A la recherche du moi…
Les chroniques du Bouddhisme
Nous sommes le vendredi 01 avril 2005
Chronique de la nonne Indavati
Chronique de janvier 2001
- A la recherche du moi, deuxième partie -
Queveut dire le Bouddha quand il enseigne, seul face aux autres religions(à cause de cela on l’a appelé anattavadi celui à la doctrine del’impersonnalité) qu’il n’y a pas de moi, alors que nous avonsl’impression de bien pouvoir le sentir ?
D’abord,il est utile de décrire les fausses compréhensions courantes du conceptdu non-moi Bouddhique: La vacuité ou le non-moi ne veulent pas dire queles choses autour de nous n’existent pas ou que nous n’existons pas.Nous existons et le monde extérieur existe aussi, mais pas de la façondont nous le pensons. Il existe sous forme d’unités de base quiapparaissent et disparaissent si rapidement qu’elles nous donnentl’illusion d’être permanentes (effet des images qui défilent à grandevitesse pour donner un film)
Lacompréhension du non-moi ne signifie pas non plus qu’on ne ressenteplus aucune émotion, qu’on ne ressente que du vide, qu’on perçoive quele monde est sans signification. Il y a une histoire Zen qui illustreces propos: Un élève vient à l’entrevue avec le maître et à laquestion, quelle vérité il a trouvée dans ses méditations, il répond:“tout est vide”. A ce moment, là le maître lui donne un claque et dit: “Et ça, c’est vide aussi ?”
Commentse traduit une réelle compréhension du non-moi dans la méditation?Certains ont l’impression que le corps est une marionnette ou un robot,d’autres ont l’impression en s’observant, de regarder quelqu’und’autre, en dehors d’eux (pare) ou que le corps et les pensées sontjuste des phénomènes apparaissant d’eux-mêmes comme dans la nature,qu’ils ne nous appartiennent pas (anatta). D’autres ressentent que lecorps ou les pensées sont vides de toute chose désirable (ritta) ouqu’elles sont inutiles (tuccha) parce qu’elles ne peuvent pas noussatisfaire. Ou bien on ressent le corps ou les pensées comme videsc’est à dire qu’elles ne forment pas un support, qu’elles n’ont pas desubstance, parce que les unités qui les composent sont tellementéphémères (suñña)
Mais avant d’arriver à cela, quelles perceptions du moi y a-t-il chez quelqu’un ?
Les êtres encore ignorants des 4 nobles vérités pensent que :
· le corps est identique au moi ou
· le moi possède un corps ou
· le corps est à l’intérieur du moi ou
· le moi est à l’intérieur du corps.
1°) le corps est identique au moi
C’est la conception de la majorité des gens, de ceux qui n’ont pastenté une démarche spirituelle. Quand ils disent : “ je marche, jem’assois, je dors, je mange, je fais ce que je veux ” ils parlent ducorps qui fait des mouvements, mais ils l’identifient à leur moi. Quandle corps marche, ils disent : “ je marche ” . Cela veut dire que poureux le corps est identique au moi.
2°) le moi possède un corps
C’est la vue de gens qui ont déjà eu une démarche spirituelle et quipensent que le moi est une sorte d’unité mentale, une sorte de forceinvisible qui utilise un corps, qui possède un corps, et qui change decorps d’une vie à l’autre. Selon le Bouddha, ceci est encore une faussevue, car dans ce cas on identifie le mental au moi. On pense : celuiqui est conscient, celui qui est témoin, celui qui observe c’est lemoi, c’est moi. Selon le Bouddha la conscience est simplement laconscience. Elle n’est pas personnelle, elle ne nous appartient pas.
