui  aurait coûté la vie à un Tibétain par kilomètre! Mais l'aristocratie de Lhassa, qui se rend souvent en Inde et s'est laissée gagner par le mode de vie occidental, voit plutôt les côtés positifs que les côtés négatifs de cette entreprise. Elle n'est d'ailleurs pas la seule dans ce cas, le lama Chögyam Trungpa, qui s'exilera plus tard, reconnaît, qu'au Kham, les Chinois ont commencé par ouvrir des écoles, où l'enseignement est dispensé en chinois et en tibétain, et que les réactions des gens du pays sont favorables. Mais, dès le début les religieux, en dépit de la cordialité affichée par les Chinois, ont redouté le pire et un sentiment d'insécurité s'est répandu parmi eux. Il est évident que les deux idéologies, qui viennent d'entrer en contact, sont incompatibles et qu'elles ne peuvent pas cohabiter longtemps sans se renier, dès lors un conflit est inévitable.
Réactivation de la région autonome de Tashilumpo confiée au Panchen lama.
Gedun Chompel meurt d’une cirrhose du foie quelques semaines après l’entrée des Chinois à Lhassa. Il accueille cette invasion comme la réalisation de ses prédictions. Ses disciples lui rendent hommage en le faisant incinérer comme un dignitaire.
Un poème de Gedun Chompel est  ici .
Kapshopa est rappelé par le gouvernement prochinois qui le nomme directeur des Travaux publics. On notera que Pékin s’appuie sur les dignitaires de l’ancien régime plutôt que sur les progressistes. C’est compréhensible: la plupart de ces derniers sont nationalistes.
1952: En juillet, le Dalaï lama reçoit à Tungkar l'envoyé de Pékin chargé des affaires tibétaines et, sur ses instances pressantes, il rentre à Lhassa. L'influence politique du Panchen lama est renforcée. Mais Mao Tsé Toung estime que le Tibet n'est pas mûr pour le communisme; aussi décide-t-il d'appliquer les réformes avec beaucoup de lenteur et de prudence, ce qui met dans l'embarras les Tibétains progressistes, dont la curiosité naturelle avait été piquée; un vaste programme de modernisation est cependant entrepris, d'après Tucci. Ces mesures, ainsi que les conditions de leur mise en oeuvre, suscitent un certain malaise. 
Les missionnaires français du Sichuan sont expulsés. C’est la fin des missions françaises au Tibet. 
1953: Des réformes foncières d’inspiration marxiste entrent en application à l'est du Tibet. La distribution de terres à des paysans chinois entraîne des actes d'opposition aux réformes. Le désarmement de populations traditionnellement guerrières est perçu comme une mesure vexatoire. La collectivisation prive les cavaliers de leurs chevaux, ce qui est pire que de leur arracher le coeur. Les abbés des monastères sont contraints de faire leur autocritique. Les réformes et la présence d’une armée nombreuse, qui multiplie les bouches à nourrir, entraînent une grave pénurie alimentaire. 
Création de l'Association bouddhiste de Chine, courroie de transmission entre le Parti et la religion. 
Le Tibet cesse de payer le tribut qu’il devait au Népal.
1954: Le Dalaï lama, le Panchem lama et le Karmapa, accompagnés d'autres dignitaires, se rendent à Pékin pour participer à l'Assemblée qui donnera une nouvelle constitution à la Chine. Le Dalaï lama se souviendra de la première poignée de main qu'il échange avec Mao Tsé Toung; le jeune homme ressent chez son interlocuteur une énergie qui l'impressionne et il continuera à le respecter dans le futur. Le Dalaï lama est élu vice-président de la République populaire de Chine. Un Comité préparatoire de la Région autonome du Tibet est créé; présidé par le Dalaï lama, il comprendra cinquante et un membres; on y trouve des dignitaires religieux et des laïcs dont certains sont favorables aux idéaux communistes. 
Une inondation ravage la ville de Gyantse. Dans cette région pratiquement dépourvue d'arbres, la montée des eaux est aussi rapide que brutale.
Un traité signé entre l'Inde et la Chine reconnaît la souveraineté de cette dernière sur le Tibet. La question des frontières n’est pas tranchée.
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Mao à Pékin entre le Panchen lama et le Dalaï lama
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Washington décide la mise en oeuvre du plan visant à soutenir les forces anticommunistes au Tibet par l'intermédiaire de la CIA. 
1955: En février, les deux dignitaires gelugpas célèbrent les fêtes du nouvel an à Pékin. Le Dalaï lama prononce un discours dans lequel il remercie le gouvernement chinois des avantages qu'il a accordés au Tibet et exprime des voeux pour un avenir meilleur.
Le Xikang est rattaché au Sichuan. 
Les minorités nationales doivent mettre en oeuvre les réformes de collectivisation qui ont eu lieu dans le reste de la Chine. Seul le Tibet central est excepté, probablement en application de l'accord en 17 points. Les réformes sont lancées à grande échelle au Kham et en Amdo, dans les territoires depuis longtemps sous administration chinoise, où les propriétés foncières des monastères sont mises en cause. La sédentarisation des derniers nomades est imposée, sans grand succès. Les manifestations sporadiques se transforment en révolte au Tibet oriental. Les premières attaques d'entreprises et de cadres chinois ont lieu. 
La "Rébellion Kanding" se développe dans le Kham et se propage dans le Tibet oriental. Des représentants du gouvernement chinois sont assassinés. Des combats sans merci se déroulent. Des atrocités sont commises de part et d’autre. Si les soldats chinois ont cessé d’être des bouddhas, les combattants khampas ne sont pas devenus des anges: ils coupent le nez à certains de leurs prisonniers. Des villages et des monastères sont détruits. Les victimes se comptent par milliers. Les troupes chinoises sont refoulées du Tibet en maints endroits. Une guerre commence qui durera près de vingt ans et causera la mort de nombreuses personnes (certains parlent de 1,5 millions de soldats chinois tués!?). Le témoignage de Chögyam Trungpa montre cependant que les différentes régions du Kham furent affectées diversement par les troubles; malgré l'inquiétude qui s'était emparée de son esprit, cet important lama continue d'exercer son sacerdoce à peu près normalement jusqu'en 1959; certes, les nombreux réfugiés propageaient de bien mauvaises nouvelles mais les administrateurs chinois et les soldats, parmi lesquels figuraient des jeunes Tibétains, ne manifestaient pas d'attitude particulièrement hostile à l'égard du bouddhisme; il ressort de ce témoignage que les deux motifs principaux de la révolte furent le désarmement des populations et les atteintes portées à la religion.

Sur le chemin du retour, le Dalaï lama conseille la prudence et la modération aux Tibétains. Mais le pays est déjà à feu et à sang. Il écrit un poème à la gloire de Mao Tsé Toung qui servira la propagande chinoise.

Rapgya Pangda Tsang, qui fonda le Parti progressiste tibétain, s'enfuit en Inde. Il n’est pas le seul à y chercher refuge.
Le Karmapa se rend au Kham, à la demande du Dalaï lama, pour assumer le rôle de conciliateur entre les Tibétains locaux et les militaires chinois. Il négocie un accord de paix de cinq ans. Il se rend ensuite au Sikkim et de là entreprend un pèlerinage.
L’Inde abandonne à la Chine le contrôle du réseau téléphonique, télégraphique et postal du Tibet.
1956: Inauguration à Lhassa du Comité Préparatoire pour la Région autonome du Tibet par le maréchal Chen Yi, ministre des Affaires étrangères de Chine. Il est chargé d'établir les bases d’une constitution tibétaine. Le Dalaï lama en est président et le Panchen lama premier vice-président. 
Installation, à Lhassa, par les Chinois, d'un Bureau des Affaires religieuses dirigé par le deuxième tuteur du Dalaï lama. Il exerce son autorité sur l'ensemble des monastères tibétains. 
Mise en place d'un réseau d'aide aux rebelles tibétains par la CIA et Taïwan. Rapgya Pangda Tsang, le frère aîné du Dalaï lama, Thubten Norbu, réfugié aux USA, et Gyalo Thondup, autre frère du Dalaï lama, qui réside à Formose (Taïwan), où il a épousé la fille d'un dignitaire de la Chine nationaliste, sont les pièces maîtresses de ce réseau. Quelques centaines de combattants tibétains sont entraînés dans le Colorado pour être ensuite parachutés au Tibet. Les USA interviennent dans la question tibétaine, mais ils sont davantage guidés par la volonté de contenir le communisme chinois que par le souci d'aider le peuple tibétain, l'avenir le prouvera, comme le passé le laissait prévoir.  
L'APL (armée populaire de libération chinoise) revient en force pour mettre un terme à la rébellion. Le siège est mis devant le monastère de Litang. Il durera plusieurs mois. Tous les moyens modernes, y compris les bombardements aériens, seront utilisés. La violence de la répression ne permet pas de rétablir la paix, malgré les appels du Dalaï lama en ce sens. 
La Chine règle forfaitairement le solde du tribut que le Tibet était tenu de payer au Népal. Ce pays reconnaît la souveraineté chinoise sur le Toit du Monde. Chou En Lai est reçu par le nouveau roi népalais. Ce voyage inaugure une série d’autres visites que les dirigeants des deux pays échangeront dans les années suivantes. Le Népal continue de faire preuve d’une très grande prudence vis-à-vis de la Chine. 
Création par Gompo Tashi Andrugtsang  du mouvement clandestin "Quatre fleuves, six montagnes". 
Le Dalaï lama, le Karmapa et le Panchen lama se rendent en Inde pour participer aux cérémonies d'anniversaire de la mort du Bouddha, sur l'invitation de la Mahabodhi Society indienne. Chou en Lai les y rejoint bientôt. Le Dalaï lama se plaint à Nerhu de la tournure prise par les événements; mais, malgré les appels du pied qui lui sont réitérés, il préfère rentrer chez lui, d'ailleurs incité fortement à la faire par Chou en Lai. Tiraillé entre les prochinois et les partisans de la rébellion, il pense toujours que la voie moyenne finira par l'emporter.
Dans un monographie qu'il vient de publier, Joseph Rock cite les paroles d'un Golok de l'Amdo: "Un Golok naît avec la connaissance de sa liberté et, avec le lait de sa mère, il ingère une certaine conscience des lois qui le régissent. Elles n'ont jamais été dénaturées. Il apprend à manier les armes pratiquement dans le ventre de sa mère. Ses ancêtres étaient des guerriers - des hommes braves et sans peur, tout comme aujourd'hui nous en sommes les valeureux descendants. Nous ne prêterons pas l'oreille à un étranger et nous n'obéirons qu'à la voix de notre conscience avec laquelle chaque Golok pénètre dans ce monde. C'est pour cela que nous avons toujours été libres, comme nous le sommes encore maintenant, et que nous ne sommes les esclaves de personne - ni de Bogdo khan* ni du Dalaï lama. Notre tribu est la plus respectée et la plus puissante au Tibet et nous pouvons regarder avec condescendance à la fois les Chinois et les Tibétains." Une telle hauteur de langage montre à quel point l'unité nationale du Pays des Neiges était encore discutée, malgré la menace chinoise, en plein 20ème siècle.
* Bogdo Gegheen, kutuktu de Mongolie.
1957: Le Dalaï lama désavoue ses frères réfugiés à l'étranger et les prive, avec d'autres personnalités exilées, de la nationalité tibétaine. Les autorités chinoises décident de s'engager dans la voie des négociations. Ils reconnaissent que des erreurs ont été commises, que leurs représentants ont fait preuve de chauvinisme et renoncent à mettre en oeuvre les réformes jusqu'en 1962. 
Une antenne de l'Association bouddhiste de Chine est ouverte à Lhassa.
L'est du pays, malgré les tentatives de résolution du conflit, est toujours en proie à la guerre. L'armée chinoise est frappée d'impuissance: le pays est vaste; il est impossible de protéger complètement les voies de communication; les rebelles, très mobiles sur leurs chevaux, se livrent à des raids meurtriers, puis se réfugient dans les montagne, où ils échappent facilement à leurs poursuivants, qui ne sont pas rompus au combat à des altitudes aussi élevées. Ils s'abritent contre les avions dans les grottes où ils sont pratiquement invulnérables. Les Chinois doivent faire face au Tibet à des difficultés de même nature que celles que rencontreront, quelques années plus tard, les soviétiques en Afghanistan. Des villageois du Kham, fuyant la guerre, se réfugient dans la région désertique du Chang Thang, qui servait naguère de lieu de déportation; beaucoup y périront de faim et de misère. 
Les combattants khampas prennent cependant conscience de la vanité de leur lutte s'ils ne parviennent pas à y entraîner l'ensemble du Tibet. Accusant les hommes du gouvernement tibétain de lâcheté, ils envahissent le centre du pays, avec pour objectif de les chasser de Lhassa, sans remettre toutefois en cause la personne sacrée du Dalaï lama. L'unité du pays une fois réalisée, sous l'égide d'un gouvernement nationaliste, ils pensent pouvoir amener la Chine à composition. Parallèlement, des milliers de réfugiés, fuyant les combats qui ensanglantent l'est du Tibet, cherchent un asile dans la région centrale, où les réformes contestées ne sont pas encore entrées en application, et où ils pensent trouver la sécurité à proximité du Dalaï lama.
Un groupe de marchands du Kham organise des rites de longue vie pour le Dalaï lama et collecte des fonds pour lui offrir un trône en or. Le mouvement "Quatre Fleuves, Six Montagnes" prend prétexte de cette collecte pour structurer son organisation et identifier ses objectifs. Ceux qui s’appellent entre eux les "soldats de la forteresse de la foi" estiment pouvoir compter sur 80000 combattants. Le trône sera offert au Dalai-Lama dans son  palais d'été; la cérémonie revêtira une signification politique. 
Les Khampas attaquent les garnisons chinoises et les chantiers de construction de routes. Les forteresses du Lhoka, région située au sud du fleuve Tsangpo (Brahmapoutre) et frontalière du Népal, tombent aux mains de la résistance. 

1958: Le "Grand bond en avant" provoque au Tibet, comme en Chine, une famine qui va faire des dizaines de milliers de victimes. Jamais auparavant de telles difficultés alimentaires n'auraient été rencontrées au Tibet. 
Les autorités chinoises lancent la campagne des "Quatre Liquidations" (rébellion, opposition politique, privilégiés, exploiteurs). Les représentants modérés de la Chine au Tibet sont accusés de favoriser le nationalisme tibétain. Des monastères sont transformés en casernes, en bâtiments administratifs et en hôpitaux. Pékin demande au Dalaï lama d'envoyer les troupes tibétaines combattre les rebelles. Le Dalaï lama refuse: l'armée tibétaine risquerait de rejoindre la rébellion. 
Les membres du mouvement "Quatre Fleuves, Six Montagnes" se constituent en Armée des volontaires pour la défense nationale (AVDN). Certains auteurs prétendent cependant que cette armée existait déjà. Les combattants tibétains, dont chacun fait le serment d’éliminer dix soldats chinois, cherchent à se doter d’une nouvelle base territoriale.
Les pertes civiles, entraînées par les opérations militaires, jettent le trouble dans la classe politique prochinoise. Une tentative de création d’un parti communiste tibétain avorte. Son promoteur est expédié dans les geôles chinoises. Des militaires chinois désertent et rejoignent les rangs des insurgés. Des parachutages d’armes américaines renforcent la résistance.

L'atmosphère devient pesante à Lhassa où affluent les réfugiés chassés de leurs villages par les combats. Des rebelles se dissimulent facilement dans leurs rangs. Ils s'infiltrent au sein même de la capitale. Des contacts sont noués avec des membres de l'aristocratie locale. Mais une méfiance invétérée freine ce rapprochement. Il existe en effet une incompatibilité culturelle profonde et immémoriale entre les dignitaires raffinés de Lhassa, toujours enclins au compromis, et les rudes guerriers pillards, jamais totalement soumis, de l'est du Tibet. Des coups de feu nocturne commencent à retentir dans la cité. Maladroitement,  les Chinois chassent de la capitale une partie de ses habitants mâles; ils vont grossir les rangs des rebelles.
L'avenir paraît d'autant plus sombre que l'oracle consulté annonce la disparition du bouddhisme du Pays des Neiges et sa transformation en milliers d’étoiles à travers le monde. Les prophéties de Sakyamuni, de Padmasambhava et du précédent Dalaï lama sont-elles sur le point de se réaliser? Le premier n'a-t-il pas annoncé que, 2500 ans après sa mort, le bouddhisme se répandrait au pays des faces rouges et le second que lorsque l'oiseau de fer volerait dans le ciel et que le cheval serait pourvu de roues, les bouddhistes tibétains seraient dispersés comme des fourmis et que le bouddhisme parviendrait au pays des hommes rouges? Le pays des faces rouges et celui des hommes rouges sont évidemment les États-Unis d'Amérique, patrie des indiens. Quant aux terribles paroles du testament du 13ème Dalaï lama, elles sont présentes dans toutes les mémoires. 
1959: En février, un émissaire des rebelles réussit à pénétrer jusqu'au Dalaï lama. Cette rencontre ne donne aucun résultat. Le pontife continue de prôner la tolérance et se refuse à envisager tout recours à la violence qui, à ses yeux, ne peut que rendre la situation encore plus compliquée. Il est en période d’examen et n’a pas le loisir de prêter toute l’attention qu’il faudrait à la situation.
Une campagne anti-chinoise est lancée dans tout le Tibet. La garnison de Tsedang (3000 hommes), située à 45 km de la capitale, tombe entre les mains des insurgés.
Le 3 mars, l’oracle consulté conseille au pontife tibétain de rester à Lhassa.
Le 5 mars, le Dalaï lama se rend dans son palais d'été.
Le 7 mars,  il accepte une invitation à un spectacle théâtral dans un camp militaire de l'armée chinoise.

Le 9 mars, la population s'attroupe autour du palais d'été pour l'empêcher de se rendre à l’invitation des autorités chinoises. Les manifestants, parmi lesquels figurent plusieurs Khampas armés, redoutent un enlèvement du Dalaï lama et veulent s'y opposer. Un ministre, qui se rendait en jeep au palais, est violemment pris à partie par la foule qui scande des slogans antichinois. Il doit être conduit à l'hôpital. Le Dalaï lama prévient par téléphone les Chinois qu'il lui est impossible de se rendre à leur invitation. Un moine prochinois, ami du Dalaï lama, armé d'un revolver, qui tentait d'entrer à bicyclette dans le palais, est poignardé par un Khampa puis lapidé à mort par la foule qui l'a identifié; son cadavre, placé sur un cheval, est promené à travers les rues de la capitale. 
Le palais d'été est cerné par les Khampas. Un gouvernement insurrectionnel, le Comité de Libération, s'installe au Potala. Ses premiers actes sont la dénonciation de l'accord en 17 points. Les soldats chinois sont invités à quitter le Tibet et à regagner leur pays. Plusieurs personnages du pouvoir qui s'effondre passent à la rébellion. La garde du Dalaï lama se mutine à son tour, malgré les appels au calme de ce dernier. La défection gagne d'autres unités de l'armée tibétaine. Les ministres du Dalaï lama sont mis en état d'arrestation par les rebelles. Les armes de l'arsenal sont distribuées aux manifestants. 
Le Dalaï lama, désemparé, entretient une correspondance secrète avec le général commandant l'armée chinoise à Lhassa. Il pense que tout espoir de ramener son peuple à la raison n'est pas perdu. Finalement, il est lui même placé en résidence surveillée par les rebelles. Leur intention est de le garder sous main pour l'utiliser, comme le firent les Chinois, afin de légitimer leur pouvoir et entraîner l'ensemble du Tibet à leur suite. Ils projettent de le transporter, avec ou sans son consentement, au milieu de leurs troupes.
A partir de là, les versions divergent, même en s’en tenant aux témoignages hostiles à la Chine. Selon les uns, les troupes chinoises auraient reçu l'ordre de Pékin de ne pas exercer de représailles sur la foule tant qu'elles ne subiraient pas d'attaque de sa part et cet ordre aurait été respecté jusqu’au 19 mars. Selon les autres, deux obus tirés par les Chinois auraient éclaté le 17 mars dans l’enceinte du palais. Quoi qu'il en soit, ce jour là, le souverain tibétain, déguisé en soldat khampa, est conduit en camion hors du palais d'été, vers une région difficile d'accès, au sud est de Lhassa, fermement tenue par les guérilleros. Pour les uns, il vient d’être enlevé; pour les autres, il s'est enfui. Si l'on s'en tient aux lettres échangées entre le Dalaï lama et les Chinois, soit le souverain tibétain a fait preuve d’une grande duplicité, soit il n'envisageait pas de partir à ce moment. La thèse de l'enlèvement est donc loin d'être invraisemblable; à tout le moins peut-on supposer qu'il s'est laissé forcer la main.
Le 19 mars, après avoir essuyé des tirs provenant du palais d’été, selon les partisans de la thèse de leur passivité, les Chinois ripostent. La population, qui ignore le départ du Dalaï Lama, pense que son existence est menacée. La bataille ne tarde pas à embraser la ville. 
Dans la nuit du 21 au 22 mars, la plupart des combattants khampas abandonnent le palais d'été, qu'ils ne peuvent plus défendre, après avoir achevé leurs camarades blessés. Il ne reste que quelques isolés qui se rendent le matin suivant aux assaillants. Dans la ville, trois tanks progressent en direction du Jokhang. L'un d'eux est détruit mais un autre enfonce le grand portail du temple. 
Peu à peu, la résistance cesse. Les coups de feu ne s'entendent plus que sporadiquement. Un appel informe la population de l'enlèvement du Dalaï lama et l'invite à déposer les armes en l'assurant qu'il n'y aura pas de représailles. Les Khampas, suivis par une partie des habitants, prennent la fuite. Les monastères des environs de la capitale capitulent les uns après les autres, non sans avoir résisté et essuyé d’importants dégâts. 
Le nombre des victimes ne sera jamais connu. L'estimation la plus vraisemblable le porte à au moins 10000 morts. Plusieurs milliers de personnes sont arrêtées. Deux nouveaux gouvernements voient le jour, l'un mis en place par les Chinois, l'autre par le Dalaï lama. Les Khampas ne tardent pas à s'apercevoir que la présence de ce dernier dans leur rang va focaliser sur eux les efforts des militaires chinois. Le départ du souverain vers l'Inde s'impose alors comme une nécessité. Cette idée n'est pas pour déplaire au Dalaï lama qui la caresse en secret depuis plusieurs années. 
Le 29 mars, le souverain tibétain atteint la frontière. Il est accueilli avec réserve en Inde. Ce pays redoute des complications avec son puissant voisin. Les réfugiés en provenance du Tibet sont dirigés vers le camp de Missamari, en Assam, où nombre d'entre eux mourront de misère. Beaucoup ne supporteront pas le climat humide et chaud de l’Inde et la tuberculose les décimera. D'autres seront employés à la construction de routes et leur sort ne sera guère plus enviable. Ces difficultés ne tarissent pourtant pas leur flot qui va s’écouler pendant plusieurs années. Peu à peu, des organisations caritatives atténueront leurs difficultés. Mais il faudra du temps avant que l'aide ne se mette en place.
En avril, le Dalaï lama dénonce l'accord en 17 points signé, dit-il, sous la contrainte. Un premier gouvernement en exil s'installe à Mussoorie, dans le nord de l'Inde.
Vers la même époque, le lama Chögyam Trungpa, décide de quitter le Tibet. Il a donné le récit de cette évasion, motivée par les événements qu'il apprend par la rumeur publique. Des moines sont arrêtés, d'autres fusillés, des monastères sont pillés et endommagés; de nombreux religieux prennent la fuite, accompagnés par des fidèles, sans trop savoir où se rendre; ils croient encore trouver la sécurité au Tibet central, qu'ils pensent toujours soumis au Dalaï lama. La résistance essaie de recruter parmi eux avec un succès mitigé; Chögyam Trungpa, pour ce qui le concerne, se refuse à faire usage des armes. Il rencontre la reine du royaume deNangchen, elle aussi sur le chemin de l'exil, en dépit de l'alliance nouée par ses troupes avec celles de Mao Tsé Toung pour chasser Ma Bufeng de l'Amdo. Les Chinois sont particulièrement sévères avec les gens riches; ils les obligent à porter les vêtements de leurs domestiques et ces derniers à endosser les habits de leurs maîtres. Les prisonniers sont employés aux travaux de la voierie et les lamas doivent curer les latrines. Les fugitifs se perdent dans le dédale des montagnes et des cols; leur nourriture s'épuise et ils en sont réduits à manger de la soupe de cuir bouilli. Au passage du Brahmapoutre, dans des canoes rudimentaires en peau de yak, ils sont dispersés par une attaque des Chinois; beaucoup sont pris, mais plusieurs de ceux-ci échapperont ultérieurement à la vigilance, semble-t-il peu sévère, de leurs gardiens; ils gagneront l'Inde, après bien des tribulations. Les soldats et des habitants des villages voisins récupèrent les bagages abandonnés par les fuyards, puis se lancent à leur poursuite. Chögyam Trungpa traverse une région qu'il dit être le Pemakö, en compagnie de quelques rescapés; des Bönpos s'y seraient réfugiés, au 8ème siècle, lors de la pénétration du bouddhisme au Tibet; plus tard, des ermites s'y seraient retirés; les habitants rencontrés se prétendent bouddhistes, mais leur comportement est fortement influencé par le bön; les enfants y chassent les petits oiseaux pour les rôtir et s'en égaler; on s'y nourrit de plats à base de cuir bouilli et on y boit une boisson alcoolisée de riz fermenté. Enfin, les derniers membres de l'équipée atteignent la frontière indienne.
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hibou ecrit Cette petite Emma est autiste mais a une voix merveilleuse

L'administration chinoise 

Le départ du Dalaï lama laisse les Chinois libres de diriger le Tibet comme ils l'entendent. Dans un premier temps, la version d'une révolte des seigneurs et des abbés propriétaires de serfs est accréditée. La sinisation du pays est menée tambour battant parallèlement à la répression de la guérilla. Elle entraîne de nombreuses exactions qui culmineront avec la révolution culturelle. La carte du Tibet est redéfinie. Plusieurs régions sont rattachées à la Chine. La Région autonome du Tibet ne recouvre guère que l'U-Tsang. La politique chinoise n'a pourtant pas été constante depuis 1959. Elle a comporté de nombreuses adaptations qui se sont traduites par des périodes d'ouverture et d'autres de fermeture. Où en est-on aujourd'hui? Quel sera le sort réservé au Tibet dans l'avenir? Il est bien difficile de répondre à ces questions.
Le Karmapa, qui a pris les devants, en s'enfuyant au Bouthan, passe au Sikkim où il restaure l'ancien monastère de Rumtek qui devient son nouveau siège. La Chine, privée du Dalaï lama et du Karmapa, s'en console en mettant en avant la seconde figure de la lignée gelugpa, le Panchen lama, traditionnellement prochinois, qui est resté au Tibet. Il est nommé président du Comité préparatoire de la Région autonome du Tibet. La lutte contre les Khampas et leurs nouveaux alliés s'accentue. De nombreux jeunes Tibétains, formés en Chine, sont renvoyés dans leur pays pour encadrer la population. 
On accrédite la version d'une révolte des propriétaires de serfs en enlevant des monastères et demeures seigneuriales les grands fouets et les instruments de torture. Selon la propagande chinoise, la classe dominante s'efforçait de conserver ses privilèges par la contrainte. Il est très probable que l'extension des réformes communistes au Tibet central est une conséquence directe de la rébellion qui ne souhaitait certainement pas cela. 
D'après les Chinois, le système féodal dotait les seigneurs de pouvoirs juridictionnels et les autorisait à incarcérer leurs sujets rebelles dans des geôles privées. Les prisonniers étaient soumis à un système raffiné de tortures. En cas de condamnation lourde, on plaçait sur leur tête un chapeau de pierre et on les énucléait. On les obligeait à manger leurs intestins. On les promenait dans les rues tirés par une corde nouée à l'une de leurs clavicules. De petits drapeaux de papier, qui se balançaient dans le vent, étaient accrochés à des morceaux de bambous effilés que l’on enfonçait dans leurs doigts. Un jus de gomme bouillant était égoutté à travers un tamis sur leur corps dénudé. Les condamnés à mort étaient enfermés dans une peau de yack avant d'être jetés dans un fleuve. D'autres fois, on les précipitait du haut d'une falaise, non sans leur avoir, au préalable, arraché les muscles des jambes, coupé le nez et brisé les rotules. En cas de peine légère, on enchaînait les prisonniers, on les flagellait, on leur fouettait le visage... la flagellation étant la peine la plus commune. 
Certains de ces châtiments barbares figurent effectivement dans les codes édictés par les souverains tibétains et d’autres ont bien été employés au cours du temps. Etaient-ils encore appliqués au 20ème siècle? Si les Chinois étaient seuls à l’affirmer, l’information serait évidemment suspecte. Malheureusement, l’usage de l’énucléation, de la peine du fouet et de la cangue, est corroboré par plusieurs autres témoignages*, comme il ressort de cette chronologie. Chögyam Trungpa, une réincarnation d'un grand lama qui se réfugiera en Occident, rapporte la bastonnade infligée à un musulman coupable d'avoir tué un animal sauvage, à l'intérieur d'un monastère, où la justice était rendue et la sentence exécutée par les moines eux-mêmes, peu de temps avant 1950. Le 13ème Dalaï lama a bien aboli la peine de mort, mais les châtiments corporels sont restés en vigueur; certes, les moeurs judiciaires se sont adoucies depuis ses réformes, mais elles demeurent brutales, selon les normes occidentales. La souffrance infligée est toujours considérée comme une sorte de rachat; elle abrège le cycle des renaissances et rapproche le condamné du nirvana!
* J'ai négligé volontairement les témoignages d'auteurs anglo-saxons (Strong, Gelder, Grunfeld...) qui reprennent les thèses de Pékin. A titre d'exemple, voici ce qu'écrit Anna Louise Strong, après la visite d'une exposition chinoise: il y avait des menottes de toutes tailles, même pour les enfants, des instruments à couper le nez et les oreilles, arracher les yeux, briser les mains, couper les rotules et les talons, paralyser les jambes, éviscérer, flageller; parmi les témoignages rapportés, il y a celui d'un berger privé des deux mains pour avoir pris une vache à son maître, lequel se refusait à acquitter une dette contractée envers lui; il y a ceux d'activistes communistes dont les lèvres et le nez ont été coupés, les femmes après avoir été violées... Voir aussi les témoignages de Kawaguchi  et de Tucci.  

Le mouvement "Quatre Fleuves, Six Montagnes" dépose les armes à la demande du Dalaï lama. Mais d’autres groupes de résistants poursuivent la lutte armée.
L’Assemblée générale de l’ONU se dit gravement préoccupée par la situation au Tibet. Toutefois l'organisation internationale n'inscrira jamais le Tibet sur la liste des pays à décoloniser.
Hergé publie "Tintin au Tibet". Un avion de ligne à bord duquel le jeune Chinois Tchang se rendait en Europe s'est écrasé dans l'Himalaya. Cette histoire décrit la recherche désespérée à laquelle Tintin se livre pour retrouver son ami en un récit pathétique qui rompt avec le ton extraverti des précédents albums. Elle montre que la fidélité et l'espoir sont capables de vaincre tous les obstacles et que les préjugés sont bien souvent les fruits de l'ignorance. Peut-être la quête du héros belge est-elle également orientée vers la recherche de la spiritualité. Quoi qu'il en soit, il retrouvera Tchang sauvé par un yéti, "l'abominable homme des neiges"!
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L'image assez réaliste mais quelque peu saint-sulpicienne du Tibet de Hergé
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L'émigration de nombreux érudits tibétains va stimuler les études bouddhiques en Occident. Aux États-Unis, ils trouveront un terrain d'autant plus favorable que, depuis la fin de la seconde guerre mondiale, l'étude des religions est en plein essor dans les universités. Toutefois, par rapport à ce qu'elle était dans les monastères tibétains, la formation au bouddhisme en Occident restera souvent superficielle. Parallèlement, la connaissance de l'art tibétain, presque ignoré jusqu'alors, va se répandre. Les multiples déplacements du Dalaï lama et sa popularité favoriseront grandement ces évolutions.  
  
1960: Installation par le Dalaï lama du gouvernement et d’une Assemblée en exil à Dharamsala. Mise en place, sous l’impulsion de la sœur du Dalaï lama, d’un réseau d’écoles tibétaines en Inde. 
Une dissension oppose l'entourage du Dalaï lama et la résistance qui, à court de ressources, voudrait utiliser le trésor de guerre du souverain. La guérilla, chassée de ses bastions, se déplace vers le Tsang et la région soumise au Panchen lama. Une base arrière de la guérilla voit le jour au Mustang (Népal).
Les revendications chinoises sur les territoires ayant appartenu aux empires tibétains et mongols entraînent une rupture avec l'URSS. L'aide de cette dernière à la Chine est brutalement interrompue, aggravant les difficultés nées de l'échec du grand bond en avant. Des accrochages se produisent au Sinkiang entre Russes et Chinois. A partir de ce moment, l'Union soviétique va faire preuve de compréhension à l'égard des révoltés tibétains. Des incidents de frontière éclatent entre la Chine d'une part, l'Inde et le Népal d'autre part.  
Une carte d'identité est instaurée au Tibet pour contrôler les déplacements de population.
L'Assemblée générale de l’ONU met la Chine en demeure de respecter les règles internationales au Tibet. Mais, comme cette mise en demeure n'est accompagnée d'aucun moyen de coercition, elle est à classer dans le domaine des voeux pieux. D'ailleurs, Pékin est en droit d'accuser de partialité une organisation qui lui refuse l'accès dans ses rangs.
En juin et en août, une Commission de Juristes Internationaux publie des rapports sur le Tibet défavorables à la Chine. 
1961: Une constitution provisoire est adoptée par les instances gouvernementales tibétaines en exil. Elle proclame le principe de la séparation des pouvoirs. Ses fondements sont démocratiques: égalité des citoyens devant la loi, élections libres et pluralisme politique. L'Assemblée des députés du peuple peut, à la majorité des deux tiers, confier les pouvoirs du Dalaï lama à un Conseil de régence. La gestion de type socialiste de l’État s’inspire des idéaux bouddhistes. Sous la pression des événements, l'autocratie théocratique a été battue en brèche. Mais, pour certains commentateurs, ce changement est plus formel que réel, les anciennes familles nobles restant détentrices de l'essentiel du pouvoir. 
Installation à Dharamsala d'un dispensaire qui se transformera ultérieurement en école de médecine. 
Une rébellion militaire éclate au Honan, à l'intérieur de la Chine. La situation économique s'aggrave. Les difficultés alimentaires s'accroissent au Tibet: l'APL doit cultiver les champs abandonnés par les Tibétains en fuite. La disette durera trois ans.  La collectivisation doit à nouveau être différée. 
Le Mustang, dépendant du Népal, est choisi comme base d'approvisionnement par les rebelles, par suite du changement de leur zone d'action. Ils y reçoivent l'aide de la Croix rouge qui ne fait aucune distinction entre combattants et simples réfugiés. 
Un accord entre le Népal et la Chine prévoit la construction d’une route Lhassa-Katmandou. Elle permettra à l'armée chinoise de se ravitailler en carburant à partir du Népal.
En décembre, une nouvelle résolution des Nations Unies reconnaît le droit des Tibétains à l'autodétermination.
1962: Les accords commerciaux tibéto-britanniques, dont l'Inde était l'héritière, sont devenus caducs.
Probablement pour des raisons de politique intérieure, le Premier ministre indien, Nehru, décide de se montrer plus ferme vis à vis de la Chine communiste. Les contestations territoriales entre les deux pays portent notamment sur une région que les autorités de Taïwan revendiquent aussi, ce qui met les États-Unis dans l'embarras. Pékin propose des négociations pour régler le litige. New Delhi installe un poste militaire au-delà de la ligne Mac Mahon qui délimite la frontière depuis la colonisation britannique. Les Chinois protestent sans résultat. Leurs troupes passent alors à l'attaque et refoulent l'armée indienne. Une nouvelle proposition de négociations parvient à New Delhi qui répond en préparant une confrontation générale. La Chine reprend alors l'offensive. Les défenses indiennes sont enfoncées. La panique gagne l'Inde qui se voit à la merci de son puissant voisin. Mais, à la surprise générale, les Chinois se retirent.
La conférence de Colombo entérine les gains de territoires réalisés par les Chinois du côté du Ladakh. Ces territoires sont majoritairement peuplés de Tibétains. Le reste du monde, préoccupé par la crise des fusées à Cuba, ne s’intéresse que secondairement à se qui se passe dans l’Himalaya. 
Ces événements rendent le Népal encore plus circonspect. Bien sûr, il est impossible d'interdire l'accès du pays aux rebelles tibétains qui, étant de même origine que beaucoup de Népalais, peuvent se fondre facilement dans la population du royaume. Il n'en demeure pas moins qu'une vigilance accrue des autorités va gêner la résistance tibétaine. 
L’Inde, en revanche, accepte de former, avec le concours de la CIA et un armement fourni par Washington, une Special Frontier Force (SFF) de 10000 hommes composée de combattants tibétains. La SFF dispose d’une base principale à Chakrata, près de Dehra Dun, où enseignent des experts américains, ainsi que d’une base radio dans l’Orissa, au sud de Calcutta, pour recueillir les messages clandestins émanant du Tibet.  
1963: Pékin essaie en vain de pousser le Panchen lama à dénoncer le Dalaï lama et à le remplacer.
Taïwan s'efforce d'inféoder la résistance tibétaine et de la faire passer pour une rébellion nationaliste chinoise. Il en résulte un conflit ouvert entre ceux qui reçoivent ses subsides et les autres qui les considèrent comme des traitres.  
Un 13ème Sharmapa est reconnu. La lignée des Sharmapas est réhabilitée, après une interruption de près de deux siècles!
En mars, des scientifiques chinois arrivent en Amdo pour y installer une usine nucléaire.
1964: Le Panchen lama, qui désavoue l'arrestation massive des moines, voudrait infléchir la politique chinoise. Il se refuse à condamner publiquement le Dalaï lama. Il rédige un mémoire aux 70000 caractères très critique à l'égard de la politique menée par Pékin au Tibet. Devant plus de 10000 personnes, il ose même réclamer l'indépendance et termine son discours par un retentissant «Vive le Dalaï lama!» La réaction des autorités chinoises ne se fait pas attendre. Il est privé de ses fonctions officielles, arrêté, emprisonné pendant dix ans, puis placé en résidence surveillée en Chine pendant huit autres années.
Une manifestation d'étudiants se déroule à Lhassa.
La Chine procède à la construction d'un site d'essais nucléaires au Sinkiang. Un complexe militaro-industriel a été construit en Amdo, près du lac Kokonor, l'Académie N° 9, où seront conçues les bombes atomiques chinoises A et H. Il en résulte des dommages causés à l'environnement dont il est difficile d'évaluer l'ampleur.
New-Delhi accueille des U-2 américains sur la base de Charbatia.
Timothy Leary, Ralph Metzner et Richard Alpert publient "L'Expérience psychédélique: un manuel fondé sur le Livre des morts tibétain". Les auteurs de cet ouvrage interprètent le texte bouddhique comme une description des phases par lesquelles passent les utilisateurs d'hallucinogènes. Nous sommes à l'époque des Hippies, du Peace and Love et de l'expansion de la consommation des stupéfiants, notamment en Amérique du Nord. C'est un nouvel exemple des récupérations auxquelles certains esprits peuvent être tentés de se livrer en sollicitant des textes provenant d'une autre culture, difficiles à comprendre et à traduire, qui comportent souvent un sens caché réservé aux seuls initiés. Le caractère artificiel d'un tel détournement du rituel mortuaire tibétain est trop évident pour qu'on s'y attarde davantage. 
1965: Le Dalaï lama réclame la tenue d’un référendum au Tibet sur la question de l’appartenance à la Chine. 
Ouverture d’un camp de concentration au nord du lac Kokonor (Qinghai) ou la durée de vie aurait rarement dépassé trois ans. D’autres sont déjà en activité dans le reste du pays. On y meurt d’épuisement, de mauvais traitements et de malnutrition. Je n’ai jamais lu que les déportés y étaient systématiquement tués dès leur arrivée, comme dans certains camps nazis (Auschwitz, par exemple). On ne saurait donc, sans exagération, les assimiler aux camps de la mort hitlériens. 
Création de la "Région autonome du Tibet". Le Tibet se composait autrefois de trois régions administratives: l'U-Tsang, l'Amdo, et le Kham (voir la carte). L'U-Tsang, délimité par les chaînes montagneuses de l'Himalaya, du Karakorom et du Kunlun, comprenait l'ouest et la partie méridionale du centre du pays. Cette région couvrait, au nord, l'ouest du Chang Thang, ou Plateau du Nord; à l'ouest, les bassins amont des fleuves Senge Khabab (Indus) et Langchen Khabab (Sutlej); au sud, le bassin du fleuve Tsangpo (Brahmapoutre) et ses affluents; et à l'est, le bassin du Gyalmo Ngulchu (fleuve Salouen). L'Amdo, ou Dhomey, borné par les monts Gangkar Chogley Naingyal, Kunlun et Yagra Tagtse, s'étendait sur la partie nord-est du pays. La région comprenait à l'est du plateau du Chang Thang, le vaste bassin Tsaïdam, aride mais riche en minéraux, et les bassins en amont des fleuves Zachu (Mékong), Drichu (Yang Tsé Kiang ou Fleuve bleu) et Machu (Houang-Ho ou Fleuve jaune). Le Kham, ou Dhotoe, ceinturé par les monts Khawakarpo, Minyak Gangkar et Trola, couvrait le sud-est du pays, notamment les bassins centraux des fleuves Gyalmo Ngulchu, Zachu et Drichu, et les terres fertiles qui les bordent.
La Chine remodèle profondément le pays. La "Région autonome du Tibet" (RAT) ne correspond plus grosso modo qu'au seul U-Tsang; le Qamdo, partie ouest de l'ex-Xikang (Kham), lui est cependant incorporé. La quasi totalité de l'Amdo a été rattachée au Qinghai, une province chinoise; la partie la plus au sud a été intégrée au Sichuan. Le Kham a été incorporé dans une large mesure au Sichuan (est de l'ex-Xikang); une petite partie a été rattachée à la province chinoise du Yunnan; Entre 1950 et 1957, les régions de Kanlho et Pharig, dans l'Amdo, ont été transférées à la province chinoise du Gansu, et la région d'Altyn Tagh, dans le nord de l'U-Tsang, au Turkestan oriental (le Xinjiang ou Sinkiang chinois). Il semble ainsi que les régions les plus turbulentes sont rattachées directement aux provinces chinoises pour laisser une certaine autonomie à la région centrale plus calme, sans doute parce que les réformes ne l'ont atteinte que tardivement. Il convient de souligner que l'Amdo et au moins une partie du Kham sont revendiqués depuis longtemps par la Chine, ces terres ayant été conquises par le Tibet au moment où il était une puissance majeure de la région; où devrait s'établir objectivement la frontière? Qui le sait? Il faut toujours garder présent à l'esprit que, lorsque la Chine et les exilés tibétains parlent du Tibet, ils se réfèrent à une ère géographique différente; pour la Chine, il s'agit de la RAT et, pour les exilés, c'est le Tibet historique.
Le démembrement du Tibet n'a pas commencé au 20ème siècle, mais beaucoup plus tôt. Le nord du Tibet échappa à la juridiction de Lhassa dès le 11ème siècle, pour donner naissance au royaume tangoute ou Mi-nyag ou dynastie des Xia occidentaux (1032-1227), avant de tomber sous la domination mongole. Au 18ème siècle, après la victoire des Chinois sur les Qoshots, la création du Qinghai, pris sur l'Amdo, et le rattachement de fractions du Kham au Sichuan et au Yunnan entérina la disparition de l'influence mongole sur les hauts plateaux. Par ailleurs, à la même époque, le Népal s'empara du Mustang, un petit royaume peuplé de Tibétains, qui reste cependant encore aujourd'hui à demi indépendant. Enfin, l'Arunachal Pradesh, le Sikkim et le Ladakh, sous administration indienne, ainsi que le Bhoutan peuvent aussi être considérés comme des régions d'origine tibétaine; la souveraineté de l'Inde sur l'Arunachal Pradesh, ou Tibet du sud, est d'ailleurs encore contestée par les autorités chinoises. 
On est dans la période des "Trois Contre" (rébellion, corvées, servage) et des "Deux Réductions" (fermages et taux d’intérêt).
Visite officielle de Chen Yi à Katmandou.
L’ONU dénonce la violation continuelle des droits fondamentaux des Tibétains. Mais cette dénonciation d’une organisation qui lui refuse une place dans ses rangs laisse la Chine communiste impavide.
Tuesday Lobsang Rampa publie "Le Troisième Oeil". L'auteur s'y présente comme un lama tibétain qui raconte ses tribulations. Il aurait volé grâce à un cerf-volant, aurait rencontré le Dalaï lama au Potala, ce serait rendu dans les grottes situées sous ce palais où reposeraient, dans des cercueils de pierre, les corps d'ancêtres géants, aurait vu un Yéti, aurait visité une vallée enchanteresse située au milieu d'un désert, aurait conversé avec un chat doué de parole... L'ouvrage a été généralement dénoncé comme étant une supercherie. La véritable identité de l'auteur a été découverte à la suite d'une enquête diligentée par un détective. Le soi disant lama tibétain de haute extraction n'était qu'un Anglais de bien médiocre naissance. Le livre n'en fut pas moins un succès de librairie traduit en plusieurs langues. Pour se défendre contre les attaques de ses détracteurs et pour arrondir ses revenus, T. L. Rampa écrivit une vingtaine d'ouvrages de la même veine que le premier. Il est intéressant d'examiner brièvement quels sont les ingrédients qui ont présidé à la faveur durable du public occidental pour cette fiction. D'abord, bien sûr, l'attirance pour le Tibet mystérieux, ensuite un merveilleux familier teinté de modernisme, des références à des événements historiques plus ou moins dramatiques, enfin une couleur locale superficielle puisée probablement dans la lecture de récits authentiques. Bref, tout simplement ce qui se trouve à la base de bien des romans à succès. Le risque de voir se multiplier les témoignages frelatés devrait inciter à la prudence. Mais comment s'assurer de leur authenticité?
1966: Mao Tsé Toung, qui sent son autorité menacée au sein du Parti communiste, appelle la jeunesse chinoise à relancer l'esprit révolutionnaire. La révolution culturelle commence. Elle entraînera de nombreuses exactions dans toute la Chine. Des nuées de jeunes gardes rouges se répandent à travers le pays, en brandissant le petit livre rouge. Ils s’en prennent aux "Quatre Vieilleries" (idées, culture, coutumes, habitudes). La Chine devient la proie d'un gigantesque monôme. Les autorités en place sont mises en cause. Toute trace du passé doit être effacée. 
Des émeutes estudiantines éclatent à Lhassa. Plusieurs témoignages crédibles montrent que des Tibétains furent gardes rouges*. Seuls s'en étonneront ceux qui pensent que les habitants du Pays des Neiges sont d'une étoffe différente de celle des autres hommes. Des milliers de temples sont rasés. Des dizaines de milliers de moines et nonnes sont défroqués, mariés de force ou mis à mort. Les objets cultuels en métaux précieux sont pillés et fondus. Les gardes rouges s'en prennent même à l'APL et à son chef, jugé réactionnaire parce qu'il entend sauver le Potala. Un conflit violent et meurtrier dresse les uns contre les autres tandis que les opérations de guérilla se poursuivent. Les gardes rouges ne constituent pas un ensemble homogène; des factions les divisent et ces factions s'opposent avec violence le 7 juin 1968 dans le Jokhang. Le général qui commande l'armée chinoise, un vétéran de la lutte révolutionnaire, est rappelé à Pékin. Les gardes rouges exultent. Leur triomphe sera de courte durée. Le général revient bientôt. Le pouvoir central a compris que les outrances de ses jeunes supporters nuisent à la cause chinoise. Le Potala ne sera pas détruit. L'influence modératrice de Chou en Lai a prévalu. Le palais-monastère du Dalaï lama est sauvé une fois de plus; on se souvient que les Anglais, en1904, avaient déjà envisagé de le faire sauter. 
* En juin 2006, au cours d'une visite à Labrang, le guide chinois m'affirmera cependant qu'aucun Tibétain ne fut jamais garde-rouge.
Des religieux eux-mêmes s'enrôlent dans les rangs de la faction ultra-révolutionnaire des gardes rouges chassée de Lhassa. Une nonne, Trinley Chödron, mêle croyances religieuses et idéologie révolutionnaire pour enflammer ses adeptes. Elle se dit la réincarnation de la déesse Ani Gonfmey Gyemo, instructrice du roi Gesar de Ling, le héros de la littérature populaire tibétaine, en même temps que le bras droit de Mao Tsé Toung. Son armée des dieux, malgré ses supposés pouvoirs magiques, n'en sera pas moins détruite par l'APL, après s'être livrée à de nombreuses exactions allant jusqu'à la mutilation de personnes, au cours de l'année 1969, dans la régiond Nemyo, entre Lhassa et Shigatse.
En octobre 1970, une vingtaine de jeunes gens, condamnés à mort, sont fusillés publiquement à Lhassa. La Révolution culturelle, au Tibet comme ailleurs, visait à détruire le vieux monde, mais elle s'en est pris d'abord aux dirigeants du parti critiques à l'égard de la politique conduite par Mao Tsé Toung. Ce mouvement de la jeunesse n'avait rien de spécifiquement antitibétain.
D’après un témoignage golok, dans l’Amdo, les Tibétains doivent chaque matin énumérer les tâches qu’ils pensent accomplir durant la journée devant un portrait de Mao. Le soir ils reviennent rendre compte devant le portrait de ce qu’ils ont fait. Mao est devenue une icône religieuse!
Des parachutages soviétiques auraient été effectués dans le désert du Chang Thang (nord-ouest du Tibet) pour fournir des armes aux combattants tibétains. Ces livraisons, qui n'ont pas été prouvées de manière formelle, seraient cependant restées symboliques par rapport à l’aide des États-Unis. 
Visite officielle du prince héritier du Népal en Chine. Le royaume redoute toujours que la Chine ne lui réclame la restitution des territoires qu’il a conquis sur le Tibet au 19ème siècle. Il doit se montrer accommodant.