3°) le corps est à l’intérieur du moi
C’est la vue que le moi est une chose mentale qui se diffuse dans lemonde entier, et pénètre toute chose. Le corps est contenu dans ce moicomme le sont les autres choses de notre environnement. Le moi seraitune sorte de conscience (universelle). Certains iront jusqu’à dire quecette conscience universelle, qui englobe le petit moi, est identiqueau Divin et même au nibbaana. Dans (samyutta 22:47) le Bouddha répondque même une sorte de conscience universelle serait encore incluse dansles cinq agrégats et donc elle ne peut pas être le moi. De plus, il aenseigné que le nibbana est également impersonnel et qu’il ne peut pasconstituer le « grand moi » ou le divin (sabbe dhammaa anattaa = toutce qui existe est impersonnel)
4°) le moi est à l’intérieur du corps
C’est la vue que l’âme, le moi sont localisés dans un endroit du corpscomme par exemple le cerveau, le cœur, le centre spirituel, un chakraetc. Les chrétiens disent que Dieu est en nous et les persans disentque nous sommes une étincelle du divin. Le Bouddha lui, enseigne qu’endehors des constituants du corps et du mental, il n’y a rien desupplémentaire qui correspondrait au moi. Si on reprend l’exemple de lavache, une fois découpée, chez le boucher, son corps est réduit enmorceaux. Notre esprit lui aussi peut être analysé en composantes,chacune impersonnelle. Si on décomposait maintenant un être en toutesces unités matérielles et mentales, il ne resterait plus rien que l’onpourrait appeler le “moi’’. Même la conscience est considérée comme unesimple composante. Elle est loin d’être éternelle, car en l’espace d’unéclair, elle apparaît et disparaît des millions de fois.
Résumé
Le Bouddha dit : “Ceux qui conçoivent le moi comme chose ou idée pensent tous qu’il correspond à un ou plusieurs des agrégats.”
Enclair, tous ceux qui conçoivent l’existence d’un moi pensent qu’il estidentique soit au corps, soit aux sensations et sentiments, soit à laperception, soit à l’intention, soit à la conscience.
Ou bien, ils pensent que le moi possède le corps, les sensations, la perception, les intentions ou la conscience.
Ou bien ils pensent que le corps, les sensations, la perception, les intentions ou la conscience sont à l’intérieur du moi.
Ou bien encore, ils pensent que le moi est contenu dans le corps, lessensations, la perception, les intentions ou la conscience.
Endehors de cela, il ne peut pas y avoir de conception du moi. Toutes lesidées du moi sont incluses ici. Or elles se rapportent toutes aux 5agrégats (le corps, les sensations et sentiments, la perception,l’intention et la conscience) Par de simples arguments, le Bouddha nousmontre dans le discours qui s’appelle anatta lakkhana sutta (samyuttanikaya XXII.59) que le moi ne peut pas être dans aucun de ces cinqagrégats.
“Sila forme (le corps) était le soi, ô moines, elle ne serait pas sujetteaux changements et l’on aurait la possibilité de dire : que mon corpsdevienne ainsi; que mon corps ne devienne pas ainsi.”
C’està dire que si le corps nous appartenait vraiment, nous devrions êtrecapables de le contrôler, de prolonger les plaisirs à volonté et dechasser les peines ou les maladies, voire la mort.
Or nous nepouvons pas maîtriser notre corps à ce point. Il est conditionné parnotre kamma, nos pensées, le climat et la nourriture et évolue selonces causes productrices. Car le corps n’est pas apparu une fois pourtoutes.
Il est reconstitué à chaque instant, car à chaque instant les unités de matière qui le composent se désintègrent.
Ce sont les 4 causes citées ci-dessus qui le façonnent et non pas notrecontrôle ou notre volonté. C’est pour cela qu’on dit que le corps estimpersonnel, qu’il n’est pas moi.
Demême, les sensations et sentiments, perceptions, pensées et laconscience obéissent à leurs propres lois et non pas à nos ordres :Choisissez-vous d’avoir une pensée ou celle-ci s’impose-t-elle à vous ?
Vous décidez par exemple : je vais m’asseoir pour méditer et vais me concentrer pendant 30 min sur une image visualisée.
Pouvezvous le faire ou l’esprit vous joue-t-il des tours en vagabondantailleurs dès la première minute ? De même, quand vous avez des penséesnobles qui vous font plaisir, pouvez-vous les faire durer oudisparaissent-elles en un instant ? C’est cela que le Bouddha appellele non-moi. Si ces pensées étaient vraiment les nôtres, elles devraientse plier à notre volonté. Prenez le cas de la prise de conscience d’uneimage.