1967: Rattachement d’une école d’astrologie traditionnelle à l’école de médecine de Dharamsala. 
Le Dalaï lama commence une série de visites à travers le monde pour y soutenir sa cause.
Première publication à Delhi de la traduction du Kama Sutra de Gedun Chompel:
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Quant à moi, j’ai peu de honte, 
J’aime les femmes. 
 
…, je me suis grandement appliqué 
A la composition de ce traité 
Qui est ma tâche personnelle. 
Si les moines veulent le déprécier, qu’ils le fassent. 
 
L’auteur en est Gedun Chompel. 
 
Un vieux brahmane lui expliqua les passages difficiles, 
Une fille du Cachemire lui donna les instructions pratiques 
Sur le divan rouge de l’expérience. 
 
Que tous les simples gens vivant sur la vaste terre 
Soient libérés de la fosse de la Loi sans merci 
 
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Les tendances nationalistes au sein du gouvernement chinois sont renforcées au cours de la révolution culturelle. La publication des éditions de périodiques en langues zhuang, mongole, tibétaine, ouïgoure…, est suspendue. Les émissions diffusées dans les langues minoritaires sont interrompues. Les dirigeants appartenant à des minorités sont destitués, arrêtés et emprisonnés. Le Premier ministre du Tibet, un prochinois de toujours, est incarcéré. Le Panchen lama passe à la trappe. Tout ce qui fait référence aux minorités est assimilé à des pratiques bourgeoises contraires à l'unité du Parti. 
1968: Ouverture à Sarnath (Uttar Pradesh) d’un Institut des hautes études tibétaines rattaché à l’université de Bénarès.
1969: Accélération de la collectivisation des terres au Tibet. Quelques mouvements de révolte sporadiques sont étouffés. L’abandon des techniques agricoles ancestrales, au profit de nouveaux modes de culture, mal adaptés aux conditions tibétaines, va aggraver les difficultés économiques. 
1970: Les premières communes populaires sont créées. La collectivisation sera achevée en 1975. La population tibétaine est soumise à de violentes séances de rééducation. 
Mise en exploitation d’un important gisement de chromite sur le plateau tibétain.
En octobre, le Congrès Tibétain de la Jeunesse est créé à Dharamsala.
1971: Création à Dharamsala d’une bibliothèque destinée à la conservation de la mémoire du Tibet.
La Chine commence à installer des éléments de sa force de frappe nucléaire en Amdo. 
Rapprochement sino-américain. Les États-Unis interrompent leur aide aux combattants tibétains réfugiés au Mustang. Cette aide est d’ailleurs restée limitée et s’est avérée inefficace. Il est vrai que les États-Unis, empêtrés dans une guerre qu’ils vont perdre, celle du Vietnam, ne pouvaient sans doute pas faire mieux. Désormais, ils abandonnent les combattants tibétains à leur sort. Ceux-ci ont le tort de ne plus être en ligne avec la politique de Washington. 
Aux yeux des Américains comme des Russes, objectivement alliés contre la Chine, les combattants tibétains n’étaient que des pions que l’on utilise mais pas au point de compromettre les intérêts de son pays. Il serait naïf de le leur reprocher car c’est la politique traditionnelle des grandes puissances. 
Proclamation en Chine des "Quatre Libertés Fondamentales" (pratique religieuse, petit commerce, prêts à intérêt et engagement de domestiques).
La Chine communiste prend la place de Taïwan au Conseil de Sécurité de l’ONU.
1972: Le Dalaï lama crée un ministère de l’Information et des Relations extérieures. Des publications vont diffuser le point de vue des exilés. Des bureaux vont être ouverts dans les grandes métropoles mondiales.
Richard Nixon, président des États-Unis rencontre Mao Tsé Toung à Pékin. 
1974: Le Dalaï lama donne l’ordre d'interrompre la lutte armée. Cet ordre fait l’objet de contestations.
S'appuyant sur l'ordre du Dalaï lama, et pour faire plaisir à Pékin, le Népal met fin à l'activité des combattants tibétains manu militari. Certains chefs se suicident; d'autres sont incarcérés. Des documents saisis au Mustang sont transmis aux autorités chinoises, leur facilitant ainsi le démantèlement des réseaux de la résistance intérieure. La résistance tibétaine, si on fait exception de l'Inde qui l'a un temps instrumentalisée à son profit, n'a pas bonne presse si près des frontières de la Chine. Le Bouthan accusera même les Tibétains en exil de comploter contre son gouvernement.

1975: Le petit royaume du Sikkim, peuplé de Tibétains, cesse d'être indépendant. Il est absorbé par l'Inde. 
Une nouvelle constitution est adoptée en Chine. Des dispositions, relativement restrictives, accordent la liberté d'expression linguistique aux minorités nationales. Des prisonniers politiques sont libérés.
Francesca Fremantle et Chögyam Trungpa*, célèbre lama kagyupa, publient en anglais une nouvelle version du "Livre des morts tibétains". L'accent y est mis sur l'art de surmonter la dualité. Il s'agit d'une interprétation psychologique avec de longs passages sur les névroses, la paranoïa et les tendances inconscientes.
* Chögyam Trungpa (1940-1987) mourra des suites de divers excès après s'être notamment employé à former en Occident une milice de guerriers du Shambala destinés à participer militairement au triomphe du bouddhisme. 
1976: Le Dalaï lama, sur les conseils de l'oracle de Nechung, interdit la pratique du culte rendu à Shugden. On peut penser que cette décision vise à préserver l'image non violente du bouddhisme tibétain en Occident que ce culte risquerait de remettre en cause. Les partisans de Shugden, qui défendent le maintien de la suprématie des Gelugpas sur les autres écoles, sont traités de fondamentalistes, de talibans du bouddhisme, par leurs adversaires. Ils s'opposent à la politique de regroupement des différentes écoles, bön compris, poursuivie par le Dalaï lama. Mis au ban de la communauté tibétaine, voire menacés de mort, ils vont dénoncer le comportement sectaire et antidémocratique du Dalaï lama. 
Mort de Chou En Lai puis de Mao Tsé Toung. Arrestation de la bande des quatre, dont fait partie la veuve de Mao.
1978: Le Dalaï lama se dit prêt à retourner au Tibet s'il est convaincu que les Tibétains sont heureux sous l'administration chinoise. La Chine se déclare disposée à oublier la trahison du chef spirituel et à l'accueillir.
Les Tibétains sont autorisés à se rendre à l’étranger.
Une aide financière gouvernementale est promise pour aider à la reconstruction de deux cent monastères.
Le Panchen lama rompt ses voeux de célibat et épouse une Chinoise avec qui il aura une fille. 
1979: Changement du gouverneur du Tibet. Le Dalaï lama est autorisé à y envoyer quatre missions d'enquête. Une première délégation, conduite par son frère aîné, arrive à Pékin. Pour la Chine, tout est négociable sauf l'indépendance.
Le Dalaï lama se rend aux États-Unis. Il y expose sa vision de l’avenir fondée sur une synthèse de la compassion bouddhiste, des idéaux socialistes, de la non violence et du respect de l’environnement.
Valéry Giscard d’Estaing, président de la République française, visite le Tibet. Le Pays des Neiges, jusqu’alors fermé, commence timidement à s’ouvrir au tourisme. 
1980: L'un des frères et la sœur du Dalaï lama se rendent au Tibet. L’accueil des populations est si chaleureux que le séjour doit être écourté.

Hu Yaobang, secrétaire général du parti communiste, en visite au Tibet, reconnaît officiellement que des fautes ont été commises. Le comité régional du parti est épuré. Une politique de réformes, visant à stimuler la production, est mise en œuvre. Des milliers de détenus sont libérés. L’administration s’ouvre aux autochtones. La langue tibétaine est à nouveau utilisée. Mais la Chine n'en continue pas moins de mener une politique de colonisation et d'immigration systématique. 
Début d'une "ruée vers l'or" au Tibet. Des dizaines de milliers de Chinois afflueraient chaque année dans le désert tibétain à la recherche du précieux métal, comme autrefois en Alaska. Combien font fortune? Vraisemblablement, fort peu!
1981: Le 16ème Karmapa meurt aux États-Unis. Les lamas du monastère de Rumtek, siège de l'école en exil, se mettent en quête de son tulkou (réincarnation). En attendant, la régence est confiée à plusieurs dignitaires.
Durant l'été, le Dalaï lama procède à sa première initiation au Kalachakra hors d'Asie, dans le Wisconsin, aux USA, pour réaliser la prophétie de Padmasambhava selon laquelle: "Le Darma parviendra au pays des hommes rouges lorsque l'oiseau de fer volera et que le cheval roulera." Pendant la cérémonie, un faucon avec un serpent dans son bec aurait été aperçu au-dessus de la foule!
Avec l’accord des autorités chinoises, des militaires français se rendent au Tibet pour effectuer l’ascension de sommets himalayens. L’initiative donnera naissance à la création d’une école de guides tibétains de haute montagne formés selon les méthodes françaises.  
1982: Une délégation politique des Tibétains en exil se rend à Pékin. 
Mise en exploitation de la centrale géothermique de Yangpatchen.
Une nouvelle constitution est adoptée en Chine. Les droits linguistiques des minorités nationales sont élargis. L'article 4 de la constitution stipule que toutes les nationalités de la République populaire de Chine sont égales et que l'État protège les droits et les intérêts des nationalités minoritaires. Dans le même article, la constitution reconnaît le droit aux minorités de conserver et d'enrichir leur langue. Les personnes de toutes les nationalités sont libres d'utiliser et de développer leur propre langue parlée et écrite ainsi que de préserver ou réformer leurs us et coutumes. Toute discrimination à l'égard des minorités est interdite. Mais il est aussi rappelé que les minorités font partie intégrante de la République et que toute action qui sape l'unité des nationalités ou qui encourage leur sécession est prohibée.

1983: La Chine exclut que le Dalaï lama puisse obtenir un poste de responsabilité au Tibet après son éventuel retour.
Ouverture d’un Institut d’études bouddhiques à Lhassa.
Une initiation au Kalachakra par le Dalaï lama a lieu pour la première fois en Europe, en Suisse. La même année, une autre initiation rassemble 300000 personnes en Inde; on dénombre une cinquantaine de morts parmi la foule! Ces cérémonies vont se multiplier à travers le monde; on en comptera une trentaine en 2003.
Un ancien prisonnier, libéré en 1965, Lhalou Tsewang Dordje, devient vice-président de la Région autonome du Tibet. Le Panchen lama, réhabilité, est vice-président de l'Assemblée; il va s'efforcer de réduire les tensions entre Chinois et Tibétains ainsi que de restaurer les traditions culturelles de son pays; son retour au Tibet est marqué par des manifestations populaires qui montrent l'attachement des simples gens à la personne du seul hiérarque de l'école gelugpa encore parmi eux.
En Amdo, le poète Thöndrupgyäl, natif de la région de Repkong, publie le premier poème en vers libres de la littérature tibétaine. Fils de paysans, adolescent pendant la Révolution culturelle, historien et homme de lettres, Thöndrupagyäl (1953-1985) se suicidera deux ans plus tard, à trente-deux ans, laissant une œuvre importante.
1984: Le retour au système de production traditionnel au Tibet est préconisé.
Une seconde délégation des Tibétains en exil se rend à Pékin. 
Le Dalaï lama reconnaît le bön comme cinquième école du bouddhisme, ce qui n'est pas du goût de tous les bönpos. Le pontife tibétain ne parvient pas à unifier toutes les écoles. Mais, dans l'exil, les anciennes rivalités s'estompent et il est parfois appelé à sanctionner le choix des tulkou d'autres écoles. En faisant preuve d'un oecuménisme qui dépasse largement les frontières du bouddhisme, le Dalaï lama semble vouloir se donner la stature d'un maître de toute les religions. 
Une loi sur l'autonomie des régions ethniques est adoptée par le Parlement chinois. Elle organise l'autonomie de ces régions à différents niveaux et prévoit que la langue d'enseignement est celle de la minorité nationale. Cependant, le chinois officiel est obligatoire à partir de la quatrième année (second cycle) ainsi que durant le secondaire. Des dispositions garantissent également l'accès des minorités aux médias dans leur langue.
D'après le gouvernement tibétain en exil, l'intervention de la Chine au Tibet aurait causé la mort de 1,2 millions de personnes.
L'Association des Femmes Tibétaines est reconstituée en exil.
1985: Création de l'université de Lhassa. La politique d'ouverture se concrétise. Des Occidentaux peuvent se rendre dans la capitale tibétaine.
Heinrich Harrer, revenu en visite au Tibet, publie un ouvrage relatant son voyage. Il raconte que les résistants tibétains étaient principalement des nobles, des semi-nobles et des lamas; qu'ils ont été punis en étant contraints d'exécuter les tâches les plus humbles, comme travailler sur les routes et les ponts. Les autorités les humilièrent en leur faisant  nettoyer la ville avant l’arrivée des touristes. Ils durent vivre dans un camp réservé à l'origine aux mendiants et aux vagabonds. 
1986: La Chine exige que, dans l’éventualité de son retour, le Dalaï lama réside à Pékin plutôt qu'à Lhassa, ce qui entraîne l'échec des négociations.
En octobre, un rassemblement oecuménique de toutes les religions a lieu à Assise, à l'instigation de Jean Paul II, avec la participation du Dalaï lama.
1987: Le Dalaï lama propose un plan en cinq points qui prévoit la transformation du Tibet, revenu à ses frontières historiques, en zone démilitarisée. Ce plan est rejeté par Pékin. 
Le grand rassemblement du Monlam Chenmo est autorisé à nouveau pour la première fois depuis vingt ans. Mais deux jeunes Tibétains "antisociaux" sont exécutés. Ces exécutions entraînent de violentes manifestations antichinoises dans la capitale tibétaine. Elles sont réprimées sans ménagement par la police, sous les yeux de la presse internationale. La loi martiale est proclamée. Le pays se referme au tourisme.
En octobre une réunion de scientifiques se tient à Dharamshala afin de déterminer si les découvertes réalisées en neurobiologie, en psychologie cognitive, dans le domaine de l'intelligence artificielle et la théorie de l'évolution sont compatibles avec le bouddhisme. La réponse est positive et le Dalaï lama évoque la possibilité de combiner la science de l'Occident avec la spiritualité de l'Orient.
Le Panchen lama crée le Kagchen, une organisation commerciale destinée à promouvoir le développement économique du Tibet et l'exportation de ses produits.
1988: Le Dalaï lama propose de laisser Pékin contrôler les affaires étrangères et la défense du Tibet en échange d'une autonomie interne. Cette proposition, formulée à Strasbourg, devant le Parlement européen, reste sans suite. 
Une nouvelle manifestation antichinoise est réprimée à Lhassa. On compte une cinquantaine de morts dont plusieurs soldats chinois.
1989: En janvier, le 10ème Panchen lama décède dans des circonstances d'autant plus suspectes qu'il ne semblait pas malade et qu'il avait publiquement critiqué la politique chinoise quelques jours avant; n'avait-il pas alors affirmé dans un discours, prononcé devant des envoyés de Pékin, que le prix payé par le Tibet, au cours des trente dernières années, avait été trop élevé, par rapport aux avantages qu'il en avait retiré. L'abbé du monastère de Tashilumpo, Chadrel Rinpoche, est désigné par les autorités chinoises pour trouver la réincarnation du dignitaire gelugpa défunt; le Dalaï lama propose son concours qui est récusé par Pékin; mais Chadrel Rinpoche entre secrètement en relation avec le chef de l'école gelugpa.
En mars, Pékin impose la loi martiale à Lhassa, après trois jours d'émeutes antichinoises qui font plusieurs dizaines de morts. La fête du Monlam Chenmo ne pourra pas être célébrée cette année.
Au cours des années 80, les réformes économiques libérales entraînent une montée du chômage en Chine. Beaucoup de gens des provinces voisines (Sichuan et Yunnan, notamment) émigrent au Tibet, où il est plus facile de s'installer dans une activité nouvelle. Cet afflux de population explique sans doute en partie la frustration ressentie par les Tibétains de souche qui réussissent moins bien que les nouveaux venus. D'importants déplacements de population ont déjà eu lieu, on l'a vu, en 1905 et 1938.
Le Dalaï lama reçoit le Prix Nobel de la Paix, puis le prix de la Mémoire décerné par "France-Libertés". L'attribution du prix Nobel de la paix a plus à voir avec les événements de Tien An Men qu'avec la question du Tibet. Elle doit être analysée comme une condamnation morale de la Chine par un moyen détourné. Elle contribue à entretenir la confusion entre deux questions différentes: celle des droits de l'homme en Chine et celle du statut politique du Tibet. 
Trente ans après, qu'est devenu le Tibet en exil. Politiquement, l'ancienne théocratie a été remplacée par un régime inspiré des démocraties occidentales où le Dalaï lama n'est plus omnipotent; d'après certains cependant, ces changements auraient gardé  un caractère formel et la réalité du pouvoir resterait aux mains de l'aristocratie; la liberté de la presse n'existerait pas et les frasques des membres de la famille du Dalaï lama seraient soigneusement tenues secrètes. L'organisation d'élections, au sein d'une diaspora dispersée, n'est évidemment pas chose facile; ni le gouvernement, ni le parlement ne jouissent d'une réelle autorité; pour les étrangers comme pour la plupart des Tibétains, les institutions mises en place sont pratiquement ignorées et le Dalaï lama reste le symbole et l'unique interlocuteur du Tibet en exil. La question fondamentale qui se pose est d'ailleurs simple: un régime dirigée par une réincarnation cumulant les pouvoirs spirituels et temporels peut-il être démocratique, une politique décidée sur la foi des oracles peut-elle correspondre à la volonté populaire? Peut-être selon les schémas de pensée asiatiques mais certainement pas selon ceux de l'Occident. Des écoles ont été ouvertes; elles étaient inconnues dans l’ancien Tibet. Des monastères ont été construits; mais les moines, privés de leurs anciennes ressources foncières, ont dû s’adonner à des tâches lucratives pour survivre. Grâce aux aides des organisations caritatives, nombre de Tibétains se sont intégrés dans les pays d’accueil où ils exercent des professions ignorées autrefois au Pays des Neiges. Une religion, enfermée dans sa tour de pierre, s'est répandue à travers le monde et s'est confrontée aux croyances occidentales. Le Tibet de la diaspora est peut-être encore plus éloigné du Tibet de 1959 que ne l'est celui qui est né sous la férule de Pékin! On peut donc comprendre que cette évolution soit critiquée par les conservateurs qui y voient une atteinte aux fondements religieux de la société tibétaine. 
Manifestations étudiantes en Chine. Le printemps de Pékin est écrasé place Tien An Men.
L'ancien diplomate chilien Miguel Serrano (1917-2009), grand admirateur de l'Inde, publie de nombreux ouvrages sur le mysticisme nazi. Il fondera même un parti nazi chilien. Pour lui,  Hitler est un tulkou qui va revenir bientôt et son ésotérisme est le tantrisme. Les Tibétains et les Mongols seraient les vassaux des Hyperboréens, demi-dieux blonds au corps presque transparents; ces vassaux seraient chargés de la garde des portes d'entrée dans leur territoire assimilable au Shambala, autrefois situé au pôle nord puis ensuite déménagé sous l'Himalaya et transporté, à la fin de la seconde guerre mondiale, en Antarctique; c'est là que Hitler se serait réfugié et il serait prêt à en revenir pour exterminer les Juifs. L'ordre des SS serait celui du Soleil Noir, une tête détachée de son corps, qui doit dévorer le soleil et la lune, lesquels ressortiront purifiés par le cou tranché. Serrano aurait été reçu plusieurs fois par le Dalaï lama en 1959, 1964 et 1992.
1990: Le monastère de Samye, reconstruit, est reconsacré. La loi martiale est levée. Des gisements de pétrole sont mis en exploitation dans l’Amdo.
Le Dalaï lama propose la création d'une confédération sino-tibétaine, abandonnant ainsi ses revendications d’indépendance. Des réformes démocratiques sont introduites dans l'Administration tibétaine en exil.
Le Taisitupa, l'un des régents de la lignée karma-kagyu, affirme avoir découvert, cachée dans une amulette du défunt Karmapa, une lettre indiquant la marche à suivre pour trouver son tulkou. Une mission est envoyée secrètement au Tibet à cette fin. 
Création d’un groupe d’études "Problèmes du Tibet" au sein de l’Assemblée nationale française. (Le site du Sénat sur le Tibet est  ici ) 
1991: George Bush, président des États-Unis, reçoit le Dalaï lama. Le Congrès américain reconnaît le gouvernement en exil comme le représentant légitime du Tibet occupé par une armée étrangère.
Une nouvelle Assemblée est élue par la diaspora tibétaine. Une nouvelle constitution, inspirée de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, est adoptée.
Le Dalaï lama revient sur ses propositions de 1988. La suzeraineté de la Chine est rejetée. Faut-il y voir une conséquence de la reconnaissance américaine?
L’Union soviétique se décompose. Des troubles dans les anciennes républiques asiatiques pourraient remettre en cause l’unité de la Chine. Le Turkestan chinois (Sinkiang), voisin du Tibet, est majoritairement peuplé de musulmans. Des mouvements islamistes pourraient le travailler si le Turkestan ex-soviétique tombait dans cette mouvance. Cette nouvelle situation ne peut qu’inciter Pékin à faire preuve d’autorité. 
Une expédition française redécouvre Karadong, enfouie sous les sables. Cette cité avait déjà été retrouvée par Sven Hedin, à la fin du 19ème  siècle. 
1992: Le Tibet s'ouvre à nouveau au tourisme. Une zone économique spéciale est créée pour les étrangers à Lhassa.
Le 26 février, le Dalaï lama fait connaître ses directives pour la future politique au Tibet ainsi que les bases d'une constitution qui spécifient qu'il ne jouera plus de rôle politique au sein du gouvernement tibétain dans le futur.
Les moines chargés de la recherche du nouveau Karmapa reconnaissent, comme réincarnation, Ugyen Thinlay, un enfant nomade âgé de deux ans. Le choix des moines est approuvé par le Dalaï lama comme par les autorités chinoises. Les retrouvailles du Karmapa avec les régents sont endeuillées par la mort de l'un d'entre eux, dans un accident de voiture, alors qu'il se rendait au devant du nouveau dignitaire. Celui-ci reçoit l'ordination majeure, devant la statue de Sakyamuni, au Jokhang de Lhassa, avant d'être intronisé le mois suivant. Mais un autre régent, le Sharmapa, conteste cette décision, au motif que la lettre sur laquelle elle se fonde est un faux. Il présente aux fidèles celui qui, selon lui, est le véritable tulkou du Karmapa, un enfant de dix ans, qu'il intronise officiellement dans un monastère de Delhi. 
Les adeptes des deux parties en présence s'accusent mutuellement d'avoir été manipulés par les Chinois et se déchirent publiquement. Les événements de cet invraisemblable feuilleton, qu'il serait trop long de rapporter en détail, se déroulent sur plusieurs années dans une atmosphère de complots politiques et financiers auxquels les gouvernements chinois et indiens ne sont pas étrangers. L'enjeu principal est le contrôle de l'ordre karma-kagyu et du patrimoine considérable du monastère de Rumtek. Ce monastère est l'objet d'assauts des factions rivales. Des moines sont molestés et chassés. Des vols et un meurtre auraient même été commis. Les implications des autorités et de la police du Sikkim, voire de l'armée indienne, sont dénoncées. 
Ces querelles intestines donnent au monde le triste spectacle de luttes d'influence qui continuent entre les clans malgré l’exil. Ces luttes sont en grande partie les conséquences des manipulations des puissances voisines.
Un lama tibétain, Sogyal Rinpoche, publie en Amérique une nouvelle lecture du "livre des morts" sous le titre "Le Livre tibétain de la vie et de la mort." L'auteur y fait preuve d'un grand éclectisme et de références directes au monde dans lequel vit le public auquel il s'adresse, pour rappeler la valeur universelle du message délivré.  
1993: Dans l'Amdo, en territoire golok, des tracts appelant à chasser les Chinois sont distribués.
Réunion à Dharamsala de la première conférence des enseignants bouddhistes occidentaux. 
Tenue à Munich de la 4ème assemblée du Comité allié des peuples du Sinkiang, de Mongolie, de Mandchourie et du Tibet qui contestent la présence chinoise. 
1994: Le gouvernement chinois finance un plan de 62 projets d'aide au développement économique du Tibet.
Création du Parti national démocratique du Tibet en exil. 
Découverte par une mission archéologique française de Djoumboulak Koum, une cité fortifiée vieille de 2500 ans qui s'étendait sur 10 hectares. Une zone cultivée et irrigué d'une quinzaine de kilomètres l'environnait. Plusieurs cimetières, contenant des corps bien conservés, sont mis à jour, ce qui permet de mieux connaître l'alimentation et les rites funéraires de ces peuples.
Michel Peissel et son équipe parviennent pour la première fois aux sources du Mékong. Avant eux, plusieurs expéditions, françaises ou non, avaient échoué.
Robert A. F. Thurman publie une autre version du "Livre des morts tibétains" qui se veut plus proche que ses devancières du message originel. 
1995: Le Dalaï lama reconnaît le tulkou du Panchen lama choisi par Chadrel Rinpoche parmi trois enfants possibles. Pékin, qui est au courant des tractations secrètes de l'abbé de Tashilumpo avec le Dalaï lama, refuse d'entériner cette nomination. L'enfant est enlevé par les autorités chinoises; il serait retenu dans un lieu secret; des pétitions réclament régulièrement sa libération. Quant à Chadrel Rinpoche, démis de ses fonctions, il est arrêté et condamné à six ans de prison.
Six militants du Parti national démocratique du Tibet commencent une grève de la faim devant l'immeuble des Nations Unies à New York. Cette grève sera interrompue à la demande du Dalaï lama.
En visite officielle à Pékin, le Karmapa, rencontre d'importantes personnalités du régime.
Découverte par Michel Peissel et son équipe, dans une vallée perdue du Kham, de ce qui pourrait être un fossile vivant, le cheval de Riwoche, dont la morphologie rappelle étrangement celle des chevaux de certaines peintures rupestres.
Dans "Introduction au bouddhisme tibétain", John Powers observe, en parlant du Tibet, que "la grandeur du pays a inspiré des personnes en quête spirituelle depuis des millénaires. Il n'est aucun autre lieu sur terre où l'on puisse mieux expérimenter le vide; l'espace s'impose à la conscience où que l'on regarde, la terre semble s'étendre à l'infini et les larges chaînes montagneuses attirent naturellement le regard sur le ciel ouvert."
Le 20 mars, Shoko Asahara, gourou de la secte Aum (Vérité Suprême), et surtout psychopathe, proche du bouddhisme tibétain, ayant dévoyé à sa manière la vision de Shambala auprès de ses disciples, fait gazer au sarin (une arme chimique produite dans un laboratoire du Japon par ses disciples) les passagers du métro de Tokyo. L'attentat tue une douzaine de personnes et cause de très nombreuses intoxications (environ 5500) dans ce qui s'avère l'une des plus grandes catastrophes contemporaines en relation avec une secte. Cette affaire est significative des conséquences que peut avoir une interprétation fantaisiste des mythes religieux ou philosophiques par des esprits dérangés. Le Dalaï lama aurait rencontré au moins cinq fois le guru de la secte japonaise.
1996: Le 8 février, une cérémonie de purification du cyber espace (Internet) aurait eu lieu au Namgyal Institute. La possibilité de se réincarner dans un ordinateur aurait aussi été évoquée. D'ailleurs, le mot tantra n'évoque-t-il pas un réseau?
Pékin reconnaît un tulkou alternatif à celui du Dalaï lama pour succéder au Panchen lama. Il est sélectionné par tirage au sort, selon le principe que Qianlong s'était en vain efforcé d'imposer. L'existence de deux dignitaires religieux antagonistes n'est pas une nouveauté au Tibet, mais, en l'occurrence, l'affaire se complique du fait qu'elle oppose encore un peu plus la Chine au Dalaï lama. 
Le Dalaï lama propose des négociations sans conditions sur l'avenir du Tibet, une proposition à laquelle Pékin oppose la reconnaissance préalable de la souveraineté chinoise sur le Tibet.
Les autorités chinoises entreprennent une campagne de rééducation patriotique en direction des moines et des nonnes pour les amener à renoncer à suivre le Dalaï lama. Ces pressions psychologiques intempestives entraîneront des défections parmi les personnes visées qui les ressentiront comme un viol de conscience. Le président de l'Assemblée de Dharamsala appelle les Tibétains de l'intérieur à la désobéissance civile.
Au cours de conversations aux États-Unis, le Dalaï lama émet l'opinion que, de toutes les théories économiques modernes, le marxisme est seul fondé sur des principes moraux, alors que le capitalisme ne voit que par la rentabilité et le profit. Le marxisme est basé sur la distribution des richesses et l'utilisation équitable des moyens de production. Il s'intéresse au destin des travailleurs et des défavorisés; il se soucie des minorités exploitées. Pour ces raisons, cette doctrine interpelle le pontife tibétain et lui semble juste. Il prétend se considérer lui-même comme à demi-marxiste et à demi-bouddhiste (M. Dresser). Il semble que, pour le Dalaï lama, le socialisme est plus compatible avec le bouddhisme que le capitalisme. C'était aussi l'avis de Norodom Sihanouk, fondateur du parti bouddhiste socialiste cambodgien. A peu près à la même époque, rappelons que le pape Jean-Paul II, sans aller si loin, trouvait lui aussi un grain de vérité dans le socialisme.
Trois bombes explosent à Lhassa. Des groupes prônant le terrorisme comme moyen de libération (Organisation de la Jeunesse Tigre-Léopard, Armée des volontaires pour Défendre le Bouddhisme...) ont vu le jour au Tibet. 
Des exilés tibétains déclenchent en Angleterre une violente campagne de dénigrement du Dalaï lama qu'ils traitent d'oppresseur et de dictateur impitoyable. Ils s'efforcent d'obtenir des autorités britanniques l'annulation de la visite du pontife tibétain dans leur pays. Leur opposition est la conséquence des prises de position du Dalaï lama à l'encontre du culte de Shugden. La Chine aurait récupéré cette querelle afin de porter atteinte au prestige du Dalaï lama.
Une australienne venue tard à la littérature, après un certain nombre d'expérience ésotériques, notamment en Indonésie, Victoria Le Page, publie "Shambala, la fascinante vérité derrière le mythe de Shangrila". Cet ouvrage constitue la tentative occidentale la plus récente de propagation du mythe tibétain d'un royaume secret. L'auteure présente ce royaume comme l'école suprême du mystère, dont les grands prêtres appartiennent à une société invisible, scientifique et philosophique qui poursuit ses études dans l'isolement majestueux de l'Himalaya. Pour elle, Shambala est le centre ésotérique de toutes les religions, l'endroit secret d'où  émanent tous les courants significatifs, occultes et par conséquent aussi religieux, du monde: le bouddhisme ésotérique, et les écoles sacerdotales égyptiennes antiques, les pythagoriciens, le soufisme, les chevaliers du Temple, l'alchimie, la kabbale, la franc-maçonnerie, la théosophie... et même le culte des sorcières. Le Tantra de Kalachakra est la doctrine secrète globale d'où découlent toutes les autres doctrines mystérieuses. Le royaume mythique, régi par la règle solaire, est situé en Asie centrale, à l'endroit où se trouve l'axe du monde, le Mont Meru. La capitale du monde y fut d'ailleurs établie avant la dernière ère glacière. Shambala a disséminé de nombreuses copies de lui-même à travers le monde: les pyramides de Gizeh, le monastère du Mont Athos, Kailash... qui sont autant de mandalas; les lieux secrets du Graal, comme Glastonbury et Rennes le Château, ou encore Bornholm, au Danemark, constituent également des traces visibles de l'empire caché, et des portes ouvertes sur lui, pour ceux qui savent en percevoir le sens. Cet ensemble forme un réseau de points d'acupuncture d'un corps cosmique lequel correspond au corps mystique du maître de Kalachakra (c'est-à-dire, au sens littéral, le corps d'énergie du Dalai lama). V. Le Page discerne une grande  horloge mystique dans le Tantra du temps. Les rouages de cette machine enregistrent les périodes cycliques de l'évolution du du monde; une direction cachée, la confrérie mystérieuse des êtres immortels de l'Himalaya, lisent les heures cosmiques inscrites sur son cadran.
Dans une conférence qui se tient à Bonn, Robert Thurman, un universitaire américain, propagateur du bouddhisme tibétain aux États-Unis, annonce l'effondrement des valeurs occidentales et le remplacement de notre société par une société monachique inspirée du bouddhisme tibétain régit par une bouddhocratie dirigée par le Dalaï lama. Ce projet de domination mondiale est développé dans un ouvrage de Robert Thurman: "Inner Revolution" dans lequel l'auteur promet la réalisation, d'une manière non violente et par le bouddhisme, de l'idéal révolutionnaire, égalitaire et libertaire, des années 1970 et 1980, à partir d'une image idéalisée de l'ancien Tibet, proche du mythe du Shangrila, très éloignée de la réalité. 
1997: Le 4 février, Lobsang Gyatso, religieux gelugpa, fondateur de l'Institut de Dialectique Bouddhique de Dharamsala, et deux de ses élèves, sont retrouvés assassinés de plusieurs coup de couteaux. Leurs gorges tailladées et leurs corps partiellement écorchés suggèrent un crime rituel. On soupçonne de ce triple meurtre des adeptes de Shugden qui se seraient ensuite enfuis au Tibet, sous la protection des autorités chinoises. Selon d'autres sources, les meurtriers auraient fui non pas en Chine, mais au Népal, et le mystère qui entoure ce crime ne sera jamais élucidé.
Le 19 février, mort de Deng Xiao Ping. Le nouveau président chinois, Jiang Zemin, demande au Dalaï lama de déclarer que le Tibet a toujours été "une partie inaliénable de la Chine" et en fait une condition à la reprise du dialogue. Cette requête est rejetée par le Dalaï lama qui se rend à Taïwan où il rencontre le président de l'île.
L'Administration américaine crée un poste pour suivre les affaires tibétaines; la mission est confiée à Greg Craig.
Des moines de Drepung pense que le Dalaï lama va bientôt revenir au Tibet avec l'aide des États-Unis. Le moment est donc venu d'entrer en dissidence contre la Chine.
Les représentants spirituels de plusieurs peuples indigènes se rassemblent en France autour du Dalaï lama afin d'élaborer un corpus international des traditions et de présenter au public une charte commune. 
La Commission Internationale des Juristes Démocrates demande à la Commission des Droits de l'Homme de l'ONU de désigner un rapporteur pour se pencher sur la question du Tibet. Mais la crédibilité de cette commission est remise en question lorsqu'on s'aperçoit qu'elle a été créée essentiellement par des Américains et qu'elle a été financée pendant plusieurs années par la C.I.A. (voir ici). 
1998: Coup sur coup, deux responsables tibétains, chargés de mettre en oeuvre la réglementation protégeant les espèces menacées par le braconnage, sont assassinés à Lhassa par les sbires des trafiquants.
Six membres du Congrès de la Jeunesse Tibétaine font la grève de la faim à New Delhi pour appuyer la demande de la Commission Internationale des Juristes Démocrates. La police les contraint à interrompre leur grève. Un jeune militant s'immole. D'autres écrivent Tibet Libre avec leur sang sur leur poitrine. Le Dalaï lama condamne ces actes mais en admire les auteurs. Ces prises de position peuvent paraître ambiguës voire contradictoires mais elles ne le sont qu'en apparence; le Dalaï lama se doit en effet de ménager toutes les susceptibilités avec habileté en vue de recueillir l'adhésion des exilés tibétains et de l'opinion publique internationale, exercice bien difficile; la cohérence doit être recherchée dans le but poursuivi, le triomphe de la cause qu'il défend, plutôt que dans des actes et des paroles qui lui sont subordonnées et qui doivent nécessairement s'adapter aux exigences des interlocuteurs et du moment. On ne saurait non plus reprocher au Dalaï lama de dissimuler certains aspects du bouddhisme tibétain qui pourraient paraître choquants aux Occidentaux; ce faisant, il ne fait qu'être fidèle à sa religion selon laquelle toute vérité n'est pas bonne à dire, et encore moins à écrire, et qu'on doit réserver certains enseignements à ceux qui sont préparés à les recevoir: c'est l'un des sens des textes trésors (terma). Au surplus, toute vérité est contingente et l'absolu ne se rencontre que dans le nirvana! 
1999: Les autorités chinoises, par le biais d'un long commentaire de l'agence Chine Nouvelle, lancent une attaque en règle contre le Dalaï lama, l'accusant d'être le principal responsable des troubles sociaux au Tibet.
Trois membres du Congrès de la Jeunesse Tibétaine poursuivent une grève de la faim de 26 jours à Genève pour faire pression sur les Nations Unies. Promesse leur est faite que leur demande d'examen de la question des droits de l'homme au Tibet sera prise en considération.
La Banque mondiale accorde un prêt de 160 millions de dollars à la Chine pour installer 58000 fermiers chinois en Amdo; les Tibétains en exil contestent cette opération qui, selon eux, menace le nomadisme dans la région.
En mars, "L'ombre du Dalaï lama: sexualité, magie et politique dans le bouddhisme tibétain" de Victor et Victoria Trimondi, deux auteurs d'origine autrichienne, anciens adeptes du bouddhisme tibétain, est publié en Allemagne. Il sera suivi de plusieurs autres ouvrages critiques sur la personnalité du Dalaï lama et sur la religion qu'il représente, présentée comme fondamentalement rétrograde et idéologiquement proche du nazisme, sous des dehors séduisants (voir  ici). 
Conclusion d'un article de Pamela Logan relatif à la situation des femmes tibétaines: "La société tibétaine n'est pas intrinsèquement accablante pour les femmes, au moins en comparaison avec d'autres cultures. Dans le passé, les filles ont eu moins d'occasions que les garçons de s'éduquer, et ce problème est encore d'actualité dans des secteurs ruraux. Les différences se sont toutefois estompées parallèlement au développement économique. La loi chinoise est généralement favorable à la promotion des femmes, mais elle comporte des aspects perçus négativement dans la mesure où elle empiète sur la vie de famille. Les lois, bonnes ou mauvaises, ne sont cependant pas imposées de manière rigoureuse; dans les régions rurales éloignées, les changement intervenus au cours des cinquante dernières années n'ont que peu affecté la vie des femmes. Le bouddhisme, toujours aussi puissant dans la société tibétaine, ne permet pas l'égalité des chances entre nonnes et moines et il favorise les attitudes sexistes. Les personnes favorables à l'émancipation féminine sont de plus en plus nombreuses. Mais il reste beaucoup de chemin à parcourir."
Le plus grand canyon du monde serait au Tibet; profond de 5382 mètres, long de 496 km, le Yarloung Tsangpo (Haut Brahmapoutre) serait trois fois plus profond et dépasserait de 56 km en longueur le grand canyon du Colorado. Une équipe de scientifiques et géographes chinois espère découvrir de nombreux "fossiles vivants", à savoir des espèces éteintes partout ailleurs dans le monde, dans cette gorge où le Brahmapoutre prend sa source, à 5590 mètres d'altitude. Dans le même temps, début janvier 1999, une équipe d'explorateurs occidentaux découvre, dans la gorge du Tsangpo, une chute d'eau mythique et jusqu'à présent cachée, haute de 35 mètres. La rivière, de 100 mètres de large, se rétrécit jusqu'à 20 mètres, et déverse dans la vallée avec fracas les eaux du fleuve asiatique nourri des sources de l'Himalaya
2000: A la fin de l'année 1999, le 17ème  Karmapa s'enfuit du Tibet. Il arrive le 5 janvier auprès du Dalaï Lama. Pourquoi ne s'est-il pas rendu plutôt à Rumtek, siège de son prédécesseur? Peut-être en raison des doutes qui agitent la communauté kagyu concernant sa légitimité; peut-être aussi parce que l'Inde ne veut pas voir ses relations avec la Chine se détériorer, en permettant à un nouveau transfuge d'occuper le siège en exil du précédent Karmapa; peut-être enfin parce que le Dalaï lama souhaite garder auprès de lui un rival ou un successeur potentiel, comme chef spirituel du bouddhisme tibétain, si la Chine cherche à influencer le choix de son successeur après sa mort.
2001: La Chine fête le 50ème anniversaire du retour du Tibet à la "mère patrie" alors que le Dalaï lama est reçu par le président des États-Unis, George W. Bush.
Une loi sur la langue et l'écriture communes nationales est adoptée par le Parlement chinois. Elle stipule que tout groupe ethnique possède la liberté d'utiliser et de développer sa propre langue et sa propre écriture en se référant aux dispositions constitutionnelles et législatives déjà évoquées.
Les attentats du 11 septembre entraînent la création d’un front commun des grandes puissances pour lutter contre le terrorisme. Ce vaste mouvement offre le prétexte à un raidissement des gouvernements et à l’application de l’étiquette terroriste à quiconque manifeste son opposition. La Chine n’est pas le seul pays à céder à la tentation des amalgames abusifs. Les États-Unis eux-mêmes ne s’en privent pas.
Janvier 2002: Chadrel Rinpoche sort de prison pour être placé en résidence surveillée en Chine.
Automne 2002 et printemps 2003: Deux délégations de représentants du Dalaï lama se rendent en Chine et au Tibet où elles sont accueillies avec courtoisie par les autorités. Une visite du Dalaï lama sur les lieux saints du bouddhisme est envisagée. Pourtant, les autorités chinoises continuent de souffler le chaud et le froid; des libérations de prisonniers politiques sont suivies de condamnations à mort et d'exécutions, après des procès tenus pour inéquitables par l'opinion publique occidentale.
Victor et Victoria Trimondi récidivent (voir  ici) en publiant "Hitler-Bouddha-Krishna, une alliance funeste, du Troisième Reich à aujourd'hui" où ils insistent sur les connexions entre le bouddhisme tibétain et le nazisme.
Septembre 2004: Nouvelle visite en Chine d'une délégation d'exilés tibétains. Les discussions sont qualifiées de sérieuses et approfondies dans une atmosphère franche mais cordiale. Rien de concret n'en sort mais les deux camps se mettent d'accord pour organiser d'autres réunions.
Décembre 2004: Voyage du Dalaï lama en Russie (République kalmouke) pour y rencontrer les bouddhistes de ce pays. Les autorités russes restent à l'écart. 
Voici, pour terminer quelques points de vue contradictoires que j’ai glanés à travers les écrits des partisans de la Chine et de ses adversaires. Je les ai repris sans négliger ma propre expérience. A chacun de dégager ce qui lui paraîtra juste. 
En fin 2004, 70 % des cadres administratifs en poste au Tibet seraient Tibétains ou membres d'une minorité nationale, selon les dires de Pékin. Aux termes de la loi, le tibétain serait utilisé comme langue d'enseignement à l'école primaire où l'apprentissage du chinois n'interviendrait qu'à partir de la quatrième. Malgré l'effort de scolarisation consenti, les deux tiers des Tibétains seraient encore analphabètes, selon les adversaires des Chinois. Mais les partisans de ces derniers répondent qu'ils étaient autrefois 95%. Des journaux seraient publiés et des émissions de radio et de télévision diffusées en langue tibétaine. Les émissions de télévision chinoises sont sous-titrées en tibétain. Selon des experts, la Chine, désormais ouverte sur le monde, aurait pris conscience de l'atout que représente sa diversité culturelle et le sort réservé aux minorités nationales y serait meilleur que dans bien d'autres pays d'Asie. (A titre de comparaison, des renseignements concernant le sort des minorités au Japon figurent  ici ).
Au cours de la dernière décennie du 20ème siècle, le Tibet s'est transformé. Des travaux importants ont modifié la physionomie de Lhassa. La capitale a vu sa superficie augmenter considérablement. Sa population, qui compte quelques 200000 personnes, a été multipliée par sept en moins de 50 ans. Une ville chinoise nouvelle s'est édifiée dans les faubourgs. Les espaces verts ont évidemment considérablement reculé. Toutefois, une vaste plaine herbeuse, marécageuse par endroits, a été préservée. Elle constitue le poumon de Lhassa et a été rendue inconstructible. Elle est encore, en 2004, le royaume des yacks. Des quartiers entiers de l'ancienne cité tibétaine ont été remodelés, les opposants disent défigurés. (Des photos de l'ancienne Lhassa sont ici ).
De larges avenues asphaltées, de plusieurs kilomètres de long, ont été ouvertes. La principale porte le nom de Pékin. Elles sont décorées ça et là de gigantesques statues dorées et l'on y rencontre aussi parfois un chorten. L'institut de médecine tibétaine a été démoli (ou déplacé?) et une antenne de télévision s'élève sur la colline où il se trouvait. Les petites maisons des quartiers voisins du Potala n'existent plus. Elles ont été remplacées par des bâtiments modernes de taille réduite. Ces bâtiments abritent de nombreux commerces. Une immense esplanade dallée a été ouverte devant le palais. Celui-ci est maintenant visible de loin et facile à photographier dans son entier. Dans le fond de l'esplanade se dresse une haute statue entourée de groupes de bronze hautement symboliques: c'est le monument élevé à la gloire des "libérateurs" chinois du Tibet. Une fontaine en orne le milieu. Un plan d'eau, visible du haut des escaliers du palais, en flanque l'un des côtés. Un avion militaire désarmé a été placé au fond de la place, à côté du monument.
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Le Potala et son esplanade vus d'un satellite (source: Google earth)
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L'époque des rues de terre battue, où la poussière se transformait en bourbier à la saison des pluies, n'est plus qu'un souvenir. Des supermarchés bien achalandés, ainsi que de nombreuses petites boutiques, s'ouvrent le long des trottoirs. Ces commerces seraient majoritairement tenus par des Chinois. La population d'origine chinoise est très importante à Lhassa et dans les autres grandes villes du Tibet, mais elle reste marginale à la campagne. La vieille ville tibétaine, autour du Jokhang, a gardé un cachet ancien, même si les maisons d'autrefois ont presque toutes disparu. Ses rues, encombrées d'étalages, grouillent d'une foule empressée où, comme dans les autres villes du monde, on risque d'être dépouillé de son argent par d'habiles aigrefins. On y trouve surtout des souvenirs, plus ou moins authentiques, mais aussi de nombreuses autres marchandises et services. Il y a même des dentistes en plein air! Et, pour le tourisme sexuel, on rencontrerait plus de 4000 prostituées dans la cité, mais je n'en ai pas vues*. 
* Pour se faire une idée des transformations survenues à Lhassa, on peut se reporter à une vidéo du "Dessous des Cartes" déjà ancienne en cliquant ici.
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Le Barkhor vu d'un satellite (source: Google earth)
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Le pays a été doté d'un réseau routier. Quelques voies, à proximité des villes principales, sont asphaltées et bien entretenues. Les autres ne sont que des pistes primitives qui subissent les conséquences des aléas climatiques. Un chemin de fer est en cours de construction. Il devrait être opérationnel d'ici trois ans. Il mettrait Pékin à deux jours de Lhassa par le train. Ces moyens de communication modernes sont perçus comme des éléments de progrès par les partisans des Chinois. Ils favoriseront les échanges et le développement économique. Les opposants y voient, au contraire, un indice de la volonté de Pékin d'accentuer son emprise sur le pays et d'exploiter au maximum ses ressources minières. Enfin, leur éventuelle utilisation à des fins militaires inquièterait les États voisins. D'après les adversaires de la Chine, cette puissance pillerait les richesses du Tibet, y détruirait l'équilibre écologique en déboisant à outrance les zones forestières, installerait sur le toit du monde des équipements nucléaires et se servirait du désert comme d’une poubelle. 
De nombreux temples, rasés pendant la révolution culturelle, ont été reconstruits. Pour quelqu'un qui n'a pas connu le Tibet d'autrefois, la trace des exactions commises est pratiquement invisible, sauf dans les endroits où les ruines n'ont pas été relevées. Mais il arriverait encore que des temples soient démolis par suite de l'indocilité politique de leurs moines. La population monacale a été drastiquement réduite. Elle ne représente plus qu'une minorité et le fardeau qu'elle faisait peser sur le pays, au double plan économique et démographique, s'est considérablement atténué. 
Voici maintenant quelques chiffres concernant la démographie. La diversité des estimations en désorientera plus d'un! Je les donne telles que je les ai relevées. Elles révèlent au moins combien il est difficile de se forger une opinion. D'après les auteurs opposés à la Chine, la population du Tibet historique s'élevait à 6,5 millions d'habitants en 1950. Ce chiffre est contesté par Pékin qui affirme qu'aucune statistique n'était alors disponible. Selon un recensement national chinois de 1953, la population globale d'origine tibétaine s'élevait à 2,77 millions. Lors du recensement de 1990, on aurait compté 4,59 millions de Tibétains dans toute la Chine. Selon les autorités de Pékin, la population du Tibet actuel ne dépassait pas le million d'âmes en 1950. De cette date aux années quatre vingt dix, l'invasion, la révolte, la répression et les troubles entraînés par la révolution culturelle auraient causé la mort de plus d'un million de Tibétains, selon les exilés. Ce chiffre est évidemment invraisemblable si l'on accepte l'évaluation chinoise de la population avant ces événements; il est considérable dans le cas contraire. 130000 exilés seraient établis à l'étranger, ce qui n'est pas rien. La croissance démographique, due aux apports extérieurs (immigrants chinois) mais aussi aux Tibétains eux-mêmes, serait spectaculaire puisque, dans la seule région autonome, le nombre d'habitants aurait dépassé les 2,5 millions, c'est-à-dire plus de deux fois la population de 1950, selon les estimations chinoises! La crédibilité de cette évolution, en pourcentage, est renforcée par les estimations données par une source favorable au gouvernement en exil bien que son évaluation, en 2002, de la population du Tibet historique semble exagérée. De nombreux enfants, qui autrefois seraient devenus moines et n'auraient pas procréé, sont aujourd'hui pères et mères de famille. Plus que les autres minorités nationales, les Tibétains bénéficient d'avantages par rapport aux Han en matière de contrôle des naissances: les pénalités fiscales qui frappent l'ethnie majoritaire chinoise, et dans une moindre mesure les autres ethnies, ne s'appliquent pas à eux. D'après des sources chinoises, les familles tibétaines auraient droit à trois enfants, mais la plupart se borneraient aujourd'hui à deux pour les élever plus facilement; il y aurait donc un frein spontané de la croissance démographique. 
Les statistiques chinoises font état d'une amélioration de l'économie tibétaine et des conditions de vie de la population (croissance annuelle du PIB avoisinant 10 %, 13 années successives de bonnes récoltes de céréales, progression annuelle du revenu des agriculteurs supérieure à 5%, croissance de la production des secteurs secondaires et tertiaires de 8 % par an, augmentation du nombre des touristes de 22 % d'une année sur l'autre, ces derniers avoisinant annuellement le million, progression de l'espérance de vie de 35,5 ans en 1950 à 67 ans un demi siècle plus tard...). Mais les adversaires de la Chine contestent ces chiffres et affirment que les progrès obtenus l'ont été au prix d'une dégradation accélérée de l'environnement. La maladresse des Chinois, leur méconnaissance des conditions d'exploitation agricole à ces altitudes, la déforestation et une utilisation excessive des ressources serait à l'origine d'un véritable désastre écologique. Mais, si les forêts ont beaucoup souffert, dans les rares endroits du Tibet où il en existait, les touristes actuels peuvent constater qu'une campagne de reboisement est en cours. Par ailleurs, il est probable que l'exploitation minière, la naissance d'une industrie et le stockage de déchets nucléaires sur le plateau tibétain ont été source de pollution; celle-ci est sans doute circonscrite compte tenu du caractère limité des sites dans cet immense espace mais les menaces de diffusion n'en sont pas moins à craindre en raison du système hydrographique du Tibet d'où partent la plupart des grands fleuves de l'Asie. 
Il est difficile pour un étranger de savoir ce que pensent les Tibétains de l'intérieur. L'obstacle de la langue rend la communication presque impossible. Ce que racontent les guides est sujet à caution, soit dans un sens soit dans l'autre. Les uns présentent la situation comme acceptable pour la majorité des Tibétains, qui verraient leurs conditions de vie s'améliorer; d'autres laissent entendre qu'ils sont les victimes d'un nouvel apartheid. Faute de prudence, on s’expose à être le jouet de bien des manipulations. 
Les observations que l'on peut faire soi même sont trop fragmentaires pour donner une image objective de la réalité. Certes, les gens vaquent paisiblement à leurs activités dans les rues des villes et les portraits des dirigeants chinois sont exposés ostensiblement, à côté des autels religieux, dans les maisons villageoises. Mais le renforcement des contrôles dans les aéroports chinois, d'où partent des avions pour le Tibet, montre que les dirigeants de Pékin sont conscients de la persistance d'une opposition et qu'ils redoutent des actions violentes de sa part. La figure du Dalaï lama bénéficie toujours d'une grande ferveur de la part d'une population restée, dans sa majorité, manifestement pieuse, mais il serait aventureux d'en tirer des conséquences politiques. Et puis, que signifie le fait d'être Tibétain dans un pays où, compte tenu de l'immigration et des mariages mixtes, la population d'origine tend à se diluer?
Les opinions émises par les Tibétains de la diaspora sont également trompeuses. Comme c'est souvent le cas lorsqu'une fraction d'un peuple émigre, deux visions incompatibles se sont développées: celle de l'intérieur et celle de l'étranger. Il serait illusoire d'espérer trouver auprès des uns ou des autres une image fidèle du Tibet. 
Les Tibétains en exil ont gommé les particularismes locaux et religieux qui les distinguaient, et parfois les opposaient, avant l'arrivée des Chinois. Le sentiment national identitaire, qui n'avait probablement jamais existé à un tel degré auparavant, s'est renforcé parmi eux et les a conduit à construire mentalement un Tibet unitaire largement mythique où la nostalgie tient une large place. "Tous les dix li (5km) le ciel est différent", dit un dicton du 18ème siècle; "chaque vallée a sa façon de parler, chaque lama sa façon d'enseigner", ajoute un proverbe du 20ème siècle. Les Tibétains demeurés au pays ont dû, quant à eux, vaille que vaille, s'adapter au changement dans un monde où la modernité va de pair avec la pénétration de l'influence chinoise*. Entre les deux visions, il est probable que le fossé ne fera que se creuser au fur et à mesure que le temps s'écoulera.
* "Si certains adolescents résistent en devenant religieux, d'autres verraient dans la Chine les promesses d'un monde meilleur et moderne." National Geographic France N° 100 - Janvier 2008. 
Le récit d'un émigré en visite sur les lieux de sa naissance m'est apparu significatif de l'écart qui sépare ces deux regards et des difficultés que rencontre un Occidental de bonne foi pour se forger sa propre opinion, à partir des discours des uns et des autres. Je me bornerai à en rapporter quelques extraits. 
Le retour au pays de cet exilé a eu lieu en 1987 et s'est effectué à l'extrême sud-est du Tibet historique, dans une région du Kham annexée au Yunnan. Dès l'abord, notre homme s'aperçoit que l'idée d'une civilisation tibétaine homogène, forgée dans l'exil, ne cadre pas avec les particularités locales qu'il rencontre. La sinisation de la société est évidente. La langue tibétaine locale, qui n'est d'ailleurs pas le tibétain de Lhassa, est réservée à un usage domestique. Elle est devenue une sorte de patois. Les Tibétains participent en foule, et avec un entrain qui le choque, aux festivités organisées à l'occasion de l'anniversaire de la création de la préfecture autonome, dont fait partie son village natal. 
Avant son départ, un repas de famille est organisé au cours duquel un cadeau, présentant les progrès accomplis, lui est remis. Un de ses cousins  l'invite à éviter en Inde les mauvaises fréquentations, c'est-à-dire les adversaires de Pékin. Notre exilé retient avec peine son indignation. Il mesure la largeur du fossé qui le sépare désormais de sa famille. Voici quelles sont les conclusions qu'il en tire: "Je venais de réaliser brutalement que nous appartenions, non pas à des systèmes différents, mais à des mondes différents, que nos réalités étaient complètement autres. Entre nous, l'abîme était immense. Je venais de l'extérieur, là où vivent les Tibétains de l'exil. La Chine est l'adversaire, avec une dimension cosmique, la référence centrale à partir de laquelle nous avons défini qui nous sommes. La triste vérité est que l'occupation du Tibet, réalité qui détermine tout pour nous, se trouvait au delà du champ de vision de mon cousin...". La dimension cosmique du conflit qui oppose le Tibet à la Chine mérite d'être soulignée car elle révèle que ce conflit n'a pas seulement des origines politiques mais aussi des origines religieuses qui le transcendent; au cours du temps, comme le montre cette chronologie, plusieurs empereurs de Chine (Wu Zetian, les Mandchous) ont prétendu au pouvoir spirituel entrant ainsi directement en compétition avec les lamas tibétains; les dirigeants actuels de la Chine, bien qu'officiellement athées, n'ont pas renié cette tradition; de plus, la Chine et le Tibet s'imaginent l'un et l'autre être le centre du monde. Il faut garder cela présent à l'esprit pour décrypter les événements qui se déroulent dans cette partie du monde. 
Notre exilé ne se sent vraiment chez lui qu'au milieu des moines, dans un monastère reconstruit, où il rencontre un religieux qui partage sa haine des Chinois, ennemis de la foi. Le récit complet de cette expérience peut être lu en cliquant ici
Cependant, des points de convergence existeraient entre les Tibétains de l'intérieur et ceux de l'exil. Selon des témoignages publiés dans la presse américaine, ils resteraient, dans leur majorité, profondément attachés à leur religion, ce que tout visiteur peut constater; la personne du Dalaï lama ne serait pas en cause, cependant rares seraient ceux souhaitant un retour pur et simple à l'ancien régime, même parmi la diaspora. Quel crédit accorder à ces articles? Il est bien difficile de répondre à cette question.
Pour terminer, voici une carte qui illustre la complexité du problème qui tient en partie à ce que personne ne s'accorde quant aux frontières du Tibet, la Chine et les exilés, bien sûr, mais aussi les pays voisins et notamment l'Inde.
 . Année 2005 
Mars 2005: Dans son message pour le 46ème anniversaire du soulèvement de 1959, le Dalai lama dénonce le non-respect des droits de l'Homme et le manque d'égalité entre Tibétains et Chinois. Soulignant que la Chine est devenue un acteur majeur sur la scène internationale, il note le préjudice qui résulte pour elle de la situation du Tibet. Il rappelle qu'en 1992, il déclarait que, lors du retour des Tibétains dans leur pays, et une fois acquis un certain degré de liberté, il ne conserverait plus ni fonction ni responsabilité politique au sein du gouvernement tibétain, que l'administration en exil serait dissoute, et que les Tibétains actuellement au Tibet assumeraient seuls la pleine responsabilité de l'administration du pays. Il reçoit comme un encouragement la reconnaissance et le soutien de groupes d'intellectuels en Chine pour la voie médiane qu'il préconise, laquelle trouve sa justification dans le réalisme et l'avantage mutuel que pourraient en retirer Chinois et Tibétains.
Décembre 2005: Le Bureau de Recherche Géologique de Chine publie des chiffres qui devraient pour le moins alimenter les réflexions des maîtres du monde. De 1970 à 2002, la prairie du plateau du Qinghai a diminué de 24,3%; la zone désertique s'étend désormais sur 500000 kilomètres carrés. Chaque année les glaciers rétrécissent de 147,36 km carrés. Quant aux lacs, ils s'assèchent. La désertification, en cours depuis des siècles, semble s'accélérer. Elle est l'annonciatrice d'une catastrophe majeure à l'échelle planétaire. Cette accélération est la conséquence du laxisme des pays pollueurs. Les Tibétains en sont les premières victimes, comme d'autres peuples à travers le monde, notamment en Afrique, alors que leur responsabilité, en matière de pollution, est infinitésimale!
Le Parlement européen s'inquiète du sort des personnes arrêtées lors d'incidents survenus au monastère de Drepung, au cours de la campagne de rééducation patriotique visant à amener les moines à dénoncer les menées séparatistes du Dalaï lama.  