Quatrecauses vont la conditionner : présence de lumière, présence d’unepersonne à la rétine intacte, présence d’un objet visible et attentionde la part de la personne. Si ces 4 causes sont présentes, la personnedoit voir l’objet. Elle ne peut pas dire : je ne veux pas êtreconsciente de cela. Elle peut modifier les conditions, ce qui rendra laconscience de l’image impossible, car la présence de toutes les 4causes est obligatoire, en se concentrant sur autre chose (absenced’attention) mais son ‘’pouvoir‘’ se limite à cela.
Quelquefois, quand vous êtes stressé ou fatigué, vous souhaitez peut être neplus rien voir, ne plus rien entendre, mais pouvez-vous le faire ? Nousdevons subir ; nous n’avons pas le contrôle sur le monde de nosperceptions. Si la conscience était le soi, ô moines, elle ne seraitpas sujette aux changements et on aurait la possibilité de dire àpropos de la conscience : Que ma conscience soit ainsi ; que maconscience ne soit pas ainsi.
Puisle Bouddha argumente : “Qu’en pensez-vous, ô moines ? Le corps (maisaussi les sensations et sentiments, les perceptions, les pensées et laconscience) est-il permanent ou impermanent?
’’ Les moines répondent : “Impermanent, ô Bienheureux.’’
Le Bouddha : “Si une chose est impermanente, est-elle pénible ou plaisante? ’’
Les moines répondent : “Pénible, ô Bienheureux.’’
LeBouddha : “Alors, donc, de ce qui est impermanent, qui est pénible,sujet au changement, peut-on, dire : Cela est mien, je suis cela, celaest mon moi ? ’’
Lesmoines répondent : “Certainement pas, ô Bienheureux.’’ Nous avons vuplus haut que le corps et l’esprit apparaissent et disparaissent trèsrapidement à chaque instant.
Si on comprend cette impermanence, on comprend aussi le caractère pénible et décevant de son corps et de son esprit.
Parexemple : on observe la respiration et les pensées qui apparaissent etqui disparaissent. On comprend que, du fait que tout apparaît puisdisparaît, il n’y a rien qui soit fiable, durable, sécurisant.
A n’importe quel moment tout peut disparaître, mourir. Cet état de chose est une souffrance et est effrayant.
Les bonnes choses disparaissent, même si nous ne le voulons pas et les mauvaises choses nous arrivent malgré nous.
Nousnaissons sans l’avoir demandé et nous mourrons, même si nous ne levoulons pas. Tout apparaît et disparaît à cause de conditions et nonpas parce que nous le voulons.
L’argumentdu Bouddha est : si aussi bien notre corps que nos pensées, nosémotions, notre conscience etc. sont impermanents, pénibles etdécevants et en dehors de notre contrôle, comment pouvons nous vouloirou considérer qu’ils soient “moi’’, “mon essence’’ ? Au contraire, nouscommençons à nous en détacher, parce que nous les trouvonsinsatisfaisants.
Audébut de la pratique, il y avait la recherche du moi que l’on a trouvénul part ; puis, lassé, on se détourne de tout ce qu’on croyaitessentiel et là seulement on parvient à l’Eveil : “Considérant leschoses ainsi, ô moines, le disciple sage réprouve et est lassé ducorps, réprouve et est lassé de la sensation, réprouve et est lassé dela perception, réprouve et est lassé de l’intention, réprouve et estlassé de la conscience.
Lorsqu’illes réprouve et en est lassé, il est sans désir. Lorsqu’il est ainsisans désir, il en est libéré. Lorsqu’il est libéré la connaissancevient: « Voici la libération » et il sait : « Toute naissance nouvelle estanéantie, la Conduite pure est vécue, ce qui devait être fait estachevé, il n’y a plus rien qui demeure à accomplir, il n’y a plus (pourmoi) de devenir.’’ (Traduction : Mohan Wijayaratana)
Elements biographiques : Soeur Indavati est pratiquante et enseignante reconnue du bouddhisme théravada