Année 2006 
1 juin 2006: Le Dalaï lama attribue le prix Light of Truth à la Fondation Hergé afin d'honorer la contribution de l'auteur de "Tintin au Tibet" (1960) à la connaissance de ce pays à l'étranger. Le pontife tibétain a également décerné cette récompense à l'archevêque sud-africain Desmond Tutu, prix Nobel de la paix (1984). Le prix consiste en la remise d'une lampe à beurre au récipiendaire.
1 juillet 2006: Depuis plusieurs jours la presse chinoise (Daily China) célèbre cette prouesse technique: la construction de la voie ferrée la plus haute du monde reliant Lhassa à Pékin, mais aussi à d'autres villes chinoises, notamment Chengdu, au Sichuan, via Golmud, au Qinghaï. Cette réalisation, achevée en un temps record, en moins de 4 ans, a exigé des investissements colossaux. Elle chemine à plus de 4000 m d'altitude, sur une distance supérieure à 1000 km, avec un point culminant à la passe de Tanggula (5072 m). Son trajet emprunte, sur la moitié du parcours, des territoires au sol gelé en permanence. Les ingénieurs chinois ont été amenés à résoudre des problèmes qui n'avaient jamais été rencontrés auparavant (amplitude thermique, risques sismiques...). De profonds puits ont été forés pour stabiliser la température; il a fallu édifier 2647 ponts et creuser 11 tunnels. Des mesures ont été prises pour préserver l'environnement et faciliter notamment la migration des antilopes tibétaines en surélevant les voies. Les autorités se montrent fières des résultats obtenus tout en reconnaissant que des difficultés non soupçonnées peuvent encore surgir au cours de l'exploitation; tout sera naturellement mis en oeuvre pour les surmonter. Ce projet ne fait cependant pas l'unanimité et la presse reconnaît que des craintes relatives à la dégradation de l'environnement agitent une partie de l'opinion. Certains redoutent, par exemple, que les facilités offertes par ce nouveau moyen de transport n'amènent la population rurale tibétaine à substituer le charbon, plus polluant, à la bouse de yak séchée. On leur répond que ce risque est négligeable, les paysans tibétains n'étant certainement pas disposés à renoncer à l'emploi d'un combustible peu coûteux qu'ils utilisent depuis des siècles.
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Le terminus du train le plus haut du monde à Lhassa (3650 m)
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Le départ de Golmud (2800 m) du premier convoi a lieu en ce premier jour de juillet, en présence du président de la République chinoise et de nombreux journalistes. Il est mu par des locomotives General Electric, à fort pouvoir de traction et de freinage, choisies en raison de la compétence particulière de cette firme américaine qui a déjà équipée les trains péruviens franchissant les Andes à 4700 m d'altitude. Les autorités de Lhassa estiment à 3 ou 4000 visiteurs quotidiens supplémentaires le nombre de touristes que cette nouvelle liaison amènera. Des mesures ont été prises pour protéger l'héritage culturel menacé par un tel afflux. Un maximum de 1800 billets sera vendu par jour pour visiter le Potala; plus de la moitié seront réservés à des groupes; les visiteurs individuels seront invités à déposer leur candidature assez tôt à l'avance pour obtenir un ticket faute de quoi ils ne pourront admirer le monument que de l'extérieur. Des sacs seront remis aux touristes du lac Namco afin qu'ils n'abandonnent sur place aucun déchet; la baignade, la pêche ou les excursions en bateau y seront interdites. 
La presse européenne qui rapporte cette inauguration (Le Monde) met surtout l'accent sur les aspects négatifs du projet: coût démesuré de l'entreprise évalué à 3 milliards d'euros, perte de clientèle des restaurants et autres commerces situés le long des routes empruntées jusqu'alors par les camions, et surtout arrières pensées géopolitiques de Pékin (renforcement de la sinisation du pays). En Occident, beaucoup redoutent que la nouvelle liaison ferroviaire ne sonne le glas de la civilisation tibétaine. Ces craintes sont-elles fondées? L'avenir seul peut répondre à cette question. Pour ma part, je pense qu'une civilisation, qui a traversé au cours des siècles tant de moments difficiles, possède assez de vitalité pour triompher des nouveaux défis auxquels elle est confrontée. Je n'ignore pas que la construction des voies ferrées transcontinentales fut l'une des principales causes de l'extinction de la société des indiens des plaines, en Amérique du Nord; mais, pour que la comparaison soit pertinente, encore faudrait-il que l'attrait du Tibet sur la population chinoise soit aussi puissant que celui qu'exerçait l'ouest sur les immigrants américains; je ne pense pas que ce soit le cas. Bien sûr, il reste à évaluer les dégâts qui pourraient être causés à l'environnement par l'existence de la voie ferrée et l'afflux des touristes; ceci est affaire de spécialistes. 
Voici quelques informations glanées pour un voyage accompli en juin-juillet 2006. Il est désormais nécessaire d'obtenir un visa spécial pour se rendre dans la RAT (Région Autonome du Tibet); ce visa n'est délivré que pour des groupes d'au moins 5 personnes, il peut-être cependant délivré individuellement, il faut alors préciser aux autorités consulaires que l'on souhaite se rendre au Tibet et que l'on voyagera en groupe; sa délivrance exige un peu plus de temps en raison de l'accord sollicité auprès des autorités de la RAT. En revanche, on peut circuler librement dans les régions tibétaines intégrées au Qinghai, au Gansu, au Sichuan et au Yunnan avec un visa classique. Attention toutefois, si l'on voyage seul, les autorités administratives locales peuvent soulever des difficultés en se référant à des interdictions plus ou moins imaginaires; le règlement des litiges est d'autant plus délicat qu'il est difficile de s'expliquer avec des gens qui ne parlent que le chinois; un peu d'argent permet toutefois généralement d'arranger les choses. Il est conseillé d'éviter les zones militaires, qui ne sont pas toujours facilement localisables, de ne pas photographier les bâtiments publics sensibles: camps militaires, casernes, bureaux et aussi parfois... écoles, ni de tirer le portrait des nomades, sans leur accord, sauf de loin et à leur insu; il est déconseillé aussi de distribuer de l'argent et de faire étalage de sa fortune.
22 août 2006: Visite du Dalaï lama à Oulan Bator (Mongolie) où il prend un bain de foule.
30 septembre 2006: un Tibétain qui faisait partie d'un groupe tentant de passer au Népal est abattu par la police des frontières chinoise. Pékin affirme que ses soldats ont agi en situation de légitime défense, mais une vidéo roumaine montre le contraire.  


Année 2007 
Février 2007: au cours d'un voyage en Amdo, j'ai constaté la présence de plusieurs photographies du Dalaï lama exposées dans les monastères. A Labrang, un pendentif à l'effigie du pontife tibétain était même en vente dans une librairie, où je l'ai acheté comme souvenir. Il semble donc que l'exposition des images du Dalaï lama soit aujourd'hui tolérée, au moins dans les régions sous le contrôle de Pékin depuis longtemps. Au Tibet central, dans la Région Autonome, plus sensible, je pense que l'interdiction est toujours en vigueur.
12 mars 2007: selon un article de Pamela Logan, la polyandrie et la polygamie, théoriquement interdites par les autorités depuis 1949, n'auraient pas totalement disparu du Kham. Traditionnellement, la polyandrie était pratiquée dans les couches populaires qui en retiraient un avantage économique; ce serait encore le cas aujourd'hui; Pamela Logan cite le cas d'un mariage arrangé par les familles où une jeune fille, âgée de 12 ans lors de l'accord, épousa les deux frères ultérieurement; cette situation permet d'obtenir des surfaces à cultiver plus importantes; d'autre part, l'un des époux peut se livrer au commerce alors que l'autre exerce le métier de paysan; il en résulte un surcroît de richesse pour la famille; une femme avisée, en jouant intelligemment ses époux les uns contre les autres, obtient un supplément de pouvoir dans le ménage; les enfants de la famille, qui ignorent évidemment quel est leur géniteur, trouvent auprès de leurs multiples pères une meilleure protection. Quant à la polygamie, elle était autrefois l'apanage des classes supérieures, à qui elle conférait du prestige; aujourd'hui, elle a changé de nature; il n'existe pas à proprement parler de concubines, mais il est fréquent de rencontrer des hommes ayant une épouse âgée au village et une maîtresse plus jeune en ville.
13 juin 2007: Depuis l'an 2000, le gouvernement chinois aurait obligé 700000 bergers tibétains à se sédentariser, tant au Qinghai que dans la Région Autonome du Tibet. Cette politique d'urbanisation forcée est dénoncée par Human Rights Watch qui y voit une menace sur l'identité culturelle des quelques 2,5 millions de nomades. Les autorités chinoises répliquent en disant qu'elle apporte le progrès aux personnes concernées et qu'elle permet le reboisement de régions menacées par l'érosion ainsi que la protection de l'environnement.
Août 2007: L'approche des jeux olympiques relance les manifestations en faveur de l'indépendance du Tibet. De jeunes militants de Students for a Free Tibet (SFT), font brûler une torche olympique sur l'Everest et déploient une banderole réclamant la liberté pour le Tibet. D'autres membres de la même association, venus de Grande-Bretagne, des États-Unis et du Canada, poussent l'audace jusqu'à déployer une banderole sur la Grande Muraille; ils seront expulsés vers Hong Kong.
Des dizaines de manifestants se rendent devant la prison de Lithang, au Sichuan, pour réclamer la libération d'un homme arrêté pour incitation à la séparation des nationalités; il réclamait, en fait, le retour du Dalaï lama; la police interpelle plusieurs personnes qui sont placées en garde à vue. Dans le même temps, le gouvernement chinois rappelle qu'il se réserve le droit de reconnaître les réincarnations des lamas, manifestant ainsi sa volonté de garder le contrôle des affaires religieuses tibétaines (La Montagne - 4 août).
Septembre 2007: Angela Merkel reçoit le Dalaï lama en visite privée. Les relations entre Pékin et Berlin se refroidissent au grand dam des industriels allemands.
Octobre 2007: A la suite de la remise de la médaille d'or du Congrès américain au Dalaï lama, le 17 octobre, plusieurs tentatives de célébration de cet événement auraient eu lieu dans les monastères de Drepung et de Nechung; des dizaines de moines auraient été arrêtés par la police. Par ailleurs, les autorités chinoises se plaindraient de l'existence, au sein du Parti communiste, de dissidents admirateurs du Dalaï lama (Le Monde - 24 octobre).
Novembre 2007: Le Dalaï lama serait prêt à désigner son successeur avant de mourir. Au strict point de vue de la doctrine bouddhiste, un bodhisattva pouvant avoir plusieurs tulkou, il est effectivement possible de trouver une réincarnation du 13ème Dalaï lama qui aurait pu apparaître plus tardivement que le Dalaï lama actuel. Mais ce mode de désignation, sans exemple dans l'histoire des Gelugpas, marquerait une rupture avec la tradition. Serait-elle de nature à gêner Pékin, comme le pense probablement l'entourage du Dalaï lama? On peut en douter; la Chine aura toujours la possibilité de faire désigner un nouveau Dalaï lama à sa convenance, mieux même, elle pourra le faire en respectant la tradition, au moins dans la forme, mettant ainsi en porte à faux le Dalaï lama désigné par son prédécesseur (Le Monde - 22 novembre). Bien entendu, le Dalaï lama pourrait parfaitement désigner son héritier spirituel, mais il ne s'agirait pas alors à proprement parler d'un tulkou.
Le Dalaï lama a annoncé, le mardi 27 novembre, que les Tibétains organiseraient un référendum avant sa mort pour désigner son successeur. La Chine a immédiatement condamné cette décision. «Quand ma condition physique s'affaiblira, il faudra sérieusement penser aux préparatifs (de ce référendum)», a-t-il dit à un rassemblement de chefs religieux venus du monde entier, à Amritsar, dans le nord de l'Inde. Cette annonce confirme ce qui est écrit ci-dessus. En agissant de la sorte, le Dalaï lama prend le risque de constituer la Chine en gardienne de la tradition tibétaine! D'après les informations diffusées par la presse, tous les adeptes du bouddhisme tibétain seraient amenés à se prononcer au cours de ce référendum; on voit mal en quoi des Mongols, des Hindous et des Occidentaux seraient habilités à désigner le chef d'État du Tibet! Il y aurait tout de même un moyen de trancher, à mon avis, ce noeud de contradictions et voici comment: le Dalaï lama pourrait abdiquer son pouvoir temporel ce qui permettrait de désigner avant sa mort un chef d'État pour le Tibet; cette abdication serait possible sans enfreindre la tradition car le Dalaï lama ne tient pas le pouvoir temporel de sa nature de bodhisattva mais seulement comme l'ayant reçu par délégation du conquérant mongol du Tibet au 17ème siècle; les prédécesseurs du 5ème Dalaï lama n'exerçaient aucun pouvoir temporel et les successeurs du 14ème ne feraient que revenir à la situation d'origine; la réincarnation du Dalaï lama, dotée du pouvoir spirituel, pourrait alors être recherchée, dans le respect de la tradition, après sa mort. Cette séparation du religieux et du profane permettrait de concilier la tradition et le pragmatisme, mais je ne sais pas si c'est à elle que pense la Dalaï lama.  


Année 2008 
Janvier 2008: Le gouvernement de la Région autonome du Tibet (RAT) vient d'annoncer  qu'aucun sac plastique ne serait fourni aux clients à partir de cette année, même s'ils veulent payer pour cela. La décision coïncide avec l'interdiction de la Chine de fabriquer des sacs ultra-fins et d'interdire aux vendeurs d'offrir gratuitement des sacs plastiques à partir du 1er juin, afin de protéger l'environnement et de faire des économies d'énergie. Le Tibet lancera une campagne contre l'utilisation de sacs plastiques jetables et de Tupperware en plastique, affirmant que les sacs en tissus non-jetables et les sacs en papier recyclables sont plus écologiques (Le Quotidien du Peuple - 10 janvier).
Au cours d'une entrevue avec Ursula Gauthier, journaliste au Nouvel Observateur,  Le Dalaï lama explicite en ces termes sa pensée au sujet de sa succession: "De nombreux lamas sont d'avis que je nomme mon successeur de mon vivant, car de nombreuses années séparent la découverte de la jeune réincarnation de sa majorité. Théoriquement, c'est tout à fait faisable. Il existe un terme tibétain spécifique qui signifie "se réincarner avant sa mort". Un de mes maîtres avait ainsi été choisi par le 13ème Dalaï lama comme la réincarnation de son propre maître, du vivant de ce dernier. De même, le 6ème Dalaï lama était vivant au moment où le 7ème Dalaï lama est apparu. Les Chinois, eux, déclarent que c'est contre les règles tibétaines. Il semble qu'ils sachent mieux que moi, et que je doive apprendre d'eux.". Théoriquement, rien effectivement ne s'oppose à une réincarnation par anticipation, mais cela ne s'est pratiquement jamais produit pour ce qui concerne la succession des Dalaï lamas; cette pratique n'est donc pas conforme à la tradition. Mais le Dalaï lama pense peut-être que le temps est venu de mettre un terme à cette tradition. Quant à la transition du 6ème au 7ème Dalaï lama, il convient de se reporter au contexte troublé de l'époque pour apprécier cet exemple à sa juste valeur.
Dans le même numéro du Nouvel Observateur (17-23 janvier), Ursula Gauthier fait état de manifestations de joie des Tibétains, le 17 octobre 2007, lors de la remise au Dalaï lama de la médaille d'or du Congrès américain. Les réjouissances auraient été particulièrement importantes au petit monastère de Sengesong, en Amdo. Cela n'étonnera que ceux qui ignorent que la situation dans cette province est assez différente de celle que l'on rencontre dans la Région Autonome du Tibet (RAT); en Amdo, des photos du Dalaï lama sont exposées dans les monastères et on peut même acheter des pendentifs à son effigie à Xiahe; j'en ai rapporté un lors de mon dernier voyage. Ursula Gauthier note également le grand succès remporté au Sichuan par le monastère de Larung Gar, non seulement auprès des Tibétains, mais également auprès des bouddhistes chinois; il semble bien que les autorités ne sont pas aussi sévères dans les régions directement rattachées à la Chine (Qinghai, Sichuan) que dans la RAT.
Toujours dans le même numéro du Nouvel Observateur, cette fois sous la plume de Sylvain Courage, la situation économique au Tibet est abordée. Les retombées du train Pékin-Lhassa seraient déjà manifestes et un projet pour le prolonger jusqu'à Shigatse serait à l'étude. Ce nouveau moyen de communication facilite les échanges, fait baisser les coûts, amène des touristes plus nombreux et permet une exploitation plus intensive des ressources minières du Tibet. L'an dernier, la croissance économique se serait élevée à 12% sur le Toit du monde et le niveau de vie se serait considérablement amélioré. Des entreprises seraient en train d'y voir le jour et huit d'entre elles auraient déjà été introduites à la Bourse de Shanghai. Les infrastructures routières, l'adduction d'eau potable, la production d'électricité (houille blanche et géothermie), l'éducation, la santé... autant d'aspects positifs pour la population, dont l'espérance de vie serait passée de 37 à 65 ans depuis 1950, sont avancés par les responsables locaux. Une classe moyenne serait en train de naître; ses membres renforceraient les cadres administratifs mais le processus serait freiné par le manque de maîtrise de la langue et du code chinois des affaires. Bien entendu, cette médaille a son revers et il est à redouter que la tradition culturelle tibétaine se dilue dans cette fièvre productiviste. D'autre part, le fossé se creuse entre les populations des campagnes et celles des villes, mais n'est-ce pas ce qui se produit aussi ailleurs. La Chine consent au Tibet des efforts d'investissement démesurés par rapport aux profits économiques qu'elle peut espérer en retirer; ceci laisse supposer que les considérations économiques ne sont que secondaires et que la position stratégique du Royaume des Neiges constitue la première motivation des dirigeants chinois. L'éloignement du plateau tibétain, l'absence de main-d'oeuvre et de débouchés proches le rend peu favorable au développement industriel; aussi les autorités chinoises mettent-elles l'accent sur les quelques activités pour lesquelles le Tibet dispose d'indéniables avantages concurrentiels: l'eau minérale, la pharmacopée traditionnelle à base de plantes, le tourisme et les services. Le développement du tourisme ne se conçoit pas sans la valorisation d'un patrimoine culturel et religieux qui constitue un atout majeur; aussi des fonds importants ont-ils été affectés à la protection de l'environnement et à la restauration des sites religieux; mais la station climatique qui devait être installée à Shigatse, pour surveiller l'Himalaya, troisième réserve d'eau de la planète, après l'Arctique et l'Antarctique, a subi des retards, ce qui est regrettable vu l'accélération notée du recul des glaciers; il convient néanmoins d'observer que ce processus est en cours depuis plus de 10000 ans (dernière glaciation) et qu'il est à l'origine de la désertification d'une partie du plateau tibétain et des régions de l'Asie centrale depuis fort longtemps.
Dans un article récent, "Le Joyau dans l'urne: élire le Dalaï lama", publié sur Phayul.com (18/12/2007), Jamyang Norbu passe en revue avec beaucoup de pertinence les problèmes soulevés par la question de la succession du pontife tibétain. Il insiste sur le caractère peu démocratique et artificiel du gouvernement et du parlement en exil, sur leur manque de représentativité et sur le fait qu'ils sont à peu près ignorés du reste du monde. Compte tenu du caractère symbolique et fédérateur de la personne du Dalaï lama, il se prononce pour la mise en place d'une monarchie constitutionnelle inspirée de l'exemple thaïlandais; dans ce cadre, le gouvernement, conjointement avec les grands lamas, interviendrait dans le processus de désignation du Dalaï lama, étant entendu que celui-ci ne pourrait abdiquer une charge que, de toute façon, il tient de naissance.
Mars 2008: A l'occasion de l'anniversaire du soulèvement de 1959, le Dalaï lama s'est livré à un virulent réquisitoire contre la politique chinoise au Tibet. Il accuse Pékin de génocide culturel*; il lui reproche aussi de s'opposer au libre exercice de la religion et de favoriser le peuplement des hauts plateaux par des Han pour submerger les autochtones; cependant le pontife tibétain s'est déclaré partisan de la tenue des Jeux olympiques dans la capitale chinoise. Pendant ce temps quelques dizaines de moines de Drepung, qui tentaient de rejoindre le centre de Lhassa, pour manifester ont été dispersés par les forces de l'ordre (Le Monde - 12 mars).
* D'après l'éminent tibétologue américain Robert Barnett, cette accusation est exagérée la Chine n'ayant jamais manifesté une intention délibérée d'éliminer la culture tibétaine (Libération - 9 mai).
Les manifestations des moines de Drepung, suivies par celles de moines de Sera et de Ganden, se sont poursuivies au cours de la seconde semaine de mars. Vendredi 14 mars, elles ont pris un tour de plus en plus violent dans le quartier du Barkhor, auprès du Jokhang, centre de l'ancienne Lhassa. Des voitures et des boutiques ont été incendiées. La police aurait fait usage de ses armes; on compterait des morts et de nombreux blessés. On dit aussi que des religieux se seraient lacérés le corps à coups de couteau ou se seraient suicidés. Ces événements rappellent ceux qui ensanglantèrent la capitale tibétaine à la fin des années 1980. La proximité des Jeux olympiques, en focalisant l'attention de l'opinion publique internationale sur la Chine, incite les partisans de l'indépendance du Tibet à rappeler au monde leur existence afin de l'inviter à faire pression sur Pékin dans le sens de leurs revendications (Reuters - 14 mars).
Depuis lundi 10 mars, date des premières manifestations de moines, quatre autres marches de protestation ont eu lieu. Vendredi 14, une émeute a éclaté, par suite d'une altercation qui opposa des Tibétains à un commerçant chinois. Plusieurs commerces tenus par des Han et des Hui (musulmans chinois) ont été saccagés et incendiés; une mosquée aurait été brûlée. Samedi matin, le 15 mars, la loi martiale serait entrée en vigueur au Tibet et le centre de Lhassa serait soumis à un couvre-feu; le pays serait désormais fermé aux touristes étrangers; des véhicules blindés stationnent dans la capitale tibétaine qui semble complètement bouclée par l'armée. Ces événements se sont répercutés à l'extérieur de la Région Autonome du Tibet; à Labrang, de nombreux moines ont manifesté; à Katmandou et dans le nord de l'Inde, des marches de protestation ont été dispersées sans ménagement par la police; d'autre part, le Népal a interdit l'accès de l'Everest aux alpinistes entre le 1er et le 10 mai, afin que le passage de la flamme olympique ne soit pas perturbé par de nouveaux incidents; le gouvernement népalais s'affirme décidé à s'opposer à toute utilisation de son territoire par un mouvement séparatiste (Le Monde - 16-17 mars).
D'après l'agence de presse Chine nouvelle, les émeutes auraient entraîné la mort de dix personnes, essentiellement des commerçants d'origine chinoise; l'armée, soumise au jet de pierres et projectiles divers de la part des émeutiers, n'aurait pas tiré; cette dernière information est démentie par des témoins qui disent avoir entendu des tirs de fusils, voire de canon. Les exilés tibétains parlent d'une trentaine de morts. Une impression de chaos se dégageait de l'ancien quartier du Barkhor, les principales artères commerçantes paraissant en feu.
Aucune victime n'a été rapportée parmi les étrangers, a confirmé le gouvernement de la Région autonome du Tibet. Le calme est revenu samedi matin dans la capitale du Tibet, après une journée d'incidents violents, au cours desquels des fenêtres ont été brisées, des magasins pillés et des mosquées incendiées*. Selon des témoins, des voitures et des motos brûlées sont dispersées dans les principales artères de la ville, sur lesquelles règne un air teinté de fumée. Des rumeurs d'un empoisonnement de l'eau de la capitale tibétaine a fait l'objet d'un démenti (Le Quotidien du Peuple - 15 et 17 mars). 
* Il y aurait quatre mosquées à Lhassa, deux à Shigatse et une à Tsedang. Rappelons que la présence musulmane au Tibet est très ancienne; elle remonterait au 12ème siècle; mais la venue des Hui (musulmans chinois) est plus récente.
Les images des troubles de Lhassa montrées à la télévision font davantage penser à des actions de casseurs qu'à un mouvement de masse, mais elles sont de source chinoise et il convient donc de les interpréter avec prudence. Par ailleurs, Pékin rend le Dalaï lama responsable de l'origine des manifestations; la concomitance des événements  avec la déclaration du pontife tibétain rapportée plus haut fournit des arguments à ses détracteurs; en outre, on trouve sur un site tibétain des informations qui laissent supposer que les émeutes peuvent effectivement avoir été préparées à l'étranger.
Comme c'est habituellement le cas en pareilles circonstances, le bilan des victimes des violences, pour l'ensemble du Tibet, varie beaucoup selon les sources. Les Chinois reconnaissent le décès de treize personnes, dont plusieurs jeunes filles, la plupart brûlées vives par les émeutiers; la télévision chinoise montre des civils d'origine han, gravement molestés par des manifestants, soignés à l'hôpital de Lhassa; ces informations peuvent être analysées comme une tentative de plaider la légitimité de l'action des forces de l'ordre. Des membres de l'entourage du Dalaï lama portent le nombre des Tibétains tués à quatre vingt et le gouvernement en exil parle d'une centaine de victimes. La répression d'un défilé de protestation au Sichuan aurait entraîné la mort de sept autres personnes (Direct Matin Plus - 17 mars); cette information est d'autant plus crédible que d'autres troubles sont déjà intervenus dans cette région de Chine en août 2007. On signale aussi une brève manifestation de quelques étudiants à l'Université de Pékin (France 2 - 17 mars). Le Dalaï lama demande l'aide de la communauté internationale pour enquêter sur les événements qui viennent d'endeuiller son pays et le gouvernement en exil lance un appel en faisant état d'un ultimatum des autorités chinoises aux émeutiers qui expirerait le 17 à minuit. Pour savoir réellement ce qui s'est passé, une commission d'enquête internationale impartiale, s'il est possible de la réunir, serait évidemment la bienvenue.
Les événements ont entraîné la fermeture du Tibet aux étrangers. Les agences de voyage avec lesquelles j'étais en contact, pour une visite qui devait me conduire de Lhassa à Kashgar (Sinkiang), en passant par l'ancien royaume du Guge, viennent de m'aviser qu'elles me préviendraient lorsque ce déplacement serait à nouveau autorisé, on ne sait trop quand.
Alors que d'autres manifestations auraient eu lieu dans la province du Gansu, le Dalaï lama, qui ne réclame plus l'indépendance mais seulement l'autonomie culturelle du Tibet, se dit prêt à renoncer à ses fonctions de chef du bouddhisme tibétain au cas où les troubles se poursuivraient (France 2 - 18 mars). L'annonce de cette possibilité de démission laisse dubitatif. Quelle en serait la portée? S'il s'agit d'abandonner le pouvoir temporel, ce serait tout à fait possible; en revanche, s'il s'agit de renoncer au pouvoir spirituel, ce geste ne serait-il pas perçu comme un reniement? Le Dalaï lama, qui est une réincarnation, peut-il renoncer à lui-même sans remettre gravement en cause les fondements de la religion qu'il représente? Pour beaucoup de fidèles ce pourrait être un acte encore plus traumatisant que la déclaration de l'empereur du Japon lorsqu'il annonça qu'il n'était pas un dieu. En renonçant à la direction spirituelle du bouddhisme tibétain, le Dalaï lama entraînerait l'effacement de l'école des Gelugpas dont il est le chef; certes cette école n'a pas toujours été la plus influente du Tibet, et elle pourrait tout à fait être supplantée par une autre, mais ce changement serait tout de même une manière de révolution.
Le Congrès de la Jeunesse Tibétaine prend le contre-pied des positions du Dalaï lama en déclarant que Pékin ne mérite pas les Jeux olympiques et que les manifestations doivent se poursuivre jusqu'à l'indépendance complète du Tibet (La Montagne - 18 mars). Cette position radicale, sans doute partagée par de nombreux jeunes nés en exil, montre à quel point ils vivent en dehors de la réalité. Les déclarations du Dalaï lama doivent être interprétées dans ce contexte. On peut comprendre son amertume et la tentation de se retirer, même si son abdication ne ferait que compliquer encore la situation. Si ses appels à la modération ne sont pas entendus, la poursuite des troubles au Tibet aboutira à une tragédie. Penser que les Tibétains sont en mesure d'imposer leur indépendance à la Chine relève de la chimère; le rapport des forces est, aujourd'hui moins qu'hier, favorable à une insurrection; aucun pays n'aurait la volonté, ni même probablement la capacité, de risquer un conflit avec la Chine, compte tenu de la place qu'elle occupe sur l'échiquier mondial; dans ces conditions, encourager une rébellion sans espoir, qui déboucherait sur un nouvel exode susceptible d'entraîner la disparition de la civilisation tibétaine, n'est pas faire preuve de discernement.
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La position du Congrès de la Jeunesse tibétaine
Dans une interview accordée à Pierre-Antoine Donnet par Tashi Namgyal, le secrétaire général du Congrès de la Jeunesse Tibétaine, la position du CJT est ainsi exprimée: "Abandonner les affaires étrangères et la défense aux Chinois reviendrait à abdiquer, à céder la souveraineté du Tibet (…). Voici ce que pense le Congrès de la Jeunesse Tibétaine et voici ce que pensent les Tibétains. Discuter avec les Chinois ne sert à rien. Ce qu’il nous reste à faire, c’est combattre pour arracher tous les droits qui nous appartiennent. Nous devons nous battre pour cela. Pas discuter ! (…) Nous ne sommes pas d’accord avec la position du Dalaï Lama et nous pensons qu’il est de notre devoir de le dire haut et fort. (…) ce qu’a proposé le Dalaï Lama est mauvais. Il dit qu’il est le Bouddha de la compassion. Moi pas. Le Dalaï Lama veut le bonheur pour tous les êtres humains. Il parle d’un monde sans frontières et sans passeports, sans police. Il croit en cette sorte de chose. Mais nous, nous ne pouvons pas voir les choses de la même façon (…)". Puis Tashi Namgyal aborde le thème de la violence: "Nous ne croyons pas au terrorisme. Nous ne croyons pas dans l’assassinat de personnes innocentes. Notre motivation n’est guidée que par l’objectif à atteindre: l’indépendance totale du Tibet. Mais si nous tuons des Chinois, personne ne pourra nous accuser de terrorisme. Car aucun Chinois venant au Tibet n’est innocent. Tous ceux qui viennent ont un but (…). Toutes les méthode de lutte contre eux sont justifiées !" Même si le CJT agit en toute indépendance du Dalaï Lama et du gouvernement tibétain en exil, ses actions et ses déclarations touchent l’ensemble de la communauté et l’image que celle-ci projette à l’étranger. D’autant plus que le frère cadet du Dalaï Lama, Tenzin Choegyal Rimpoche, appartient au clan de ceux qui souhaitent plus de fermeté dans la lutte: "De toute façon, quoique le Dalaï Lama puisse faire, nous devons, en ce qui nous concerne, utiliser le bâton. Sinon [les Chinois] ne comprendront pas.
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Si les Tibétains de l'intérieur venaient à adhérer à de tels discours, dont l'irréalisme rappelle les illusions de la fin du 19ème siècle et du début du 20ème, une nouvelle tragédie s'en suivrait inévitablement. Ces propos, diamétralement opposés à ceux du Dalaï lama, sont par ailleurs totalement étrangers au bouddhisme. Comment peut-on défendre la culture tibétaine en affichant un tel mépris pour une philosophie religieuse qui la fonde en grande partie? Il est vrai que le CJT envoie des messages contradictoires puisque son président, Tsewang Rigzin, aurait par ailleurs déclaré: "La violence n'est pas une option. Nous n'avons jamais envisagé de prendre les armes", s'il faut en croire le journal Libération du 9 mai 2008.
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Une semaine après le début des manifestations qui ont dégénéré en émeutes, Pékin annonce le rétablissement de l'ordre au Tibet et dans les provinces voisines. Le bilan annoncé est de 19 victimes, selon les autorités chinoises, et d'une centaine, selon, les Tibétains en exil. Nancy Pelosi, présidente de la Chambre des représentants américains, qui vient de rencontrer le Dalaï lama, se prononce contre le boycottage des Jeux olympiques, compte tenu du poids international de la Chine, mais elle réclame aussi une enquête internationale pour faire la lumière sur les événements qui viennent de se dérouler (La Montagne - 22 mars). 
Le 22 mars, une trentaine d'intellectuels chinois adressent une lettre ouverte au gouvernement pour l'exhorter à dialoguer avec le Dalaï lama, à permettre la libre circulation des médias au Tibet et à accepter la constitution d'une commission d'enquête internationale sur les émeutes de Lhassa (Le Monde - 17 avril) (le blog d'une écrivain de Pékin pro tibétaine est  ici). 
Le président de la République française, Nicolas Sarkozy, appelle à la retenue et à la fin des violences au Tibet et se déclare prêt à faciliter la reprise du dialogue, dans un message au président chinois Hu Jintao. Profondément ému par les événements tragiques qui vienne de se dérouler, il émet le voeu "que le dialogue engagé depuis plusieurs années entre les autorités chinoises et les représentants du Dalaï-lama reprenne rapidement et s'approfondisse, afin que tous les Tibétains se sentent en mesure de vivre pleinement leur identité culturelle et spirituelle au sein de la République populaire de Chine"* (Reuters - 24 mars).
* De 2002 à 2007, des émissaires du Dalaï lama, se sont rendus six fois à Pékin, mais ces missions n'ont pas donné de résultats.
Au moins 400 personnes, dont une majorité de Tibétains, ont été arrêtées au Népal, le 24 mars. Elles manifestaient à Katmandou contre la politique chinoise au Tibet. Dans la province du Sichuan, un policier à été tué et plusieurs autres blessés lors de troubles organisés par des Tibétains (La Montagne - 25 mars).
Le premier ministre du gouvernement tibétain en exil réévalue à 140 le nombre des morts depuis l'éclatement des émeutes. Mais le Tibetan Centre for Human Rights and Democracy (TCHRD), installé en Inde, qui dit avoir effectué un décompte le plus précis possible des victimes, n'en a dénombré qu'au moins 79 (Tibet Info - même date). Des journalistes ont été admis à se rendre à Lhassa, où le calme est, semble-t-il, revenu mais où peu de monde circule dans les rues (France 2 - même date). Voici la liste des médias qui ont fait partie de ce premier groupe de journalistes: médias étrangers: US Associated Press, Wall Street Journal, USA Today, Financial Press (G-B), Agency of Russia-TASS, Kyodo News, Lianhe Zaobao (Singapour), KBS TV (Corée du Sud) et Al Jazeera TV (Qatar); médias chinois: Wen Hui Bao, Ming Pao et South China Morning Post (SCMP), Phoenix TV et TVB de Hong Kong, Agence de presse Zhongyang, Lianhe Journal et Eastern TV de Taïwan, et deux correspondants de Chine continentale: China Daily et Beijing Review.
Les journalistes qui se sont rendus à Lhassa ont rencontré des moines qui se sont plaints de la situation qui prévalait au Tibet (France2 - 27 mars) Lors d'une émission de la télévision française consacrée au Tibet, en présence d'un représentant de l'ambassade de Chine, des scènes de brutalités policières ont été montrées; mais celles-ci, comme les téléspectateurs avertis ont pu s'en rendre compte, n'avaient pas été tournées au Tibet mais au Népal! Ces tentatives de falsifications, qui sont loin d'être isolées dans la presse occidentale, doivent inciter à la prudence et conduire les gens honnêtes à exiger que toute la lumière soit faite par une commission d'enquête objective sur ces événements.
La scène de bastonnade tournée au Népal a été également présentée comme s'étant déroulée au Tibet par un journal allemand qui a présenté ses excuses. La chaîne de télévision américaine Fox News, d'ailleurs peu réputée pour son sérieux, a publié à la une de son site une photo de réfugiés tibétains à New Delhi évacués par des policiers indiens, avec comme légende: "Les Chinois ont fait parader dans les rues de Lhassa des prisonniers tibétains dans des camions." Un tel comportement enlève toute crédibilité à ceux qui s'y livrent et, en rendant suspectes les informations qu'ils diffusent, ne peut que nuire à la cause qu'ils prétendent défendre. La violence des émeutiers a été confirmée par plusieurs touristes étrangers, témoins de l'assaut de la vieille ville par des manifestants tibétains, moines inclus (Le Monde - 30/31 mars).
Avril 2008: Le journal Le Monde fait le point sur les événements du Tibet. Ceux-ci ont débuté le lundi 10 mars; plusieurs manifestations de religieux se sont déroulées dans le calme, ce jour là et les jours suivants; il y a eu quelques arrestations, mais pas de brutalités policières. Les choses se sont gâtées le vendredi 14, les manifestations se sont alors transformées en émeutes brutales à caractère raciste, contre les Han et les Hui (musulmans chinois), leur arrogance à l'égard des autochtones expliquant l'animosité de ces derniers*; des scènes de violence ont été rapportées pas des témoins occidentaux qui se disent avoir été choqués**; la police n'est pas intervenue, au moins au début, et les manifestants ont pu s'assurer le contrôle du centre de Lhassa où ils ont causé de nombreux dégâts et allumé des incendies causant la mort d'une vingtaine de personnes. La répression ne serait intervenue qu'à partir du samedi 15, hors de tout témoignage visuel; les touristes, confinés dans leur hôtel, ont bien entendu des coups de feu mais nul ne sait s'il s'agissait de sommations ou de tirs dans la foule. Une trentaine de foyers insurrectionnels se sont ensuite allumés dans les provinces limitrophes du Tibet où résident de nombreux Tibétains (Qinghai, Gansu, Sichuan, Yunnan); les manifestants auraient réclamé le retour du Dalaï lama; le nombre des victimes est inconnu, tout au plus les photos de huit cadavres tués par balles au Sichuan ayant circulé à l'étranger. Ces informations recoupent ce que l'on connaissait déjà et révèlent que l'on ne sait pratiquement rien sur l'ampleur de la répression; l'honnêteté intellectuelle oblige donc à traiter avec beaucoup de prudence les supputations avancées ici ou là (Le Monde - 4 avril).
* Il est possible que la tension entre les ethnies soit aussi la conséquence du fait que la croissance économique du Tibet profite surtout aux gens des villes et aux colons plutôt qu'aux habitants des campagnes.
** Notamment des touristes canadiens et suisses qui ont décrit des scènes de lynchages (AFP - 18/3/2008). D'autres témoins hollandais et espagnols confirment ces scènes.
A Ganzi, au Sichuan, la police chinoise aurait ouvert le feu sur une manifestation à la suite de l'arrestation de moines qui s'opposaient à la destruction de photos du Dalaï lama. Selon les Tibétains en exil, huit personnes auraient été tuées (Le Monde 6 - 7 avril). Lors de mon dernier voyage en Amdo, des photos du Dalaï lama étaient visibles dans certains monastères et dans des librairies; j'ai même acheté un pendentif à son effigie à Xiahe. Je pense que, à la suite des derniers événements, cette tolérance des autorités chinoises va prendre fin. Comme c'est souvent le cas, loin de favoriser les libertés, les émeutes n'auront sans doute pour résultat que d'amener les autorités à les restreindre.
La police chinoise a arrêté au total 953 suspects pour leur implication présumée dans les émeutes survenues au Tibet le mois dernier et plus de 400 ont été inculpés, a annoncé, mercredi 9 avril, le gouverneur de la région himalayenne. Le gouvernement a promis la clémence aux émeutiers qui se livreraient à la police. 362 personnes se seraient ainsi rendues. Parmi elles, 328 auraient été relâchées, au motif que leur faute était légère et qu'elles avaient fait preuve d'une "bonne attitude" en la confessant. Quinze moines bouddhistes tibétains ont interrompu, le même jour, un voyage de journalistes; les religieux sont sortis brusquement d'un bâtiment du monastère de Labrang, à Xiahe, dans la province de Gansu, et ont traversé en courant une place pour s'approcher des journalistes. Ils ont déclaré que des moines étaient encore détenus par les autorités et précisé que des agents armés en civil avaient été déployés dans toute la ville (Le Monde - 9 avril).
En visite au Japon, le Dalaï lama réitère son soutien aux Jeux Olympiques de Pékin et désapprouve les incidents qui ont marqué le passage de la flamme en Angleterre et en France; sans doute le pontife tibétain craint-il que des personnes, plus ou moins bien intentionnées, ne dévoient le mouvement de protestation pour en faire une machine de guerre contre la Chine, ce qui serait désastreux pour le Tibet. Aux États-Unis, le service d'ordre et les organisateurs ont fait preuve de plus d'efficacité qu'en Europe occidentale. Avec plusieurs jours de retard sur les médias chinois, la télévision française fait état des tentatives de manifestants d'arracher brutalement la torche des mains d'une relayeuse chinoise handicapée qui a défendu son trophée comme elle a pu; cette jeune femme, Jin Jing, originaire de Shanghai, qui a perdu sa jambe droite lorsqu'elle avait neuf ans, par suite d'un cancer, est membre de l'équipe chinoise d'escrime en chaise roulante; elle a remporté la médaille d'argent et de bronze aux Jeux d'Extrême Orient et du Pacifique Sud, en 2002; la voici devenue une héroïne nationale en Chine, à la suite des échauffourées de Paris (France 2 - 10 avril).
Les autorités chinoises publient des archives qui prouveraient que le Tibet est sous juridiction chinoise depuis 700 ans, thèse contestée par le gouvernement tibétain en exil (voir  ici).
Les exilés tibétains craignent que des restrictions leur soient imposées par le gouvernement du Népal. Celui-ci s'appuie en effet sur la Chine pour contrebalancer l'Inde qui le considère comme son arrière-cour; ce dernier pays s'est ingéré à plusieurs reprises dans les affaires intérieures du royaume himalayen et il utilise les ressources en eau des affluents du Gange sans se soucier des intérêts de ses voisins (Le Monde - 17 avril).
La présidence slovène annonce que le Dalaï lama ne sera pas invité à la conférence des ministres des Affaires étrangères de l'Union européenne, contrairement au souhait de Bernard Kouchener (Ouest France - 20 avril).
La Chine va rencontrer dans les prochains jours des représentants du Dalaï lama à sa demande. Cette initiative qui, selon le Dalaï lama, constitue un pas dans la bonne direction, a été saluée par le président slovène de l'Union européenne et par le président de la Commission européenne de passage dans la capitale chinoise (La Montagne - 26 avril). Il ne faut pourtant pas s'illusionner sur les suite probable d'une rencontre qui laisse en tout état de cause à l'écart les partisans de l'indépendance. Par ailleurs, il faut se souvenir que le terme Tibet recouvre une réalité différente pour la Chine et pour les exilés tibétains; pour la première, il s'agit de la Région Autonome du Tibet (RAT) et, pour les autres, il s'agit du Tibet historique; même l'indépendance de la RAT ne mettrait donc pas un terme au conflit. 
Dessin d'enfant tibétain de l'exposition de Saint-Maur-des-Fossés
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Mai 2008: Des émissaires du Dalaï lama arrivent aujourd'hui en Chine pour des conversations informelles sur le Tibet avec le gouvernement de Pékin (La Montagne - 3 mai). 
D'après des sources chinoises, en 1953, les statistiques du gouvernement local portait la population du Tibet à 1,14 millions d'habitants. De 1950 à nos jours, il y aurait eu quatre recensements démographiques qui montreraient que la population d'ethnie tibétaine représentait à son apogée 96,6% de la population globale de la Région autonome du Tibet (RAT). Calculée d'après des données obtenues par enquête sur échantillons, la population totale de la RAT aurait atteint 2,84 millions d'habitants en 2007, soit 1,8 fois de plus qu'en 1950, dont 92% sont des Tibétains, 3% des Menba, des Geba et d'autres ethnies et 5% des Han, hors résidents temporaires (militaires, fonctionnaires, commerçants...); en ajoutant ces derniers, les Han représenteraient 20 à 25% de la population totale du Tibet, contre 75 à 80% pour les Tibétains d'origine. D'après les statistiques officielles, l'économie du Tibet aurait cru au rythme de 12% par an au cours des sept dernières années; les émeutes de Lhassa auraient eu un impact négatif sur le taux de croissance du Tibet qui était de 17% l'an dernier (environ, 6,6 points de baisse); des mesures seraient prises pour que l'objectif d'un taux de croissance moyen de 12% soit atteint. Durant les 30 années écoulées depuis la réforme et l'ouverture sur l'extérieur, le revenu moyen annuel des paysans et des pasteurs tibétains aurait augmenté à un rythme de 10% par an; en 2007, le revenu moyen de la population paysanne et pastorale tibétaine aurait atteint 2788 yuans, contre 11131 yuans pour la population urbaine. Depuis 2006, un plan de modernisation de l'habitat a été mis en oeuvre à l'intention des paysans et pasteurs; jusqu'à présent il a permis le relogement de 114000 familles, soit plus de 570000 personnes. Le gouvernement central aurait alloué plus de 700 millions de yuans (près d'un million de dollar), depuis 1980, afin de préserver 1400 monastères et vestiges culturels; le Tibet compterait plus de 1700 sites religieux lamaïstes qui accueilleraient 46000 moines et religieuses, quatre mosquées destinées à 3000 musulmans et une église catholique pour 700 fidèles. Un effort aurait été également accompli au plan sanitaire qui se traduirait notamment par une baisse du nombre des décès en couches qui serait passé de 5% à 0,25%. La politique familiale serait décidée par le gouvernement local; depuis 1984, elle encouragerait les couples de cadres et d'employés tibétains et la population urbaine tibétaine à procréer par intervalle deux enfants sur la base d'un libre consentement; les paysans et les pasteurs, qui représentent 80% de la population, ne seraient soumis à aucune limitation.
Des officiels du gouvernement central de la Chine et des représentants privés du Dalaï lama ont convenu de tenir un nouveau cycle de contact et de consultation au moment opportun lors de leur rencontre à Shenzhen le dimanche 4 mai.
Le journal anglais The Guardian a publié, sous la signature de Brendan O'Neil, un violent article contre le Dalaï lama: "Down with the Dalai Lama", dans son édition du 29 mai. On y traite le pontife tibétain de personnage ridicule, compromis par ses amitiés avec des personnes du monde des arts (Richard Gere et Sharon Stone) et du journalisme de mode décadent (Vogue), peu compatibles avec la dignité d'un ecclésiastique. L'article lui reproche son népotisme, le financement de ses activités par la CIA et la brutalité avec laquelle il a privé de moyens d'existence les adeptes de Shugden (voir ici et ici). Pour l'auteur de l'article, l'engouement manifesté pour le Dalaï lama en Occident n'est que la conséquence de la publicité qui lui a été faite par les ennemis de la Chine plus soucieux d'affaiblir ce pays que d'aider véritablement les Tibétains.
Il est facile de dénoncer la duplicité du Dalaï lama, voire de le taxer d'hypocrisie ou d'imprudence, en détachant ses paroles et ses actes de leur contexte politique et religieux. Mais la seule question qui se pose est évidemment celle de la compatibilité de ces paroles et de ces actes avec la doctrine bouddhiste tibétaine et de leur cohérence avec le but poursuivi, c'est-à-dire le triomphe de la cause qu'il défend. Sur cette base, qui seule compte, la critique est loin d'être aisée.  
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Tenzin Gompo, musicien tibétain
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Juin 2008: Le 5 juin s'est tenu, à la mairie de Saint-Maur des Fossés, en présence du député maire, du représentant en France du Dalaï lama, du responsable de la maison du Tibet, de Tenzin Gompo, musicien tibétain de la Compagnie Tshangs-pa et de nombreux invités, l'inauguration d'une exposition sur le Tibet destinée à mieux faire connaître ce pays. Elle a été ouverte au public jusqu'au 29 août 2008. 
Une vidéo laisse entendre que le Dalaï lama pourrait désigner le Karmapa, ou un autre jeune lama, pour lui succéder. La transmission du pouvoir temporel, que la Dalaï lama tient du chef mongol Gushri khan, depuis seulement le 17ème siècle, serait tout à fait possible. Cette éventualité semble laisser le Karmapa dubitatif. Elle n'empêcherait probablement pas Pékin de chercher une réincarnation du Dalaï lama après sa mort.
Juillet 2008: Une nouvelle rencontre entre les envoyés du Dalaï lama et les autorités chinoises a eu lieu le lundi 2 juillet.
Octobre 2008: Au moins 30 personnes seraient mortes dans un séisme de magnitude 6,3 qui a secoué une zone peu peuplée du Tibet située à 84 km à l'ouest de Lhassa, vers 16h30 locales, le 6 octobre (La Montagne - 7 octobre). D'après les autorités chinoises, ce séisme aurait atteint une magnitude de 6,6 et le nombre de victimes retrouvées dans les décombres ne dépasserait pas une dizaine de morts et une vingtaine de blessés. Les écoles de Lhassa ont été fermées par mesure de précaution, des répliques moins violentes de la secousse ayant été enregistrées.
France 2 - Envoyé spécial, 9 octobre, "Sur les traces du dalaï lama", (l'ancien Tibet, le Dalaï lama jeune, le chef politique et le pontife religieux, ses relations avec l'Occident, la controverse au sujet du culte de Shugden...) la vidéo est  ici 
Le Dalai Lama a annoncé, samedi 25 octobre, qu'en l'absence d'avancées sérieuses dans les pourparlers menés avec la Chine, il pourrait désormais s'en remettre à son peuple pour décider de la politique à suivre sur la question du Tibet. Une nouvelle rencontre entre les envoyés de Pékin et ceux de Dharamsala est cependant prévue mais aura-t-elle lieu? La décision des Tibétains en exil pourrait être de renoncer à la revendication d'autonomie pour exiger l'indépendance pure et simple, sans pour autant reprendre la lutte armée. Ce changement d'orientation renforcerait sans doute la cohésion de la diaspora, mais il a peu de change d'être plus efficace auprès des autorités chinoises et il mettrait en porte à faux les gouvernements étrangers qui appuyaient la demande d'une plus large autonomie.
Le 29 octobre 2008, le gouvernement britannique, qui s'en tenait jusqu'alors à la position selon laquelle la Chine exerçait une suzeraineté sur le Tibet et non une pleine souveraineté, s'aligne sur les autres pays et reconnaît que le Tibet fait partie intégrante de la République populaire de Chine. 
Début novembre les émissaires du Dalaï lama ont rencontré une nouvelle fois ceux de Pékin. Le gouvernement chinois s'oppose fermement à toute velléité d'indépendance, qu'elle soit affirmée ou déguisée; il demande au Dalaï lama de rompre avec le Congrès de la Jeunesse tibétaine qualifié de mouvement terroriste. Le pontife tibétain peut difficilement accéder à cette exigence qui introduirait un nouveau ferment de division au sein la diaspora. La négociation semble donc aboutir à une impasse, comme c'était à craindre.
Au cours d'une réunion des dirigeants tibétains en exil, à Dharamsala, le Dalaï lama, a affirmé que, pendant les 20 prochaines années, de grands dangers menaceront la communauté tibétaine, si ses leaders ne font pas preuve de sagacité dans leurs actions et dans la planification de ces dernières. Sa confiance dans le gouvernement de Pékin est plus faible que jamais. Néanmoins, l'assistance s'est prononcée pour le maintien de la voie moyenne poursuivie jusqu'à présent: revendication d'une autonomie plus large et  maintien du contact avec les autorités chinoises. Cette décision a déçu les partisans de l'indépendance et d'une action plus ferme vis-à-vis de Pékin (The Jordan Times - 24 novembre).
Afin de répondre à l'augmentation de la population et de préserver les lieux culturels du centre de Lhassa, la construction d'un nouveau quartier est en cours dans la capitale tibétaine, à Liuwu. Ce nouveau quartier, situé à 10 km environ, sur la rive sud de la rivière de Lhassa, en face de l'actuel centre ville, devrait couvrir 42 km2, équivalent à 70% de la vieille ville, et accueillir 110000 habitants; il devrait être achevé en 2009. Les opposants à Pékin craignent que la forte augmentation de la population de la ville qui en résultera ne se traduise par un nouvel afflux de colons chinois.
Les documents émanant des deux parties permettent de se faire une idée des divergences qui empêchent tout accord entre le Dalaï lama et les autorités de Pékin. Ces divergences portent d'abord sur la définition même du Tibet, les exilés se référant à un Tibet historique, qui recouvre des zones où la population d'origine tibétaine n'est pas toujours majoritaire et dont certaines sont passées, au cours des siècles, sous des juridictions différentes, un droit de conquête en rendant un autre caduc. Pour les Tibétains, l'ensemble revendiqué devrait être réunifié et doté d'une autonomie plus large qu'actuellement; Pékin s'oppose à ce point de vue, incompatible avec la constitution de la Chine populaire, où l'autonomie des minorités nationales s'applique, suivant les cas, à différents niveaux des collectivités territoriales (districts, préfectures, régions...)*, pour tenir compte des multiples imbrications ethniques d'un État qui compte plus de cinquante minorités nationales; donner satisfaction aux demandes des représentants du Dalaï lama reviendrait à doter les Tibétains d'un statut particulier, plus favorable que celui qui a été accordé aux autres minorités, un statut qui léserait les minorités incluses dans le territoire sous autorité tibétaine puisqu'elles perdraient alors les droits dont elles jouissent actuellement. Par ailleurs, Pékin met l'accent sur le caractère unitaire de l'État chinois; il n'entend l'autonomie que dans ce cadre, les échelons autonomes, dirigés par des représentants des minorités, devant faciliter l'exécution des décisions des autorités centrales, adaptées éventuellement pour tenir compte des spécificités locales, en accord avec les-dites autorités centrales qui, en tout état de cause, demeurent prépondérantes. Un dernier point important est le problème de la laïcité; les Tibétains en exil en acceptent le principe, tout en revendiquant une liberté complète des institutions religieuses; Pékin estime que la liberté religieuse est individuelle et qu'elle ne saurait s'étendre sans limitation aux institutions religieuses sans entrer en conflit avec le principe de laïcité; par exemple, le fait d'autoriser sans restriction, comme c'était le cas autrefois, l'entrée des enfants dans les monastères, dès leur plus jeune âge, se heurterait aux dispositions relatives à l'instruction obligatoire. Cette analyse est certainement très loin d'être exhaustive; pour autant que les arguments des uns et des autres aient été compris, et qu'ils soient sincères, elle montre cependant combien les points de vue sont éloignés et, par conséquent, combien il est difficile de trouver une solution acceptable par tous.
* D'après Pékin, fin 2007, la Chine comptait 155 zones ethniques autonomes: 5 régions, 30 préfectures et 120 districts; quarante quatre des cinquante cinq minorités nationales de Chine avaient leurs zones autonomes, représentant 75% du total de la population des-dites minorités.  


Année 2009 
Janvier 2009: La visite d'un groupe de touristes français, à l'occasion des cérémonies du nouvel an en Amdo, est annulée par suite des restrictions imposées par les autorités chinoises qui refusent l'accès à Labrang.
Mars 2009: Un jeune moine a tenté de s'immoler par le feu à Aba, dans le Sichuan. Ce jeune homme, du nom de Tapey, serait un élève du monastère de Kirti. Il aurait tenté de mettre fin à ses jours en s'aspergeant de liquide inflammable tout en brandissant un portrait du Dalaï lama et un drapeau tibétain à l'effigie du lion des neiges. Les informations concernant cet événement restent confuses; certains évoquent une manifestation de religieux que d'autres passent sous silence; des témoins disent avoir entendu trois coups de feu mais ignorent sur qui ils ont été tirés; des exilés accusent les policiers d'avoir abattu le jeune moine. Les autorités chinoises reconnaissent la tentative de suicide mais affirment que la police est intervenue pour éteindre le feu et transporter le jeune homme à l'hôpital, où il se trouverait dans une situation stable; une enquête serait en cours.
On reparle du Karmapa comme possible successeur du Dalaï lama en mettant l'accent sur sa modernité et sa connaissance du chinois qui pourraient faciliter le dialogue avec les autorités de Pékin.
Les autorités chinoises reconnaissent avoir arrêté une centaine de moines à la suite d'une émeute à laquelle auraient pris part plusieurs centaines de personnes qui ont attaqué un poste de police du Qinghai. D'après le site Internet du gouvernement tibétain en exil, les heurts auraient opposé 4000 manifestants indépendantistes à la police après la mort d'un moine du monastère de Ragya nommé Tashi Sangpo (Le Monde - 24 mars).
Les pressions chinoises portent leurs fruits dans plusieurs pays européens dont les autorités se montrent prudentes en accueillant sans ostentation le Dalaï lama ( Le Monde - 9 juin).
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L'édition en tibétain du People's Daily
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Une édition en tibétain du People's Daily est désormais disponible dans la Région Autonome du Tibet (RAT) ainsi que dans les régions voisines où vivent des Tibétains (China Daily - 12 août). 
J'ai cru apercevoir Mathieu Ricard à la réunion annuelle du Medef. Était-il là comme moine mendiant ou comme approbateur de la politique suivie par le patronat français? En tout cas, la présence d'un moine tibétain dans un tel lieu m'a semblé tout à fait déplacée!
On annonce le décès de Ngapoi Ngawang Jigme survenu, à l'âge de 99 ans. Ce Tibétain pro chinois fut l'un des fondateurs de la Région autonome dont il fut également l'un des principaux dirigeants.  


Année 2010 
Janvier 2010 - Les autorités chinoises incitent les compagnies d'aviation locales et étrangères à accroître leur desserte du Tibet. Un nouvel aéroport est en cours de construction. L'afflux des touristes est positif au plan économique, y compris pour les monastères qui voient leurs ressources augmenter notablement. Il en résulte un développement des moyens modernes de communication (Internet) et d'utilisation de l'énergie (fours solaires). Mais ces avantages ont aussi leur contrepartie: les touristes perturbent la vie monastique, les tankas souffrent des violents éclairs des appareils photos et les jeunes moines, attirés par le web, consacrent moins de temps à la méditation.
Février 2010 - Les négociations entre les représentants du Dalaï lama et ceux de la Chine, interrompues à l'automne 2008, ont repris selon des informations diffusées par la partie chinoise. Au même moment,  le moine Yeshi Jinpa, du district de Sog, province du Kham, la nonne Chodron, et les laïcs Tenzin Dhargey et Norbu Sangpo ont été condamnés à des peines d'emprisonnement de un à trois ans et l'artiste Tashi Dhonup à plus de sept mois de prison pour avoir chanté des chansons politiquement subversives (Courrier international - 11 février).
Mars 2010 - D'après l'Association Mantra (Mouvement d'Aide à la Nation Tibétaine pour la Restauration de son Autonomie), la justice espagnole, qui s'est proclamée compétente, comme la justice belge, pour juger tous les crimes contre l'humanité, où qu'ils soient commis, a été saisie par un Tibétain en exil à l'encontre des dirigeants chinois. D'autre part, selon des propos du Kashag, rapportés par ladite association, les émissaires tibétains auprès de la Chine ont présenté deux propositions essentielles: 1°)- Réalisation d'une étude objective pour connaître l'état d'esprit de la population tibétaine et son degré d'adhésion à la situation actuelle. 2°)- Renonciation à faire porter au Dalaï lama et à son entourage la responsabilité des émeutes de 2008.


Année 2011 
Mars - Le dalaï-lama a annoncé qu'il renonçait à son rôle de chef politique tibétain, une décision attendue et visant à moderniser le gouvernement tibétain en exil. Un nouveau Premier ministre laïc va être désigné si l'accord du parlement tibétain en exil est obtenu, ce qui n'est pas encore certain (Capital - 10 mars).
Avril - Un juriste de 43 ans, diplômé de Harvard, Lobsang Sangay, a été élu nouveau Premier ministre du gouvernement tibétain en exil avec des responsabilités étendues, le Dalaï lama renonçant à son pouvoir temporel. Le nouvel élu, né en Inde, n'a jamais été au Tibet. Il faudra attendre quelque temps avant de mesurer les conséquences de cette évolution et de savoir quel rôle jouera ce nouveau chef du gouvernement en exil dans les difficiles relations de la diaspora tibétaine avec le Tibet, la Chine et le reste du monde.
Mai - Depuis le soulèvement de 2008, les autorités chinoises transfèrent les moines jugés rebelles vers des centres d'éducation éloignés de leur lieu de résidence habituel où ils subissent une formation de trois mois sanctionnée par des examens avant de les renvoyer dans leur région d'origine où ils sont placés sous surveillance (Le Monde - 12 mai).  


Année 2012 
Mars - Au Qinghai, des maisons en dur sont mises à la disposition des nomades afin de favoriser leur sédentarisation (Quotidien du Peuple, 2 mars).
Pour Wen Jiabao, réformer est urgent. Le premier ministre chinois se dit bouleversé par les immolations de jeunes Tibétains (Le Monde - 15 mars).  
Le Tibétain qui avait tenté de s'immoler par le feu en Inde voici quelques jours, pour protester contre la venue du président chinois, est décédé. Trente moines auraient essayé de mettre fin à leurs jours de la même manière depuis le début de l'année en Chine (France 2 - 29 mars).
Mai - Depuis les émeutes de 2008, le pouvoir tente de reprendre en main les monastères. A côté des Comités démocratiques de gestion, organes qui les géraient jusqu'à présent, ont été créés des cellules, dans lesquelles se trouvent des policiers, qui perturbent la vie spirituelle et méditative des moines (Le Monde 5 mai).


hibou ecrit Cette petite Emma est autiste mais a une voix merveilleuse


Bibliographie: 
Pour établir cette chronologie, je me suis servi des ouvrages suivants:
Pierre Bergeron: Voyages faits principalement en Asie dans les 12ème, 13ème, 14ème et 15ème siècles (Benjamin de Tudele, Jean du Plan-Carpin, Guillaume de Rubruquis, Marco Polo...) - Jean Neaulme - La Haye - 1735.
Peter Simon Pallas: Voyages du professeur Pallas dans plusieurs provinces de l'empire de Russie et dans l'Asie septentrionale traduits de l'allemand par Gauthier de la Peyronie - Maradan - Paris - 1794.
Andrade, Bogle, Turner: Voyages au Thibet, faits en 1625 et 1626, par le père d'Andrade, et en 1774, 1784 et 1785, par Bogle, Turner et Pourunguir, traduits par J. P. Parraud et J. B. Billecocq - Hautpoul l'aîné - Paris - An 4 (1795-1796).
Samuel Turner: Ambassade au Thibet et au Boutan, contenant des détails très curieux sur les moeurs, la religion, les productions et le commerce du Thibet, du Boutan et des États voisins; et une notice sur les événements qui s'y sont passés jusqu'en 1793 - Traduit de l'anglais avec des notes par J. Castéra. Avec une collection de 15 planches dessinées sur les lieux et gravées en taille-douce par Tardieu l'aîné - F. Buisson - Paris - an IX (1800)
J. Reuilly: Description du Tibet, d'après la Relation des Lamas Tangoutes, établis parmi les Mongols, traduit de l'allemand avec des notes - Bossange, Masson et Besson - Paris - 1808.
J. F. Laharpe: Abrégé de l'Histoire Générale des Voyages - Chez Etienne Ledoux, libraire - Paris - 1820
Huc: Souvenirs d'un voyage dans la Tartarie, le Thibet et la Chine pendant les années 1844, 1845 et 1846 - Librairie d'Adrien Le Clere et Cie - 1853
Krick (abbé): Relation d'un voyage au Thibet en 1852 et d'un voyage chez les Abors en 1853 - Auguste Vaton - Paris - 1854
Huc: Le christianisme en Chine, en Tartarie et au Thibet - Gaume frères - Paris - 1857 et 1858 (4 volumes)
Clements R. Markham: Narratives of the mission of George Bogle to Tibet and of the journey of Thomas Manning to Lhasa - London - Trübner and Co - 1876
Muller (Eugène): Deux voyages en Asie au 13ème siècle - Guill. de Rubruquis envoyé de Saint Louis et Marco Polo marchand vénitien - Librairie Delagrave - 1888
Touche à Tout - N° 4: Les grands Coureurs du Globe: Sven Hedin au Tibet par Charles Rabot - Avril 1909
Alexandra David-Néel: Mystiques et magiciens du Thibet - Plon - 1929
Lafugie: Au Tibet - Préface de A. David-Néel - J. Susse - 1950
Marco Pallis: Cimes et lamas - Albin Michel - 1955
Anna Louise Strong: Tibetan Interviews - New World Press Pékin - 1959
Stuart Gelder and Roma Gelder: The Timely Rain - Travels in New Tibet - Monthly Review Press - 1964
André Guibaut: Missions perdues au Tibet - André Bonne - 1967
F. Ossendowski: Bêtes, hommes et dieux - L'aventure mystérieuse - J'ai lu - Flammarion - 1973
Lama Kazi Dawa-Samdup: Vie de Jetsün Milarepa (traduction de Roland Ryser) - Librairie d'Amérique et d'Orient Adrien Maisonneuve -1975
Lama Anagarika Govinda: Le chemin des nuages blancs - Pèlerinage d'un moine bouddhiste au Tibet - Albin Michel - 1975
R. E. Huc: La cité interdite - Gallimard - 1975
Michel Peissel : Les cavaliers du Kham - Guerre secrète au Tibet - Robert Laffont - 1976
Rolf A. Stein: La civilisation tibétaine - Le Sycomore - L'asiathèque - 1981
Alexandra David-Néel: Voyage d'une Parisienne à Lhassa - Plon - 1982
Michael Taylor: Le Tibet - De Marco Polo à Alexandra David-Néel - Payot - 1985
Heather Stoddard : Le mendiant de l’Amdo – Société d’Ethnographie - 1986
Chögyam Trungpa: Né au Tibet - Collection Sagesse - Buchet-Chastel - 1991
Gyalwa Tchangtchoub et Namkhai Nyingpo: La vie de Yéshé Tsogyal - Souveraine du Tibet - Éditions Padmakara - 1995
D. N. Tsarong: Le Tibet tel qu'il était - Éditions Anako - Mémoires de l'Humanité - 1995
A. Tom Grunfeld: The Making of Modern Tibet - Armonk - New-York and London - 1996
Marianne Dresser: Beyond Dogma - Dialogues and Discourses - North Atlantic Books - Berkeley - Californie - 1996
Les Grands Explorateurs - Gründ - 1996
Laurent Deshayes: Histoire du Tibet - Fayard - 1997
Jacques Bacot: Le Tibet révolté, vers Népémakö, la Terre promise des Tibétains (1909-1910) - Phébus - 1997
Tibétains - 1959-1999: 40 ans de colonisation - Autrement – 1998
Philippe Cornu: Tibet - Culture et histoire d'un peuple - Guy Trédaniel éditeur - 1998
Michel Peissel: Un barbare au Tibet - A la découverte des sources du Mékong - Éditions du Seuil - 1998
Giuseppe Tucci: Tibet, pays des neiges - Editions Kailash - 1998
C. Deweirdt - M. Masse - M. Moniez: Le Tibet - Les Guides Peuples du Monde - 1999
Tenzin Kunchap et Patrick Amory: Le moine rebelle - Carnets de lutte de ma vie au Tibet - Plon - 2000
Francesca-Yvonne Caroutch: La Fulgurante Epopée des Karmapas - Dervy – 2000
Michel Peissel: Le Dernier Horizon - A la découverte du Tibet inconnu - Robert Laffont - 2001
Les Portugais au Tibet - Les premières relations jésuites (1624-1635) - Chandeigne - 2002
Donald S. Lopez: Fascination tibétaine - Du bouddhisme, de l'Occident et de quelques mythes - Autrement - Frontières - 2002
Les explorateurs de l'Himalaya - N° hors-série de la revue Alpinisme et Randonnée - Glénat - 2003
Ekai Kawagushi: Trois ans au Tibet - Éditions Kailash - 2003
The Potala - Tibetan Administrative Office of the Potala - Lhassa - 2004
Nicholas Rhodes, Deki Rhodes: A Man of the Frontier - S. W. Laden La (1876-1936) - His Life and Times in Darjeeling and Tibet - Kolkata - Mira Bose - 2006
Namkai Norbu Rinpoché: Dzogchen et tantra - La voie de la lumière du bouddhisme tibétain- Traduction: Bruno Espaze - Albin Michel - 2006
Fous du Tibet - Les récits des voyages de Gabriel Bonvalot, Henri d'Orléans, Dutreuil de Rhins, Fernand Grenard, Ovché Narzounof et Sven Hedin présentés par Chantal Edel - Les Éditions des Riaux - Septembre 2007
Heinrich Harrer: Sept ans d'aventures au Tibet - Arthaud - 2008
Le bouddhisme tibétain - Le Monde des Religions - N° 30 - Juillet-août 2008
Claude B. Levenson: Le Tibet - Que sais-je? - Presses universitaires de France - 2008
Tashi Tsering: Mon combat pour un Tibet moderne - Golias - Cet ouvrage, rédigé avec le concours de l'anthropologue américain Melvyn Goldstein, relate les tribulations d'un tibétain peu fortuné, né en 1929, doué pour les études, qui fut soustrait à sa famille pour entrer au service du Dalaï lama. Il eut la chance d'aller étudier aux États-Unis. Très critique à l'égard de l'ancien Tibet, il revint dans son pays au moment de la révolution culturelle. Suspect, il fut arrêté et ne fut réhabilité qu'en 1978. Il participa ensuite à la création d'écoles pour alphabétiser les jeunes tibétains. Bien que favorable à la modernisation du Tibet, il regrette la perte d'identité qui en découle et se trouve donc en porte à faux auprès des exilés comme du côté du gouvernement chinois. Son témoignage est donc d'autant plus intéressant qu'il semble moins entaché d'esprit de parti. Il a été traduit et publié en Chine dans une version édulcorée compatible la ligne officielle
Victor & Victoria Trimondi: The Shadow of the Dalai Lama - Cet ouvrage, très critique à l'encontre du bouddhisme tibétain et du Dalaï lama, est accessible sur Internet
Jianguo Li: Cent ans de témoignages sur le Tibet - Reportages de témoins de l'histoire du Tibet - China Intercontinental Press - Date de publication inconnue.
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J'ai aussi consulté de nombreux sites Internet ainsi que des revues (Grand Reportages, National Geographic France...). On peut se reporter notamment à l'ouvrage d'un auteur américain "Le Lion des Neiges et le Dragon" en cliquant ici.  




hibou ecrit Cette petite Emma est autiste mais a une voix merveilleuse



 
    La grande exposition gratuite "Tibet : Passé et Présent" se tiendra au public du 30 avril au 25 juillet dans le Palais de la culture des nationalités de Beijing.

    Cette exposition divisée en deux parties - l'histoire du Tibet et son système de servage et le nouveau Tibet au présent, présentera l'histoire du Tibet et la gestion efficace du gouvernement chinois à travers 160 documents historiques et vestiges culturels, et plus de 400 photos et tableaux. Elle présentera la physionomie arriérée et sombre dans l'ancien Tibet et le développement et le progrès du Tibet d'aujourd'hui.

 

Les aristocrates et les fonctionnaires du gouvernement local de l'ancien Tibet

La noblesse de Lhassa
 

La résidence du noble Zeren

Des soldats de l'ancienne armée tibétaine entraînés par des Anglais

Le Temple Se La avant les années 50 du 20ème siècle

Les objets luxueux et fastueux de la vie courante utilisés par un propriétaire de serfs

Des serfs cultivant la terre avec des moyens de production primitifs et arriérés

Dans le District de Shannan Cuona de l'ancien Tibet, les serfs utilisaient les bâtons de bois et des barres métalliques pour labourer les champs
 

Une notification d'octroi de terres par le Dalai Lama à un propriétaire de serfs

L'ancien serf Bude en train de raconter comment on lui avait crevé les yeux

Un serf a eu des doigts coupés lorsqu'il confectionnait des cordes en cuir
 

Un serf avec des chaînes aux pieds, mendiait dans la rue et acceptant l'aumône d'une bonzesse

Un instrument de torture de la main

Un instrument pour enchaîner les pieds des serfs
 

Le serf Zhaxi a eu les tendons des pieds arrachés

Un instrument de torture pour serrer et coincer les doigts

Un clochard dormant dans la rue avec un chien comme compagnon

Un petit mendiant couchant à la belle étoile

Sangba, un lama pauvre qui demandait l'aumône a été sauvagement frappé par un propriétaire de serfs et il devint ainsi un infirme

Un instrument de torture pour crever les yeux
 
 
L'histoire du Tibet
 

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